Le Royaume perdu

By Sheila_Letanovsky

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Arcanya Lake vit dans le royaume d'Oriolen, où règne le roi sanguinaire Menevras Erhavsha. Chaque année ving... More

1- L'Appel
2- L'Appel partie-2
3- Verité ou Mensonge
4- Terreur et Combat
5- Plans
6- Nid de Serpents
7- Rencontre surprise
8- Course poursuite
9- Une journée en Enfer
10- Se fondre dans le décor ou faire brûler le décor
11- Eveil
12- Rituel
14- Perte de controle
15- L'aide inespérée
16- Faire le grand saut
17- Evasion
18- En cavale
19- Ratrappés
20- Démons nocturnes
21- Encore marcher
21- La grive
22- La region des Lacs
23-L'attaque
24-Ruines anciennes
26- Vaenira
27- La cité des espoirs
28- La cité des espoirs partie 2
29- Liens de sang
30- La Bibliothèque
30- Reunion
31- L'arme
32-Les Liés
33- Le Haut Roi
34- L'arène
35- L'entrainement
36- Bataille
37- Affrontement
38- Le sanctuaire maudit
39- Le sortilege

Ruines anciennes 2

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By Sheila_Letanovsky

- Quoi, soufflai je le souffle coupé.

Pour un secret, ça s'en était un ! Dire que durant toutes ses années, Menevras avait fait vivre son peuple dans la terreur de cet endroit. Cet endroit qui était la preuve de la guerre et de l'existence d'autres royaumes. Il avait dissimulé les méfaits qu'il avait accompli au côté de son père. Je regardai le dessin de l'affrontement entre Gaius et celui qui devait être Moroviel. Tout les deux étaient devenus fous. Mais un seul l'avait été au point d'éradiquer deux races entières.

- La Forêt Sombre est le dernier accomplissement de Moroviel.

Abrax s'approcha du mur incurvé et suivit à son tour comme moi plus tôt, la chronologie des événements.

- Son dernier souffle a été pour faire sortir de terre cette chose ignoble. Cette forêt est infusé du pouvoir corrompu des Eravsha. Et elle a détruit sur son passage tout un royaume.

- Tout à donc disparu ?

- Des cités entières ont été réduites à néant.

- Mais comment ces temples peuvent être encore debout alors que tout a été détruit ?

- Je l'ignore, avoua t'il le front creusé. Peut être est ce car il se trouve dans une falaise et qu'il a réchappé même si cela me paraît improbable. Je ne savais pas qu'il y en avait un autre en plus de celui sous le Palais Noir.

- Et il a conservé cette salle, fis en tournant sur moi même. Il a protégé l'histoire du passé.

- Pourquoi voulez vous que tout ces dessins se soient déjà déroulés, me demanda t'il mystérieusement en s'approchant de la partie du mur où la pierre c'était effritée.

- Vous l'avez dit vous même, cela montre la guerre entre les royaumes. Et cette guerre est terminée.

- Effectivement, répondit il l'air crispé.

Mais je ne le regardai pas. Je me plantai devant la femme hurlante face au ciel. J'arrivai a décrypter les événements avant mais à partir de cette image cela devenait un mystère.

- Vous savez ce que cela signifie ensuite?, lui demandai je en lui tournant le dos.

- Je sais seulement que cette femme doit être celle qui fut aux dires de certain la maîtresse du roi Gaius. Condamnée elle et son enfant à ne plus vivre mais ne pas mourir.

Le choc me coupa la respiration.

- Que..., murmurai je en faisant volte face.

Abrax était en train de suivre du bout du doigt le tracé du fil rouge qui liait les deux ombres. Il leva sur moi un regard interrogateur.

- La femme... le roi amoureux à la fois de son épouse et d'une femme portant son enfant. Vous avez dit... l'enfant ne pouvait vivre...

Je ne terminai pas ma phrase. Dix sept ans à avoir cru que mon père avait inventé des légendes pour m'endormir le soir. Alors que c'était... ce n'était pas une simple légende. C'était le passé même. Un passé qui avait été présent et qui c'était déroulé. Une histoire vraie.

- Paysanne, que ce passe t'il?

Je le dévisageais. Je levai une main tremblante vers lui.

- C'est une chose que vous aviez appris là bas, lui demandai je fébrile.

- Où cel... ?

- De l'autre côté des Montagnes Maudites, m'écriais je.

- C'est en effet le... chef qui me l'a racontée...

Il me regardai étrangement. Mais peu m'importait. Mon père connaissait cette histoire. Et les mille autres qu'il m'avait conté et dont je n'arrivais plus à saisir les tenants et les intrigues. J'étais sûre d'avoir été bercé, désormais par des histoires de la guerre. Cela voulait dire que mon père avait été un Révolté. Cela ne pouvait que dire qu'il avait été mis au courant d'histoires qui ne semblait être connu que de l'autre côté des montagnes. Il avait dut s'y trouver.

Un bruit sec et un mouvement devant mes yeux me fit sursauter.

- Eh, s'écria Abrax qui venait de claquer des doigts. Dites moi un peu ce qui se passe là dedans !

- Vous, dites moi que pour une fois vous allez réponde à mes questions.

Je reportai mon attention sur lui. Les bras croisés il était penché sur moi. Mais un sourire moqueur étirait ses lèvres.

- Je vois que vous êtes toujours aussi lente. Vous n'avez toujours pas compris que je ne pouvais rien vous dire.

Il fit voltiger ma lame dans sa main à quelques centimètres de mon visage. Je serrai les poings. Bien. Qu'il ne dise rien. Je regardai à nouveau les dessins et les mémorisait avant de tourner les talons.

- Mais dites moi, vous, comment avez vous put ouvrir cette salle, me lança t'il dans mon dos.

J'émis un éclat de rire mauvais.

- Vous voulez rire j'espère, lançai je sans même prendre la peine de me tourner.

Je traversai ce que je comprenais maintenant était un gigantesque hall dans cet édifice. Des pas se rapprochèrent et je le laissai se mettre à mon niveau. Son parfum me frappa à nouveau. Je baissai les yeux sur moi. Mes vêtements étaient en lambeaux. Mon pantalon était déchiré, les manches de ma chemise pendaient et seul mon corset devait encore la maintenir serrée contre moi. J'étais recouverte de sang. Je fronçais les sourcils. Mes blessures c'étaient refermées mais ce que j'avais fais n'avait pas nettoyer mes habits. Je tournai brusquement ma tête et regardai de haut en bas Abrax. Je m'arrêtai en même temps que lui. Il écarta grands les bras et fit mine de se laisser admirer. Je lui envoyai mon poing dans l'estomac.

- Comment pouvez vous être propre ?

