Je suis vraiment désolée pour le retard. Je suis débordée en ce moment et donc très peu de temps pour poster. Mais j'ai encore une quinzaine de chapitres d'avance. Bonne lecture <3
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Fin du chapitre précédent :
— Bienvenue dans La Cité des Anges, annonça Heeji. Après vous.
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La première chose que Taehyung se dit en pénétrant dans ce lieu plein de mystères, fut qu'il respirait la magie. Ils venaient d'entrer dans une véritable cité, et, s'il avait pensé que l'extérieur était peuplé, ce n'était que peu de choses à côté du monde qui grouillait à l'intérieur, par ailleurs beaucoup plus grand que ce qu'on pouvait imaginer avant d'y entrer. Il s'agissait probablement d'un autre miracle de la magie, l'œuvre de magiciens et magiciennes ayant le pouvoir, comme Seokjin et Yoongi, de contrôler les espaces.
La salle, montée sur plusieurs étages, était si longue qu'il était difficile d'en voir la fin. Toutes sortes de personnes les observaient curieusement, se poussant contre les balcons en émettant des petits cris excités. D'autres, cependant, les ignoraient royalement, et continuaient leurs activités.
L'endroit, décida Taehyung, n'était ni beau, ni laid, ou plutôt, il tirait sa beauté de la laideur ; il y avait tant de diversité, de couleurs, de styles différents, que l'harmonie semblait avoir complètement déserté les lieux, et un désordre considérable régnait en maître absolu. Pourtant, il s'y sentit immédiatement à son aise et un courant d'adrénaline lui parcourut les veines, faisant frissonner ses membres.
On pouvait sentir la friture, les fleurs, le tabac froid, et puis le linge frais, et tout cela à la fois. À chaque pas, il était assailli par une odeur nouvelle, âcre, douce, épicée, sucrée ; mais ce n'était étrangement pas le moins du monde incommodant. On aurait dit que toutes les senteurs du monde s'étaient rassemblées dans ces centaines de mètres carrés.
Tous parurent enfin se rendre compte de leur présence, puisque d'un seul coup, le silence se fit autour d'eux, un silence plein d'appréhension, bien vite interrompu à nouveau par des centaines de chuchotements surexcités. Taehyung se gratta la nuque tout en continuant d'avancer, mal à l'aise sous les milliers d'yeux. Il lança un regard à ses amis et remarqua qu'ils se retrouvaient dans la même situation. Seokjin était celui qui parvenait le mieux à dissimuler son trouble. Il marchait la tête haute et le dos droit, une expression indéchiffrable sur le visage. En le voyant aussi calme, Taehyung se rassura quelque peu et reprit son observation du lieu, sans faire abstraction de ses habitants mais, au contraire, en les embrassant du regard.
Celui-ci tomba d'abord sur une femme, au balcon, donnant le sein à un enfant qui tétait furieusement comme si sa vie en dépendait. Elle ne semblait pas en souffrir, distraite par une autre petite fille qui tirait sur sa robe en lui montrant quelque chose que Taehyung ne pouvait pas voir. Ébahi, il vit la mère faire apparaître une poupée et la tendre à l'enfant, qui s'empressa de la serrer contre elle.
— Tae, regarde, lui chuchota Hoseok.
Il lui montrait une bande de ce qui semblait être des acteurs de cirque. Ils étaient suspendus en l'air dans des cerceaux lumineux, silencieux depuis leur arrivée, mais leur tenue scintillait et les rendait impossibles à manquer.
— Tu as vu leurs vêtements ? reprit Hoseok avec émotion. Tu crois qu'ils font des spectacles ?
— Tu pourras peut-être leur demander après la réunion, répondit Taehyung, attendri par l'enthousiasme de son ami.
Hoseok hocha vigoureusement la tête et détourna les yeux. Il avait repris son apparence originelle, et Taehyung remarqua que ses cheveux rouges ne détonnaient plus du tout dans l'atmosphère de la cité, au contraire.
Le petit groupe passa encore devant une trentaine d'hommes, de femmes, d'enfants, d'animaux ; devant des façades tantôt fraîchement repeintes, tantôt complètement délabrées, des magiciens propres et élégants, d'autres crasseux et négligés, des gens à qui il manquait un membre, des malades qui étaient assis sur des coussins, et tant de visages que Taehyung s'y perdit. C'était très étrange, comme s'il y avait des petites maisons à l'intérieur même du bâtiment, des petites propriétés mais qui appartenaient à tout le monde. Les extrêmes cohabitaient dans un joyeux chaos, mais personne ne paraissait remettre cela en cause. Tout était normal. Se dire qu'un tel endroit existait en plein cœur de la capitale était complètement surréaliste.
