Λ́𝐆𝐆𝐄𝐋𝐎𝐒 ᵏᵛ

By DarkEyelet

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─ « Erzsébet Báthory... Je me suis longuement demandé comment une femme aussi délicate pouvait abriter en el... More

𝐏𝐫𝐞𝐟𝐚𝐜𝐞
𝟎 | 𝐏𝐫𝐞𝐪𝐮𝐞𝐥 : 𝑯𝒆𝒓
𝐈 | 𝐒𝐨𝐫𝐫𝐨𝐰
𝐈𝐈 | 𝐒𝐭𝐫𝐚𝐧𝐠𝐞 𝐀𝐥𝐜𝐡𝐞𝐦𝐲
𝐈𝐈𝐈 | 𝐂𝐮𝐫𝐢𝐨𝐬𝐢𝐭𝐲
𝐕 | 𝐁𝐨𝐧𝐝
𝐕𝐈 | 𝑻𝒉𝒆𝒊𝒓 𝐌𝐲𝐭𝐡𝐢𝐜𝐚𝐥 𝐓𝐨𝐰𝐧
𝐕𝐈𝐈 | 𝐑𝐞𝐧𝐚𝐢𝐬𝐬𝐚𝐧𝐜𝐞
𝐕𝐈𝐈𝐈 | 𝐁𝐮𝐫𝐧𝐢𝐧𝐠 𝐌𝐚𝐝𝐧𝐞𝐬𝐬
𝐈𝐗 | 𝐒𝐢𝐧𝐢𝐬𝐭𝐞𝐫 𝐂𝐞𝐥𝐞𝐬𝐭𝐢𝐚𝐥 𝐆𝐢𝐟𝐭
𝐗 | 𝐀𝐧𝐠𝐞𝐫
𝐗𝐈 | 𝐀𝐦𝐨𝐧𝐠 𝑻𝒉𝒆𝒎
𝐗𝐈𝐈 | 𝐋𝐚𝐬𝐭 𝐏𝐫𝐚𝐲𝐞𝐫
𝐗𝐈𝐈𝐈 | 𝐕𝐞𝐧𝐨𝐦
𝐗𝐈𝐕 | 𝐑𝐞𝐝𝐨𝐦𝐩𝐭𝐢𝐨𝐧
𝐗𝐕 | 𝑯𝒆𝒓 𝐍𝐞𝐰 𝐉𝐞𝐰𝐞𝐥𝐫𝐲
𝐄𝐩𝐢𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞 : 𝐒𝐜𝐡𝐢𝐛𝐛𝐨𝐥𝐞𝐭𝐡
𝑻𝒉𝒂𝒏𝒌 𝒚𝒐𝒖 🖤

𝐈𝐕 | 𝐃𝐞𝐟𝐲𝐢𝐧𝐠 𝑯𝒆𝒓 𝐎𝐝𝐝𝐬

741 75 143
By DarkEyelet

(Dialogues en gras et italique : les personnages échangent par télépathie.)


𝐂𝐡𝐚𝐦𝐛𝐫𝐞 𝐝𝐞 𝐓𝐚𝐞𝐡𝐲𝐮𝐧𝐠
𝐌𝐚𝐫𝐝𝐢 𝟏𝟏 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟔 𝐡 𝟐𝟑

Ayant soulevé le lourd rideau de fer et étant actuellement posté devant la baie vitrée de son hôte, Jungkook admirait le lever de soleil. Celui-ci baignait les arbres et les alentours de sa douce couleur orangée, semblant chasser de leur cœur la noirceur de la nuit.

Il entendait nettement le bruissement des branches des saules pleureurs. Le clapotis silencieux de la mare le berçait paisiblement. Le pas feutré d'un chat sur l'allée faite de cailloux blancs lui fit tendre l'oreille. En quelques jetées de pattes, l'animal passait le portail et s'éloignait dans la rue.

Il retourna pleinement à sa contemplation de l'étoile céleste.

À combien de levers de soleil avait-il assisté ? Des centaines de milliers. Plissant ses yeux, il fit rapidement le calcul.

Exactement cent quarante et un mille trente-quatre levers.

Il sourit, fier de lui. Mais ce n'était rien comparé à elle, qui a dû en voir bien des dizaines de milliers de plus. Mais il ne saurait en compter le nombre, elle ne lui avait jamais révélé sa date de naissance. Pourquoi donc le ferait-elle ? Il avait beau être son sujet favori, ce n'était pas pour autant qu'elle se confiait à lui. Le seul homme à avoir ses grâces faisait autrefois partie de sa famille, lui semblait-il.

Mais tout cela remontait à très loin. Et bien qu'il avait une mémoire infaillible, au bout de quelques centaines d'années, les choses anodines lui échappaient.

Son oreille à l'ouïe développée prêta attention à la respiration laborieuse de son nouvel... ami, sous la couette. Ses rêves ne paraissaient pas agités, mais il était allongé dans une mauvaise position. Pour quelqu'un ayant le cœur fragile, il ne devait pas dormir sur le ventre, d'où sa difficulté à respirer.

Il aurait bien aimé le retourner délicatement afin de décompresser son appareil respiratoire, mais le simple fait de le toucher lui était encore pénible. Il était frappé de plein fouet par la texture si douce de sa peau et son odeur de cannelle, fortement enivrante, étourdissante, ensorcelante.

Sa chevelure était très légèrement ondulée et sombre, belle comme de la soie noire. Sa peau hâlée exquise qui ne montrait rien de sa faiblesse de cœur, à moins qu'il soit plus pâle, lui, dont la peau était habituellement plus mate.

Et ses yeux panégyriques. Tout le long de son interminable existence, il n'en avait jamais vu de semblables, encore moins chez un Coréen, quand bien même il en avait vu, de métisses.

Parfaitement immobile, la respiration inexistante, il continuait de fixer la lente ascension du flambeau du monde. Encore combien de levers pourra-t-il contempler depuis cette chambre ? Combien de levers lui restait-il avant qu'elle découvre ce qu'il était en train de faire derrière son dos ?

Combien de levers restait-il à Taehyung avant qu'elle tranche le fil de leurs jours pour leur infamie ?

Ses lèvres se tordirent en une grimace de peine, de terreur et de douleur mêlées. Si Jungkook était encore capable de pleurer, son visage serait d'ores et déjà inondé de larmes de souffrance.

