𝐔𝐧 𝐦𝐨𝐢𝐬 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐭𝐚𝐫𝐝, 𝐯𝐢𝐥𝐥𝐚 𝐊𝐢𝐦
𝐕𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞𝐝𝐢 𝟑𝟏 𝐦𝐚𝐢, 𝟏𝟔 𝐡𝐞𝐮𝐫𝐞𝐬
𝑆𝑒𝑝𝑡 𝑚𝑜𝑖𝑠 𝑎𝑝𝑟𝑒̀𝑠 𝑙𝑒 𝑑𝑒́𝑐𝑒̀𝑠.
« Tout se passe pour le mieux, ne t'en fais pas, Hana, dit une voix grave à l'autre bout du fil.
— Je suis tellement désolée, je sais que tu n'as jamais voulu accomplir une telle mission.
— Disons que ça paie les études de mon fils », plaisanta-t-il.
Elle rit faiblement. Qu'importent les études, il finirait comme tous les Kim ; au milieu des Vampires.
« Tu as des nouvelles de Taehyung ?
— Non, soupira-t-elle. Ils ont promis qu'ils m'avertiraient, une fois réveillé.
— Une année, c'est cela ?
— Oui...
— Tout se passera bien. Tu n'as pas à t'inquiéter pour les finances, je m'occupe de tout. Et tu sais que, même si cette histoire ne me plaît pas trop, tu es toujours la bienvenue chez nous.
— Je sais, mais je préfère rester ici, si jamais il rentrait...
— Je comprends. Je vais devoir y aller, bonne soirée, Hana. Appelle-moi dès que tu en ressens le besoin.
— Merci... Bonne soirée... »
Elle raccrocha et porta son regard vide sur le jardin. Il aurait besoin d'un bon nettoyage. Mais elle n'en avait ni la force ni l'envie. Elle se leva pour aller retrouver la domestique dans la cuisine.
« Pourriez-vous contacter un jardinier ? Le meilleur. Je veux que tout redevienne comme avant. Pour lorsqu'il rentrera...
— Bien sûr, madame. »
La domestique laissa le repas qu'elle était en train de préparer pour se munir du téléphone fixe de la villa, au salon.
Elle était entrée au service de madame Kim au mois de novembre et s'occupait aussi bien du ménage que de la cuisine. Cela la désolait de voir une femme si belle et si forte se morfondre sur le canapé toute la journée, ou à fixer la télévision d'un œil vide.
Elle attendait son fils.
Mais la domestique n'était pas sûre qu'il rentrerait un jour. Elle chassa cette pensée. Après tout, elle ne connaissait rien de la situation.
Alors qu'elle attendait que son interlocuteur décroche, elle vit sa patronne retourner au salon et se laisser tomber sur le canapé. Elle se recouvrit avec une fine couverture et zappa de sa télécommande. Elle finit par tomber sur un dessin animé. La domestique était persuadée qu'elle ne s'en était même pas rendu compte.
☾
𝐄𝐥𝐯𝐞𝐬𝐳𝐞𝐭𝐭 𝐕𝐚̀𝐫𝐨𝐬
𝐒𝐚𝐦𝐞𝐝𝐢 𝟐𝟎 𝐣𝐮𝐢𝐧, 𝟐𝟑 𝐡 𝟐
𝐻𝑢𝑖𝑡 𝑚𝑜𝑖𝑠 𝑎𝑝𝑟𝑒̀𝑠 𝑙𝑒 𝑑𝑒́𝑐𝑒̀𝑠.
Les bras emprisonnés par les poignes puissantes du Troisième et du Quatrième, son frère, Jungkook se débattait comme un diable. Les dalles sous lui se fissuraient, il essayait de s'échapper à la force de ses jambes. Le Quatrième siffla et raffermit sa prise sur son bras et son épaule.
« Il suffit ! », grogna Evangelos à l'adresse de Jungkook.
