— Tu vas lui casser le bras, la pauvre, fit Guinevere d'un ton sarcastique.
Eden sembla l'ignorer en fixant le corps inerte qui gisait quelques mètres plus loin.
— Tu as tué Zander ?
Elle haussa les épaules avec arrogance.
— Oh, il était sur le point de tuer cette petite, chose que je ne tolérerai pas. C'est à moi de la tuer.
— Je te l'ai déjà dis. Cela ne me ferait ni chaud ni froid que tu la tue.
— Eh bien, je la tuerai quand même.
— Fais comme cela te chante, Guinevere, répliqua Eden d'un ton indifférent.
La voix douce qu'Eden réservait à son amie me donna la nausée. Tuer son frère, puis lui être dévoué comme cela ; Eden était vraiment une pourriture sans scrupule.
Soudain, un bruit de pas précipités se fit entendre derrière nous. Mon cœur s'emballa, pensant que de nouveaux Maléfiques s'approchaient. Mais la voix familière me rassura immédiatement.
— Bouge de là, Prince de merde, gronda la voix menaçante de Salvatore.
Dans un éclair de mouvement, Salvatore se téléporta pour s'approcher d'Eden et lui asséna un coup avec une précision déconcertante. Pourtant, Eden se téléporta également à la dernière seconde, évitant son attaque sans difficulté. Il avait rejoint sa collègue, quelques mètres plus loin.
Je parvins à me relever avec l'aide de Salvatore. Leif et Rune vinrent également à mes côtés. Arrivé à ma hauteur, Leif prit mon visage dans ses mains pour m'examiner, ainsi que le reste de mon corps.
— Merde, tu es blessée, Crystal, constata-t-il avec inquiétude.
Je les observai rapidement, et à part quelques égratignures, ils ne semblaient pas trop atteints physiquement.
— Je vais bien, Leif, mentis-je en forçant un sourire.
Même si mes blessures n'étaient pas mortelles, je n'allais pas bien mentalement. Je souffrais de la situation, de ce monde troublé, de tous ces pouvoirs.
Il me caressa les cheveux, comprenant probablement que je cachais ma détresse derrière un masque de courage.
— Merci d'avoir tenu bon jusque-là.
— Ouais, car maintenant, on prend le relais, ajouta Sal en se positionnant en garde devant moi.
Leif esquissa un sourire tant bien que mal et rejoignit son frère, affichant une détermination sans faille. Rune prit la place de Leif et s'occupa de moi avec attention.
Alors que Salvatore continuait de proférer des insultes à son ennemi juré, je profitai de l'occasion pour questionner Rune, curieuse de savoir ce qui s'était passé de leur côté.
— Où étiez-vous ? Étiez-vous au château avec la Princesse ?
— Non, nous ne faisons pas partie de cette équipe. Nous étions dispersés un peu partout, si tu veux tout savoir. Nous nous sommes donnés comme mission de secourir ceux qui n'avaient aucun moyen de faire face aux Maléfiques et de rassembler ceux que nous pouvions sauver. D'autres sorciers du clan du Plexus Solaire veillent sur eux en ce moment.
— C'est incroyable d'avoir pensé à cela pendant tout ce grabuge...
— Néanmoins, nous n'avons pas réussi à sauver grand monde. Certains sont morts sous nos yeux.
J'eus un pincement au cœur en entendant ses mots. Elle semblait avoir enduré tant de pertes sans montrer le moindre signe de faiblesse.
— Et toi ? Que t'est-il arrivé ? Demanda-t-elle à son tour.
— La Princesse m'a aidée à fuir du château, mais un Maléfique m'a attaquée. J'ai essayé de me défendre tant bien que mal, mais comme tu peux le voir, je n'ai pas réussi à éviter tous les coups.
— Tu t'es très bien débrouillée, Crystal. Tes entraînements ont porté leurs fruits, tu peux être fière de toi.
Ses éloges me firent esquisser un semblant de sourire, mais en suivant son regard posé sur Guinevere, il disparut aussitôt.
— Et ils sortent d'où, eux ?
— Elle a tué le Maléfique qui m'attaquait, expliquai-je.
— Ah bon ? Elle t'a sauvé ?
— Non, elle voulait avoir le privilège de me tuer.
— Bizarre, celle-là.
Je ne pouvais qu'être d'accord avec Rune.
Nous avons décidé de porter notre attention sur la discussion entre nos amis et nos ennemis, car la situation semblait se dégrader. Salvatore avait formé un poing de feu, les flammes dansant autour de son poing, tandis que Leif avait préparé un cercle magique sur sa paume, prêt à réagir à la moindre menace.
— Seules deux dépouilles et deux vainqueurs sortiront de ce combat, vous en êtes conscients ? fit Leif d'un ton grave.
— Évidemment, et ce seront les vôtres, des dépouilles, répliqua la Maléfique d'un air méprisant, faisant frissonner l'atmosphère déjà lourde de tension.
