La malédiction des chats noirs

Steredenn-dared

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Bizarre. Misanthrope. Asociale. Introvertie. Et toujours accompagnée d'un chat noir qui semble se volatiliser... Еще

Avant-première
PARTIE 1
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
PARTIE 2
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
PARTIE 3
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Chapitre 49
Chapitre 50
Chapitre 51
Chapitre 52
PARTIE 4
Chapitre 53
Chapitre 54
Chapitre 55
Chapitre 56
Chapitre 57
Chapitre 58
Chapitre 59

Chapitre 5

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Steredenn-dared

Elwina avait fini par retourner chez Berhed, quelques jours plus tard ; las de rester cloitrée dans sa chambre et d'entendre Jacinthe y toquer toutes les heures pour la prier de sortir un peu avec elle.

Cette fille était beaucoup trop sociable et extravertie, et gardait jusqu'ici le vain espoir d'entrainer avec elle sa nouvelle colocataire. La blonde avait donc été ravie de se déplacer jusqu'à la bibliothèque, et avait même prié Elwina d'attendre quelques minutes le temps qu'elle s'habille un peu mieux.

Curieuse demande, s'était dit la brunette, mais sans chercher à la comprendre.

Comme d'habitude, la cloche avait tinté lorsque les deux jeunes filles ouvrirent la porte du bâtiment. Berhed était arrivée en trottinant pour les accueillir à bras ouvert, embrassant les nouvelles venues comme s'il s'agissait de ses petites-filles.

— Tu es bien rose aujourd'hui ! Dit-elle malicieusement à Jacinthe, tout en lui pinçant les pommettes, avant de se tourner vers Elwina :

— Pour toi ma petite, la nourriture est offerte, goûte-moi ça ! Et elle lui avait fourré un gros cookie dans les mains, dont émanait une délicieuse odeur de banane et de chocolat.

La petite dame repartit immédiatement à ses fourneaux, toujours en trottinant. Ses cheveux gris étaient retenus en arrière par un bandeau blanc. Elle avait revêtu une longue robe marron sur laquelle était brodée des motifs floraux. Un tablier, blanc lui aussi, était noué à sa taille et autours de son cou. Ses grandes poches étaient remplies à ras-bord, sans qu'on puisse pour autant distinguer ce qui s'y cachait.

Jacinthe jetait des coups d'œil à droite à gauche, si bien qu'Elwina en était venue à se demander si elle cherchait quelque chose. Mais elle ne prit pas la peine de le lui demander, et se dirigea vers les escaliers en bois.

Elle n'avait plus qu'à trouver, parmi ces dizaines d'étagères et ces milliers de livres, ceux comptant les légendes de Kerdoueziou dont Lou lui avait parlé. La blondinette la suivit d'un air distrait.

— Tu cherches quoi exactement ? Avait-elle fini par demander, après cinq bonnes minutes d'errance. La brunette mâcha le dernier morceau de cookie qu'il lui restait avant de répondre :

— Les légendes mythologiques sur la ville.

L'adolescente parut déstabilisée, et haussa ses sourcils clairs parfaitement dessinés avant de répondre :

— Heu, ah oui ? Je ne sais pas si...

Mais elle n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'une voix masculine leur coupa vivement la parole.

— Perdues, mesdemoiselles ?

C'était Lou ; il balaya d'un regard malicieux ses deux interlocutrices. Mains fourrées au fond de ses poches, le rouquin continuait à s'approcher des deux jeunes femmes, tout sourire :

— Ravi de vous voir, l'endroit est désert depuis ce matin, je commençais à devenir fou !

— Bonjour Lou.

Elwina s'était vivement tournée vers Jacinthe. Sa voix ne venait-elle pas de changer ? Pour devenir plus fébrile, plus aiguë, plus... La jeune femme comprit immédiatement la situation en voyant la jolie blonde papillonner des yeux, et repousser machinalement une mèche de ses cheveux ondulés derrières son oreilles.