Il avait passé tant d'années, tant de siècles à errer dans les méandres de la ville, voyageant parfois à l'étranger, mais il revenait toujours à Incheon.

La mère nourricière.

Là où elle se cachait.

Là où elle régnait depuis presque quatre siècles. Personne ne lui désobéissait, elle était toute-puissante. Elle avait le droit de vie ou de mort sur ses sujets, même ceux vivant à l'extérieur et ceux extérieurs à son règne.

Elle considérait la race humaine comme étant faible et sans intérêt. Ingrats, manipulateurs, égoïstes. Elle ne supportait pas et n'avait jamais supporté les humains. C'était donc pour cette raison que Jungkook souffrait. Cette peur viscérale pour son hôte ; il ne pouvait la contrôler, la réfréner. C'était tellement plus fort que lui.

Oh, quatre siècles pouvaient paraître bien courts pour un règne, surtout venant de la race à laquelle appartenait Jungkook.

Mais elle était la première d'entre eux.

La première depuis l'extinction totale des leurs, dix siècles plus tôt.

À l'époque, les humains n'avaient pas peur d'eux. Ils se côtoyaient, vivaient en harmonie et chacun acceptait l'autre tel qu'il était.

Mais les temps avaient changé, le vent avait tourné en leur défaveur et, sans qu'ils en comprennent la raison, une chasse avait été ouverte sur eux. Ils avaient disparu de la surface de la Terre et de ses profondeurs.

Plus aucun d'eux ne subsistait. Nulle part sur le globe terrestre.


Jusqu'à ce qu'elle se réveille.

Si magnifiquement transcendante et toute-puissante.

D'après certains, elle serait la descendante de Perséphone et Hadès - le premier de l'histoire.


Puis d'autres étaient nés ensuite. Jungkook faisait partie de ceux-là et était désormais l'un des plus vieux de sa race. Plus rien n'avait d'atteinte sur lui. Il se fichait du monde et de l'image qu'il renvoyait. Seuls son plaisir personnel et sa soif comptaient.

Puis, il avait rencontré Taehyung.

Là, sous un vent violent, sous les nuages annonciateurs d'un bouleversement. Sa propre apocalypse. Sa future tempête. Il était tombé dans le gouffre divin et sans fond de ses yeux azur. Il avait senti sa délicieuse odeur avant même de le voir.

Il avait été indéniablement attiré par lui, à sa simple apparition, convoitant l'entièreté de son être. Pourtant, lorsqu'il avait entendu un cœur battant malhabilement à son oreille, cela l'avait stoppé net.

Une voix, une raison qu'il n'avait plus considérée depuis longtemps s'était emparée de lui.

Tu ne lui feras pas de mal. Tu ne peux pas lui faire de mal. Pas à lui.

Et il l'avait sagement écoutée.

Au lieu de cela, après leur rencontre, une une fervente et incontrôlable volonté l'avait obligé à sillonner la ville, nuit et jour, se cachant, espionnant, cherchant son odeur, son regard à travers de nombreuses foules. Et il l'avait retrouvé sur le pas de la prestigieuse faculté d'Incheon-Est.

Un cœur qu'il n'avait plus conscience d'avoir, avait étreint sa poitrine et il s'était lancé à sa rencontre. Une force invisible et si puissante l'avait poussé vers lui. 

Il ne voulait plus la lâcher. Il ne le pouvait pas, il ne pouvait plus reculer. 

Pourtant, il en avait fait de faux pas, dans sa très longue existence. Mais cette fois, son corps, sa bouche et son âme agissaient en total désaccord avec son esprit. Il agissait à l'instinct, certes, mais cela était beaucoup plus complexe. La force invisible le guidait avec bienveillance.

À présent, Jungkook était sûr d'une chose.

Jamais il ne pourra s'éloigner de Taehyung.

Il avait un besoin impératif d'être auprès de lui, le protéger, le toucher, de le sentir... sans jamais lui prodiguer un quelconque mal.

La seule pensée à le faire disparaître annoncerait sa propre fin. Oh, Jungkook n'avait guère peur de la Mort. Seulement peur d'ôter la vie à ce petit être fragile.

Si fragile.

Peur d'être la raison de tous ses tourments et son bourreau en un geste abominable.

Ses canines le démangèrent, comme pour lui faire payer de cet affront.

Soudain, un mouvement sous la couette le surprit et le sortit violemment de ses pensées lointaines. Il baissa le store de la fenêtre et attrapa vivement son sac. En quelques millisecondes, il avait changé de vêtements et s'était allongé par-dessus les draps imprégnés de la douce odeur de son hôte.

Ce fut avec un ravissement sans fin qu'il contempla Taehyung, une admiration sans faille que ses obsidiennes caressèrent son beau visage, une tendresse inouïe et si étrange qu'il tomba en extase devant sa délicate magnificence. Sous ses yeux à la capacité échappant à l'entendement, sous son acuité visuelle, sous sa perception hors normes, il le trouvait si ravissant, cet humain. Même au petit matin.

Ravissant avec ses cheveux ondulés hirsutes et son petit nez plissé.

Ravissant avec ses sourcils froncés et sa bouche formant une moue des plus adorables.

Ravissant avec son visage froissé par le sommeil et sûrement une quelconque irritation dont il n'en connaissait guère la raison, mais qui fit davantage sourire le noiraud.

Inconsciemment, ce petit humain l'assujettissait à son bon vouloir. Ses yeux seraient capables de le contempler à jamais, sans ressentir une once de lassitude.

Mais Jungkook était nocif pour lui, préjudiciable.

Il n'y avait qu'une seule façon pour qu'il se détache de lui. Pour que tout cela cesse et, qu'enfin, Taehyung reprenne une vie normale. Sans son existence à ses côtés, lui, qui était un danger constant à ses trousses.

Il suffisait que Taehyung refuse sa présence. Qu'il le délaisse après ce matin. Il lui avait donné sa parole, hier, il ne reviendrait plus jamais l'humain l'abandonne.


Et il ne reviendra plus jamais.
Pour personne, si ce n'était Taehyung.



