En dévalant les escaliers, je manquais de m'étaler sur le carrelage. Je n'arrivais pas à y croire que Damien m'avait de nouveau appelé par ce nom bizarre. Il fallait absolument que j'en apprenne plus sur ce nom.
Aiquesh.
Je pris une grande bouffée d'air frais afin de me remettre des émotions qui venaient me submerger l'esprit. La rue était sombre et froide. Les néons des lampadaires vacillaient par moments projetant des ombres étranges et préoccupantes sur le sol. Un lourd silence s'était installé dans cette atmosphère pesante. Je regardais autour de moi tentant de repérer des énergies dangereuses, mais je ne vis que des silhouettes sombres et une rue vide. Une légère bourrasque de vent se leva du sol soulevant quelques mèches de mes cheveux. Soudain, un bruit étrange se fit entendre derrière moi et je me retournai brusquement. Rien. Ma respiration devint de plus en plus profonde et je poursuivis mon chemin en accélérant mon pas. Mes talons de mes bottines claquaient sur les pavés irréguliers de l'allée. Je n'arrêtais pas de repenser à ce que m'avait dit Damien sur le faite que les démons n'étaient en rien responsable des meurtres qui terrifiés toute la communauté surnaturelle. En déambulant dans la ville, je décidais de m'asseoir un moment sur une marche d'un petit immeuble, me perdant dans mes pensées. Après quelques minutes à égarer mon esprit je ne savais où, un klaxon retentit au loin et les phares d'un S.U.V noir se gara juste devant moi. Le conducteur descendit en laissant le moteur allumé, puis je me redressais en moins d'une seconde, le cœur battant la chamade.
« Léonie ?! Mais qu'est-ce que tu fais toute seule dans la rue ? Demanda mon père en m'enlaçant de toutes ses forces.
— Rien, je... Je voulais prendre l'air pour m'aérer l'esprit.
— Pourquoi ? Que se passe-t-il Léo ? Tu es inquiète par rapport aux meurtres ? Questionna Thanatos d'une voix apaisante.
— En partie, oui. Mais ce n'est pas pour cela que je suis... Enfin bref, oublis... »
Je le suivis vers la voiture et ouvris la portière. Avant de m'installer, je finis par lui avouer ce qu'il me tracassait.
« Depuis quelques jours, Damien n'arrête pas de m'appeler par un nom bizarre et imprononçable. Il me nomme Aibe.. Aiesh. » Hésitai-je en baissant les yeux de honte.
Il me fixa en écarquillant les yeux de colère et de surprise.
« Attends une seconde ! Tu as revus ce monstre ?
— Oui, mais...
— Il n'y a pas de "mais" Léonie ! Je t'ai ordonné de ne plus le revoir ! J'arrive pas à le croire. Tu veux de nouveau te retrouver entre ses griffes ? Gronda mon père en claquant la portière conducteur.
— Non... » Répondis-je en baissant la tête.
Mon père tourna brusquement la tête dans ma direction et m'ordonna de monter au plus vite dans la voiture. Son regard était sombre et obscure. Je sentis qu'il me transperçait l'âme.
***
Durant le trajet jusqu'à la maison de mes parents, je ne décrochais pas un mot. Le visage de ce dernier était concentré sur les feux de circulation. La voiture avançait silencieusement dans la nuit, éclairée uniquement par les phares qui s'étendaient sur la route. Le bruit régulier du moteur se fit entendre, ainsi que le léger sifflement du vent qui s'engouffrait dans les interstices de la carrosserie. Mon père était concentré sur la route, scrutant l'horizon à la recherche de tout danger potentiel. Ce que Thanatos appelait « danger » c'était les démons qui pouvaient rôder dehors à cette heure-ci. J'étais plongée dans mes pensées, regardant par la fenêtre les paysages nocturnes défiler sous mes yeux. Tessa, qui était assise sur l'un des sièges arrière, passa sa main sur l'épaule de mon père pour tenter de calmer la colère qui grandissait en lui.
« Tu as mangé Léo ? Demanda Tessa en brisant le silence pesant qui s'était installée depuis le début du trajet.
— Euh... non pas vraiment. J'ai grignoté des chips et des tartines de pains au fromages chez...
— ...chez ce... démon ?! Cracha mon père comme une insulte.
— Than, chéri ne t'énerve pas. Soupira Tessa qui s'était redressé du siège.
