Les Héros de Rien (en cours)

By LeodeGalGal

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Souverain promis à la légende, Arthur veille sur le royaume de Bretagne en l'absence de ses chevaliers, parti... More

Préambule
Prologue
1. Un combat contre les ténèbres
2. Une rencontre en sous-sol
3. Un roi qui obéit à plus sage que lui
4. Une nuit riche en mystères
Première partie : Tu n'es plus une légende
5. Escapade
6. Séquestration
8. Relâchement
9. Stupeur
10. Ravitaillement
11. Esquives
12. Contact
13. Retraite
14. Confidences
15. Palabres
16. Préparatifs
17. Opportunité
18. Communion
19. Confusion
20. Perte
Deuxième partie : Être ou le néant
21. Secouru
22. Guidé
23. Déçu
24. Errant
25. Encerclé
26. Captif
27. Replié
28. Stoïque
29. Réconforté
30. Indécis
31. Ambivalent
32. Déterminé
33. Soutenu
34. Entraîné
35. Averti
36. Prêt
Troisième partie : Le Bref Retour du Roi
37. Nina
38. Nina
39. Nina
40. Nina
41. Alex
Quatrième partie : Dix petits héros (et quelques déesses)
42. Sleeping Beauty
43. Kiss of the Spider Woman
44. True Lies
45. Sense and Sensibility
46. Short Cuts
47. Gladiator
48. Face/Off
49. Interview with the Vampire
50. Close Encounters of the Third Kind
51. A simple plan
52. The Help
53. Into the wild
54. About a boy
55. Basic Instinct
56. Behind Enemy Lines
57. Labyrinth
58. O Brother, where are thou ?
59. Mission Impossible : Ghost Protocol
60. There will be blood
61. Live and let die
62. Fast and Furious

7. Sursaut

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By LeodeGalGal

Morgane leur fit gravir trois étages. La lumière chiche dévoilait une cage d'escaliers étrangement nue, des marches de pierre d'une régularité stupéfiante, comme taillées dans un même bloc, une rampe noire, en métal, ferme sous leurs mains.

Une tour, songeait Arthur, en suivant son compagnon de misère.

Son flanc l'élançait, son souffle sifflait entre ses lèvres sèches. Si la brume du maléfice l'avait déserté, ses tempes lourdes pulsaient de fatigue et d'horreur.

De temps en temps, à la faveur d'un tournant, il croisait le regard d'Hector et lisait l'inquiétude dans ses yeux noirs et les plis de son front. Chaque pas semblait les éloigner irrémédiablement de leur foyer, des combats qu'ils avaient à mener, du destin formidable qu'il leur avait été promis.

Merlin me trouvera. Mes chevaliers se mettront en quête. Leur roi ne restera pas prisonnier.

Car c'était ce qu'il était. Captif et impuissant.

Résister à l'impulsion de se retourner pour étrangler la diablesse qui le suivait lui parut un moment impossible.

— Tu as fort mal ?

Sa question imprévue coupa tout élan belliqueux. Son ton lui rappela instantanément leurs jeunes années, à Tintagel, quand elle avait dix ans, qu'il en avait cinq, qu'elle le dorlotait encore à ses heures, s'inquiétait de ses plaies et bosses, de l'état de ses vêtements, de la propreté de ses mains.

— Ça va, grommela-t-il.

Sans doute aurait-il répondu exactement de la même manière, vingt ans plus tôt.

Vingt-cinq ? Trente ? Davantage ?

Quoi qu'il en soit, il demeurait un jeune coq. Elle le lui avait dit cent fois.

Hector s'était immobilisé sur un palier, devant une porte marquée d'un chiffre 3 à l'encre noire. Arthur songea au A qui avait orné le passage secret et frémit. Ce symbolisme devait être chargé de pouvoir.

— On sort, on part à droite. C'est au bout du couloir, expliqua Morgane.

Hector s'exécuta sans rien dire. Ils débouchèrent dans un conduit obscur, bordé de nombreuses portes. Un lourd silence planait, comme s'ils étaient à l'intérieur d'un caveau enfoui. Des points de lumière verte, placés à intervalles réguliers, permettaient de se repérer.

— Placez vous contre le mur, ordonna la jeune femme d'une voix sourde. Face contre le mur. Je veux voir vos mains, à plat, tous les deux. Je voudrais croire que vous n'allez pas faire n'importe quoi mais... ah... quelle imbécile.