S'il le laissait s'enfuir, il risquait de tuer quelqu'un... ou de se tuer.
« Un Vampire Fou... dit une voix enchanteresse et féminine.
— Cela fait longtemps que nous n'en avions pas vu, Ulyxes.
— En effet, Amos. »
Le Favori de la Mère releva le visage. Sa peau pâle était veinée de bleu et semblait avoir la texture du marbre brut. Le blanc de ses yeux était presque entièrement recouvert par l'iris et la pupille dilatée. Un noir caverneux, annonciateur de Mort.
Ses crocs, démesurément longs s'enfonçaient dans ses lèvres, faisant perler un sang rouge vif. Un vil pourpre qui écumait du venin.
Ses feulements et ses gestes pour se débattre faisaient vibrer toutes les fondations, tant sa force était décuplée.
« Comme il est devenu disgracieux, fit Alphonse, triste.
— C'est un Vampire Fou, tout de même, rétorqua Dragomir.
— Je sais bien, mais tout de même, quelle sordidité. N'est-ce pas Zirka qui l'a transformé ? Il avait réussi à atteindre la perfection. D'une telle beauté à en rendre jaloux Apollon... Et à présent, il n'est qu'une masse dégoulinante de venin. »
Ils avaient devant eux, le Vampire dont la beauté était supérieure à toute autre. Sa vitesse n'avait jamais été égalée. Son pouvoir était l'un des plus puissants. Il était du même niveau que la Garde, sans contester.
Il était apte à en être le Douzième membre, mais seul le désir de leur Mère l'en avait écarté, faisant de lui son Favori, occultant, gaspillant, dilapidant ses capacités hors normes.
Faisant de sa vie une perte de temps. Jusqu'à ce qu'il lui trouve un sens.
Taehyung.
Mais ce sens lui avait été injustement arraché, basé sur le joug de la jalousie et de l'égoïsme de sa créatrice. Vile créature châtiant l'impertinence d'un sujet.
Impertinence qui était bien loin d'en être une.
« Qu'en pensez-vous ? demanda Levi.
— Que veux-tu dire ? renchérit Hisaé.
— Il faudra bien agir, ne pensez-vous pas ?
— Il me semble que le Vampire Kim se réveillera d'ici quatre mois, souffla sensuellement Yoongi.
— Tu as raison, mais je suis lasse d'attendre jusque-là. La cité est devenue un pandémonium, soupira Abigaïl. Mère nous cause également du tort. »
Ulyxes l'Ira, Onzième Garde et prêcheur de la Colère, observait de ses iris incandescents le Vampire Fou s'agiter. Ses pensées n'étaient presque plus cohérentes. Elles hurlaient à la Mort, répétant inlassablement qu'il avait causé celle de sa moitié. Parmi ses paroles indéchiffrables, Ulyxes pouvait aisément entendre le souffle du prénom de son bien-aimé que ce pauvre Vampire châtié croyait perdu à jamais.
Ce qu'il avait devant lui n'était plus un Vampire, mais une créature dangereuse et sauvage, vide de toute capacité de discernement, une bête assoiffée de sang et désireuse de rendre l'esprit. Il n'était plus qu'une âme esseulée après avoir embrassé l'union pure bénie des dieux avec celle de sa moitié. Qu'une créature qui, résistante comme elle fut créée, était condamnée à ne connaître que la dysthanasie.
Dysthanasie qui pouvait cesser par le feu, réduisant en cendres une des créatures les plus puissantes qui eût existé ici-bas.
« Pensez à Mère », souffla Evangelos en comprenant le cheminement des pensées d'Ulyxes et n'appréciant guère ce désir de faire abattre la Mort qu'il voyait luire dans les prunelles vermillon de son compagnon d'armes.
De temps en temps, Evangelos se souvenait qu'il avait un frère et le voir sauvagement s'obstiner dans ses bras ainsi, rendu fou par l'absence de sa moitié faisait vibrer son âme oisive d'une manière qu'il n'appréciait guère.