𝐂𝐡𝐚𝐦𝐛𝐫𝐞 𝐝𝐞 𝐓𝐚𝐞𝐡𝐲𝐮𝐧𝐠
𝐌𝐚𝐫𝐝𝐢 𝟏𝟏 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟔 𝐡 𝟑𝟖

Enfoui sous ses draps, Taehyung étouffa un bâillement. Pourquoi diable s'était-il réveillé ? Un coup d'œil à son téléphone lui apprit qu'il était bien trop tôt. Il avait encore vingt minutes de sommeil devant lui. Les volets étaient fermés et aucune lumière ne filtrait dans la chambre.

« Fait chier... », grogna-t-il en soupirant.

À peine réveillé et d'ores et déjà épuisé, il se cala davantage contre son coussin et tenta de retrouver le sommeil... qui semblait le fuir. Il grogna de nouveau, changea de position, se retourna, enfouit sa tête sous ses draps, ferma les yeux le plus fort possible, sans jamais retrouver le repos. Sans parler du foutu portable qui n'allait pas tarder à lui fracasser les tympans.

Il commençait vraiment à haïr Pop Evil, alors que c'était son groupe de rock préféré.

Vaincu, il poussa un profond soupir et garda les yeux fermés. Lentement, il prit le temps de savourer ce nouveau jour qui venait à lui. Il était rentré vivant de sa journée de la veille. Parfois, il lui arrivait de se demander ce qui adviendrait le jour où il ne se réveillerait plus au petit matin.

Pas même par cette stupide sonnerie dans son portable qui ne manquait jamais de le sortir de son sommeil.

Les évènements d'hier lui revinrent alors en mémoire. Par petits bouts.

Son arrivée à la faculté avait été normale ; Bomyu qui lui sautait dessus, le reste de ces gosses de riches qui se mettaient à le vénérer d'un coup. Sa journée pourrie, mais qui lui avait permis de contempler une camarade brune, pâle et belle. Chaelin ? Sauf erreur de sa part. Très belle.

Puis, il était rentré de son dernier cours.

Ensuite, il y avait eu sa mère, dans le hall hier soir, avec cet air gêné et son sourire crispé. Et enfin, sa chambre où...

OH, MON DIEU.

Il n'avait quand même pas fait ça, si ? Il n'avait pas vraiment ramené un Apollon-bourré-de-la-thune-sangsue-attardé-mental-et-voyeur chez lui ?

... Si ?

Et sa mère qui lui avait semblé totalement sereine, au dîner ! Mais qu'avait-elle fumé, au juste ? N'avait-elle pas été gênée de la présence de cet Apollon-bourré-de-la-thune-sangsu... bref !

Et lui qui plaisantait avec elle !

Et ce con avait même réussi à le faire rire !

Et puis... il n'avait tout de même pas dormi avec lui, dans son lit ?

... SI ?

Il était sûr qu'il avait égorgé sa mère pendant son sommeil et qu'il allait bientôt le faire avec lui et...

« Bonjour... », ronronna une voix sensuelle et enchanteresse.

Violent tremblement. Frisson inexplicable. Pétrifié, Taehyung cessa de respirer. Le visage coincé sous la couette, seuls des épis sombres y dépassaient. Mais la voix mielleuse de son futur meurtrier reprit.

« Tu es exhilarant, le matin. Tu fais montre d'une crinière fort embroussaillée », le titilla d'ores et déjà Jungkook, le ton tendrement amusé.

Il adorait ses cheveux. Plus d'une fois, il s'était retenu de passer une main entre ses mèches sombres et en apprécier la texture de sa perception décuplée. Il rêvait d'y plonger le nez et de s'enivrer de la douceur contre son visage, de son odeur capable de le faire littéralement vaciller, de rendre ses jambes aussi faibles que du coton.

Maintes fois, il avait simplement voulu prendre une mèche ondulée et en apprécier la texture. Mais il n'avait pas osé. Mais qu'est-ce qu'il en avait eu envie... Juste toucher ses cheveux.

Rien de plus.

« Parce que toi non ? grogna-t-il aussitôt de sa voix rauque du matin. Surtout pour cacher son effroi – complètement injustifié. Et pitié, pas de mots compliqués dès le matin, soupira-t-il ensuite.

— Certainement. Mais en ce qui te concerne, tu es charmant. À croquer. Ce que je ne suis guère, sourit-il.

— Non, toi tu es affreusement canon, ce n'est pas la même chose. Cent fois pire, même », marmonna Taehyung avant de s'en rendre subitement compte, figé, effaré qu'il eût parlé à voix haute.

Mais quel con !

Le rouge lui monta aussitôt aux joues et il se redressa promptement, se débarrassant brusquement de ses draps. La pièce était plongée dans la pénombre, seul le corps de son incruste lui était visible — en plissant très fort les yeux.

Il le vit sur la couette et semblait propre et habillé.

« Je ne t'ai pas entendu te lever », fit-il remarquer, chassant le rouge de ses joues en se raclant la gorge, ignorant le regard moqueur de son vis-à-vis.

Autant faire mine de n'avoir rien dit de honteux. Oui, c'était honteux. La honte.

« Tu dormais profondément, murmura Jungkook, amusé par ses yeux plissés pour mieux le percevoir dans la pénombre, chose que lui faisait aisément.

— Oulà. Je ne crois pas, non. Je ne dors jamais profondément quand quelqu'un dort avec moi, rétorqua-t-il, les yeux plissés.

— La journée d'hier a dû t'épuiser », souffla Jungkook en sentant une légère — forte — pointe de jalousie à l'idée même que Taehyung ait dû partager son lit, par le passé.

Il se retint de feuler de colère, gardant un visage avenant.

Suspicieux, Taehyung le regarda un long moment. Soudain, la cacophonie assourdissante de son portable le sortit de sa contemplation et appuya de manière inutilement répétée sur le bouton latéral de son téléphone.

La musique cessa aussitôt lui tirant un petit sourire satisfait.

Avec agilité, il sortit de son lit, étrangement de bonne humeur, heureux de commencer un nouveau matin. Sa maladresse habituelle est ses gestes précautionneux viendraient plus tard : après le petit-déjeuner, quand les effets d'une bonne nuit de sommeil se seraient dissipés.

Toujours sans un regard pour lui, il disparut rapidement dans la salle de bains pour sa toilette matinale, abandonnant un Jungkook amusé qui se redressa à son tour sur son lit, ne se lassant guère de le regarder se mouvoir.

