Quand Théodonice et moi-même arrivions au croisement des rues Chaudrier et Dupaty, les gyrophares bleus et rouges illuminaient les ruelles adjacentes. Un soupir de soulagement s'échappa lorsque je reconnus la voiture de service de Ben, l'Alpha du clan des loups-garous.
« Ben ! » Interpella Théodonice en s'approchant de son coéquipier qui était assit sur le bord du trottoir.
Ce dernier fit volte-face en reconnaissant la douce voix de la banshee. Ses yeux, habituellement marron, luisaient d'un jaune vif lorsqu'il m'aperçut derrière Théodonice. Nos regards se croisèrent et je baissai mes yeux de honte. Je percevais sa colère à travers eux. Un petit nuage de fumé s'échappait de ses narines et de sa bouche lorsqu'il expira l'air frais de la nuit.
« Que s'est-il passé ? Demanda Théodonice en s'emparant du bras de Ben pour le forcer à se détendre.
— Tu n'as cas poser cette question à ta faucheuse. Cracha-t-il sans pour autant me quitter du regard.
— Je peux savoir pourquoi tu penses qu'elle a quelque chose à voir dans cette histoire ? Et puis, pourquoi n'es-tu pas avec le reste de la meute ? C'est la pleine lune et...
— ...je sais très bien que c'est une pleine lune Théodonice, je ne suis pas encore imbécile ! » Cria-t-il en tentant de retrouver une respiration plus régulière.
Il ferma les yeux et souffla longuement afin de se calmer. Je ne savais pas pour quelle raison ce loup-garou pensait que j'étais responsable de quoi que ce soit dans cette histoire. Je détournai la tête vers l'entrée lorsqu'une puissante odeur de sang me parvint au nez. Elle provenait de la cathédrale. Mes narines se plissèrent, ainsi que mes sourcils, en percevant une odeur familière.
Du soufre.
Je rêvais. C'était la seule explication possible à cela. Les démons y étaient pour quelques chose, c'était une certitude. Je laissai Théodonice avec Ben, puis m'avançai prudemment vers le hall de la cathédrale. Lorsque je pénétrai, je ressentis l'énergie de Béatrix et Arthur, le Chef des Collums. Notre secrétaire était vêtue d'un jean noir déchiré aux genoux et d'un pullover avec de grosses rayures rouge bordeaux. Elle était assise sur les marches qui permettaient l'accès à l'autel. Ses long cheveux châtain étaient lâchés et de grosses boucles retombaient sur ses épaules. Son visage était plongé dans ses mains et son corps tremblait dû aux lames qui s'engouffraient dans les creux de ses dernières.
« Bé... Béatrix ? »
La vampire redressa la tête dont ses yeux étaient d'un rouge vif et ses paupières boursouflées, puis me pointa l'autel du bout du doigt. Je détournai mon regard sur ce dernier et vis le corps d'une jeune femme dont ses bras pendaient de part-et-d 'autres. Lorsque je gravis les quelques marches qui me séparaient d'elle, je remarquai de nombreuses lacérations au niveau de ses membres. Des tâches de sang séchés se trouvaient sur le sol dû aux entailles de la jeune femme qui était allongé sur l'autel, dur et froid. Le claquement des talons de Béatrix me fit revenir à la réalité et je lui fis face.
« Que s'est-il passé ici ?
— Ce n'est pas assez explicite pour toi Léonie ? » Railla-t-elle en me pointant le centre de la cathédrale du doigt.
Je suivis l'endroit qu'elle m'indiquait. En effet, il y avait un trou d'au moins un mètre de diamètre au beau milieu de cette magnifique cathédrale. Je ne l'avais pas remarqué tellement j'étais obnubilée par le cadavre de la femme sur l'autel. Je ne comprenais plus rien. J'essayais de rassembler le plus d'éléments pour tenter de comprendre quelque chose à ce bordel. Je m'accroupis pour toucher l'une des gouttes de sang qui se trouvait à mes pieds, puis j'amenai mon doigt à mes narines afin de sentir à quelle race appartenait cette défunte.
Vampire.
Si je rassemblais tous ces meurtres, je pourrais certainement trouver le ou les coupables. Je rejoignis Béatrix, qui était toujours debout face à l'autel et lui posai une question.
« Dis-moi, qui était cette vampire ?
— Kalia.
— Ka... Kalia ? » Hésitai-je en prononçant son prénom.
La suceuse de sang face à moi acquiesça en essuyant ses larmes du revers de sa manche.
« Très bien. Qui c'était ? Je veux dire pour les Collums ?
— C'était la fille d'Arthur. C'était notre héritière, notre lumière, notre amie...
— Est-ce que vous savez qui a fait ce massacre ? » Demanda un homme dont sa peau était pâle.
Avec son pantalon en coton gris souris et une chemise blanche dont le haut n'était boutonné laissant apercevoir une légère partie de son torse, il incarnait l'homme d'affaire à la perfection. Ce dernier s'approcha de Béatrix et l'enlaça dans une étreinte un peu forcé. J'ignorais qui il était, mais je n'allais pas le laisser filer.
