Race against a Heartbroken

By Alicia_cnl

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By Alicia_cnl

V I C T O R I A ' S P O V

♫ - Let it all go by Birdy, RHODES and Car's Outside by James Arthur

DANS LES HAUTEURS.

21 juin 2021.

Monte-Carlo, Monaco.

Après avoir roulé pendant une bonne trentaine de minutes, Chase arrête enfin sa voiture sur une esplanade de gravier, en bord de virage, avec tout autour les roches des reliefs ainsi que la végétation désertique si spécifique à la côte.

Je retiens mon souffle lorsque je remarque la vue époustouflante que je perçois à travers le pare-brise. Le genre de vue qui nous laisse sans voix et qui s'imprime parfaitement dans notre esprit. Celle qui nous donne envie de nous réveiller avec chaque matin.

Monaco ressemble à un phare en plein brouillard ou à une luciole dans une chaude nuit d'été. La principauté est encore plus belle vue d'ici et de nuit. Je crois que je ne m'en lasserai jamais. Tous les points lumineux que créent les immeubles, ainsi que le port, qui contraste encore plus avec tous ces yachts et tous ces néons qui jaillissent, laissant imaginer une soirée enflammée avec tout le beau monde.

— Victoria ? Tu viens ? demande soudainement la voix de Chase.

Je sors de mes pensées en secouant la tête avant de plonger mes iris dans les siennes.

— Oui, j'arrive.

Il claque sa portière et je sors à mon tour en pensant à prendre la trousse de secours à mes pieds. S'il croit que je vais oublier sa blessure, il se fourre le doigt dans l'œil. A chaque fois que mes yeux se sont posés sur ses mains complètement amochées, je me suis senti horriblement mal, comme si j'avais ressenti ce qu'il avait ressenti.

Une fois à l'extérieur, je profite de l'air chaud de ce début d'été. La légère brise anime les buissons autour de nous créant un son apaisant et je parviens même à entendre le doux bruit des criquets. Le parfait cliché d'une douce nuit d'été. Mais malgré tout, j'aime ce qui est en train de se passer.

Je lève les yeux au ciel, qui est parfaitement dégagé, m'offrant une sublime vue sur l'univers et les étoiles qui le parsèment. Une vague d'émotion me parcourt quand je réalise qu'Ethan aurait adoré être là, lui et moi, on passait notre temps à les observer dès qu'on le pouvait, parlant de tous nos ennuis. Et je n'ai pas besoin de me voir dans un miroir pour savoir qu'en cet instant, mes yeux brillent tout autant.

J'espère de tout mon cœur, que de là où il est, il peut les regarder de plus près avec moi. Faite qu'il veille sur moi comme je le fais encore.

Après de longues minutes de contemplation, je reporte mon attention de l'autre côté de la voiture où se trouve Chase et je ne cache pas mon étonnement quand je le vois appuyé nonchalamment sur le flanc du capot, à me fixer d'une lueur éclatante dans les yeux que je ne lui connaissais pas. Je me rends compte à quel point, je ne connais aucune de ces facettes.

Comme s'il reprenait ses esprits, il passe une main dans ses cheveux bruns en bataille et je pense très fort au fait que moi aussi, j'aimerais y passer mes doigts. Mais je me reprends, parce que bordel, qu'est-ce qu'il m'arrive ? Je fais tomber mes barrières et voilà que je deviens obsédé par mon ennemi ? Hors de question.

Soudainement, le brun monte sans difficulté sur le capot de sa voiture, sans broncher, alors que moi, j'en ai mal au cœur, parce qu'elle va avoir des traces et ce bijou ne mérite pas ce traitement. Puis avec toute la souplesse du monde, ses longues jambes escaladent l'avant de sa Ferrari pour atterrir sur le toit comme si tout était absolument normal.

Mais en même temps, est-ce que cette soirée est vraiment normale de toute façon ?

Je reste en bas comme une imbécile à le dévisager.