Jacinthe était venue dans l'espoir de croiser Lou. C'était lui qu'elle cherchait, tout à l'heure. La rougeur de ses joues était la cerise sur le gateau. La situation était si flagrante qu'elle faillit ricaner en voyant que le rouquin ne semblait même pas la remarquer.

— Bonjour, Jacinthe. Bonjour, future remplaçante. Il sourit encore plus. Alors, que me vaux l'honneur de vos présences ?

— Je cherche les livres dont tu m'as parlé.

Le jeune homme haussa les sourcils et frémit, laissant un ange passer, avant de se reprendre et répondre d'un air enjoué :

— Moi qui croyais que tu avais oublié ! Viens, je te montre.

Ils marchèrent jusqu'à l'autre bout de la bibliothèque, et Elwina se dit que la prochaine chose qu'elle ferait une fois employée ici, c'était un plan de l'endroit. C'était tout bonnement impossible de s'y retrouver. Il n'y avait aucune indication ! Même pas les lettres de l'alphabet pour trouver les noms d'auteurs.

— Voilà ! Celui-ci parle de ce que je t'ai raconté sur la forêt.

Il lui tendait un petit livre vert foncé, à la couverture rigide. Le titre était écrit en blanc, couleur devenue crème avec le temps. La brunette s'empara du relié, devenue désintéressée par tout ce qui se passait autour d'elle. Si elle avait bien une passion dans la vie en plus que le dessin, c'était la lecture. Rien qu'avoir un livre en pensée suffisait pour la plonger dans un état de transe, loin du monde extérieur qui avait tendance à trop la tourmenter.

Elle s'assit à une table en bois qui se trouvait non loin, et se plongea sans plus attendre dans sa lecture. Le texte était illustré par des images, dessinées à l'encre.

Sur la première page, on y voyait une jeune femme, dont la beauté extrême contrastait avec ses cheveux emmêlés et sa longue robe qui partait presque en lambeaux au niveau de ses mollets. Elle était debout face à un tronc de sapin, sur lequel elle posait à plat la paume de sa main. A ses pieds —nus— se tenait cinq petits hommes et femmes, qui lui arrivaient à hauteur de mi-mollet. Quelques-uns étaient exactement dans la même position que la femme, tandis que d'autres étaient baissés vers le sol pour poser leurs mains sur les racines de l'arbre qui sortaient de terre. Tous avaient les yeux fermés et semblaient infiniment concentrés. C'étaient des lutins : chacun avec des oreilles, un nez, des yeux, des pieds ou des mains bien trop grands pour leur petite taille. Certains avaient même une peau semblable à l'écorce ou la roche.

Elwina lut l'entièreté du livre avec la plus grande attention, détaillant chaque illustration avec la curiosité d'une enfant.

Le conte écrit ici semblait être l'épisode d'une série entière. Il se déroulait au seizième siècle :

Quand la curiosité des humains se mut en peur, ils décidèrent que cette peur était trop dangereuse. L'étouffer par la haine fut leur seule solution au problème, et la forêt de Kerdoueziou dut être annexée de leur monde.

Le texte expliquait que l'ère de la chasse aux sorcières avait mis en danger la forêt, lieu ancestral de magie qui se situait au croisement de puissants courants telluriques. Les sorcières s'étaient donc alliées aux Korrigans —les lutins de la mythologie bretonne— pour édifier avec leurs pouvoirs un mur, qui protégerait la forêt du reste du monde.

Et ce mur était la barrière de sapins : tout être humain sans exception, et toute créature magique doué de mauvaises intentions qui s'en approchaient, étaient pris d'une envie irrésistible de faire demi-tour. Et si jamais ils décidaient malgré tout de s'y aventurer, ils ne feraient que marcher dans un bois de conifère : la vraie forêt de Kerdouezioù avait été plongé dans une faille de l'espace qui leur était inaccessible.

Le sort ne fut jamais rompu bien qu'avec le temps la barrière, qui fut confiée aux Korrigans, s'adoucit pour laisser entrer dans son havre de paix les êtres humains doués de bonnes intentions.