« Qui êtes-vous ? Questionnai-je voyant qu'il n'avait pas répondu à mon interrogation.
— Je pourrai vous retourner la question. Me fit-il remarquer.
— Et bien, je pense qu'il serait plus judicieux que vous répondiez lorsqu'une femme vous pose une question...
— Ça suffit Elijah ! S'énerva Béatrix en l'attrapant par le bras. Elle n'a rien à voir là-dedans. »
Il se retourna face à elle, ses dents blanches et pointues bien en évidence. Béatrix se courba et baissa la tête, comme si elle venait de faire une grosse bêtise. J'arrivais à percevoir la peur qui se dégageait de son énergie. Lorsqu'Elijah me fit face, je ne lui laissais pas le temps de placer un mot et j'en profitais pour répondre à sa question.
« Non... Je veux dire... Bégayai-je.
— Que voulez-vous dire ? Demanda Elijah.
— Je ne sais pas qui est à l'origine de ce meurtre. Je n'en ai aucune idée. Mentis-je en sachant très bien que les démons y étaient pour quelque chose.
— Vous savez que vous ne savez pas mentir faucheuse.
— Que... Quoi ? M'exclamai-je d'effrois.
— Vos battements de cœur ont accélérés lorsque vous m'avez donné une réponse. Nous sommes des vampires et par conséquent nous avons un excellent ouïe. C'est grâce à cela que nous savons si nos proies sont terrifiés ou non. Expliqua-t-il en bombant son torse.
— Oui, je sais très bien ce qu'est un vampire. Je fais moi aussi partie du monde surnaturel. » Rétorquai-je avec fiereté.
Une femme devant l'entrée de la cathédrale m'interpella et je la rejoignis en accélérant mes pas. J'ignorais ce que me voulait l'ange mais j'en mettais ma main à couper que c'était en rapport avec Damien.
« Léonie, est-ce que c'est ce que je crois ?
— J'en ai bien peur, oui. Je pense que tous ces meurtres n'étaient pas un hasard.
— Comment ça ? Questionna mon père qui nous avait retrouvé après avoir fait quelque prélèvement.
— Je pense qu'il s'agit d'un sacrifice.
— Un sacrifice ? Un sacrifice pour quoi ?
— Pour libérer des créatures horribles et odieuses sur Terre. En fait, tout ce que m'a dit Damien est bien réel. Quand on avait discuté, il m'a...
— Attends ! QUOI ?! Tu as parlé à cette ordure ?! Il t'a touché ?! » S'exclama Thanatos d'effroi.
Je ne préférais pas répondre afin de ne pas affronter mon père sur ce sujet-ci et me tournai vers Gloriel pour poursuivre mon analyse.
« Damien m'a dit que les démons préparaient une sorte de rituel pour libérer de puissants démons.
— Qui ça ? Interrogea Gloriel.
— Je ne sais pas, il ne me l'a pas dit. Mais il m'a annoncé que quelque chose de gros se préparait et que j'étais la seule à pouvoir l'en empêcher. Expliquai-je.
— C'est pas vrai... Marmonna mon père dans sa barbe. Il fallait bien que ça arrive un jour Gloriel.
— Oui, mais ce n'est pas le moment Thanatos, il faut...
— De quoi est-ce que vous parlez tous les deux ? Je vous signale que je suis toujours là et que je ne suis pas sourde au dernière nouvelle. Je veux des réponses.
— Plus tard Léonie, c'est trop tôt.
— Trop tôt pour quoi papa ?!
— Non. Pour rien.
— Ah non, non, non ! Tu ne vas pas te défiler une autre fois. Je vois bien que tu es bizarre depuis quelques semaines, tu me surveilles encore plus que d'habitude et ça m'énerve. Alors dites-moi ce qu'il se passe. » Raillai-je en posant mes poings sur mes hanches.
Thanatos se retourna vers moi et m'agrippa l'épaule afin de m'entraîner à l'angle de la rue, loin des regards vicieux.
« Je te dirai tout en temps voulu, Léonie. Je te le promets. Mais pour le moment, il faut que l'on se concentre sur ces meurtres. »
Je restais bouche bée à son annonce. Il me laissa, seule, afin de rejoindre le reste du groupe. Avant de tourner à l'angle de la rue, il m'annonça quelque chose d'intéressant.
« Je sais très bien que les démons y sont pour quelque chose dans ces meurtres. Je veux que tu continues à voir Damien pour lui soutirer des infos. »
J'étais entrain de rêver. Il y a quelques jours mon père refusait que je croise le regard de ce démon et maintenant, il voulait que je le demande en ami sur Instagram ? Mon esprit se brouilla et ma tête tournait. Je me soutenais à mur en pierre afin de m'aider à m'asseoir sur le trottoir. Je fermais les yeux et essayer de faire le vide dans mon esprit.