Il se frotta le ventre en grimaçant mais se retenait de sourire.

- Je me suis lavé bien sûr.

- Mais...

Je le regardai avec des yeux ronds.

- Vous avez une baignoire peut être ?

- Non mais j'ai trouvé un bassin non loin de là qui était rempli grâce à une source qui coule encore, me dit il tranquillement.

- Dans le temple?

Je croisai les bras en le regardant incrédule. Il hocha la tête avec un grand sourire. Je voyais maintenant la pointe de ses cheveux mouillées et sa chemise qui lui collait encore un peu au corps.

- Mais quand ?

- Juste après que vous ayez arrêté de vous accrocher à moi comme à votre doudou et que vous soyez partit en exploration.

Je rougis aussitôt de colère et de gêne. Comment osez il me dire ça alors que...

- Ne soyez pas vexée, lança t'il en secouant la main, j'ai apprécié le moment.

- Je venais de vous sauver la vie, persiflais je, et je ne suis restée que dix secondes.

- Tss tss puisque je vous dit que cela ne me dérange pas, fit il en se mettant en route me laissant plantée là.

Le parallèle ne m'avait pas échappé. Il venait de réutiliser mots pour mots, ce qu'il avait dit après le léger incident lorsque nous avions escalader les rochers. Médusée, je ne répondis rien. Nous nous étions disputés juste avant que la pluie de sang ne ne frappe. Et encore avant il m'avait abandonné seule sur une place alors qu'un moment étrange nous liait. Tout ce qui c'était déroulé entre hier soir et ce matin, tout portait à croire que nous nous serions encore plus écharpés ou ignorés voir détestés. J'avais envie de le détester. Mais une fois encore il soufflait le chaud et le froid et me parlait comme si chaque instant était un amusement. Comme si tout était sujet à rire. Mais j'avais compris ce qu'il faisait. Il déviait mes questions. Il ne faisait que gagner du temps. Je savais maintenant que par delà les montagnes j'aurai enfin quelqu'un qui pourrait réponse à mes questions et pas un abruti prétentieux qui les esquiveraient. Autant m'y rendre le plus vite possible.

- Alors, me relança Abrax quelques mètres plus loin en train de fouiller dans le sac.

Miraculeusement c'était à peine s'il était abîmé. Il sortit de la viande séchée qu'il me lança. Je l'attrapai et marchai tout droit vers l'ouverture que j'avais repéré alors même que je traînais sa misérable carcasse sur le sol. Je grommelai dans ma barbe en me disant qu'il ne m'avait toujours pas remercié. S'il c'était vraiment baigné, il n'avait put le faire que par là autrement je l'aurai vu ou entendu passer à côté de moi. Le bassin était donc dans cette direction.

- Je ne vous dirai rien tant que vous ne me direz rien, lançai je.

- La paysanne est dure en affaire à ce que je vois.

Je remontais un couloir plongé dans le noir et bifurquais à la première porte que je vis. Elle était vide et sans vie. Je ressortis. Malheureusement Abrax en avait profité pour me suivre.

- Mais rien ne résiste à mes talents d'espions vous savez, continua t'il.

Je persistais à l'ignorer. Je voulais simplement me débarrasser de toute la crasse et le sang que j'avais sur moi. Je trouvais enfin ce que je cherchai. La salle était tout aussi vide que l'autre mais un bassin était creusé à même la roche et une eau relativement limpide le remplissait. Elle devait être glaciale. Je remarquai à nouveau que la pièce brillait d'une lumière étrange qui n'avait pas lieu d'être dans une salle sous trente mètres d'une falaise. Je tendis l'oreille et notait l'intensité encore grondante de la tempête. Je ne voulais pas plus m'attarder que de raison dans cet endroit. D'autant que je brûlais désormais de rejoindre ce camp de Révoltés. Je débouclai ma ceinture, mon corset et les déposai au sol.

- Je vous en pris, marmonna ironiquement Abrax dans mon dos.

- Vous n'allez pas me faire croire qu'un corps nu nous dérange à présent, lançai je en délassant ma chemise.

- Non seulement que...

Sa voix se suspendit. Je tournai la tête pour hausser un sourcil dans sa direction.

-... vous avez rapidement perdu votre côté de coincée, finit il presque l'air surpris.

- Et bien il faut croire que le temps passé avec vous m'a corrompu, dis je tranquillement en laissant tomber à terre le bout de tissu.

J'étais fatiguée. A bout de nerfs à propos de tout et à propos de tout le monde. Et la seule personne présente en ce moment même était celle la même contre qui ma colère était dirigée. Il pouvait se moquer de moi, jouer aux mystères et me faire me torturer l'esprit avec les questions qu'il soulevait en permanence en ne laissant échapper que des bribes d'informations. Mais je ne le laisserai plus m'atteindre sur des choses futiles.

- Et puis, fis en abandonnant mon pantalon sur le sol et lui faisant face.

Il avait les yeux agrandis et semblait choqué. Ce matin même je m'étais changé devant lui. L'urgence et mon état avait fait qu'il ne c'était préoccuper que de ma santé et non pas de mon corps. Mais désormais, j'allais le prendre à son propre jeu.

- ... vous qui semblez tant apprécier les villageoises de la Région des Lacs, vous ne devriez pas être décontenancé et perturbé par une pauvre paysanne comme moi.

Il se racla la gorge et croisa les bras. Je notai que ce geste semblait revenir lorsqu'il était en état de nervosité.

- J'espère que vous n'êtes pas jalouse, laissa t'il tomber d'une voix trop rauque.

J'esquissais un léger sourire et me tins devant lui encore une paire de secondes. Petit à petit je ressentais venir à moi ma force qui m'avait fait survivre toutes ces années. Complètement perdue, j'avais passé ces derniers jours à tourner en rond dans ma tête et a réagir comme une pauvre adolescente face au jeune homme en face de moi. Mais ce n'était pas moi. J'étais celle qui avait marché fièrement en tête de la file des Désignés. Je me retournai lentement et m'avançai vers le bassin. Je m'étais battue contre le prince en personne. A deux reprises je l'avais affronté. Mon pieds trouva une marche et progressivement je m'immergeais. J'avais manqué de menacer de mon poignard le roi Menevras, avait tenu tête à la reine Ravenna. Je ne comprenais tout simplement pas pourquoi ces derniers jours je m'étais éteinte de cette manière. Le froid de l'onde fut comme un choc que j'accueillis avec bonheur. Je ne restai pas longtemps. Ce lieu ne mettait mal à l'aise et je ne voulais pas m'aventurer plus loin dans ce bassin. Il était peu probable qu'une bête marine y résidait mais je ne voulais prendre aucun risque. Je plongeai ma tête sous l'eau et lorsque je ressortis je lissai mes cheveux en arrière sur ma tête. Je gravis la marche une nouvelle fois et vis avec surprise que mes loques avaient disparus remplacés par de nouveaux habits. Je souris devant l'attention d'Abrax. Mais mon sourire s'éteint aussitôt. Je ne savais plus si je pouvais me permettre une quelconque affection pour lui. Je n'étais pas la plus agréable des compagnes de voyage. Mais lui même, a plusieurs reprises avait eu des attitudes scandaleuses. Je secouai la tête en me reprenant. Comment pouvais je me préoccuper d'une telle chose dans un moment pareil ?