— Qu'est-ce que tu fous ? Tu comptes rester planté là comme une idiote indéfiniment où tu vas finir par me rejoindre, raille-t-il d'un ton moqueur.

— Pardonne-moi si je ne supporte pas l'idée de rayer un bijou comme un connard dans ton genre, répliqué-je en lui montrant mon majeur.

— Je l'emmène refaire sa carrosserie cette semaine alors je t'avoue que ce soir, j'en ai absolument rien à foutre.

Mes mains saisissent l'avant de la voiture pour me hisser sur le capot. Puis je m'empresse d'escalader par-dessus le pare-brise mais je glisse et je ne veux pas le rayer.

Une main ensanglantée, décorée d'une bague en argent, se tend sous mes yeux mais je refuse de la prendre, d'un parce que je suis une femme débrouillarde, et de deux parce que je vais lui faire mal. Alors, je trouve une autre solution et pousse sur mes jambes. Je parviens enfin à monter, m'asseyant à contrecœur à côté de lui et je peux le voir rouler des yeux face à mon refus.

Un silence s'installe entre nous, nos corps sont complètement immobiles, nos poitrines se soulèvent à peine et aucun de nous n'ose parler. On fixe l'horizon, hypnotisé par ce retour brutal face à notre réalité.

Je songe au fait que cela doit être à cause de l'adrénaline de nos petites engueulades qui s'est estompé, et qui a dû nous faire oublier, l'espace d'un court instant, ce que nous traversons, la dure réalité de nos combats silencieux.

Voulant briser ce mur de glace qui s'est de nouveau érigé devant nous, je tente une approche. Je me dis que tant qu'à faire, tant qu'on est là tous les deux, autant vider nos tourments. Foutu pour foutu comme on dit. Il m'a vue au plus bas, et je ne peux pas revenir en arrière, alors autant utiliser ce temps précieusement.

— Montre-moi tes mains, Chase, soufflé-je doucement.

— Laisse, Victoria, ce n'est pas la peine. Elles finiront par guérir toute seule.

— Guérir comme quoi ? Comme ce que tu caches au plus profond de toi ?

Il me lance un regard noir, mais il faut croire que ma piqure à vif à marcher puisqu'il finit par me les tendres.

Je m'empresse de sortir ce dont j'ai besoin de la trousse de secours pour pouvoir soigner ses mains et je remarque un bandage blanc dépassé de la manche gauche de son pull. Un flash de sa voiture complètement défoncé contre le mur me revient et je déglutis difficilement. J'ai beau le haïr et ne rien ressentir d'amical pour lui, lorsque j'ai découvert qu'il avait eu un accident, j'ai eu la peur de ma vie, j'ai senti ma cage thoracique me comprimé les poumons à ne plus pouvoir en respirer.

Il m'a tellement rappelé l'accident d'Ethan.

— Tu vas bien ? me questionne sa voix rauque.

Je reprends mes esprits et tourne la tête vers lui, il me sonde de ses yeux verts et je ne cache pas que la façon qu'il a de me regarder me procurera toujours une étrange sensation dans le creux de mon ventre.

— Oh euh, oui, bégayé-je en reprenant ses mains.

Il hoche vivement la tête, ne voulant pas insister plus, sûrement parce qu'il sait que s'il me demande quelque chose, je lui poserai aussi des questions auxquelles il ne veut pas répondre.

Je reporte mon attention sur ses mains et je me rends compte qu'elles sont beaucoup plus grandes que les miennes, même si pour une fille, j'ai toujours eu de grandes mains. Sa peau rugueuse sur la mienne, dû au millier d'heures qu'il a passé à tenir un volant et des barres de tractions durant sa vie.

Je prends soin de nettoyer ses mains tâché de sang, avant de m'occuper une par une des entailles et égratignure qui décorent désormais ses mains dont les veines ressortent, ce détail réchauffe mes joues parce que je pense au fait que même blessé, ses mains restent magnifiques et je me retiens de le dire à voix haute ne voulant pas gonfler son égo.