Il ressortit dix minutes plus tard. Oui, Taehyung aimait minuter ses actions, même sa douche.

Il portait un pantalon en toile noir et une légère chemise à capuche confortable à col V de la même couleur. Il sentait bon le gel douche. Jungkook fut étonné de ne sentir aucune odeur d'après-rasage.

Oh, tout s'expliquait dans la tête du brun ; Taehyung était imberbe. Il l'avait vu cette nuit, quand il ne portait qu'un simple sous-vêtement.

« À table ! », s'exclama-t-il joyeusement en attrapant un Jungkook assis par le bras, ce dernier le regardant curieusement.

Taehyung détourna le regard. Il était conscient d'agir paradoxalement, mais rien ne pouvait entacher la joie de ces quelques minutes de liberté. En effet, il se sentait léger, vivant, regorgeant d'énergie. Comme avant. Ils rejoignirent la cuisine avec ravissement — surtout Taehyung.

Hana n'était pas encore levée, alors son fils investit la cuisine et se prépara un petit-déjeuner copieux. Son invité lui demanda un simple jus de fruits.

« Tu es anorexique, ou quoi ? râla Taehyung en mâchouillant un croissant sorti du micro-ondes. Hier tu as picoré dans ton assiette.

— Je n'avais pas très faim, particulièrement lorsqu'il fait chaud. Et toi, tu as l'air d'être fortement dépendant aux croissants, tu devrais faire attention. Serais-tu boulimique ? Tu en as avalé au moins quatre depuis hier soir, lâcha-t-il, taquin.

— Hé. J'adore les croissants, c'est la meilleure invention au monde, OK ? », grommela-t-il en fixant le visage mythique de son invité qui semblait bien amusé, les mains levées en signe d'apaisement.

Taehyung jeta un rapide coup d'œil au thermomètre posé à côté de la fenêtre, au-dessus de l'évier en marbre. Vingt degrés. Certes, il était encore tôt et la température pourrait monter jusqu'à vingt-six degrés, cette après-midi. Mais il ne faisait pas non plus trente degrés, il aurait compris, sinon. Mais là...

La voix édénique de son invité le ramena à la réalité.

« Ton croissant refroidit », lança-t-il, amusé de le voir fixer le pauvre thermomètre les yeux plissés.

Taehyung baissa les yeux sur son morceau de pâtisserie et gommera avant de l'enfourner, suivi d'un bon jus de fruits. Repus, Taehyung s'enfuit dans la salle de bains pour se brosser les dents et laissa sa place à Jungkook. Alors qu'il entendait l'eau couler, il ramassa son sac, plongeant ses affaires à l'intérieur.

« Nous y allons ? proposa Jungkook en revenant.

— Je suis prêt ! », s'exclama-t-il, joyeux, ignorant les yeux plissés d'incompréhension de son invité.

Ce fut avec un immense sourire que Taehyung prit la direction du hall. Chaussures aux pieds et vestes sur le dos, ils s'élancèrent hors de la villa. Le soleil brillait de mille feux, illuminant l'allée et les rosiers chèrement et précieusement entretenus.

Ils descendirent les marches du perron. Jungkook l'observait du coin de l'œil, surpris de le voir se déplacer avec tant d'aisance depuis son réveil.

Néanmoins, cela ne dura pas. À peine avait-il poussé le portail qu'il était déjà essoufflé. Un coup d'œil à sa montre apprit à Taehyung qu'il n'était pas en retard. Jungkook cala son pas sur le sien, lent, en silence. Tout au long du trajet, aucun des deux ne parla, l'un pour ne pas épuiser son souffle, l'autre par respect du désir de Taehyung.

L'âme en peine et hurlante sous le calvaire que lui offrait son nouvel ami, Jungkook ne fit aucun commentaire quand, au bas de la rue de la faculté, Taehyung se pencha en appuyant ses mains sur ses genoux. Ce dernier reprit lentement son souffle et se redressa avec prudence.

Jungkook était assailli par un intense désir de le porter afin de lui – leur – éviter une telle agonie. Mais il n'en fit rien, se contentant de serrer les poings et la mâchoire. Souffrant en silence, lui aussi.

Parfaitement silencieux, ils reprirent leur chemin.

Arrivés devant la grille, ils remarquèrent que la plupart des étudiants se dirigeaient déjà vers les bâtiments. Quelques-uns traînaient encore dans le campus. Mal à l'aise, Taehyung se dandina. En le voyant ainsi, Jungkook esquissa un sourire tendrement goguenard.

La sonnerie retentit bruyamment, faisant sursauter l'étudiant. Son cœur repartant de plus belle le fit grimacer.

Il patienta quelques secondes, le temps qu'il batte correctement  pour lever légèrement la tête et plonger dans le gouffre sans fin, intense et magnétique, que dévoilaient les iris ténébreux de son vis-à-vis.

« Au revoir, Taehyung », chuchota ce dernier en souriant faiblement tout en s'inclinant légèrement, déjà prêt à repartir de son côté, l'âme foudroyante de peine.

Taehyung le regarda reculer lentement, tout en le fixant en retour. Il était affreusement conscient que si Jungkook disparaissait, ce sera à jamais. Il le lui avait promis, n'est-ce pas ?

Son cœur tambourina plus fort, le faisant cette fois suffoquer. Sa vue se brouilla, il chancela, les yeux clos sous la douleur. Une main contre ses reins l'empêcha de basculer. Le visage inquiet du brun lui apparut, proche, très proche, à travers le brouillard de ses yeux. Il sentit son corps se faire redresser délicatement par une poigne douce, mais forte. Ainsi manipulé, il avait l'impression de peser le poids d'une plume.

La douleur diminuait peu à peu, sa vue redevenait plus claire. Il aperçut le petit sourire triste de Jungkook, captant une lueur douloureuse brillante dans ses pierres d'onyx. Encore une fois, Jungkook se mit à reculer et, avant même qu'il se retourne complètement, Taehyung ne contrôla plus son corps. Il ne comprenait pas cette lueur chargée de chagrin qui le fixait, embrasant son âme sous l'amertume.

Incompréhensible. Mais une force invisible le poussait avec douceur et bienveillance, encourageante.

« Jungkook... ! », murmura-t-il aussitôt, alarmé, le cœur littéralement douloureux.