Je sortis du couloir et m'avançai vers lui. Il se tenait de dos et fouillait encore une fois dans le sac.

- Tenez, lança t'il en me lançant au visage mon couteau incurvé.

J'eus une violente inspiration de peur et le rattrapai in extremis à deux mains.

- N'essayez même pas de vous ne plaindre, me dit il en se redressant les mains pleines de provisions. Vous m'avez fait le même coup il n'y a même pas dix minutes.

Je grommelai dans ma barbe en me laissant tomber sur le sol.

- Vous êtes si... vous, en fait, fis je en le regardant.

Il s'assis en face de moi.

- Quel compliment de votre part, commenta t'il en me tendant à nouveau de la viande séchée.

Je l'acceptai.

- Alors, pouvez vous me dire comment vous avez ouvert cette salle ?

Je lui renvoyais un regard déconcerté.

- Vous vous attendez vraiment à ce que je vous livre des secrets, alors même que la plus petite information semble vous coûter votre langue ?

Il fit claquer ladite langue en m'adressant un sourire moqueur.

- Qui ne tente rien n'as rien, comme on dit. Même si j'ai désormais une petite idée sur la question.

- Vraiment ?

- Oui, la pièce c'est refermée, alors que vous faisiez trempette. Et je n'ai pas réussi à la rouvrir. Au contraire, l'œil de la panthère c'est mis à briller dangereusement et une force étrange m'a repoussé.

- C'est donc mon sang, compris je sur le champ. J'avais les mains pleines de sang et j'ai effleuré cette gravure.

- Dans le mille, me répondit il, vous comprenez vite.

- Dans le premier temple, fis je pensivement, vous savez que Menevras m'as fait ?

- Vous ne me l'avez jamais dit en réalité, me répondit il en me fixant.

- Il m'a entaillé le bras et a fait couler mon sang sur une porte gigantesque.

Il me regardai d'un air songeur mais je vis ses mains se crisper.

- Vous savez ce que c'était ?, lui demandai aussitôt.

- Non, je ne sais pas, mais si il c'est empressé de se rendre là, juste après l'Eveil, c'est que c'était important pour lui. Cela devait être une chose capitale.

Il marmonnai pour lui même.

- Que c'est t'il passé ensuite?

Je relevai la tête, et regardai derrière lui, vers l'armée de statue de pierre.

- Une déflagration est partie, fis je à mi voix. Et elle a secouée tout l'air autour de nous.

- Je l'ai sentie, affirma t'il. Je suis déjà allé dans ce temple, j'en avait trouvé l'entrée, il y a bien des années, mais j'ignore ce qui se cache derrière ces portes. Mais si, à votre contact, une chose a fait bouger la terre, juste derrière...

- Non, soufflai je. Ce n'est pas quelque chose d'inconnu qui a provoqué ça. C'était quelqu'un. C'était moi, terminai je en chuchotant.

Il ne répondit rien. Je tournai à nouveau la tête et le vit en train de m'observer.

- Et..., continuai je incertaine. Il c'est passé autre chose.

J'ignorais à quel moment nous nous étions mis à parler de la sorte. Mais son expression avait changée et je le voyais prêt à la discussion. Même si pour le moment, seule moi, livrait ce qui c'était passé, il m'écoutait et réagissais. Peut être allait il m'en dire plus à son tour ?

- Savez vous ce qu'est le sceau de... l'éternité ?

Son visage s'agrandît presque tant ses yeux s'écarquillèrent.

- Qui vous a parlé d'une telle chose ?, prononça t'il distinctement.

- Le prince Maven, lui dis je en fronçant les sourcils, et le mercenaire ce matin même. Ils fixaient tout deux mon front, précisai je. Dites m'en plus à ce propos.

- Et bien, dit il tout le corps tendu, j'ignore avec exactitude ce que c'est, mais j'en ai déjà entendu parler...

Je soupirais. J'avais reconnut l'empreinte du mensonge dans ses mots et dans son regard. Il me mentait à nouveau. Je détournais les yeux et me couchai en boule.

- Reposons nous, fis je en fermant les yeux pour cacher ma déception.

J'ignorais pourquoi cela me tenait tant à cœur, mais j'espérais que nous pourrions parler sans tromperie, l'espace de quelques instants. Peut être, parce que après tant d'années de solitude c'était la première fois, que je passais autant de temps avec la même personne. Je l'entendis pousser un long soupir avant de se coucher à son tour. Je gardai mes paupières fermées et bientôt je me sentis partir.

Une profonde agitation me faisait me tourner en tout sens. J'avais comme, des fourmis partout dans le corps, qui me poussait à bouger, qui me donnait cette sensation de gêne intense. Une menace montait. Je sentais un danger dans mes instincts les plus profonds. J'émergeais de mon sommeil, et combattis mon épuisement.

- Non!, retentit une voix avec violence dans ma tête. Mes yeux s'ouvrirent en grands et je me redressai avec terreur.

- Tuer? Mais pourquoi... pourquoi lui? Non... non je ne peux pas.

Je tournai la tête les sens en alerte. Qu'est ce que...

- Obligé... il va nous obliger. Il faut que tu partes....