Malgré le fait que j'ai toujours ce sentiment de colère contre lui, je le soigne comme j'aurais soigné n'importe qui, parce qu'il ne mérite pas de finir dans cet état, même si je ne sais pas ce qu'il s'est passé. J'enduis une compresse de désinfectant avant de tamponner ses mains, concentré sur ma tâche, je veille à ne pas lui faire mal.

— Je ne te fais pas mal ? Ça doit te piquer, murmuré-je doucement en gardant les yeux baissés.

— Non, je ne sens rien.

Cette phrase me frappe bien plus qu'elle ne le devrait. Elle résonne en moi comme un douloureux écho, parce qu'elle me fait penser à moi. Un pincement au cœur, je réalise, combien, nous avons tous les deux souffert au point de ne plus faire attention à la douleur physique, à cause de celle qui nous noie dans nos propres pensées, cette douleur mentale qui nous ronge de l'intérieur, nous laissant souffrir en silence, livré à nous-même.

— Qu'est-ce qui t'est arrivé ? me risqué-je à demander.

— Rien d'important.

J'arrête tous mes mouvements, ne pouvant pas accepter cette réponse. Si je pouvais, j'éradiquerais ces simples mots du monde, ces mots qui ont été prononcés bien trop de fois par des personnes qui souffraient intérieurement, des âmes meurtries par la vie. Des mots que j'ai bien trop utilisés, ne voulant inquiéter personne.

Et en cette nuit hors du temps, celle où il me semble infini, celle où nous avons créé une bulle qui ressemble profondément à une échappatoire. Je me dis, que le temps d'une nuit, on peut bien tous les deux mettre nos rancœurs de côté pour soulager nos peines.

— Tout est important, Chase, encore plus quand ça concerne ce que tu ressens au plus profond de ton cœur, lui expliqué-je en plantant mon regard dans le sien. On est tous les deux, ici, sur ce putain de toit de voiture, alors tu ne crois pas que tu peux laisser le temps de cette nuit, tes barrières de côté ?

Son regard me brûle, ses iris me supplient silencieusement et je sens qu'il est à deux doigts de craquer, me prouvant encore une fois que ce qu'il cache est bien plus profond que n'importe quel gouffre qui existe dans ce monde et dans lequel il a dû s'enfermer sans savoir comment en sortir.

Mes yeux me piquent, me surprenant de ressentir autant de choses envers lui. Mais savoir que personne n'a jamais voulu lui tendre la main me fait terriblement mal, savoir qu'il a vécu toutes ses années tout seul dans le noir me donne envie d'être l'oreille attentive qu'il a toujours attendu.

— Je me suis disputé avec mon père, murmure-t-il d'un son presque inaudible, pourtant je l'entends.

J'aurais beau dire exprimer toute la colère et l'exaspération que j'ai ressentis envers lui tout au long de la saison, ce soir, j'ai l'impression que c'est comme si cela ne s'était jamais produit, comme si nous repartions à zéro. Alors même s'il ne faisait qu'articuler avec ses lèvres sans émettre le moindre son, je l'entendrai toujours.

Et maintenant que toutes mes suppositions devenaient réelles au sujet de son père et de sa relation avec lui, j'aurais préféré qu'elles soient fausses. Je sais combien la famille est importante, c'est l'un des milliers fondamentaux de l'existence d'un être humain et si celui-ci est déjà fissuré où en ruine, comment voulez-vous faire grandir durablement un cœur dans ce monde ? Qu'il puisse ressentir quoique ce soit d'authentique ?

— Et qu'est-ce qui s'est passé pour que tu en sois venu à t'écorcher les mains à cause de ton père ?

— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, je suis déjà assez faible de ressentir ça, je ne veux pas en plus m'apitoyer sur mon sort comme un putain d'incapable, lâche le brun d'un ton dur en retirant ses mains des miennes.