Parfois, depuis huit mois, lorsqu'il assistait à la folie du Favori du vil fait de leur Mère, Evangelos avait mal.
À l'instar de cet instant.
« Nous y pensons, fit Ulyxes.
— Ce n'est guère ce que je décerne dans vos auras. L'abattre ne fera que la plonger dans une colère noire, lâcha Evangelos.
— Notre devoir en tant que Gardes est de protéger Mère. Cette chose est dangereuse. Elle peut l'attaquer à n'importe quel moment lorsqu'il se tient en sa compagnie.
— Mère est suffisamment puissante pour gérer ce genre de problème. Et cette "chose" s'agit de son Favori, siffla-t-il, l'âme tourmentée.
— Je ne te permets pas de discuter, Evangelos !
— Je n'ai pas besoin de ton accord pour parler, Ulyxes. Le malheureux cas du Favori me concerne », gronda-t-il, faisant vibrer l'air environnant.
Jungkook s'arc-bouta, manquant d'échapper à la poigne des deux Gardes. Ses lèvres s'agitaient comme s'il voulait parler, mais ne sortaient que des cris d'agonie et de rage pure.
« Lâchez-moi ! Laissez-moi mourir ! Abattez-moi, pour l'amour du Ciel ! » hurla-t-il de vive voix.
Passablement énervé, Ulyxes bondit dans sa direction et plongea son regard dans les yeux fous de Jungkook, attrapant son visage d'une poigne de marbre. Il fallut moins de dix – interminables – secondes pour que la fureur de Jungkook se calme, remplacée par la peur dirigée vers le puissant Onzième.
Le Vampire Fou gémit et cessa de bouger pour se recroqueviller sur le sol craquelé, murmurant le prénom de son amour, Evangelos et Vassilis toujours au-dessus de lui.
Ulyxes se redressa et retourna à sa place, ravi de constater que son pouvoir avait de l'effet sur un Vampire Fou.
« Bien, gardons-le en vie, présentement.
— Que veux-tu dire ? pensèrent simultanément le reste des Gardes.
— Qu'il soit le Favori de Mère m'importe peu, je veux avant tout sa sécurité. Un autre débordement et il sera exécuté, comme tout Vampire Fou avant lui. »
Le silence régna en maître dans la salle, seuls perçaient les gémissements du pauvre Vampire subissant le pire des châtiments sur Terre.
« Je pourrais le manger ? », fit Leï la Gula d'une voix chantante.
Un grondement sourd s'éleva. Evangelos lui lança un regard noir, si noir que la jeune fille se ratatina sur place.
Puis, en lançant un regard vibrant de colère au Prêcheur même de ce péché, Evangelos prit délicatement le Vampire Fou dans ses bras, qui poussa un faible cri de terreur et se recroquevilla contre son frère, trouvant en lui une odeur familière et une étreinte apaisante, vestige de leur vie d'antan. Ce dernier s'approcha du Onzième, l'âme à la fois lasse, telle son essence pécheresse et en colère, sans qu'il puisse contrôler ses émotions qui l'assaillaient violemment lorsqu'il se souvenait du lien qui les unissait, jadis, fortement.
« Stoppe ton châtiment. Cela est à présent oiseux ».
Ulyxes gronda, mais obtempéra face au regard à la fois las et affecté de son compagnon d'armes. En s'approchant du Vampire Fou crocheté aux bras du Quatrième, il agrippa le visage déformé par la peur insufflée par ses soins et plongea ses rubis dans les pupilles extrêmement dilatées de l'âme doublement châtiée, cessant son supplice psyché.
Puis il se redressa et soupira avant de s'en aller.
Soudain, sous les yeux d'Evangelos, les tremblements cessèrent, les gémissements terrorisés se tarirent. Ne restaient que des yeux vides de toute vie, de toute volonté.