D'un geste gracieux, elle créa une nouvelle multitude de poignards d'énergie, des centaines peut-être, qui semblaient prêts à s'abattre sur nous. Cette attaque, que j'avais peiné à contrer.
Eden, lui, semblait rester impassible, observant la scène avec une attitude déconcertante. Je n'avais jamais vu cet homme combattre jusqu'à présent. Tout ce qu'il avait fait jusque-là, c'était esquiver les attaques sans broncher. Cela laissait planer un mystère autour de ses capacités, et je me demandais quel genre de pouvoir il pouvait bien dissimuler.
Et c'est exactement ce qu'il venait de faire à nouveau lorsque Salvatore lui asséna son coup de feu. Un duel éclata entre eux, avec des attaques de coups de poing, principalement de la part de Salvatore, dont la colère alimentait sa puissance. Pourtant, Eden évitait tous les coups avec une aisance indéniable, comme s'il dansait au milieu des flammes sans se brûler.
Leur combat était si rapide que j'avais du mal à suivre leurs mouvements. Ils se téléportaient presque simultanément de tous les côtés, tels des éclairs traversant le champ de bataille.
Pendant ce temps, Guinevere et Leif se foudroyaient mutuellement du regard.
— Tu es beau, pour un simple sorcier. Cela va me faire de la peine de gâcher ton visage, lança-t-elle avec sarcasme.
— Il n'existe pas de simple sorcier. Drainer l'énergie des humains n'est pas la voie pour la véritable force. Vous pouvez regorger d'énergie, mais si vous ne savez pas l'utiliser correctement, rien ne vous rendra plus fort que nous, répliqua Leif avec assurance.
— C'est qu'il sait réfléchir, en plus, ironisa Guinevere. Cela ne m'empêchera pas de t'anéantir.
Leif avait raison. La véritable puissance ne résidait pas seulement dans les capacités magiques ou les pouvoirs énergétiques, mais dans la manière de les utiliser et dans la sagesse de leur application. Guinevere, aveuglée par son désir de domination, semblait se complaire dans la violence et la destruction, ignorant les véritables fondements de la magie.
Elle lança finalement ses poignards d'énergie droit sur Leif, qui se trouvait devant nous, et donc droit sur nous également. Cependant, il rassembla ses paumes, où un cercle magique était déjà présent, puis ouvrit grand les bras.
— Réunion !
En un instant, un mur jaune étincelant se dressa devant lui, brûlant chaque poignard ennemi qui s'abattait sur lui. La puissance de sa magie était impressionnante, et il semblait presque invincible derrière cette barrière lumineuse.
Je restai stupéfaite devant la maîtrise de ce pouvoir. Leif avait contré l'attaque de Guinevere avec tant de facilité et de sang-froid. Je n'avais clairement pas le niveau pour me battre de cette manière, et si mes amis ne m'avaient pas retrouvée, je serais probablement morte sous les assauts meurtriers des Maléfiques.
— Pas mal, ton petit tour de magie, remarqua Guinevere avec un rictus mauvais. En quoi consiste-t-il ?
— À réunir les rayons du soleil en un ou plusieurs points. J'ai pu ainsi brûler tes petits couteaux, et je peux aussi te brûler directement, expliqua-t-il d'une voix menaçante.
Avec Rune, nous observions la scène de manière tendue. Toujours à mes côtés, elle remarqua cependant que mes blessures se dissipaient peu à peu, preuve du don de régénération que je possédais.
— Ton don est incroyable, tu guéris déjà, marmonna-t-elle.
— Quel joli couple nous ferions, toi et moi, entendis-je Guinevere dire. Tu contrôles les rayons du soleil tandis que moi, je contrôle les ombres. Une alliance parfaite, n'est-ce pas ?
Elle leva la main, et un cercle magique sombre se forma sous ses pieds. Aussitôt, son ombre sembla prendre vie à la clarté de la lune et s'allongea jusqu'à Leif. Lorsqu'elle fut arrivé à son hauteur, l'ombre surgit du sol pour attraper le sorcier.
Mais il l'esquiva en sautant dans les airs avec agilité.
Toutefois, elle n'abandonna pas sa trajectoire et fonça droit sur nous cette fois. Rune se plaça directement devant moi, prête à me protéger. Cependant, lors de sa chute, Leif parvint à atterrir par-dessus l'ombre et lui asséna un coup de pied violent.
Comme si elle était un véritable être, l'ombre sembla assommée et retourna aussitôt à sa place, reprenant la silhouette de Guinevere.
— Joli coup, complimenta-t-elle, à la fois admirative et contrariée. Mais ce n'est pas fini.
Soudain, l'ombre d'un arbre près de moi commença à bouger rapidement et s'approcher à une vitesse effrayante. Leif semblait irrité, mais il n'eut qu'à regarder Rune pour qu'elle comprenne qu'il était temps pour elle d'agir.
Avec une détermination sans faille, Rune concentra son énergie dans ses mains, puis les plaqua contre le sol en même temps qu'un cercle magique apparut sous ses paumes.