D'accord. Je vois un peu mieux à travers le brouillard qu'est la tête de Chase. Et je sais maintenant ce que je dois faire pour qu'il aille un peu mieux, qu'il puisse avancer vers l'avant et se reconstruire sans avoir cette chaîne reliée à son père.

— On ne s'apitoie pas sur notre sort, Chase.

— Alors on fait quoi ?

— On exprime nos émotions, on vide le trop-plein qu'on a dans la tête en espérant que ça fera un peu de bien. Et si tu ne veux pas, alors je pleurerai pour toi, glissé-je doucement en reprenant ses mains pour finir de les bander.

Pour la première fois, Chase détourne le regard pour le rivé sur la vue en face de nous, il plonge son regard dans la mer et les lumières de la ville pour éviter le mien. Lui qui ne flanche jamais devant n'importe qui, lui qui ne dévoile jamais rien à travers ses yeux verts, ce soir je ne le reconnais plus.

Voir ses failles s'ouvre peu à peu, laissant le pilote arrogant et froid au second plan me fait frissonner, des larmes noient le coin de mes yeux alors que je pensais avoir utilisé tout mon stock. Voir Chase au bord du précipice, complètement désorienté, sans rempart pour se protéger, comme si l'âme du petit garçon en lui criait à l'aide, me brise littéralement le cœur.

— Il ne faut pas avoir honte de tes émotions, Chase, elles font partie de toi et sont tes plus grandes forces, alors ne culpabilise pas d'être humain et de ressentir. Parle-moi, exprime tout ce que tu n'as jamais pu dire, je serais là et je t'écouterais toute la nuit s'il le faut pour que tu te sentes un peu mieux et que ton cœur te fasse un peu moins mal.

— Mon père ne m'a jamais aimé, lâche-t-il soudainement sans que je m'y attende.

Je ne dis rien. A vrai dire, je ne sais même pas si j'aurais trouvé les mots. Comment pouvait-on répondre à ça ? Ne t'en fais pas, ce n'est qu'un père ? Tu finiras par passer au-dessus de cette étape ? Non. Rien ne pouvait être pire que de se sentir rejeté par ses propres parents.

Je n'aurais jamais cru que Chase cachait un secret pareil. Et j'imaginais encore moins, tout ce qu'il a dû endurer au fil des années. Toutes les fois où j'ai vu son père à l'écran, sous le feu des projecteurs, le sourire aux lèvres après une victoire alors qu'il ne souriait même pas à celle de son propre fils.

Tandis que je fixe son profil, son attention, elle, est tourné vers l'horizon et le noir de la nuit. Son visage me semble à la fois si vide et si rempli d'émotions, celles qui n'ont même pas de noms, parce que la puissance avec laquelle elles nous ravagent de l'intérieur ne peut pas être décrite.

— J'ai toujours tout donné pour le rendre fier, mais jamais, il ne m'a regardé, il ne le faisait que pour me détruire verbalement, rien qu'avec des mots, putain, il a réussi écraser mon cœur avant même qu'il ne grandisse, lâche-t-il en renversant la tête en arrière, les yeux fermés. Il a toujours vu simplement ce qu'il voulait réellement voir. Je n'étais à peine qu'un petit garçon avec des rêves bien trop grands pour lui, et j'ai tout donné jusqu'à en avoir des traces sur le corps pour avoir ne serait-ce qu'un peu de son amour.

Ses muscles sont tendus de rage, et je respire son aura rempli d'une colère qu'il a bien trop longtemps refoulée. Je ne prononce pas un mot, le laissant exprimer tout ce qu'il a au plus profond de lui, tout ce qu'il n'a jamais pu dire à qui que ce soit.

Ce soir, il le dit, à voix haute, et rien que le savoir me fout des frissons dans tout le corps. Mes yeux me piquent et ma gorge s'assèche, il a décidé de me faire assez confiance pour réaliser ce qu'il n'a jamais pu faire. Et je serais une oreille attentive autant qu'il en aura besoin.