A deux mètres de moi Abrax se convulsait doucement. Sa voix s'élevait dans l'immense espace et résonnait. Cela expliquait pourquoi cela avait été comme un tonnement dans mon esprit. Je roulais sur le côté et me positionnais à côté de lui. Ses bras s'agitaient. Ses jambes tressautaient légèrement. Pour la première fois, je voyais son front couvert de transpiration alors même qu'il n'avait pas fait d'effort physique. Mais sûrement que sa psyché en exigé bien plus en ce moment même. Il était piégé à l'intérieur de lui, compris je. Je faisais moi même des cauchemars. Et il m'avait parlé des démons nocturnes en sachant qu'il parlait également pour lui. J'eus malgré moi une pointe de compassion. Il était fourbe et menteur. Il était en mission au service de son chef. D'une certaine manière peut être n'avait t'il pas le choix d'être ainsi. Et ses paupières qui tournaient en tout sens témoignaient de sa vie. On ne faisait guère de rêves de ce genre en ayant vécu des années tranquilles et douces. Sa mâchoire se crispa et il sembla retenir un cri. Il souffrait. Cela était sans appel. Les ombres autour de lui, semblaient se rassembler et s'épaissir. Je n'y prendrais pas attention. C'était seulement, mes yeux brouillés de fatigue qui formaient des illusions. Il se crispa à nouveau. Je ne savais que faire. Lentement j'approchais ma main de son visage. Et du bout d'un doigt je suivis un chemin tracé par moi même sur son front, qui descendait sur ses joues, son nez, son menton. Je cherchais à l'apaiser. Pour pas que ses cris n'attirent des bêtes sauvages me dis je. Mais couchée sur le flanc face à lui, j'observai ses traits. Quel genre d'humain devenait on en devenant un mercenaire pour le roi Menevras. Il m'avait suffit de voir celui qui m'avait attaqué et son air mortel et vide pour le comprendre. Et c'était ce qui m'effrayais le plus chez Abrax. Il riait et souriant, parlait de choses et d'autres. En trois années de sa vie il n'avait put oublié. Qui sait ce qui pouvait bien se tramer dans sa tête ? J'étais bien placée pour savoir que refouler tout n'était qu'une solution à court terme. Je vis sa respiration se ralentir mais son visage ne se détendit pas. Il marmonnait encore dans son sommeil mais je ne pouvais en saisir les mots. Je poursuivis le chemin encore un moment jusqu'à ce que je me mette à somnoler. Je retirai ma main mais la sienne jaillit si vite que j'étouffais un cri. Il referma ses longs doigts dessus et se tourna lascivement en l'entraînant avec lui sous sa joue. Il posa sa tête dessus et son corps vint pratiquement se coller au mien. Je ne bougeai pas d'un millimètre durant quelques instants. Puis tirai doucement ma main pour la délivrer. Mais je ne parvint pas à la bouger. Sa poigne était toujours aussi forte même endormit. Grommelant je tirai encore plus et plaquant mon autre main sur sa tête pour faire levier. Mais rien n'y faisait. Poussant un juron, j'étendis mon bras au maximum et me roulait en boule le plus loin possible de lui. Je m'endormît vite et bientôt j'étais de retour devant les portes émeraudes. Je me levai doucement et regardai autour de moi. Il n'y avait personne. Mais une présence pulsait autour de moi. Je la sentais. Comme le rêve que j'avais déjà fait face à ses portes, la présence se rapprocha et m'opprima. Elle me força à avancer vers les lourds battants. La douleur dans ma tête me fit grimacer. Puis la voix grave retentit une fois encore. Elle psalmodiait. Je ne comprenais pas les mots. Seulement un ou deux ça et là.

- Je... toujours... t'attendais.

Je me rapprochais toujours et bientôt je fus face aux immenses portes. Ma main se tendit. Je tentai de la baisser mais je ne la contrôlais plus.

- Oui... viens à moi.

Ma main s'avança un peu plus. J'étais tétanisais. Une partie de moi, dansait, de savoir ce qui allait se passer. Alors que tout mon être continuait à hurler au danger. Mon doigts effleura la pierre verte. Et le monde vola en éclats. La douleur me fit me réveiller brusquement.

Je papillonnais des yeux. La migraine s'estompait déjà, et avec, des bribes de mon rêves. Tout était déjà flou. Mon bras était remplis de fourmillement étrange. Fronçant les sourcils je tirai dessus mais un poids me bloqua. Je forçais à nouveau et relevai la tête confuse. Puis la situation me revins en mémoire. J'étouffais un ricanement. La situation était comique... pour moi. Je roulai pour me rapprocher de lui. Sa chaleur m'étonna à nouveau mais je ne m'en préoccupai pas. Je vins effleurer ses cheveux de jais et l'appelait doucement :

- Dites moi ?

Je vis le sommeil le quitter peu à peu. Ses yeux s'ouvrirent et je faillis me laisser perturber. Leur éclat ne faiblissait jamais peu importait l'endroit où nous étions. Je vis ses yeux s'agrandirent de surprise et il les cligna rapidement.

- Vous aviez trop froid dans votre coin ?, me demanda t'il encore dans les vapes.

- Oh non pas le moins du monde, répondis je en laissant retomber ma main de ses cheveux trop soyeux, pour quelqu'un qui évoluait dans une forêt maudite, depuis plusieurs jours.

- Mais alors qu'est ce que vous faites la, me demanda t'il comme pour me soutirer une confession.

- A vous de me le dire, assénai je en le fixant.

Ses yeux se plissèrent l'espace d'une seconde avant qu'il ne se rende compte de la situation. Puis je sentis sa main se serrer un peu plus sur la mienne qu'il enserrait et qu'il gardait encore sous sa joue.

- Je vous le demande - je rapprochai ma tête de la sienne - qui s'accroche à l'autre comme à un doudou maintenant ?

Puis je tirai de toutes mes forces sur mon bras et il le délivra sur le champ. Je me relevai prestement. Je m'amusais de plus en plus a rentrer dans son jeu. Je m'appuyais dos au mur et le regardai, se redresser à son tour.

- Vous avez fait un cauchemar, assenai je sans détour, ne sachant trop comment m'y prendre.

Il grimaça et se passa la main dans les cheveux.

- Je vous ai réveillée...

- Ce n'est rien, assurai je en le regardant.

Il semblait gêné.

- J'espère ne pas avoir... ne pas avoir parlé...

C'était une des premières fois où je le voyais buter de la sorte sur des mots. Cette constatation m'adoucit considérablement. Je décidai de ne pas lui dire ce que j'avais entendu. Parler de tuer et de se cacher de quelqu'un... Il avait aussi émit un refus d'agir. C'était un cauchemar sur sa vie auprès du roi. Et je ne voulais en aucun cas, le replonger dans ces souvenirs.

- N'ayez crainte, vous vous contentiez de vous agiter, répondis je.

- Vous ne m'avez même pas réveillé, vous avez réussi à me calmer, fit il en soutenant mon regard, une lueur étonnée dans les yeux.

- Vous vous êtes tout de même accroché à moi comme un enfant, lançai je pour détendre l'atmosphère.

- Et vous ne me demandez pas quel en était la cause, remarqua t'il l'air reconnaissant.

- Vous aviez agit de même pour moi, lors du mien, répondis je, en faisant allusion à mon terrible rêve du soir de la perte de mon père.

- Merci, dit t'il gravement.

Je haussai les épaules et lui adressai un léger hochement de tête. Il savait visiblement mieux que quiconque, ce que les terreurs nocturnes pouvaient faire. Nous avions au moins ça en commun. Un climat agréable c'était installé entre nous.

- Écoutez, la paysanne...