Son Apollon tout droit descendu des cieux se figea, attendant la suite avec fébrilité, le corps de profil. Mais Taehyung était tout autant figé, ne sachant que faire. Que devait-il lui dire ? En avait-il seulement le droit ?

On ne pouvait décemment pas s'attacher aussi rapidement à un inconnu qui s'invitait chez les gens après les avoir suivis, si ?

Le pire, son corps se raidissait désagréablement à l'attente d'une journée sans la présence de Jungkook... Taehyung ne comprenait plus rien, il mettait donc toutes ces réactions impulsives et désagréables - parce qu'incontrôlables - sur le compte de la beauté extraordinaire du bel homme.

Sans parler de son cœur qui cognait à lui en faire littéralement mal.

Alors Taehyung, l'esprit complètement hors de son corps et guidé par il ne savait quelle force céleste, s'avança de quelques pas et se mit sur la pointe des pieds. Jungkook fut trop surpris pour réagir lorsque des lèvres douces et pleines déposèrent un baiser aérien et grisant sur sa joue. Il sentait avec une acuité miraculeuse chaque pli de cette bouche aussi duveteuse que du velours, aussi douce qu'une brise d'un matin printanier.

Un violent frisson le secoua. Son cœur, s'il avait pu battre, aurait défié la vitesse de la lumière. Son âme chantait la plus belle des mélodies, emportée par des sensations aussi surprenantes qu'exaltantes, aussi divines que destructrices.

Pourtant, ce n'était qu'un chaste baiser. Un doux larcin innocent et inattendu, mais qui le rendait comblé, euphorique. Si euphorique qu'une subite envie de rire le prit à la gorge.

Se reculant précipitamment, comme brûlé, Taehyung sentit la peau de son visage s'enflammer jusqu'aux pointes de ses ondulations sombres.

« À c-ce soir... », souffla-t-il en faisant demi-tour, s'enfuyant autant que son cœur malade le lui permettait.

Sans voix et stupéfait, Jungkook le regardait s'éloigner jusqu'à disparaître dans le bâtiment gris.

Il lui avait demandé de rester...

La totalité de son être parfait était regonflée d'espoir, de joie pure, pendant que, paradoxalement et simultanément, un très léger grognement horrifié franchissait ses lèvres.

Qu'avait-il fait ?


Par sa faute et son égoïsme, il avait emmené Taehyung à les condamner.

Tous les deux.



𝐀𝐩𝐩𝐚𝐫𝐭𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭𝐬 « 𝐒𝐧ø »*
𝐌𝐚𝐫𝐝𝐢 𝟏𝟏 𝐬𝐞𝐩𝐭𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞, 𝟏𝟓 𝐡𝐞𝐮𝐫𝐞𝐬

Étendue sur les draps immaculés d'un lit aux dimensions olympiques, une jeune femme avait les paupières closes. Nulle respiration ne venait troubler ce silence, aucun bruit ne parvenait de l'extérieur. Du dehors.

L'appartement entièrement blanc paraissait plus lumineux qu'il l'était. Aucune fenêtre ne se profilait. La seule tâche du tableau était représentée par la poignée noire de la porte d'entrée, semblant signifier qu'au-dehors, rien ne pouvait être aussi pur que ce lieu apaisant.

Sur le lit, la jeune femme était concentrée. Le visage impassible, elle avait conscience de toutes les personnes qui déambulaient dans l'appartement voisin, tout comme celles qui se pressaient au-dessus d'elle.

Nette différence.

Si les voisins étaient calmes et silencieux, ceux du dessus semblaient agités. Une personne était stressée et l'autre pressée.

Perdue dans ce tourbillon de pensées, elle reprit contact avec la réalité lorsqu'une présence bien connue entra dans sa « vision ». Un sourire étira les lèvres vermeilles parfaites ornant son visage jusqu'alors statufié.

La poignée d'entrée pivota et un homme entra sans un bruit. Tout de noir vêtu, il détonnait violemment avec cet environnement lumineux, saint. Il traversa le salon, escalada les trois petites marches de marbre blanc et contourna le paravent. Son regard tomba sur le lit où était allongée la jeune femme.

Il la rejoignit aussitôt.

Son sourire ne faiblit pas d'un iota et s'élargit lorsqu'elle sentit une douce caresse sur sa joue. Elle ouvrit les yeux, dévoilant des prunelles indescriptibles, oscillant entre le bleu cobalt et l'indigo. Devant elle se tenait un jeune homme figé dans ses vingt-six ans, dont la peau si claire ressortait sur ses habits sombres.

Il lui sourit à son tour, découvrant une dentition régulière et éblouissante, comme le reste de sa personne. Ses courts cheveux caramel retombaient sur son front en de douces boucles, dévoilant des yeux éblouissants ; un brun tirant sur l'or, chatoyant littéralement.

La jeune femme tendit la main jusqu'à prendre celle de son invité dans la sienne, enlaçant leurs doigts amoureusement. Le temps sembla se suspendre un instant et elle ne ressentit plus que lui et son amour débordant pour elle.

Ce sentiment de plaisir pur et de ravissement inestimable quand il posait ses yeux de feu sur elle. Cette force avec laquelle il éprouvait le besoin d'être près d'elle, quelles que soient les conséquences.

Ce soulagement infini d'être enfin là où il aurait toujours dû être. Ce sentiment de honte envers lui-même pour avoir osé l'abandonner si longtemps...

« Tu m'as manqué... », souffla-t-elle par télépathie.

Sa voix de carillon emplit son esprit et il sourit de plus belle.

Entre ceux de leur race, ils n'avaient guère besoin de paroles proprement dites. C'était ainsi. Réunis dans une même pièce, ils pouvaient tout simplement communiquer par la pensée. C'était aussi la raison pour laquelle aucun d'entre eux n'utilisait leurs prénoms, ayant peu à peu disparu de leurs esprits.

Pourquoi avoir besoin d'appeler la personne s'ils avaient la capacité de choisir avec qui ils souhaitaient entamer un dialogue ?

« Toi davantage, sjelevenn*, souffla-t-il, épris.

Que te voulait-elle ?

Simplement me rappeler mon rôle. Je dois repartir au crépuscule, mon "père" inaugure un restaurant de fraîche date. Il aspire à ce que je fasse acte de présence.

Tu vas encore nous désunir... lâcha-t-elle de sa voix enchanteresse, mais profondément chagrinée.