Délicatement, il essuya le sang et le venin sur le bas du visage d'un revers de main puis resserra sa poigne autour du corps de marbre brisé et roué de langueur et d'apathie, avant de se diriger vers les appartements « Kause », sous les yeux du reste des Gardes, perplexes et peu habitués au comportement soucieux que leur exposait le Quatrième.
« Ne meurs pas inutilement, mon frère. Tout n'est pas perdu, je t'en fais le serment », lui souffla-t-il de sa voix grave et irréelle.
Seul un léger froncement de sourcils lui répondit.
☾
𝐄𝐥𝐯𝐞𝐬𝐳𝐞𝐭𝐭 𝐕𝐚̀𝐫𝐨𝐬
𝐋𝐮𝐧𝐝𝐢 𝟏𝟎 𝐚𝐨𝐮̂𝐭, 𝟐𝟑 𝐡 𝟐
𝐷𝑖𝑥 𝑚𝑜𝑖𝑠 𝑎𝑝𝑟𝑒̀𝑠 𝑙𝑒 𝑑𝑒́𝑐𝑒̀𝑠.
Accroupie au fond de cette salle empestant le renfermé et la Mort, les genoux enserrés de ses bras, Hazel dodelinait de la tête. Ses yeux fixaient inlassablement le cercueil de marbre noir face à elle. Combien de jours attendait-elle ? Elle avait cessé de compter au milieu du mois de décembre.
Parfois, elle apercevait Hoseok qui venait lui tenir compagnie. De temps en temps, il lui rapportait une coupe de sang. Plus l'heure fatidique approchait, plus elle était anxieuse, angoissée, terrifiée.
Elle n'osait guère s'approcher du cercueil ouvert, comme si le voir aurait dangereusement fait céder sa détermination qu'elle s'était efforcée de garder en ligne de mire. Hazel était dotée d'une force mentale hors normes, mais, à cet instant, il suffirait d'un seul coup d'œil à sa vie pour qu'elle cède à ses émotions exacerbées.
En cet instant, son esprit vacilla dangereusement.
Le bruit d'une lourde porte qui se faisait tirer la sortit de sa torpeur. Un rai de lumière entra dans la salle, rendant visible toute la poussière accumulée dans l'air. La porte se referma et son compagnon vint s'asseoir à ses côtés.
« Salang... » souffla Hoseok, ressentant ses émotions comme s'ils étaient les siens, se mêlant à sa propre angoisse et attente.
Si elle avait été humaine, elle se serait accrochée à lui jusqu'à lui déchirer ses vêtements pour le noyer de ses larmes et de ses cris d'agonie. Mais elle ne pouvait plus pleurer. Pourtant, elle en mourait d'envie pour ne serait-ce que libérer une petite partie de son angoisse. Mais elle était condamnée à les embrasser avec une acuité douloureuse, tel que le demandait à cor et à cri sa condition vampirique.
Elle accepta la coupe de sang et but à longues gorgées. Cela lui fit du bien. Enfin un peu de répit dans ses tourments. Elle accueillit l'étreinte de sa moitié avec un dictame concerté par la Mort et l'amour. Ils échangèrent un chaste et délicat baiser revigorant puis leur regard se posa de nouveau sur le cercueil.
Hazel était à présent plus calme. De nouveau apte à patienter, son esprit moins tourmenté et son âme moins brûlante.
Plus aucun bruit ne vint percer le silence.
Sa compagne éternelle aux creux de ses bras, Hoseok ne respirait pas. Parfaitement immobile.
Ils attendaient.
☾
𝐒𝐮𝐢𝐭𝐞 𝐝'𝐄𝐫𝐳𝐬𝐞́𝐛𝐞𝐭 𝐁𝐚̀𝐭𝐡𝐨𝐫𝐲
𝐃𝐢𝐦𝐚𝐧𝐜𝐡𝐞 𝟏𝟓 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟔 𝐡 𝟏
𝑂𝑛𝑧𝑒 𝑚𝑜𝑖𝑠 𝑎𝑝𝑟𝑒̀𝑠 𝑙𝑒 𝑑𝑒́𝑐𝑒̀𝑠.