- Cessez donc de m'appeler ainsi, réagis je, si je suis réellement la descendante du Haut Roi Gaius, n'ai je pas un semblant de sang royal dans les veines ?

Je lui adressai un regard de défi en souriant de toutes mes dents. Je n'y avait même pas réfléchit avant. Jusque là je n'avais pensé qu'à ce que cela impliquait pour l'avenir, à l'Eveil, à mes facultés que je ne contrôlais pas.

- Certes, s'esclaffa t'il et je remarquai qu'il tiqua à mon sourire. Mais il reste minime, si vous voulez mon avis.

- Vous êtes plus paysan que moi en réalité, le raillai je.

Il secoua la tête, offusqué, mais je vis qu'il retenait un sourire.

- Très bien, Arcanya, j'ai quelque chose à vous dire.

Aussitôt, mon sérieux revint et je me concentrais sur Abrax.

- Nous pouvons arriver à notre destination dès ce soir.

Médusée, je restai bouche bée.

- Comment pouvez vous en être sur ?

- Je vois où nous nous trouvons, depuis ce temple. Nous avons à peine dévié de notre route initiale. Et vos capacités ont grandement accélérées notre périple. Notre destination est à portée de main. En réalité, je dois vous dire... pour y accéder, les méthodes pourront vous paraître... insensées. Mais il faudra me faire confiance.

- Vous faire confiance, répétai je en fronçant les sourcils. Et pourquoi cela ?

- Je suis tenu à ne rien révéler, avant le moment venu. Mais vous ne courrai aucun danger, cela peut juste être... déstabilisant.

- J'aurais presque peur, fis je, si je ne connaissais pas votre dévotion à votre mission, qui est de ramener le précieux chargement.

Ma voix était plus de venin que je ne l'aurai voulue. Mais c'était plus fort que moi. Je ne pouvais m'empêcher de me sentir comme un objet dans cette histoire. Et le fait qu'Abrax puisse le voir de cette façon également, me blessais de plus en plus.

- Ne vous voyez pas comme tel, grimaça t'il. Je ne pensais pas réellement ce que j'ai dit.

Je haussai un sourcil.

- Si c'est bel et bien le cas, révélez moi au moins cette chose.

Il se passa la main sur le visage. Je pouvais voir de la, son cerveau tourner à pleine allure. Même si je ne saisissais toujours pas très bien, pourquoi il tenant tant à faire de mystères avant notre arrivée, je lui faisais confiance. Je tressaillis, prenant conscience que c'était sûrement la première personne à qui je faisais réellement confiance. Je savais qu'il mentait, trichait comme il respirait, mais il m'avait sauvé et était malgré tout de bonne compagnie. Malgré sa propension à être agaçant. Notre danse me revint en mémoire. Il avait dit être attiré par cet énervement provoqué en moi. Que j'étais l'une des seule personne à ne pas avoir peur de lui. Je le détaillai et l'observai réfléchir. Finalement, il poussa un de ces soupirs dont il avait le secret :

- Très bien. La Révolte remonte depuis déjà très longtemps. Depuis la toute fin de la guerre en réalité. Des personnes se battent depuis lors et des... vestiges de la puissance d'antan persiste... Le seul moyen de pénétrer là où nous allons relève de la magie.

- De la magie?, relevai je incrédule. Ce n'est pas très précis.

- Mais c'est le mieux que je puisse vous dire, rétorqua t'il.

Je levai les yeux au ciel et me remis debout.

- Très bien, l'homme mystère, en route, fis je. Et j'espère que votre petit chef sera enclin à mettre au clair toute les choses que vous me cachait, le menaçais je en agitant mon doigts.

Il s'en saisit, amusé, et regarda ma main dans sa paume. Je baissai le regard sur nos doigts joints et le relevai pour l'observer par dessus mes cils.

- J'espère que vous savez que si je le pouvais, je vous aurai déjà tout révélé, dit t'il.

L'étrange lien que je sentis se renoua alors, comme lorsque nous dansions. J'eus alors envie de lui dire que je lui faisais confiance. Que je compatissais à son passé, que je le comprenais. Mais je ne dis rien, car cette sensation me sembla bien trop étrange. Je ne m'étais jamais intéressé à personne. Je n'avais jamais eu d'amis. Or, à cet instant, je le voyais comme tel. Je le voyais comme un ami.

- Vraiment ?

- Je sais que cela doit être dur, que vous ne comprenez rien, poursuivis t'il, mais je vous fait la promesse qu'à l'instant où je le pourrai, je répondrai à toutes vos questions, Arcanya.

- Merci, dis je à mon tour.

D'un geste impulsif, je pressai sa main. J'ignorais complètement si c'était l'action à faire. Je ne savais comment on devait réagir face à une personne pour qui on avait de l'affection. La seule que j'ai jamais avait été mon frère et je doutais que cela soit la même relation.

Soudain un terrible bruit retentit autour de nous. Je me figeai et lançait un regard à la ronde sans déceler quelque chose de spécial.

- D'accord, souffla Abrax, là il nous faut vraiment fuir.

Mon cœur s'accéléra et bouche bée, je regardai frénétiquement chaque recoins du grand hall. Puis je le vis.

- Par la déesse, laissai je échapper.

- Cela va peut être vous semblez répétitif à la longue, me glissa Abrax qui venait de charger le sac sur son dos, mais courrez !

Mes muscles tétanisés se mirent en marche. Par la grande arche, la même par laquelle j'avais traîné l'ancien mercenaire une paire d'heures plus tôt, se profilait une ombre terrible. C'était un monstre fait de ténèbres et de noirceur. C'était tel une forme mouvante, qui hurlait au mal et à la désolation. Je ne voyais que des dents qui sortaient de ce qui devait être sa bouche, qui semblait solides. Le reste n'était que fumée. Mais j'étais persuadée à cet instant précis, que cette fumée, si elle m'atteignait, ne ferai pas que me traverser. Nous nous enfuîmes, ensemble, nos mains encore jointes. Nous nous engouffrâmes dans le couloir où il avait trouvé le bassin. Le grondement derrière nous, enfla, et bientôt il résonna tout autour de nous, dans la roche.

- C'est elle n'est ce pas?, haletai je. C'est la bête qui vous traque.

- Oui, dit il d'une voix blanche. Si elle nous rattrape, on est morts.

- Nous ne pouvons pas la vaincre ? Une lame ne lui fais pas d'effet ?

Nos pas nous guidèrent au fin fond du couloir et nous nous arrêtâmes en catastrophe devant le mur du fond.

- Non. A droite ou à gauche, souffla t'il.

Je regardai tour à tour, nos deux choix. L'un comme l'autre, ils ne semblaient promettre que de l'obscurité. Un fracas nous fit nous retourner. La bête venait de s'engouffrer à son tour dans le passage. La pierre volait en éclats sur son passage.