Hector avait déjà obéi. Arthur l'imita à contrecoeur, tout en lui lançant des regards aigus. Mais le visage du général étranger ne reflétait rien que l'ombre. Morgane se glissa derrière eux pour atteindre la porte. Elle brandit son flacon vers eux tout en se détournant pour introduire une clé dans la serrure. Arthur entendait le souffle ample de son compagnon, devinait la tension de ses muscles. Il était prêt à agir. Il allait agir. Le moment était venu.

Un cliquetis retentit quand la serrure se débloqua. Au moment où Morgane poussa la porte, Hector bondit sur elle, Arthur dans la foulée.

— Bonjour Nina, annonça une voix féminine, enjouée.

Des lumières étincelantes jaillirent de toutes parts, éblouissant Arthur, tandis qu'un sifflement aigu retentissait quelque part. Hector poussa un cri de stupeur, de douleur, et percuta le jeune roi, qui heurta le mur avec fracas.

— MERDE, ABRUTI ! s'exclama Morgane.

Arthur se sentit attrapé par l'épaule, tiré vers l'avant, puis il tomba sur les genoux et il entendit la porte claquer dans son dos.

— Je suis désolée que vous soyez contrariée, continua la voix féminine, inconnue. Voulez-vous en parler ?

— Pas maintenant, Witch ! s'exclama Morgane.

— Comme vous voudrez.

Arthur reprenait ses esprits. L'air était suffoquant, ses yeux le piquaient, son souffle brûlait dans sa poitrine, son flanc irradiait d'une souffrance inédite, mais la douleur faisait partie d'une vie de chevalier. Il se remit debout en protégeant son visage d'une main. Hector était appuyé contre un mur, les paupières gonflées, les joues striées de larmes, les lèvres serrées sur un cri qu'il refusait de lâcher.

Aveugle, Arthur le comprit tout de suite.

Par réflexe, il se positionna devant lui, pour le protéger de son corps contre l'assaut qui ne tarderait pas à venir.

Mais Morgane s'agitait dans la pièce – petite pièce, qui ressemblait à une salle de vie, table, chaises, quelques fauteuils, une bibliothèque, tous de formes étranges – sans leur prêter attention. Elle avait écarté les rideaux et ouvert les fenêtres, comme pour chasser l'atmosphère viciée. Ses yeux larmoyaient sous son masque, qu'elle retira d'un geste rageur.

Morgane, en effet. Furieuse et défaite.

— WITCH ! s'exclama-t-elle.

Une lumière bleue se mit à palpiter au sein même des murs.

— En quoi puis-vous aider, Nina ? survint la voix féminine.

— Sur du spray PFP, on met de l'eau ?

— En cas de déchargement d'un spray PFP dans un environnement clos...

— Dans les yeux, Witch. S'il y en a dans les yeux !

— Rincer les yeux sous l'eau courante pendant au moins cinq minutes... Laver la peau, idéalement à l'aide d'une solution grasse, comme une lotion démaquillante... Évacuer les locaux...

— Lance le programme d'assainissement d'air, Witch, merci.

— Avec plaisir, Nina.

La lumière bleue s'estompa et un léger bruissement se fit entendre, accompagné d'une brise fraîche. L'air contaminé par le poison sembla s'alléger. Arthur demeurait figé, incertain de la conduite à tenir.

— Il a besoin d'eau, sur le visage, expliqua Morgane au jeune roi. Vas-tu le laisser souffrir ?

— Sorcière, souffla Arthur.

— Détection d'une nouvelle entité, intervint la voix désincarnée. Faut-il lancer la calibration ?

— Surtout pas, grogna Morgane. Merci, Witch.

La lumière bleue s'éteignit. Arthur chassa les larmes qui lui embuaient le regard d'une paume nerveuse. Ses orbites l'élançaient et il peinait à garder les paupières ouvertes.

— Laisse-la me soigner, Arthur, intervint la voix rauque d'Hector. Elle est maudite mais pas mauvaise. Ensuite, nous discuterons.

Arthur se tourna vers le prince troyen. Il avait triste allure, les traits écarlates et gonflés, les yeux réduits à l'état de fente.

— Vous ne la connaissez pas aussi bien que moi, souffla le jeune roi. Sa vilénie n'a pas de limites.

— Tu te trompes. Je reconnaîtrais sa voix d'entre toutes. Cassandre ment, mais elle reste ma soeur, ma famille. Ses intentions ne sont perverses que parce qu'elle se trompe, pas parce qu'elle nous veut du mal.