« Mère ? Il est temps.
— Je t'en prie, ne fais pas irruption pas dans mes appartements avec cet air enjoué. Il m'est déjà assez difficile de concevoir que je vais perdre mon Favori, soupira Erzsébet Bàthory en se faisant coiffer par un jeune Vampire.
— Sauf votre respect, Mère, vous savez que sa renaissance est utile au futur des Vampires.
— Oui, je sais tout cela, Luha ! Inutile de me le répéter chaque fois que tu viens me retrouver ! Préparons-nous donc à rejoindre mon nouveau sujet et demande au Quatrième de sortir des appartements avec mon Favori et de me l'emmener. Évitons qu'il soit tué par le Onzième.
— Dans l'instant, Mère. »
Sans un mot de plus, Luha disparut. La souveraine accorda un regard au jeune Vampire qui brossait ses longs cheveux. Il avait un très beau visage, des pommettes hautes qui mettaient en valeur ses grands yeux brun mordoré, presque dorés et des lèvres carmin pulpeuses. Elle le trouvait ravissant. Pas autant que son Favori, mais ses rubis étaient extatiques devant son charme féerique et sa douce présence. Tendrement, elle lui sourit.
Surpris, il redressa la tête avant de la baisser aussitôt. On ne regardait pas la Mère dans les yeux.
« Redresse-toi », chantonna-t-elle d'une voix mélodieuse.
Le jeune Vampire releva la tête et plongea ses prunelles dans les pierres précieuses de la Mère, à la fois hautement heureux et effrayé par la soudaineté de son attention.
« Dis-moi, jeune Vampire, comment te nomme-t-on ? »
L'âme carillonnant et les yeux brillants, le jeune Vampire ouvrit la bouche sur un silence, ses canines dépassant légèrement de sa lèvre supérieure. Puis, en esquissant un sourire émerveillé, il répondit à l'ordre.
« André, Mère. »
En elle, une émotion transcendant tout ce qu'elle avait pu vivre de sa longue vie la foudroya sur place, la surprenant, la rendant euphorique, au comble du bonheur, profondément séduite.
Elle comprit.
Le voilà, son nouveau Favori.
Si ce ne fut son âme sœur.
Était-ce donc ce qu'un Vampire lié ressentait... ?
L'image de son Favori et son humain s'imprimèrent derrière ses pupilles.
Elle cligna des yeux. S'imaginant à la place de son petit Kause privé du futur Vampire Kim. Son nouveau joyau.
Puis ses rubis brillants de mille feux se posèrent sur André qui la fixait en retour avec la même intensité.
Elle pensa à son rude châtiment.
Hélas...
☾
𝐕𝐢𝐥𝐥𝐚 𝐊𝐢𝐦
𝐃𝐢𝐦𝐚𝐧𝐜𝐡𝐞 𝟏𝟓 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟏𝟎 𝐡 𝟔
𝑂𝑛𝑧𝑒 𝑚𝑜𝑖𝑠 𝑎𝑝𝑟𝑒̀𝑠 𝑙𝑒 𝑑𝑒́𝑐𝑒̀𝑠.
Peinée, la domestique regardait madame Kim assise dans le hall. Elle fixait ardemment la porte close. Cela faisait maintenant plus de quatre heures qu'elle était dans cette même position sans que cela semblât la gêner.
La domestique jeta un coup d'œil au calendrier. Oh. Serait-ce le jour où son fils aurait prévu de rentrer ? Dans les jardins, les fleurs étaient aussi belles qu'autrefois. La piscine chauffée présentait son eau limpide et le soleil jouait avec ses reflets. La maison resplendissait de propreté.
Elle sourit. Le fils de madame rentrerait et serait heureux de voir que rien n'avait changé.
Tout à coup, madame Kim se releva.