- A droite, hurlais je avant de foncer en avant.

Nous continuâmes encore sur plusieurs intersections. Nous étions dans un véritable labyrinthe. Chaque salle qui défilaient sous mes yeux étaient semblables. C'était toutes de grands espaces vides, avec parfois des statues au milieu. Tout les murs étaient recouverts des même dessins. La créature gagnait du terrain. Nous nous arrêtâmes l'espace d'un instant au milieu d'une salle où le plafond était plus haut. Il s'élevait sur quarante mètres. Le bruit derrière nous gagnait toujours plus de terrain.

- Allez, cria Abrax en nous redirigeant vers une autre arche.

- Attendez, m'écriai je. Attendez, regardez !

Je pointai du doigts, un rayon de lumière qui passait à travers des lianes. Une partie du plafond c'était effondré. Juste en dessous, je pouvais encore voir les tas de rochers.

- Il nous faut grimper !

Je m'élançais sans savoir si nous aurions le temps de nous hisser avant que le monstre n'arrive. Si il pourrait lui même, monter et nous tuer avant que nous pouvions toucher du doigts le moindre rayon de lumière naturelle. Je sautais sur les rochers, les escaladai et m'accroupis sur le plus haut. Il se trouvait à une dizaine de mètres du sol. Abrax me suivait de près. Son visage, blême, ne semblait plus que répondre à ses instincts de survie. Ses gestes étaient précis, méthodiques. Sa main s'accrochait a l'endroit exact qu'il fallait, son pied se hissait au bon moment. Il fut à mes côtés en moins de trois secondes.

- Passez devant, décidai je.

- Non, Arcanya...

- Si, vous êtes plus rapide.

- Nous n'allons pas avoir le temps !

- C'est vrai que c'est le bon moment pour en parlementer, hurlai je en saisissant une épaisse liane et en lui fourrant dans les mains.

Il me contempla une seconde, avant de se décider et rapidement il s'éleva au dessus de ma tête. Je savais que mes chances d'atteindre la lumière du soleil étaient minimes. Mais les lianes qui remontaient jusqu'en haut... j'espérais vraiment que Abrax arriverait en haut avant moi. Peut être pourrait il tirer une laine et me hisser plus vite que le monstre derrière. Je l'entendais se rapprocher de plus en plus. Je commençai à grimper en prenait appui sur les fissures de la paroi, et tirant sur les lianes pour me m'élever plus rapidement. Mais nous n'étions pas assez rapides. Elle déboucha dans la salle, au moment où nous atteignirent la moitié de la surface. Vingts mètres. Il me restait vingts mètres et à peine moins à Abrax au dessus de moi. Je poussai un juron et donnai de toute mon âme pour rejoindre l'ancien mercenaire. La bête dérapa en émettant des bruits de reniflements. Elle nous humait. Elle humait le parfum de l'homme à côté de moi, qu'elle avait déjà goûté.

- Abrax, criai je.

Les muscles tendus de se maintenir en place, il se tourna vers moi.

- Votre épée ! Donnez moi votre épée !

- Non...

- Dépêchez donc, criai je en tendant le bras vers le sac.

Je découvris le rabat et un seul coup d'œil me suffit pour voir qu'elle ne s'y trouvait pas.

- Bordel, hurlai je en regardant en contrebas le monstre se hisser à son tour sur les rochers. Il émettait des cris sourds et assourdissants.

Je relevai la tête vers la lumière du soleil. Ma main chercha ma longue lame incurvée. Je la dégainais et plongeai mon regard dans celui d'Abrax en tentant de lui faire comprendre ce à quoi je pensais. J'enroulai une liane autour de mon poignet.

- Allez, sifflai je.

C'était un plan complètement fou. Insensé. Qui ne marcherait jamais.

- Vous n'allez pas..., commença t'il médusé.

Le monstre atteint le sommet des rochers. Mon regard tomba sur lui.

- Une fois de plus il n'y aura que du courage, papa, murmurai je pour moi même en inspirant à fond.

Puis je donnai un grand coup de pied dans la paroi en face et me propulsai vers l'avant. Et je sautai. Je lâchai tout mes prises, hormis celle de mon poignet. La liane qui se déroula me brûla la peau de mon avant bras. Je hurlai et tenant mon couteau à deux mains, je tombai sur le monstre au même moment où il sauta... Sa masse grondante d'ombre se rapprocha rapidement. Alors je fermai les yeux et tentai de me reconnecter avec la bête grondante en moi. Je lui fis la promesse de sang. De mort. Une promesse de vengeance, de colère déchaînée. Elle remua et je la sentis monter peu à peu. Elle remonta. Le puit profond s'ouvrit. Se déchaîna. Il envahit ma conscience, la bête inonda mon esprit et lorsque je rouvris les yeux, ce fut nos yeux qui se posèrent sur le monstre. Mon pouvoir déferla et je hurlai alors que j'influai toute mes forces pour tenter de le canaliser. De le concentrer dans un seul endroit. Il remua, rua, combattit. Il voulait sa volonté propre. Mais moi aussi. La bouche béante du monstre se rapprocha. Ses dents brillèrent l'espace d'un instant.  Mon poignard s'abatis dans la masse grouillante d'ombre, alors même que toute ma puissance se canalisa dans la lame. Elle brilla d'un éclat rouge une seconde avant de s'enfoncer dans la fumée obscure. Une puissante décharge partit de moi et c'est à peine si je vis ce qu'il se passa ensuite. L'énergie qui me quitta, combinée à celle que je venais de déployer pour ne pas me laisser submerger, me laissèrent presque amorphe. Par un réflexe inouïe, je refermai ma main sur la liane qui allait se tendre et stoppai la chute par la force de mon poignet, qui craqua et ploya. Je gémis de douleur. Ma main qui tenait encore mon arme, trembla sous la force de l'impact. Ce fut comme si la fumée se solidifia et le monstre se figea. Il y eut une seconde, ou tout parut figé. Puis une déflagration écarlate partit du monstre sous moi et il explosa. Je fermai les yeux et priai pour qu'Abrax est atteint le sommet. Sinon j'allais mourrir, ici, pendue par le bras. Mes yeux se fermèrent. Mes doigts faillirent lâcher le couteau mais je m'y agrippais au dernier moment. J'avais essentiellement misé sur la résistance de la plante et le fait qu'Abrax aurait eut le temps de finir l'ascension. Par la déesse et tout les dieux, qu'est ce qu'il fabriquait donc? Le souffle court, je levai les yeux, pour voir des lambeaux d'ombre tomber doucement sur le sol. Enfin, après ce qui me parut des heures, où je m'efforçais de garder mon emprise, je sentis une secousse. Puis je sentis qu'on me tirait vers le haut. Un léger sourire remonta mes lèvres. Il avait compris mon plan. Il avait été un peu long mais je ne lui en voulait pas. Lorsque j'atteins enfin le sommet, des rayons de lumière traversèrent mes paupières et je rouvrit les yeux. Ma main lâcha prise au moment où deux bras se saisirent de moi et me ramenèrent sur le sol meuble de la forêt. Ils m'allongèrent sur le sol.