—  En aucune manière, sjelevenn », soupira-t-il amoureusement en se penchant sur elle.

Avec toute la grâce qui caractérisait ceux de sa race, il déposa délicatement son front contre le sien, leurs yeux fermement ancrés dans le tourbillon insaisissable de leurs compères.

« Elle t'autorise à m'accompagner.

Oh, carillonna-t-elle, retrouvant le sourire. Elle devait être de bonne humeur, pour une fois. »

Le rire frôlant la limite de l'illégal et délicat de son amant résonna dans la chambre. Elle le contempla un moment, songeant qu'elle avait une fortune incroyable d'être la compagne éternelle du plus bel homme que la Terre eut porté. 

Le rire de l'homme s'interrompit aussitôt et il fronça amoureusement les sourcils.

« Qu'es-tu en train de penser, sjelevenn ? Le seul privilégié et bien loti de cette pièce ne peut être que moi. Tu ne saurais imaginer la beauté d'âme et de corps qui se tient devant moi.

—  Hélas, non. Mais je suis jalouse qu'une telle femme puisse ainsi ravir votre cœur. Serait-il possible que je la connaisse ? plaisanta-t-elle, l'âme connaissant une joie sans faille.

—  Il me semble que ce n'est malheureusement pas le cas, souffla-t-il, le visage rieur et l'expression profondément férue d'amour.

—  Il est bien dommage, en effet. Mais savez-vous, il se trouve que, devant moi, se tient un homme seigneurial. Il est doté d'une crinière soyeuse et d'une peau si douce. Ses yeux rivalisent avec l'éclat de deux pierres précieuses tout droit sorties d'un cocon de lave. Le connaissez-vous ?

—  Quel affront, non ! »

Enchantant l'ouïe de son compagnon par un rire mélodieux et béat, elle enlaça sa nuque et le renversa sur le lit. Étroitement serrés, ils ne se lâchaient pas du regard. Ils ne le pouvaient tout simplement pas. L'attraction qu'ils avaient l'un sur l'autre était si puissante qu'elle occultait leur perception sur ce qui pouvait les entourer.

Rien n'existait, sauf l'être aimé d'un amour pur, si pur qu'il n'y avait là aucune douleur assimilée. L'amour était inconditionnel. L'amour était lié à l'être. Pour leur race, l'amour était pur et sain. L'amour ne créait pas de variations d'émotions. L'amour ne créait pas de destruction. L'amour pouvait attrister, mais ne faisait guère souffrir.

La passion était son équivalent en mauvais. La passion faisait mal. La passion n'existait pas entre deux êtres liés, puisqu'elle était elle-même liée à ce qu'elle apportait en retour. L'amour fou n'était guère de l'amour. La passion comblait une souffrance et engendrait de la souffrance. La passion pouvait tuer. La passion était conditionnelle. La passion était brusque.

Soudain, la jeune femme se redressa et son amant suivit son mouvement en entourant sa taille de ses bras. Posant son menton sur son épaule, il joua un moment avec une mèche de ses longs cheveux or blanc, sachant qu'elle avait dû « entendre » un de leurs semblables.

« Qu'y a-t-il ? lui demanda-t-il.

—  Il est rentré. »

Le jeune homme n'eut guère besoin de lui demander de décliner l'identité de la personne pour savoir à qui elle faisait référence. Les images dans ses pensées étaient suffisamment nettes.

Il se leva et l'entraîna avec elle. Lui-même ne ressentait aucune urgence. Pourtant, son amour semblait soucieuse. Ils sortirent de l'appartement blanc et s'enfoncèrent dans les larges couloirs interminables au sol de marbre avant de s'arrêter devant une porte sombre à doubles battants, à l'architecture grecque à côté de laquelle était gravé « Appartements Kause ».

La porte s'ouvrit avant même qu'ils n'eussent annoncé leur présence. Un homme se tenait devant eux, lui aussi tout de noir vêtu. Ses cheveux corbeaux et ses yeux ténébreux contrastaient avec sa peau laiteuse.

Il poussa un profond soupir et les invita à entrer.

Les deux jeunes amants pénétrèrent dans un salon aux couleurs noir et or. Le style était ancien et le décor rappelait celui de la Grèce antique. Cependant, des centaines de bougies étaient dispersées dans la pièce, bien qu'aucune ne soit allumée. L'homme aux cheveux sombres les fit asseoir sur une méridienne aux pieds à pattes de lion, restant lui-même debout, les mains plongées dans ses poches.

« Où étais-tu ? demanda la jeune femme, se calant sous le bras de son amant.

En vertu de quoi cela te regarde-t-il ? répliqua leur hôte.

Tu as disparu pendant trois jours, explicita-t-elle, soucieuse. Tu étais si loin que je n'arrivais plus à t'entendre ! La dernière fois que j'ai pu intercepter tes pensées, c'était vendredi soir et tu étais... tellement bouleversé que j'en fus inapaisée. Que s'était-il passé ?

Tu ne souhaites pas le savoir, murmura-t-il, plongeant ses pierres d'onyx perçantes dans l'indigo envoûtant de son amie.

—  Je le veux ! s'exclama-t-elle aussitôt, de plus en plus anxieuse.

Je t'assure que nullement, mon amie, rétorqua-t-il, sérieux.

—  Où étais-tu ? », reprit le châtain, intervenant pour la première fois dans la conversation.

De ses grands yeux dorés, il scrutait attentivement les traits de son vis-à-vis. Le visage impassible, celui-ci ne se privait pas pour lui rendre la pareille. Il finit néanmoins par concevoir qu'ils ne le laisseraient pas en paix tant qu'il ne leur avouerait pas son escapade du week-end.

Gracieusement, il se laissa finalement tomber dans un large fauteuil noir et, le regard rivé vers le plafond richement décoré de moulures rappelant la Grèce et aux corniches habillant le plafond avec raffinement, il commença son récit.

« Ma route a croisé celle d'un individu, confessa-t-il, la voix semblable à un doux murmure d'un vent estival.

—  De notre race ? demanda la jeune femme en se penchant en avant, attentive à ses paroles,  sentant son homme entourer sa taille de son bras puissant.

Aucunement. Il s'agit d'un humain.