— Vos oreilles vous trompent, mon prince. Il ne s'agit pas de Cassandre mais bien de ma soeur Morgane.

— C'est Cassandre. Je m'en doutais depuis un moment.

Arthur fit volte-face, indécis. Cette femme maléfique pouvait-elle être à la fois sa soeur et celle d'Hector ? Hector était-il son frère ? À qui mentait-elle ?

La jeune femme soupira.

— Est-ce qu'on peut discuter de tout ça ensuite ? proposa-t-elle. Il a besoin de soins, d'urgence. Sinon il pourrait y perdre la vue.

Argument massue, Arthur s'esquiva.

La jeune femme passa devant lui en le surveillant de ses yeux verts – Morgane n'avait-elle pas des iris violacés ? – puis saisit le prince troyen par le poignet.

— Par ici. Abruti.

— Tu m'as empoisonné, gorgone.

— Tu m'as agressée, imbécile. Je t'avais dit de te tenir tranquille.

Elle le remorqua vers une pièce voisine. D'abord hésitant, Arthur leur emboîta le pas, soucieux de ne pas laisser son allié seul avec leur étrange ravisseuse. Malheureusement, la salle où elle entraîna le blessé était trop exiguë pour qu'ils y entrent tous trois, et le jeune roi fut contraint de rester sur le seuil. Plusieurs vasques en porcelaine, de tailles variées, s'échelonnaient le long des murs. Morgane mena Hector vers la plus grande et exigea qu'il s'accroupisse. Ensuite, elle créa de l'eau à partir d'une corde argentée, et lui dirigea le jet vers le visage.

— Garde les yeux ouverts. Ça va passer.

Elle tapota ses cheveux noirs et bouclés d'un geste familier qu'Arthur trouva insultant, mais Hector ne broncha pas. Morgane releva les yeux vers Arthur et lui adressa un sourire contrarié.

— Ça n'aurait pas dû se passer comme ça, murmura-t-elle, à moitié pour elle-même.

Elle étouffa un bâillement dans le dos d'une main, puis épongea ses propres yeux rougis. Le poison n'avait guère épargné sa détentrice.

— Arthur. J'en appelle à ton sens de l'honneur, déclama-t-elle soudain, d'un ton qui capta aussitôt l'attention du jeune roi. Jure-moi que tu ne tenteras rien contre moi tant que nous n'aurons pas eu de palabre. Fais-moi la promesse solennelle que tu surveilleras les initiatives mal inspirées d'Hector.

Ce dernier la gratifia d'un geste qu'Arthur ne connaissait pas, mais devina malséant.

— Jure-le moi sur ton honneur et... en échange, je... serai magnanime.

Comment osait-elle ?

— Je promets de tout vous expliquer. Ensuite, vous jugerez. Mais là, il est tard, j'ai faim, j'ai sommeil, et, pour dire vrai, je ne sais même pas par où commencer.

— Qui êtes-vous ? gronda Arthur.

— Si je te le dis, tu promettras ?

Il ne répondit rien. Elle avait perdu son poison en route, mais tout un tas d'instruments sinistres reposaient autour de la vasque à sa droite, dont il ne connaissait pas l'usage. S'il se ruait sur elle, Dieu sait ce qu'elle infligerait à Hector. Sans compter qu'il y avait cette voix désincarnée, un esprit servile à sa botte, dont les pouvoirs restaient indéterminés.

— Je ne suis pas ta soeur Morgane, annonça la jeune femme. Je lui ressemble très fort, c'est vrai, mais ce n'est pas moi. Je n'ai pas d'intentions mauvaises. Ni envers toi, ni envers lui. Je te le jure.

Elle posa la main sur son sein droit, puis la leva en une paume offerte.

— Je le jure devant Dieu, ajouta-t-elle, la voix à nouveau solennelle.

Arthur ne savait pas s'il pouvait lui faire confiance. Hector n'était d'aucune aide, glougloutant sous son jet d'eau. Leur ravisseuse bâilla à nouveau.

— Je promets sur mon honneur, et devant Dieu, de ne rien tenter contre vous... avant d'avoir eu cette conversation.

La jeune femme se fendit d'un sourire.

— Merci, Arthur, je n'en attendais pas moins de toi.

Puis, sans plus attendre, elle se faufila derrière Hector, passa devant lui et retourna dans la salle par où ils étaient entrés. Muselé par sa promesse, le roi de Bretagne la laissa s'éloigner et demeura planté comme un chêne – ou était-ce un roseau ? – dans l'étroit couloir.

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