- J'ai réussi, Abrax, soufflai je en levant les yeux sur lui, j'ai réussi à le canaliser.

Son visage m'apparut au dessus de moi. Ses yeux étaient encore écarquillés d'une panique qui réchauffa une partie de moi. Ses cheveux tombaient sur son visage et il n'arrêtait pas de les repousser. Je me relevai, sentant peu à peu mes forces revenir. Cela semblait prendre peu de temps a mon corps de refaire ses réserves. Lorsque j'avais opéré la guérison après la pluie de sang, je n'avais mis également qu'une poignée de secondes. Je regardai autour de moi. La forêt ne m'apparaissait plus aussi sombre maintenant que je surgissais d'un vieux temple obscur et poussiéreux trente mètres sous la surface de la terre.

- C'est fantastique, Arcanya, me dit Abrax en se saisissant de ma main. Nous devons y aller sur le champ.

- Attendez un peu, protestai je en le repoussant son bras.

Il regarda autour de nous.

- Je l'ai tué, gloussais je alors. J'ai tué un monstre créé par le roi lui même. Avouez que vous ne pensiez pas ça possible !

Je riais de nerfs. D'avoir autant frôlé la mort. Mais aussi car, j'avais un peu moins peur de mes facultés désormais. Cela faisait deux fois qu'elles me servaient de manière positive. Même si cette fois la, était pour tuer, c'était pour occire un monstre. Je me refis une tresse lâche, en continuant à sourire bêtement.

- Non, c'est en effet impossible, me répondit t'il en inspirant avec force.

- Mais d'ailleurs, fis je en fronçant les sourcils. Votre épée a réellement disparue, elle n'était pas dans votre sac.

- Je l'ai en effet oubliée à l'auberge du Lac Écarlate, dit t'il avec hâte.

- Non, attendez, m'écriais je en repoussant sa main.

Je bondis sur mes pieds. Il se releva doucement en ne me quittant pas du regard.

- Vous avez dit « non ». Vous n'avez pas voulut me la donner, dis je prudemment. Vous n'avez pas voulut que je sache quelle n'était pas dans ce sac.

- Écoutez, dit il en levant les mains en l'air, il y a une bien plus grande menace que cette bête, il nous faut nous en aller immédiatement.

- Quelle menace, répondis je en ouvrant les bras et regardant autour de moi. Enfin pourquoi voulez vous courir ?

- Oui, enfin, pourquoi veux tu courir, s'éleva alors une voix glaciale derrière nous, quand nous pouvons discuter ?

Je me pétrifiais. Je sentis le moindre muscle de mon corps se tendre pour ne plus bouger. C'était impossible. Comment pouvait il être là ? Je tournai avec lenteur ma nuque, comme si le fait de retarder ce moment, allait le changer.

- Et bien, vous ne dites plus rien ? Voilà que je suis déçu à présent, laissa tomber le prince Maven en nous souriant méchamment.

J'ouvris la bouche pour la refermer. Nous nous tenions au milieu d'une clairière où les arbres étaient moins hauts et moins fournis. Cela expliquait les rayons du soleil qui venait me réchauffer la peau. Mais à cet instant, mon sang était de glace dans mes veines. Le trou à ma droite donnant sur le temple, m'attirait, à cet instant, bien plus que cette clairière. Le prince Maven portait des habits qui laissait transparaître sa richesse. Il arborait fièrement une couronne et les revers dorés de ses vêtements scintillaient. On l'aurait dit sortir d'une assemblée royale ou même d'un bal, et non pas de derrière deux arbres rabougris en pleine Forêt Sombre. Mes yeux parcoururent son visage. Ses yeux, sa peau blanche, sa bouche tordue en un éternel rictus. J'ignorais pourquoi je pensais qu'il aurait changer. Cela ne faisait que quatre jours que j'étais partit. Ses yeux n'étaient que deux billes violettes dures et froides qui nous détaillaient avec cruauté. Son expression n'était que calculatrice, à des années lumière de celle qu'il arborait les rares fois où nous avions parlé seul à seule.

- Maven, dit calmement Abrax, mais il avança pour se placer devant moi.

Aussitôt, je fis deux pas pour me positionner à côté de lui. S'il pensait que j'allais rester en retrait.

- Je t'ai manqué ?

Ma prise se raffermit sur mon poignard. Ces deux là se connaissaient. L'ancien espion m'avait parlé de cette amitié avec le prince. Mais il ne m'avait jamais précisé comme elle c'était terminée. Je voyais maintenant avec quelle exactitude, ils arboraient la même cicatrice sur la joue. La peau dorée d'Abrax la faisait moins ressortir que la peau d'albâtre du prince.

- Tu sais très bien que je ne suis pas là pour toi, fit Maven en plantant son regard sur moi.

Je tressaillis et soutint son regard. Ses traits droits et majestueux étaient inhumains. C'était une incarnation de la monstruosité et de la cruauté. Je revoyais notre affrontement dans la salle d'entraînement. Notre entrevue dans les tunnels secrets. Lorsque nous avions parlé dans le couloir. Tout ce que je comprenais désormais, était qu'il n'avait fait que jouer une comédie, dans un but que j'ignorais.

- Mon père vous attend avec impatience, enchanteresse, lança t'il en grimaçant un sourire fourbe.

- Oh, fis je lentement. Et a t'il reçu mon message ?

Ma menace n'était pas voilée. Il l'a comprit aussitôt. Son rictus tomba et son regard se voila de colère. Je vis Abrax du coin de l'œil me lancer un regard interrogateur. Bien sûr, il ne savait pas quelle ignominie j'avais fais face au mercenaire du roi.

- Il l'a reçut, en effet, dit Maven en m'observant attentivement. Et il l'a entendu.

- S'il l'avait entendu, il aurai compris que je ne vous suivrai pas, pourtant vous êtes devant moi dans ce but, je me trompe ?, rétorquai je.

- Non non, murmura Maven, je suis ici, pour vous faire une proposition.

- Non, s'opposa brusquement Abrax, ne l'écoutez pas.

- Qu'est ce qui se passe, tu as peur que j'en révèle trop, ricana le prince.

Mon regard alternai entre lui et l'homme à côté de moi.