— Pour lui, je ne suis qu'un putain d'incapable, un lâche, un raté, je ne suis pas son fils... un putain de faible.

Ses paroles me brisent un peu plus, sa voix rauque déraille légèrement à chaque fois qu'il prononce un mot et même si nous ne partageons pas les mêmes combats, j'ai le sentiment que ce qu'on ressent, n'est pas si loin, en fin de compte.

Étrangement, voir un homme aussi fort en apparence, un pilote qui ne montre aucune émotion en public et aux yeux du paddock, désormais à nu, devant moi, m'octroie un réel coup de poing au cœur.

Il n'est pas faible, bien au contraire. Il n'y a rien de plus beau que de voir un homme dévoiler ses faiblesses et ses failles, dénoncer ce qui lui tourmente l'âme, parce que toute la beauté de sa force, il la puise de là.

— Ce soir, je lui ai dit tout ce qui m'a dévoré de l'intérieur durant toute mon enfance, toute ma vie et il n'a même pas exprimé la moindre putain d'émotion. Il n'a même pas cillé et quand je suis parti, il ne m'a même pas rattraper, souffle-t-il tandis que sa voix se brise. Et malgré le mal que ça me fait, comme un con, je continue de l'aimer. J'aime mon père, alors qu'il ne mérite pas que je l'appelle papa.

Des larmes roulent sur ses joues, ses épaules sont secouées par des spasmes et s'en est trop pour moi, je ne peux pas le regarder fondre sans rien dire. Voir Chase se décomposer devant moi c'est trop dur, tellement dur que j'ai du mal à réaliser que ce que je ressens envers lui dépasse bien toute la haine. Ce soir ça ne compte pas.

C'est juste nous. Nous et nos courses contre nous-mêmes.

— Tu as le droit, Chase. Tu as le droit de l'aimer, de le détester et de ressentir tout ce que tu ressens pour lui. Tu as le droit et tu es légitime. Tu as vécu toute ta vie avec lui, malgré tout, tu partages son sang et rien ne pourra jamais t'enlever ça, murmuré-je en glissant une main sur son bras.

Il redresse la tête pour la tourner vers moi mais ses yeux verts meurtris, qui ont perdu tout leur éclat, évitent les miens et je m'empresse de me mordre la lèvre, en réfléchissant au geste que je m'apprête à faire. J'ai peur qu'il se braque.

Mais je ne réfléchis pas, même si mes joues sont aussi tachées de mes larmes, et que je me sens ridicule et un peu honteuse d'avoir pleuré pour lui. Quand quelqu'un se livre comme il vient de le faire, sous mes yeux, je ne peux pas réprimer mon envie de pleurer, c'est comme si leur douleur faisait partie de moi, et surtout que je la comprenais.

J'ai doucement glissé mes doigts sous son menton pour attirer son attention.

— Tu n'es pas faible et crois-moi, tu es loin de l'être.

— Mais putain, je suis en train de pleurer comme une merde, je suis faible et mon père me l'a toujours répété quand je pleurais !

— Non, tu ne l'es pas ! Écoute-moi bien Chase, pleurer c'est être fort, c'est dévoiler nos peines aux yeux de tous. Ressentir, c'est ce qui te rend humain, lui expliqué-je en le fixant droit dans les yeux. Et si ton père n'a pas su le comprendre, alors c'est lui le lâche dans cette histoire.

J'ai envie de le prendre dans mes bras et de lui retirer toute sa douleur, mais il faut croire que c'est impossible. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine et je sens un millier d'aiguilles me lacérer de l'intérieur, Chase me fait ressentir bien plus que ce que je n'aurais jamais cru. J'ai peur.

Ses lèvres charnues bougent sans jamais prononcer un mot, comme s'il ne savait pas quoi dire, qu'il cherchait les bons mots. Son nez légèrement plissé rend son visage encore plus confus.