— Que je ne m'énerve pas ?! Tessa, je t'en pris ! On vient de récupérer Léonie chez un cafard aux yeux noir. Ah... non, je me rectifie, le sale cafard aux yeux noirs. »
Je me retournai vers lui pour rétorquer quelque chose, mais je me ravisais rapidement lorsque je croisais son regard. Je savais que j'avais une énorme erreur en me pointant chez Damien en plein milieu de la nuit, mais il fallait que j'ai des réponses. Un long soupir d'agacement s'échappa de ma bouche et je me reconcentrais sur le paysage sombre et froid de la route. Par moment, les lumières surgissaient au loin, annonçant la ville de Sainte-Soulle. Les lampadaires se succédèrent alors, projetant des ombres mouvementées sur la route, comme autant de fantômes éphémères. les peu de voitures qui croisèrent notre chemin, illuminaient brièvement l'habitacle. Le bruit de leur passage se perdaient rapidement dans le silence de la nuit. Le trajet se poursuivit sans encombre et dans un silence de plomb. La fatigue commençait à se faire sentir, mes paupières devinrent lourdes et un voile noir s'installa devant mes yeux.
***
La voiture arriva à destination et mon père coupa le moteur. Un profond silence s'installa, rompu seulement par le bruit de notre respiration. La lune commençait progressivement sa descente vers le centre de la Terre, laissant place au soleil. À la seconde où mes pieds touchèrent le gazon, je ressentis une énergie que je connaissais bien.
« On attend quelqu'un ? Questionnais-je en ouvrant la porte d'entrée.
— Bien sûr que vous attendez quelqu'un. Dit la voix d'une femme que je reconnaissais bien.
— Gloriel ! »
Le céleste qui se tenait face à moi m'enlaça. Thanatos déposa sa veste sur le porte-manteau puis nous rejoignit dans le salon. Tessa, quant à elle, sortait les restes d'une quiche aux légumes du frigo. Je m'installai sur le canapé, un peu gêné par la présence de l'ange. J'étais certaine qu'elle savait à quel endroit je me trouvais il y a une heure. Mon père venait de s'approvisionner en canettes de bière et de les déposer sur la table basse. Mon visage était toujours baissé.
« Que nous vaut cette visite Gloriel ? Questionna mon paternel en s'installant sur le canapé se trouvant à ma gauche.
— Je pense que tu sais très bien pour quelle raison je suis ici Thanatos. » Répondit-elle en pointant son regard sur moi.
Ma poitrine m'oppressait et j'avais des difficultés à respirer. La honte me submergea et de léger tremblements commençaient à apparaître. Le bruit des assiettes s'entrechoquer à leur contacte avec la table de la salle à manger, nous sortit de ce silence.
« Je pense qu'il est temps d'aller manger... » Annonçai-je en me levant du canapé.
Le bras de mon père me bloqua net et je manquais de tomber sur le carrelage. Je me retournais lui faisant face en le fixant dans les yeux.
« N'essaye pas de changer de sujet Léonie et dit plutôt à Gloriel ce qu'il s'est passé ce soir ! »
L'ange en question s'installa sur le tabouret qui se trouvait à côté de la table basse avant de prendre sa tête dans ses mains. Elle soupira longuement avant de redresser sa tête et de me poser la question fatidique.
« Pourquoi ?
— Pourquoi quoi ?
— Tu sais très bien de quoi je veux parler Léonie, ne me prend pas pour une idiote. Répond à ma question. Dit-elle d'un ton sévère.
— Il fallait que j'ai des réponses à toutes mes questions. Expliquai-je les yeux larmoyants.
— Quelles questions ? Demanda mon père.
— Pourquoi les démons attaquent nos amis, pourquoi Damien est revenu sur Terre, comment il m'a retrouvé et pourquoi il m'appelle par ce nom !
— Comment ça ? Quel nom ? Questionna mon père intrigué.
— Aiquesh. » Soufflai-je en versant quelques larmes sur les joues.
Le bruit du verre qui s'explosa sur le sol nous fit sursauter. Nous nous tournions vers Tessa qui venait de faire tomber le plat de spaghettis à la carbonarra.
« Cet saleté de démon t'as appelé comment ? Dit Tessa en s'abaissant pour rattraper les morceaux de verres.
— Aiquesh. Pourquoi cette question ? Demandai-je.
— Pour rien Léonie. Oublie cette histoire, veux-tu ? » Annonça Gloriel en se levant pour aller aider Tessa.
Je me retournai vers mon père et le regardai fixement en attendant une réponse de sa part.
« Il t'a dit à quoi ce nom correspondait ?
— Oui, c'est la traduction démoniaque de "mon amour" ou un truc dans le genre.
— Ah oui ? Il est malin en plus d'être con. » Répliqua mon père en esquissant un sourire en coin.
Il se leva et alla chercher sa veste accroché sur le porte mentaux à l'entrée. Il s'empara de sa petite sacoche et claqua la porte lorsqu'il quitta la maison. Qu'allait-il faire ? Deux solutions possibles. Soit il allait acheter des burgers dans une nouvelle chaîne qui venait de s'installer à la sortie de la ville ; soit il allait retrouver Damien pour le tuer une bonne fois pour toute. Personnellement, je préfèrerais la première idée.