***
Après être passé au bureau des Pompes Funèbres, je longeais la rue pour atteindre mon immeuble. La nuit l'enveloppait d'une obscurité mystique. Les réverbères éclairaient faiblement le pavé, jetant des ombres dansantes sur les murs de pierre. Sur le chemin, j'entendis une voix familière dans le renfoncement d'une allée dissimulée entre deux bâtiments. Je m'approche en essayant de faire le moindre bruit et m'adossais contre le mur. Gloriel, l'ange aux ailes resplendissantes, était en pleine conversation animée avec Aniel, un autre ange au visage impassible. Leurs voix s'élevaient comme un murmure mystérieux dans l'obscurité. À entendre leur conversation, il s'agissait d'une dispute. Je tendis l'oreille afin de ne louper aucune information. J'étais sur le point de rentrer chez moi, le froid de novembre piquant dans l'air, quand une voix étouffée m'attira vers un coin sombre.
"Gloriel, s'il te plaît. Tu ne peux pas me l'interdire. Railla un homme dont la voix était enrouée.
— Si et je peux faire bien plus !
— Ah oui ? J'attends de voir ça alors ma chère.
— Arrête de la suivre. Elle a assez de choses à gérer comme ça.
— Je ne suis pas ta petite faucheuse. Ce n'est tout de même pas de ma faute si on se croise."
L'homme avait l'air d'être pris au dépourvu. Visiblement il ne comprenait pas les repproches de Gloriel.
"Aniel, tu n'as pas le droit de faire ça ! C'est contraire à nos principes ! s'indigna Gloriel.
— Michael m'a dit que c'était nécessaire. Elle court un grand danger et la Pierre de Lune est la clé pour la protéger et lutter contre les démons." Répliqua Aniel, imperturbable.
Écoutant cette conversation occulte, j'étais pétrifiée. Michael, l'archange, aurait donné un ordre pour me protéger ?
"Tu te moques de moi Aniel ? Ce n'est pas possible. J'ai eu une discussion avec Michael pas plus tard qu'hier. Si cetait le cas, il men aurait informé. Apres tout, c'est moi qui suis chargé de sa protection.
— Je suis d'accord avec, mais je ne sais pas quoi te dire.
— Et puis, le soir de l'accident, quand elle a récupéré les dossiers, tu la rejoins devant les ascenseurs.
— Ça c'était une coïncidence Gloriel.
— Ah oui ? Vraiment ? Et la fois où tu t'es introduit chez la banshee pour voler la Pierre de Lune, ça aussi c'était une coïncidence ? Révéla Gloriel.
— Michael m'a contacté pour me dire qu'il fallait absolument protéger cette pierre, au risque que les démons la trouvent. Je te rappelle que c'est ce qu'il s'est passé.
— Tu vas me faire croire que tu as simplement obéis aux ordres de ton Patron ? Toi ? Tu te moques de ce qu'il te dit en général. Pourquoi le ferais-tu aujourd'hui ?
— C'est exact et il faut bien changer un jour."
Qui était cet homme ? Que voulait-il ? Aniel avait volé la Pierre de Lune chez Théodonice, ma meilleure amie. Comment tout cela était-il possible ? Tant de questions qui restaient en suspens dans ma tête. J'essayais de me rapprocher un peu plus d'eux pour en écouter davantage. Le froid commençait à se faire ressentir à travers mon corps et les feuilles mortes tournaient autour de moi. Alors que le vent commençait à souffler, je ne pus retenir un éternuement. Les deux anges tournèrent la tête dans ma direction. Mon cœur s'emballa.
"Qui est là ?" demanda Gloriel, son regard cherchant dans l'obscurité.
Sachant que j'étais découverte, je sortis de ma cachette.
"Gloriel." dis-je, cherchant des explications dans leurs regards.
Gloriel se tourna vers moi, son expression mélangeant surprise et inquiétude.
"Léonie. Je te présente Aniel, c'est un vieil ami. Il va partir. déclara-t-elle.
— Bonsoir Léonie. On s'est croisé plusieurs fois, mais nous n'avons jamais eu l'occasion de se voir en bonne et due forme. Salua Aniel.
— Oui c'est vrai. Maintenant que tu l'as vue et qu'elle sait qui tu es, tu vas pouvoir t'en aller. Ordonna Gloriel.
— Pourquoi ? Je viens à peine de le rencontrer. Dis-je.
— Il s'apprêtait à partir.
— Qui est-ce ? Un ange ?"
L'ange laissa échapper un long soupir voyant que je n'allais pas lâcher le morceau.
"C'est un vieil ami, rien d'autre. Nous avions des comptes à régler, et maintenant que c'est fait il part."
L'ange en question acquiesça et quitta la rue. Gloriel attendit qu'il tourne avant de s'approcher de moi, son expression assombrie.
"Que se passe-t-il Gloriel ?
— Léonie, tu es en danger. Aniel n'est pas aussi loyal qu'il le prétend. Sois prudente."
Le froid de la nuit semblait avoir trouvé un écho dans mes os, et je réalisai que quelque chose de bien plus sombre planait au-dessus de moi que je ne l'avais jamais imaginé.