- Tu peux venir avec moi maintenant. Et tu pourras survivre. En revanche, toi, cracha t'il à l'encontre d'Abrax, tu ne nous servira plus à rien. Tu n'as été qu'une déception.

Il voulait achever Abrax, si je le suivait. Il en était hors de question.

- Comment pouvez vous penser que je vous suivrai, dis je, alors que vous m'avez fait que mentir à la seconde où je suis entrée dans ce château ?

- Nous n'avons rien inventé, rétorqua Maven.

- Mais brusquement le roi serai prêt à me reprendre. Alors même que je l'ai menacé. Alors même que ma seule présence met en danger sa suprématie.

Je n'étais pas sotte. Je savais que je ne servirais que pour le rituel. Abrax s'agita à côté de moi et je le vis croiser les bras. Ses poings étaient serrés et sa mâchoire tressautait sur le côté tant il était tendu. Maven secoua la tête :

- Au contraire, on va dire que ça l'a quelque peu impressionné...

- Mensonges, gronda Abrax, tu ne fais que mentir depuis que tu es là. Exactement comme avant.

- Accuses qui tu veux, nous savons tout les deux qui est le menteur ici, renvoya Maven.

Mais qu'est ce qu'il racontait ?

- Eh, fis je en posant ma main sur le bras de l'ancien mercenaire.

Je voulais attirer son attention. Nous pouvions nous en sortir. Il savait se battre. Moi aussi. Nous pouvions nous échapper. Mais il ne me regarda pas. Je sentis son muscle bouger sous ma main.

- Oh mais c'est qu'une belle relation vous lie, désormais, railla Maven en croisant les bras à son tour.

Je fus frappé de voir leurs similitudes. Même posture. Même silhouette. Ils avaient été frères adoptifs ensemble. Désormais ils se regardaient avec une haine non dissimulée.

- Par la deesse, siffla Abrax, ne me dit pas qu'elle t'intéresse ?

Je tournai vers lui un regard interrogateur.

- Après tant d'années à ne te préoccuper que de toi, une personne à afin attirer ton attention, lança Abrax.

- Tu te trompes, se contenta de dire Maven, mais je vis éberluée qu'il semblait énervé.

Abrax avait t'il tapé dans le mille ? Les yeux de Maven étaient à nouveau creux, mais peut être avait t'il raison ?

- Tu n'es pas comme ton père, lançai je. Je l'ai vu.

- Non je ne suis pas lui, en effet, mais ne fais pas l'erreur de croire que je n'agirais pas comme lui, me répondit t'il en me souriant froidement.

- Non, insistai je, tu ne pourrai pas tuer Abrax, pas alors qu'il a été ton frère adoptif.

- Comme c'est adorable, ricana t'il en réponse mais en regardant Abrax. Il s'adressait à lui. Quelque chose m'échappait.

Ce dernier avança d'un pas.

- Maven, dit il sur un ton d'avertissement.

- Non c'est bien trop divertissant, répliqua l'autre en face.

- Mais enfin de quoi vous parlez?, m'exclamai je.

- Reculez Arcanya, m'ordonna Abrax en tournant la tête vers moi, et allez vous en dès que vous le pouvez. Vous partez sans vous retourner.

- Certainement pas, refusai je.

- Dis lui, s'exclama Maven derrière.

- Allez vous en !, me dit il à nouveau.

- Mais enfin..., essayai je de dire.

- Je m'ennuie, avertit Maven derrière.

- Arcanya s'il vous plaît, supplia Abrax en me prenant par les épaules.

- Dis lui, hurla le prince derrière. Où je le fait.

- De quoi vous parlez, criai je en me dégageant.

- Oui, de quoi parlons nous, insista Maven.

Abrax lui fit face.

- Vous étiez frères adoptifs, lançai je d'une ton désespéré. Rien qu'en l'honneur de ça, ne le tuez pas Maven.

- Oui, releva le prince d'un ton pensif, frères...

D'un geste vif, il sortit des poignards fins et noirs.

- Voyons ce que choisira de faire mon frère face à ça, lança t'il.

Et il propulsa les armes sur moi. Mon champ de vision se rétracta pour ne plus voir que les deux dagues qui filaient vers mon cœur. Sous le choc, je plissai les yeux et par dessus les battements de mon cœur, je fléchis légèrement les genoux. Au fond, je savais que je n'aurai pas le temps de les esquiver. Lorsque qu'Abrax m'avait jeté mon couteau à la tête j'avais put l'interpréter car le tir avait été lent. Maven venait de lancer avec toute la dextérité qu'il pouvait, ces armes mortelles. J'entendis à peine Abrax hurler et je le vis se jeter en avant. Une force inconnue me propulsa en arrière et je m'écrasais sur un large tronc d'arbre. Mon souffle coupé, entre mes cheveux décoiffés, je vis, abasourdie, des ombres s'amasser autour des deux jeunes hommes qu'ils se faisaient face. Abrax, en plein mouvement était comme en train de tendre la main... vers le vide. Puis, je m'écroulais au sol, en voyant sous mes yeux, les ombres s'élever. Abrax cria... au même moment où sa terrible épée noire sortait dans sa main. Née des ombres. Elles venaient de se solidifier dans sa main. Son bras décrivit une arc de cercle et se profila devant la tête du prince. Elle trancha net les deux lames qui filaient sur moi. Abrax se figea dans une posture de combat, le bras en arrière, l'autre le long de son flanc, le stabilisant. Le corps fléchi, ses cheveux tombant encore sur ses yeux. Ces derniers brillaient à nouveau et je sus à cet instant, que cette fois ci ce n'était pas les rayons du soleil qui les faisaient scintiller. La respiration frénétique, je me redressai lentement. Je ne le lâchai pas du regard. Son visage, ses traits droits et harmonieux. Il était toujours le même. Mais... Un bruit étrange fusa de ma bouche. Des ténèbres se déchaînaient autour de lui. Elles tourbillonnaient à ses pieds, remontaient le long de ses jambes et s'enroulaient autour de ses bras, de son épée. Ses yeux se tournèrent lentement vers moi. Tout se déroulait au ralenti. Il semblait aspirer toute lumière. Il était la fin et le commencement de l'obscurité. De... C'était l'incarnation d'une mort sombre. De la fin de la vie. J'avais sous les yeux, la puissance même, incarnée dans cet homme. Et c'était cette puissance, cette force, qui m'avait propulsé contre cet arbre, et qui m'écrasait encore.

- Vas y, montre lui, ricana Maven, qui n'avait pas bougé, montre lui, grand frère, combien tu es puissant et dangereux. Combien tu es perverti, au même titre que nous. Combien le prince Nyx Eravsha n'est que ténèbres et malheur.

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