« Comme s'ils allaient passer par la porte », l'entendit-elle grommeler.
Elle alla s'asseoir dans le canapé qu'elle n'avait pas quitté depuis presque un an. Alors que la domestique retournait à ses casseroles, elle constata avec tristesse que le regard de sa patronne s'était inconsciemment dirigé vers la baie vitrée.
☾
𝐄𝐥𝐯𝐞𝐬𝐳𝐞𝐭𝐭 𝐕𝐚̀𝐫𝐨𝐬
𝐃𝐢𝐦𝐚𝐧𝐜𝐡𝐞 𝟏𝟓 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟐𝟐 𝐡 𝟒𝟔
𝑂𝑛𝑧𝑒 𝑚𝑜𝑖𝑠 𝑎𝑝𝑟𝑒̀𝑠 𝑙𝑒 𝑑𝑒́𝑐𝑒̀𝑠.
« Allez, allez, babe... », scandait Hazel, les émeraudes rivées sur le cercueil.
À côté d'elle se tenait Luha dans toute sa splendeur, parfaitement immobile. Cela faisait déjà plusieurs heures qu'elles étaient là, à fixer la boîte noire et, pourtant, la Vampire prophétesse ne désirait guère révéler l'heure du réveil.
« Allez, réveille-toi ! grogna Hazel, se mangeant le poing. Vénérable Luha ! Quand va-t-il se réveiller ? Dites-moi, je vous en conjure !
— Bientôt. Patience, amie Vampire. »
Mais Hazel n'avait même pas la patience de lui répondre par la pensée. Elle avait envie de hurler tant son âme angoissait de ne plus jamais le revoir.
Pourquoi ne se réveillait-il pas ? Elle l'avait attendu pendant si longtemps qu'elle n'en supportait plus les secondes qui défilaient à une allure atrocement lente, la rendant presque éperdue et hautement bouleversée.
« Je n'ai plus de patience ! Je n'en peux plus, de patienter !
— Il arrive. »
Les yeux pleins d'espoir, Hazel accrocha son regard sur le cercueil. Alors qu'il se lève ! Qu'il sorte de là ! Mais lorsqu'elle avait affirmé cela, à l'instant, la grande Luha ne pensait pas au jeune endormi.
Plutôt à son compagnon de race brun qui devait fuir les appartements de Mère pour courir jusqu'ici, tel l'éclair qu'il était, comme si sa vie en dépendait.
Luha grommela quelque chose contre la Mère sadique et son injuste châtiment de faire languir son ancien Favori, le punissant de la pire des manières, lorsqu'elle perçut le pas pressé, mais aérien du Favori.
Hazel redressa vivement la tête.
« Que vient-il faire ici ? demanda Hazel, perplexe, sachant que Jungkook n'était pas censé en être instruit.
— Il est déjà là ? Kause est plus rapide que ce dont je pensais », murmura la membre de l'Élite.
En effet, maintenant qu'elle le disait, Hazel entendit distinctement les pas du Vampire sur la pierre brute des souterrains. La porte s'ouvrit brusquement, faisant entrer la lumière pâlotte du couloir et la silhouette massive de Jungkook, la chemise entrouverte et les cheveux hirsutes. Il était nu-pieds. Ce dernier arborait une expression mêlée de stupéfaction à l'indignation par ce qu'il venait de ressentir.
Par ce qu'il venait de découvrir.
Beau comme au premier jour, pensa Luha.
Sans la saluer, Jungkook bondit et se laissa tomber devant le cercueil, les deux mains sur le marbre.
Il n'en revenait pas...
L'explosion d'une nouvelle aura puissante, mêlée à l'odeur unique de Taehyung... Il ne l'avait pas rêvée. Au moment où tous les Vampires l'avaient ressentie, Jungkook était en compagnie de la Mère. Son âme, jusqu'alors vide et errante, s'était sentie complète pendant un court laps de temps, avant que cette nouvelle présence à la fois familière et inconnue disparaisse de l'atmosphère souterraine.