Vendredi soir, si je ne m'abuse ? Tu semblais profondément égaré, j'ai senti ta raison vaciller comme si tu... avais ressenti le besoin impératif de quelque chose, mais que tu t'en étais violemment empêché.

C'était bien lui, avoua-t-il, un doux sourire ornant ses lèvres couleur de sang, surprenant le couple. Ce besoin impératif était que j'ai failli le tuer, mais je ne l'ai pas fait. Et une force invisible m'en a fermement empêché.

—  Comment est-ce même possible ? demanda-t-elle, dubitative. Qu'est-ce qui est capable de t'arrêter, toi, lorsque tu veux posséder quelque chose ?

—  Son cœur », murmura-t-il, l'expression à présent déformée par une douleur et un chagrin dévorant.

Le silence s'installa. La jeune femme retomba dans la méridienne, incapable de démêler les sentiments contraires de l'homme face à elle. Il y avait de la douleur, beaucoup de douleur. D'amertume et de profond regret. Mais elle percevait une certaine forme d'apaisement et de... l'amour ?

« Qu'a son cœur ? reprit-elle, secouée, serrant ses poings délicats sous l'expression des émotions de son ami.

Il est si fragile. Je redoute de lui conférer un quelconque mal », souffla-t-il, les yeux toujours fixés au plafond, une main dans les cheveux et l'autre pendue le long du fauteuil sombre.

Oui, de l'amour.

Cette fois, elle ne percevait que de l'amour pur. Sa voix, son cœur, sa tête résonnaient de tout cet amour inconcevable. Comment pouvait-on aimer un humain ainsi ? Comment lui pouvait-il aimer un humain ?

Et pourquoi disait-il « il » ?

« Tu es resté avec lui ces trois derniers jours ? demanda le châtain de sa voix mélodieuse résonnant dans leur esprit.

Oui et non. Pendant deux jours, je me suis efforcé de le retrouver. Puis, hier au crépuscule, je l'ai aperçu à la faculté d'Incheon-Est, expliqua-t-il, faisant de nouveau apparaître un doux sourire, plongé dans ses souvenirs. J'ai mené à bien notre rencontre et nous avons échangé. J'ai logé la nuit dans sa demeure. Au lever du jour, je l'ai accompagné à l'université. Puis j'ai emprunté un tracé qui s'écarte du chemin direct. Et me voilà céans.

Il est trois heures et demie. Tu as fait un franc crochet à ton itinéraire, lâcha l'amant, guère surpris pour un sou d'avoir appris que son ami avait "dormi" chez un humain.

Mh... éluda-t-il. Je suis rentré pour me changer, je souhaite le rejoindre. Il est bientôt l'heure de sa sortie.

Et pourquoi te laisses-tu te lier à lui ? demanda l'homme aux yeux de feu, lui aussi soucieux. Il s'agit d'un humain. Tu es instruit du fait qu'elle tranchera le fil de tes jours si elle s'en aperçoit. Et elle le saura, mon ami, elle est omnipotente. Tu es malheureusement contraint de t'en purger et prestement. »

À l'entente de ces mots semblables à la pire des morsures punitives, il bondit si soudainement que le couple fut pris au dépourvu. En un sixième de seconde, il fut accroupi devant eux, les mains de part et d'autre de leur siège, manquant de le détruire, les bras entourant le couple. Ses crocs étaient dévoilés et un grondement sourd roulait depuis fond de sa poitrine. 

L'air était lourd, électrique. S'ils avaient gardé leur faculté respiratoire, ils auraient suffoqué.

Ils se reculèrent précipitamment dans la méridienne. La jeune femme découvrit elle aussi les crocs, instinctivement, alors que son compagnon se plaçait devant elle, feulant.

« Écarte-toi », siffla-t-il à l'intention de son attaquant, sachant au fond de lui qu'il avait malheureusement heurté son hôte.

L'homme aux cheveux noirs gronda plus fort avant de se redresser lentement, les surplombant de sa haute stature. Son regard et son corps vibraient littéralement de colère. La jeune femme sentit toute l'horreur que les paroles de son compagnon éternel avaient provoquée chez leur ami. 

Il aimait trop l'humain pour ne serait-ce qu'envisager de se protéger lui-même. Soit il parvenait à garder son secret, soit ils mourraient tous les deux.

Son humain et lui.

« Je t'en conjure, mon ami, sois lucide, commença-t-elle, inquiète. Tu risques la Mort. Tu ne peux pas...

Il est trop tard, la coupa-t-il. Je prends le risque. Et je ne t'ai pas attendue pour être maître de mes agissements. Ne décide pas à ma place, gronda-t-il, les crocs rutilants et la voix semblant sortir d'outre-tombe, la faisant frissonner, bien qu'elle décelât un effroi sans pareille au fond de ses yeux tourmentés.

Diable ! Il suffit ! Je te dis qu'elle te tuera ! s'écria-t-elle, perdant patience tant elle était effrayée par le sort scellé de son ami.

—  Qu'importe ! Tant qu'elle ne pose pas la main sur lui ! rétorqua-t-il avec la même intensité, si ce n'était une protection farouche envers l'humain dont il était question.

N'essaie pas de le raisonner, sjelevenn, souffla son amant. C'est impossible, désormais. Il s'est laissé envoûter par cet humain.

Tu penses bien », ricana sans joie l'homme en se rasseyant dans son fauteuil, la bouche à présent tordue sous la colère, dénuée de crocs, regrettant légèrement de s'être emporté face à ses amis.

Mais c'eut été plus fort que lui. Incontrôlable.

« Mais...

Tu vois bien qu'il est trop tard, ma douce. »

Les yeux ancrés dans ceux de son amant, elle ouvrit la bouche, profondément anxieuse. Lorsqu'elle posa ses prunelles azurées sur celles irradiantes d'émotions contraires de son ami, elle sentit son âme se fissurer face à tant d'émoi. Son ami souffrait. Il souffrait tellement autant qu'il s'exaltait au souvenir de l'humain.

« Je veux le voir », exigea-t-elle, sérieuse et décidée.

Le silence qui aurait pu s'installer ne vint jamais. Le propriétaire des lieux rebondit aussitôt et, d'un coup de pied, il éjecta la table basse au lourd marbre noir aux pattes de lion en or, qui lui faisait face.

Elle grimaça face à la nouvelle flopée d'émotions violentes qu'elle ressentit. Crainte, fureur et agacement érigeaient ses pensées.