Je crois que me parler lui a fait du bien, je le vois à la façon dont tous ses muscles se sont peu à peu décontractés, le poids sur ses épaules sera un peu moins lourd à porter.

— Tu n'es pas obligé de répondre, je ne te forcerai jamais, Chase. Sache que tu as fait le plus dur en te confiant sur ce que tu n'avais jamais dit, sur ce qui te fait mal au cœur à en hurler de douleur. Je t'écoute et je t'écouterai toujours.

Mon regard ne l'a toujours pas quitté, je ne peux pas m'en empêcher parce que je le trouve tellement beau sous la lumière de la lune et celle de la ville en contrebas. La façon dont ses cheveux bruns s'agitent sous une légère brise, la façon dont les traits de son visage sont, pour la première fois, si doux et apaisé malgré les traces brillantes qui marque ses joues. Je dois bien l'avouer en cet instant. Il est parfait bordel.

— Et toi ? Parle-moi de ce qui te pèse. T'as beau cacher à tout le monde ce que tu ressens vraiment derrière tes sourires, moi je le vois, je vois ta peine à travers tes prunelles, glisse-t-il doucement à travers le silence.

Maintenant que c'est à mon tour de parler, je ne suis plus aussi sereine, mes larmes ont à peine coulé, que de nouveau, je sens une vague me submerger et me noyer dans un royaume où seuls mes démons sont rois. Ils dévorent mon cœur, déjà brisé en mille morceaux, me laissant un peu plus à l'agonie. Chaque jour passé est un supplice et je me demande quand la douleur finira par s'estomper.

— Dans le monde du sport automobile, tout le monde à parler du terrible accident qui a coûté la vie à Ethan, ton meilleur ami. Tout le monde à parler de ce drame tragique, tout le monde à partager sa fausse peine, mais toi, qu'est-ce que tu as vraiment ressenti ? demande-t-il à nouveau.

Pour la première fois, il semble réellement s'intéresser à ce que je pourrais ressentir. Je le sens sincère. Mais je n'ai pas l'habitude que quelqu'un le fasse, d'habitude, je fais en sorte que personne ne soit au courant pour qu'il ne s'inquiète pas. Me mettre à nu n'a jamais été aussi compliqué.

— Avoir perdu mon âme-sœur amicale a été le plus terrible des châtiments, une descente aux enfers. Brutal et pesante. Chaque jour a été plus atroce que le précédent, je me demande encore si je ne vais pas le rejoindre à force de me sentir aussi mal. Ethan était mon ange, et quand j'ai vu la vie quitter son corps, j'avais l'impression qu'on m'avait planté un couteau dans le cœur, artitculé-je difficilement en sentant ma gorge se nouer.

L'évocation d'Ethan à voix haute est beaucoup plus dure que ce que je pensais, tout devient beaucoup plus réel et c'est effrayant pour mon esprit qui est encore noyé dans un océan de désillusion. A sa mort, j'ai senti mon âme se faner comme une fleur. Un coup mortel.

— Je n'ai pas voulu inquiéter mon entourage alors, j'ai gardé tout ce que je ressentais au fond, la seule chose qui m'a fait tenir, c'était d'accomplir notre rêve de gamin, soufflé-je de ma voix tremblante. Ethan était le seul à m'aider à aller mieux quand j'étais dans mes périodes compliquées, il me comprenait mieux personne. On était complémentaires. Comme les deux faces d'une même pièce. Vivre sans lui, c'est comme vivre sans oxygène, depuis sa mort je suis en apnée, j'ai l'impression que cette douleur ne disparaîtra jamais et bordel que c'est dur de porter ce poids toute seule.