Lorsqu'il s'était stoppé dans son devoir afin d'oser croiser les rubis de la Mère, brillants de malice, de malignité et d'amertume mêlées, elle lui avait soufflé un simple « Va, tu es expié », le libérant éternellement de son joug sous quatre siècles de servitude en tant que Favori.
Une seule pensée tambourinait son esprit.
Expié, qu'elle avait dit.
Il avait compris que, pendant tout ce temps, il avait été châtié. Injustement puni. Alors, ses obsidiennes ancrées dans les rubis de la Mère aussi longtemps qu'il ne l'avait jamais fait, la surplombant, il lui avait silencieusement hurlé toute la rancœur qu'il lui vouait. Toute la trahison qu'il avait ressentie. Toute la colère qui l'avait consumé et qui le consumait encore. Toute la souffrance qu'il avait endurée.
Et ce, sans piper mot.
Sans combattre sa créatrice.
Mais ses mains, eux, avaient fermement été ancrées dans les draps de la Mère, de part et d'autre du son corps divin dévêtu, la poigne crépitant d'électricité sans qu'il s'en aperçoive. L'air s'était aussitôt alourdi, créant une pression électrique autour de leurs corps. Les fondations avaient gémi, alertant sans conteste l'ensemble de la cour de la figure impériale.
Ancré dans leur vecteur d'hérédité, il était impossible pour un enfant né à partir d'elle de s'élever contre sa suprématie, peu importe le mal qu'elle était capable d'infliger à ses sujets pour les punir d'une quelconque désobéissance.
Mais pour la première fois depuis la renaissance d'Erzsébet Bàthory, un de ses sujets avait ressenti un puissant désir de la tuer. Sur-le-champ. Les iris du Vampire de l'électricité avaient dangereusement brillé d'un rouge sang. Un pli courroucé avait pris place sur ses lèvres. Ses canines avaient été sur le point de croître jusqu'au venin, tant son bouleversement avait été colossal. Mais il les retint. Ce serait une offense à la souveraine.
Mais elle savait. Elle se savait intouchable et toute-puissante. Peu importe ce qui avait brillé dans les obsidiennes rougeoyantes de courroux et électriques que son désormais ancien Favori lui avait destiné pour la première fois.
Peu importe ce que son sujet prononça dans un moment de faiblesse, l'agonisant d'injures pourtant réelles.
« Avec toute l'admiration et le respect que je vous dois, Mère, votre pugnacité n'a d'égal que votre essence méphistophélique. »
Un affront d'une indécence impie, blasphématoire, punissable de Mort. Mais cela ne revêtait d'aucune importance. Elle était désormais satisfaite de l'aval répressif qu'elle avait possédé sur lui en une année.
Quand bien même elle avait su mesurer l'ampleur de la souffrance qu'elle avait infligée à son sujet en rencontrant André, elle lui avait simplement souri. Un sourire frondeur, ayant achevé son ancien Favori.
Ce simple sourire qui signifiait qu'elle était celle qui gagnait. Toujours.
Un grondement sourd et incontrôlé était provenu depuis la poitrine du noiraud. Meurtri et, avant que ses canines se développent sans qu'il puisse les maîtriser, Jungkook avait bondi hors de ses appartements dans lesquels il se jura de ne plus jamais y remettre les pieds, se volatilisant tel un mirage des appartements d'Erzsébet Bàthory.
En chemin, son âme avait ressenti un tel courroux mêlé à une euphorie qu'il n'osait pas accueillir en son sein. Mais son âme renaissait, bien qu'elle crépitât sous la trahison coulant dans chaque nerf de son corps parfait.
Taehyung avait été là pendant tout ce temps, juste sous ses yeux, pendant qu'il perdait peu à peu l'esprit en devenant le Vampire Fou prêt à se jeter dans le feu afin de stopper l'agonie qui l'avait continuellement assailli, l'ayant dévoré pendant chaque sempiternelle seconde, pendant près d'une année cauchemardesque.