« Pourquoi ? Il suffit d'une seule pensée en sa présence, aussi fugace soit-elle, et elle connaîtra son existence ! Je ne le permettrais pas, tu entends ? Jamais !

Laisse-moi t'accompagner, plaida-t-elle. Je veux m'informer de ce qui le lie à toi. Si j'en conclus que rien ne pourra vous séparer, je m'inclinerai. Mais si je sens le moindre doute...souffla la jeune femme, l'expression penaude.

Va au bout de ta pensée, je t'en prie. Que ferais-tu ? Nous dénoncer ? siffla-t-il, les pupilles dilatées et les traits tirés, à deux doigts de sombrer dans une rage destructrice.

Jamais je ne ferai une pareille chose. Mais elle le saura d'une manière ou d'une autre. Néanmoins, elle sera clémente envers toi, tu es son Favori. Elle pourrait...

Me laisser en vie et le tuer ? Je t'interdis de mettre sa vie en jeu, grogna-t-il. Il lui reste déjà si peu de jours à vivre ! s'exclama-t-il, le visage à présent noyé dans un chagrin foudroyant, heurtant violemment la jeune femme qui grimaça.

— Que dis-tu, enfin ? Aurais-tu choisi un vieil homme de quatre-vingt-dix ans ? », s'enquit le châtain, confus.

L'homme aux cheveux bruns le foudroya violemment du regard. Tout en essayant de chasser le visage radieux de l'humain et ses lagons cobalt qui l'avaient ainsi attiré de ses pensées, il répondit calmement, bien trop calmement pour ne pas alerter le couple.

« Je te conseille d'être vigilant dans tes propos si tu ne désires pas que je te fasse définitivement disparaître. Et il a vingt-cinq années, pour ta gouverne.

Je m'incline », souffla le châtain en s'excusant, conscient de ce que pouvait ressentir son ami. 

 Il mesurait pleinement de son degré d'attachement avec cet humain. Quelle inconscience. Le Destin était cruel.

Leur ami lâcha un long soupir tremblant, cachant son magnifique visage dans sa main. Il avait l'air éreinté, quand bien même c'était une sensation qu'ils avaient oubliée.

« Je veux simplement "l'entendre" », s'incrusta la jeune femme, la voix adoucie, comme si elle s'adressait à un fauve enragé.

Relevant lentement la tête et ancrant ses obsidiennes électriques dans les doux saphirs de la jeune femme, il l'étudia longuement puis se braqua aussitôt.

« Très bien. Mais je ne souhaite pas ta présence », dit-il à l'adresse de l'homme.

L'amant aux yeux d'or se leva promptement, lui faisant face. Crocs à découvert, il le défiait de réitérer ses paroles. Il l'éloignait de sa raison de vivre ! Sa compagne sentit colère et frustration provenant de lui. Elle sourit tristement, sachant qu'il n'appréciait guère d'être séparé d'elle.

« Je ne le veux pas plus que toi, murmura-t-elle en se levant à son tour pour se coller contre son dos. Mais je te promets de faire vite. Ensuite, je reviendrai et nous ne nous quitterons plus. »

Il se retourna et la prit avec délicatesse et possessivité dans ses bras. Le visage niché au creux de son cou, il s'enivra de sa délicieuse odeur, caressant ses longs cheveux du bout des doigts.

« En presque deux siècles d'existence, je ne t'ai jamais quitté plus d'une heure. J'ai l'impression de t'abandonner, sjelevenn... murmura-t-il, l'âme en peine.

Je reviens vite, je te le promets, min elskede*. »

Face à cette vue des plus belles et des plus fusionnelles, celui qui s'était condamné au trépas imminent se détourna, la mâchoire serrée, l'âme déchirée.




𝐿𝑢𝑖 𝑎𝑢𝑠𝑠𝑖 𝑑𝑒́𝑠𝑖𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑙'𝑒́𝑡𝑟𝑒𝑖𝑛𝑑𝑟𝑒 𝑠𝑎𝑛𝑠 𝑐𝑟𝑎𝑖𝑛𝑑𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑒
𝑏𝑟𝑖𝑠𝑒𝑟...



𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...



Relu par Ostaraa_

* Snø : neige en norvégien.

* Sjelevenn : âme sœur en norvégien.

* Kause : prénom grec.

* Min elskede : mon bien-aimé en norvégien.

On entre doucement dans le monde de JK... 🤭 Oui, le mec de l'appartement Kause c'était JK, hein, j'espère que ça a été clair ? 😭

Alors, que penses-tu de ce chap ? Moi je l'aime énormément !

À toute de suite pour le 5 ! Il est déjà publié ! ^^


P-S : Ce que j'ai écrit sur l'amour et la passion est vrai. On nous apprend le contraire dès le plus jeune âge, mais le vrai amour, l'amour puissant n'est pas la passion. La passion détruit ; réfère-toi à la série « You » : il n'y a aucun amour dedans, que de la passion destructrice.

Les scénaristes savent de quoi ils parlent, ils sont allés voir des psychiatres et des psychologues pour comprendre le fonctionnement de l'amour fou, mais ils ont fait une erreur dans cette série. Ils ont dit :

« Parfois, nous faisons de mauvaises choses pour les gens que nous aimons. Cela ne veut pas dire que c'est juste ; cela signifie que l'amour est plus important. »

Faire de « mauvaises choses » pour quelqu'un, ce n'est pas de l'amour, mais une recherche d'accomplissement quelconque pour SOI. Je l'ai dit plus haut, dans mon chap : l'amour est inconditionnel, la passion est conditionnelle. Un exemple tout bête : avec la passion, on peut frapper pour montrer qu'on aime. Avec l'amour, on ne frappera jamais.

L'esprit est beaucoup plus complexe que ça et je tire ça d'un chercheur du mental qui révolutionne tout ce qu'on connaît d'erroné. Si tu veux le contact du coach, viens me voir en DM, je te le passerai. Je le connais depuis mes 15 ans et je suis allée le voir dans ses locaux. Lui-même est une révolution.

Il y a tant à dire sur le sujet que je risque de finir cette note en un cours 😂.

Je m'arrête là, mais le sujet est si merveilleusement intéressant que j'ai bien envie d'en parler plus en profondeur.


𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤

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