Mais lorsqu'ils en sortent, aucun d'entre eux n'est capable de décrire ce qui s'y trouve : la magie s'infiltre en eux, soufflant à leurs oreilles que ces souvenirs étaient trop inintéressants pour s'en préoccuper.

Les dernières pages du livre comportaient des esquisses décrivant les cinq Korrigans ayant créés le mur —nommé Moger— et dont le peuple en devint les gardiens :

Eozenez, celui à la peau de bronze et aux grandes oreilles, auxquelles le vent soufflait quel temps était à venir.

Gwinian, qui avait des cheveux roux si longs et si denses qu'ils suffisaient à l'habiller.

Skerlijen, au nez pointu si crochu qu'il touchait son menton, et qui pouvait sentir n'importe quel être vivant à des kilomètres à la ronde.

Kanaveden, l'être le plus puissant du Petit Peuple de Kerdoueziou.

Koridwenn, fille de Kanaveden, la plus jeune du groupe ; avait une peau couleur terre, et ses mains et ses pieds étaient de dimensions humaines, bien trop grande pour se petite taille.

— Elle a un sacré caractère.

Lou se tenait debout à ses côtés, penché au-dessus de son épaule, et observait le portrait de la Korrigane. C'était la dernière page du livre.

— Ah oui ?

— On dit qu'elle a elle-même supervisé l'écriture de ce livre, après avoir passé un pacte avec l'auteur.

— Elle avait son livre et lui, qu'avait-il ? Demanda Elwina, piquée par la curiosité. Jamais elle n'avait lu de récits mythologiques, les trouvant trop superficiels, et elle se rendait compte à quel point elle s'était trompée. Le rouquin sourit d'un air amusé avant de lui répondre :

— Elle l'a laissé passer à travers Moger sans se faire formater la mémoire.

— Et le pauvre auteur fut retrouvé mort quelques heures plus tard, avant même qu'il ne puisse raconter son expérience.

Les deux jeunes gens, et Jacinthe dont l'ennuie l'avait poussé à s'assoir à la table, se retournèrent vivement vers le propriétaire de la voix, qu'ils n'avaient même pas entendus arriver. Bien qu'elle ne laissât rien paraître d'extérieur, le cœur d'Elwina s'accéléra en reconnaissant le garçon aux cheveux noirs, qu'elle avait aperçu sur la plage. N'ont qu'elle l'appréciait, c'était tout autre chose qu'elle avait encore du mal à définir.

L'individu toisa le trio :

— Eh bien eh bien, vous n'êtes pas trop sur les nerfs avec cette nuit qui approche ?

Sa voix était mélodieuse, et la brunette eut l'impression qu'il l'envoûtait. Mais un grognement sourd provenant de Jacinthe la fit sortir de sa transe. Elle fusillait le nouveau venu du regard, et celui-ci lui rendait la pareille. En jetant un coup d'œil vers Lou, la jeune femme comprit que lui non plus ne semblait pas partager de bons sentiments.

— Mes excuse mademoiselle, nous n'avons pas eu le plaisir d'être présentés. Vous êtes ?

Il avait prononcé ces mots en détournant toutes son attention des deux autres, pour s'approcher de la brunette, un rictus tracé sur ses lèvres.

— Elwina.

— C'est tout ? Il inspira longuement, comme s'il était un animal flairant son entourage, avant de répondre lui-même à sa question :

— Oui, c'est tout.

Pourquoi avait-elle l'impression que le moindre mot sortant de sa bouche était à lui-même la plus pure note de musique qu'elle ait entendue jusqu'ici ? Elle devait l'observer avec les mêmes yeux rond qu'un enfant découvrant sa nouvelle obsession, car l'homme sourit de plus belle. La brunette ne sut dire, cependant, si ce sourire était bon ou mauvais.

— Et vous, vous êtes ?

— Poséidon, enchanté.

Il lui avait tendu la main, mais Elwina fut incapable de la prendre.

Comment ça Poséidon ?

Poséidon comme le dieu grec ?

— Oui, Poséidon comme le dieu grec.

Le garçon avait appuyé son regard, d'un air sévère, sur sa main toujours tendue, et Elwina s'empressa de l'empoigner.