À présent que ses yeux admiraient sa moitié allongée dans ce cercueil, son essence même hurlait à l'injustice autant qu'à la joie la plus pure, la plus intense. Son âme était écartelée, peinant à réaliser ce qu'il avait sous les yeux.
Il se sentait trahi par l'ensemble des Vampires, par la Mère. Mais la simple vue de celui qu'il avait cru avoir éternellement perdu occultait sa fureur, son irascibilité empreinte d'énergie électrique.
L'air devint de nouveau lourd et étouffant, crépitant par endroits dans une grande partie du souterrain, apprenant à chaque Vampire le degré du courroux à son paroxysme qui faisait vibrer les fondations du territoire d'Erzsébet Bàthory.
La Mère... Quelle cruelle entité lorsqu'elle sévissait contre un de ses sujets.
Elle s'était attaquée à deux âmes liées. Elle ne pourrait aller au-delà d'une telle pénitence tant elle était pénible de la pire des manières.
L'avoir privé de son amour pendant une année. L'avoir trahi. Lui ne l'avait jamais trahie. Il n'avait fait qu'embrasser son Destin. Un destin désormais vide de sa présence entravante. Parce que son amour venait. Il venait. Il le verrait pour l'éternité, formant ainsi, à eux deux, des Vampires plus puissants qu'elle.
Mais là n'était pas le temps à la colère. Il était là. Il arrivait. Son amour éternel renaissait. Son petit rayon de soleil. Le reste de sa vie, désormais.
Oubliée, la douleur de sa perte.
Oublié, le vide qui lui avait dévoré l'âme sans le moindre répit.
Oublié, son désir de passer de vie à trépas éternel.
Oubliée, l'immense fureur qui s'évanouissait à mesure que ses prunelles admiraient chaque trait du bel endormi.
Chaque trait qu'il avait pensé ne plus jamais revoir et dont il s'en abreuvait puissamment.
Son âme n'était plus qu'attente et un sentiment proche de la piété naissait en lui, adorant presque avec ferveur l'être qui n'allait plus tarder à dévoiler deux saphirs qu'il se languissait de revoir.
Il était là. Plus beau que jamais.
« Reviens-moi. Je t'attends... »
Et l'air se vit dénué de tout crépitement.
Hazel se tordait presque sur le sol à mesure que les secondes s'engrenaient.
Le silence.
Lourd.
Pesant.
Soudain, un rire secoua la membre de l'Élite. Hazel et Jungkook se tournèrent comme une seule personne pour la regarder, surpris. Quelle magnifique vision venait-elle de voir ! Cela lui rappelait le jour où elle avait enfin pu avouer son amour à Zirka.
Oui, ce qu'elle venait de voir du futur était tout aussi beau. Le garçon endormi et l'ancien Favori réunis.
D'un pas, elle se confondit dans l'ombre du mur et fut surprise par une main qui se posait sur sa taille.
« Zirka ? Je ne t'ai pas entendu ! Ni vu !
— Là, Luha. Tu étais tout entière dans tes souvenirs. Et je m'en souviens aussi, de ce jour merveilleux... »
Elle rit, se coulant dans le creux de ses bras. Plaqués dans l'ombre, ils observèrent les deux Vampires qui ne savaient que faire, autour du corps immobile dans le cercueil. L'église qui se trouvait à plusieurs mètres au-dessus, dans le dehors, sonna vingt-trois heures.
Les fondations vibrèrent de concert.
La voix de Luha se fit chuchotement, faisant choir une adrénaline proche de la folie dans l'âme de Hazel et Jungkook, attentifs, impatients et anxieux.
« 𝑳𝒆 𝒗𝒐𝒊𝒍𝒂̀. »
𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...
Relu par Ostaraa_
TAETAE ARRIIIIIIIVE
Alors, ce chap ? Je l'aime bien perso ^^
𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