Je débite un nombre incalculable et je ne suis même pas sûr que le brun à côté de moi est suivi toutes mes paroles. Mais en réalité, cela reflète bien ce que je ressens, quand je parle de lui, et de ce qui se cache dans les tréfonds de mon esprit. Ce sont sans cesse des pensées, en permanence, j'essaie de trouver les mots pour justifier mes maux, mais je ne crois pas qu'ils existent. Il faudrait les inventer.

Puis soudain, je sens mon corps me lâcher complètement pour la deuxième fois de la soirée. Mes yeux me brûlent et mes épaules tressautent à chacun de mes pleurs, j'enfouis ma tête entre mes bras pour qu'il ne me voit pas. Je me sens honteuse d'être aussi explosive en réagissant comme ça.

— Je n'ai pas envie que tu me vois comme ça, murmuré-je à voix basse.

Même si j'ai cru qu'il ne l'avait pas fait. Il m'a entendu à travers mes sanglots.

— Viens par là, chuchote-t-il à voix basse.

La douceur avec laquelle il a prononcé ces mots me transperce d'une puissance qui me laisse sur les genoux. Je n'aurais jamais pensé ça de lui.

Il m'encercle la taille et me glisse vers lui, entre ses jambes désormais écartées. La tête toujours collée contre mes genoux pour cacher la peine qui baigne mon visage, cette même douleur qui m'a pris tout ce que j'avais, détruisant mes entrailles d'une violence sans nom. Ce que je cache à tout le monde, je le montre à lui pour la première fois. Et ça me fait peur, presque autant que ça m'enrage.

Mon dos plaqué contre son tors, j'y trouve une certaine chaleur que je n'avais plus connue depuis longtemps. Tout autour de moi, je ne trouve plus qu'un désert de glace, Ethan a emporté tous les rayons de soleil de mon monde avec lui. Me privant de ma lumière. Au cours de ma misérable existence, connaître la mort d'une personne qu'on considère comme une partie de son monde a été le pire des châtiments.

Avec lui, mes jours où les idées noires s'insinuent dans mon esprit me laissant sans répit, m'épuiser mentalement était plus supportable. Il était le seul à pouvoir me calmer, et m'éloigner des orages. Sans lui, je ne savais plus faire, et je cherche toujours. Je pourrais parler pendant des heures de lui, et de ce qui me fait mal au cœur.

— On a beau conduire des voitures à des vitesses fulgurantes, je n'ai jamais eu aussi peur de ce combat que je dois surmonter chaque jour, chuchoté-je soudainement en relevant la tête.

Il ne répond rien, cherchant probablement ses mots. Sa respiration calme et régulière qui résonne dans mes oreilles me procure des frissons le long de ma colonne. Je me sens instantanément minuscule aux creux de ses bras, et mes joues se mettent à chauffer en réalisant dans quelle position nous sommes. Une position plutôt intime. Pourtant, pour rien au monde, je ne voudrais bouger de ses bras. J'ai besoin de ce contact, après trois ans sans le connaitre, je veux profiter de ce que Chase peut m'offrir cette nuit.

— Je sais, conduire des voitures ne nous rend malheureusement pas super-héros, lâche-t-il de sa voix rauque. Je n'ai pas vécu ce que tu as connu, mais en revanche, je peux te dire une chose. On ne fait jamais vraiment le deuil de quelqu'un, encore moins quand il s'agit d'une personne comme Ethan. Tu dois juste accepter ce creux dans ta poitrine, accepter la douleur et la transformer en force, une force qui te rendra encore plus puissante que tu ne l'es déjà.

Sa poitrine se soulève, et je sens chaque réverbération de sa voix dans mon dos, elle s'insinue comme une douce mélodie dans chaque parcelle de ma peau. Ses paroles peuvent paraître tellement banales mais sortant de la bouche de Chase, elles me bousculent. Il a su trouver les mots.

— Trouve-toi un point de corde, une trajectoire parfaite, celle qui te permettra de prendre de l'élan. Et à ce moment-là, tu pourras avancer, Victoria.