L'ombre m'attrapa le pied et commença à m'engloutir la jambe, menaçant de me submerger complètement. Cependant, aucun de mes coéquipiers ne semblait s'inquiéter, ce qui me fit comprendre que je devais faire confiance à Rune qui préparait son attaque.
Alors que l'obscurité remontait le long de mon corps, un liquide rose, semblable à la couleur des cheveux de mon amie, jaillit du sol et imprégna l'arbre touché par le maléfice de Guinevere. Rapidement, les feuilles et le tronc commencèrent à fondre, leurs ombres devenant de plus en plus petites, jusqu'à disparaître complètement de mon corps.
Rune se redressa, fière de son geste.
— Eh bien, en voilà un pouvoir dangereux, remarqua notre ennemie.
— Je te trouve bien trop fière de ton attaque des ombres pour quelqu'un qui peut mourir brûlée par le soleil ou fondue par l'acidité, lui lança Leif.
À ses mots, je me sentais plus puissante et en sécurité. Mais cela ne servait à rien de se réjouir ainsi. Nous avions le dessus car nous étions en trois contre un.
Soudain, un poids lourd s'écrasa violemment sur le sol devant nos yeux, soulevant une poussière épaisse qui nous empêchait de voir clairement ce qui venait de se passer. Mais nous savions tous ce que c'était.
La poussière se dissipa peu à peu, révélant les cheveux blonds de Salvatore, recouvert de saleté et de poussière. Il semblait inconscient, mais ses faibles gémissements de douleur montraient qu'il était toujours éveillé mais surtout vivant.
— Sal, tu m'entends ? l'appela son frère, inquiet.
— Je crois que cet enfoiré m'a brisé des côtes et des vertèbres, répondit-il lentement.
Rune s'empressa de le rejoindre et passa son bras autour de son cou pour le soutenir.
— Je m'occupe de lui, lança-t-elle à Leif.
— Attends, l'arrêta Salvatore.
Il sortit une petite pochette en tissu rose de sa poche et la lança vers moi. Intriguée, je la récupérai et lui demandai :
— Qu'est-ce que c'est ?
— La personne qui me l'a donné m'a demandé de te la remettre lorsque tu en aurais besoin. Crystal, ne l'ouvre que si tu as besoin de récupérer de l'énergie, insista-t-il.
Je hochai la tête pour témoigner de ma compréhension, bien que je n'aie pas tout à fait compris le sens de ses mots. Cependant, je lui fis confiance et rangeai le tissu dans la poche de ma cape, à côté du gardénia que l'on m'avait offert.
Rune se téléporta alors avec lui, sûrement pour l'amener dans un endroit plus sûr où il pourrait être soigné. Leif serrait les poings, manifestement en colère de voir son frère dans cet état. Je m'avançai pour me placer à ses côtés, prête à faire face à nos ennemis ensemble.
— Que lui as-tu fait ? demandai-je à Eden.
— Je lui ai simplement donné un coup. Allez-vous m'en vouloir pour cela ? Alors que j'en ai esquivé une trentaine de sa part ?
Sa réponse arrogante n'avait pas plu à mon ami. Il serrait les dents, traduisant sa rage contenue.
— Enfoiré. Regarde-toi paraître si calme et détendu, alors que tu as lancé une putain de guerre !
— Oh ? Tu t'attendais à quoi ? Que je m'isole dans un coin pour me remettre en question ? répliqua Eden avec un rire malsain.
Guinevere, quant à elle, semblait se délecter de la situation, affichant un sourire narquois.
— Et puis, si je peux me permettre, ce n'est pas vraiment une guerre mais plutôt un génocide. Vous ne faites pas le poids contre les Maléfiques, les vôtres sont en train de mourir un à un, ajouta-t-il avec cruauté.
Je me sentais réellement dépassée par la situation. Tout empirait, et mes amis, que j'avais toujours imaginé comme des sorciers surpuissants, semblaient désormais impuissants face à Eden. Et cela ne faisait qu'accroître ma peur de voir ceux que j'aime mourir.
— Eden... suppliai-je à nouveau. Pourquoi ?
— Je n'aime pas me répéter, Crystal, répondit-il froidement, sans montrer le moindre signe de remords.
— Dis-nous au moins comment on peut arrêter tout cela !
La Maléfique éclata de rire, se moquant de ma vulnérabilité apparente.
— Ta naïveté m'amuse, fit-elle avec un mépris évident. Pour arrêter tout cela, il suffit de tous nous tuer.
— Ou bien me tuer, ajouta Eden d'un ton glacial. Si vous me tuez, l'ordre que j'ai donné à chacun de ces Maléfiques se dissipera. Mais encore faut-il y arriver et qu'ils n'aient pas l'envie de tuer d'eux-mêmes.
C'était une proposition impossible, une quête inatteignable. Nous n'avions aucune chance contre lui, et il le savait. Cette sensation d'impuissance me submergeait, et je réalisais que l'espoir que je tentais de faire briller en moi s'amenuisait de plus en plus.
Notre ennemi s'amusait à nous donner un semblant d'espoir.