— Enchantée. Bredouilla-t-elle, confuse, tout en lançant un regard de détresse vers ses deux amis.

— J'avoue que mes parents ont cruellement manqués d'originalités... « époux de la terre » est la traduction grecque, c'est nul à chier. Surtout pour un dieu de la mer. Son corps entier s'était mis, l'espace de quelques instants, à vibrer de colère. On l'aurait averti de l'arrivée d'un tsunami sur la côte, Elwina n'aurait même pas pu être étonnée. Le garçon, reprit la parole, d'une voix plus calme :

— Pourquoi donc les De Fleuri vous hébergent ?

Surprise qu'il connaisse cette information, Elwina mit quelques secondes avant de répondre :

— Eh bien je...

— Non, non. Il l'avait coupé en lui jetant un regard noir. Je lui demandais à elle. Avait-il terminé en désignant Jacinthe du menton. Cette dernière se redressa sur sa chaise pour montrer qu'elle ne se laissait pas intimider, même si la lueur de ses yeux prouvait tout le contraire.

— Sa grand-mère a vécu ici.

— Ah oui ? Poséidon se retourna pleinement vers Elwina, et cette fois-ci c'est bien à elle qu'il s'était adressé :

— Et vous vous plaisez chez nous ?

Même si elle s'était refusée à lui répondre, la jeune femme n'aurait pas pu. Son timbre vocal était d'une telle hypnose qu'elle aurait tout donné pour s'y noyer et l'entendre davantage.

— Oui.

Il sourit à nouveau.

— Vous m'en direz tant. Eh bien, très chère Elwina, quand les jappements incessants de votre nouvel entourage vous taperont sur les nerfs, surtout n'hésitez pas à venir me retrouver.

Et sur ces mots, le brun fit demi-tour, pour descendre les escaliers, saluer Berhed, et quitter la bibliothèque. Elwina avait été incapable de le quitter du regard. Lui et ses cheveux qui semblaient flotter autours de son visage, lui et sa voix si sublime, lui et son corps défiant les normes de beauté humaines, lui et...

— Elwina ?

La jeune femme papillota des yeux, comme si elle sortait d'une transe, et se retourna vivement vers Lou.

— Oui ?

— Ça va ?

Sur le coup, elle ne sut quoi répondre. Elle se sentait joyeuse, et avait une irrésistible envie de rejoindre en courant cet homme qu'elle n'avait pourtant vu que quelques secondes.

— Il s'appelle vraiment Poséidon ? Bredouilla-t-elle, avec cette même voix aigüe dont Jacinthe usait pour parler au rouquin. Et, visiblement, ses deux interlocuteurs s'en rendirent copte car ils froncèrent les sourcils avec un mélange d'étonnement et... d'inquiétude ?

— Oui. Nous sommes en Bretagne, les prénoms bizarres sont en puissance, ici. Mais tu verras, cette ville bat tous les records.

Lou avait terminé sa phrase en en riant, et son rire fit immédiatement sourire Jacinthe. En bas de la bibliothèque, la voix de Berhed s'éleva pour les prier de sortir : ils allaient fermer. Elwina nota qu'il n'était que dix-sept heures : c'était bien plus tôt que l'heure de fermeture habituelle. Elle questionna sa future employeuse sur le sujet, et cette dernière répondit d'un air énigmatique :

— La pleine lune, ma petite, la pleine lune.

Ça n'étonna même pas la jeune fille, que l'excentricité de cette dame la pousse à revoir ses horaires de travail selon la lune. Sûrement un truc de plantes où d'ondes que sa grand-mère disait aussi, mais qu'elle ne saisissait pas vraiment. Sur le coup, ça l'arrangeait plutôt : elle détestait les nuits de pleine lune, où elle était la plupart du temps incapable de dormir.

Elwina ne s'interrogea donc pas sur la bizarrerie de la situation, et pas plus lorsque les De Fleurie lui annoncèrent qu'ils avaient une réunion de quartier ce soir-là et qu'elle serait seule à la villa.

Pourtant, elle aurait dû.

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