Un point de corde. C'est la plus belle chose qu'on ne m'est jamais dite. Je n'ai connu que les voitures, alors quand il compare un aspect de la formule 1 avec ma vie, mes yeux s'écarquillent aussitôt. Il résonne en moi comme une évidence. C'est fort et puissant.

Le silence nous a envahi, avec comme seul son celui de nos souffles qui se mêlent à la brise légère du soir, les emportant jusqu'au creux des vagues que l'on pouvait percevoir.

Notre proximité était étrange, nos corps collés l'un contre l'autre me tourmentaient au plus au point, mais il permettait de me détacher de mes pensées et de m'emmener loin d'elle, dans un monde où la douleur des maux n'existait pas.

Nous n'avons pas parlé, juste profiter du moment présent. Ses grandes mains posées d'une façon naturelle sur le creux de mes hanches faisant battre mon cœur un peu plus vite, une chaleur naissante sur mes joues, j'essayais de ne pas y prêter trop attention parce que c'était nouveau pour moi et cela m'effrayait.

Et soudain, je me sentis légèrement partir, alors j'ai prononcé d'une voix à peine audible ce que j'ai réalisé à cet instant.

— Rien n'est plus effrayant que de se battre contre quelque chose d'invisible.

Je n'ai pas entendu sa réponse, ou en tout cas, s'il l'avait fait. Mes paupières sont devenues lourdes, comme si le sommeil et le monde des rêves m'avait assommé d'un seul coup. J'allais voir Ethan comme toutes les nuits.

Les bras ferment de Chase m'apaisent d'une façon que je n'aurais jamais crue. La dernière fois que je me suis senti aussi sereine et apaisée, c'était dans ceux d'Ethan. C'était mon havre de paix.

Je sentais son menton posé sur le sommet de mon crâne, son souffle chaud sur mes cheveux, s'insinuant dans mes oreilles comme une douce berceuse. J'avais l'impression d'être de nouveau une petite fille innocente, celle qui n'avait pas encore connu tout ce que son propre esprit pouvait lui infliger. Ma poitrine se levait et s'abaissait lentement, le danger était loin, les pensées noires aussi.

Je me suis endormi dans ses bras, sur le toit d'une voiture de rêve, avec une vue époustouflante sur la mer aussi noire que la nuit, simplement éclairée par des milliers d'étoiles qui parsèment le ciel et de la lune. Je n'avais jamais ressenti quelque chose d'aussi fort depuis bien longtemps.

Cette nuit paraît éternelle, elle me semble duré à l'infini, nous offrant une bulle où ni le passé, ni le futur ne compte. Aucun de nos actes n'a d'importance. C'est comme si nous reprenions de zéro, seulement moi. Victoria Landry. Et Chase Dixon.

Au fond, nous étions bien plus pareils que ce que je n'aurais jamais cru. Je pleurais pour lui, pour la douleur qui devait lui lacérer le cœur à chaque fois qu'il parlait de son père, mais c'est comme si je pleurais pour ce que j'avais enduré aussi. Il était le reflet de mon âme.

Hello les amis !

J'espère que vous allez bien ! Je m'excuse de ne pas avoir poster plutôt, disons que c'était compliqué de gérer de mon côté et puis l'envie n'était pas forcément là !

En attendant je vous retrouve avec un jolie pavé de 5k de mots où vous pourrez lâcher vos meilleurs larmes. Je ne vous cache pas que c'est un de mes chapitres préférées pour le moment, j'adore leur énergie et leur combat, j'adore les voir se confier et essayer d'avancer, ils sont tellement complexe comme personnage et parfois j'ai du mal à les gérer mais c'est ce qui les rend spéciaux à mes yeux :))

- Qu'en avez-vous pensez ?

- Les aveux de Chase ? 

- Ceux de Victoria ?

- Vos théories sur l'évolution de leur relation ?

Je vous dis à bientôt (lol pour éviter de vous faire de fausses promesses) !

Prenez soin de vous <3 

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