Taehyung réalisa, alors qu'ils étaient presque arrivés au bout de l'allée interminable, qu'il n'avait pas l'impression d'être assailli par les émotions des autres. Il les ressentait, évidemment, mais c'était presque organisé, à l'exact opposé de ce qu'il avait sous les yeux. Les pensées extérieures ne l'agressaient pas, ou très peu, mais entraient et sortaient en lui sans s'attarder plus que nécessaire, à la suite. Comme de passage. C'était déroutant, mais moins désagréable qu'à l'ordinaire.
— La Salle de la Colombe se trouve par-là, les informa Heeji, imperméable à cette agitation.
Ils débouchèrent devant une petite porte en bois qui donnait sur un long couloir étroit, très faiblement éclairé par des torches aux flammes artificielles. Namjoon s'y engouffra le premier, et les autres le suivirent.
— Est-ce que la Colombe est bien là ? demanda Taehyung tout en prenant garde à ne pas trébucher dans cette allée au sol rocailleux.
Il passa ses doigts sur la surface nue et irrégulière des murs. Ils paraissaient respirer.
— Oui, elle est là, Votre Majesté, répondit Heeji, sans parvenir cette fois à cacher l'émotion que lui procurait une telle perspective. Nous y sommes.
Aussitôt, Namjoon, Seokjin, Hoseok, Lilas, M.Han et Ji-Han vinrent se placer devant, derrière, et aux côtés de Taehyung, comme pour créer une barrière protectrice autour de lui.
— Allons-y, dit-il d'une voix douce mais ferme.
Les portes s'ouvrirent en grand et une lumière blanche les aveugla.
*
Le terme « assemblée » aurait mieux convenu que celui de « réunion », se dit Taehyung. La salle était en réalité un amphithéâtre plein à craquer d'humains portant la tenue caractéristique de la Confrérie, une cape bleu marine pourvue d'une capuche. Yoongi la lui avait montrée lors de sa visite, et il s'était ébahi devant la qualité du tissu à la doublure de velours. Tous le regardaient, mais lui regardait les lieux.
Alors même que la nuit était tombée dans le monde réel, d'immenses fenêtres laissaient entrer une lumière solaire qui éclairait la pièce. Les rideaux faits de soie jaune étaient solidement attachés par une corde rouge et Taehyung aperçut quelqu'un s'atteler à en fermer un, sans doute pour atténuer la chaleur alourdissante qui régnait en maître. Il ne ressentit rien de particulier en entrant, comme si les murs, le sol, le plafond n'étaient imprégnés d'aucun souvenir.
Son premier réflexe fut de chercher la Colombe des yeux. Il la trouva sans tarder et se figea de surprise : à l'extrémité gauche d'une longue table - autour de laquelle siégeaient une quinzaine de personnes - trônait effectivement une colombe.
Blanche, les plumes immaculées, entourée de quatre gardes du corps.
— Est-ce que c'est une blague ? chuchota Namjoon, le regard rivé sur elle.
Taehyung se le demandait aussi, mais ils n'eurent pas le temps de s'interroger plus longtemps, car dès que les membres de la Confrérie les avaient vus entrer, ils s'étaient tous levés précipitamment et étaient désormais inclinés devant eux.
Non, réalisa Taehyung, ils étaient inclinés devant lui.
Le geste lui parut durer une éternité, aucun d'eux ne semblait vouloir se relever, et lui, eh bien, il demeurait immobile dans un silence plein d'attente. Il finit par balbutier quelques mots pour leur demander de se relever, mots dont les lettres se mélangeaient dans sa tête. Il se rabroua, puis s'efforça de reprendre contenance, imaginant pour cela Jungkook à sa place, qui aurait balayé l'assemblée avec cet air farouche, presque féroce, qui lui allait si bien.
Un homme se détacha alors du groupe de ceux qui n'étaient pas dans les gradins mais autour de la table, et approcha. Son visage sévère et ridé indiquait qu'il devait être très vieux, car les magiciens vivaient beaucoup plus longtemps et vieillissaient bien plus lentement que les mortels. Trois cents ans ? Quatre cents ? Son menton légèrement pointu donnait du caractère à son visage, tout comme ses pommettes saillantes et ses cheveux blancs, mais ses petits yeux en amandes, noirs et luisants, inspiraient une détermination sans faille. Taehyung décida de le sonder, d'abattre toutes les barrières afin de laisser l'esprit de l'homme se déverser entièrement dans le sien. Si le magicien parut surpris, il se laissa faire.
— Alors c'est donc vrai, Votre Majesté, dit-il en s'inclinant à nouveau, une fois l'épreuve terminée.
— Quoi donc ? demanda Taehyung bien qu'il sût exactement de quoi il parlait.
L'âme du vieil homme lui avait laissé une sensation étrange dans le corps, qu'il ne réussit pas à identifier. Quoi qu'il en fût, sa puissance ne faisait aucun doute.
— Que Sa Majesté peut lire les âmes, et les guérir.
— Aucun être, mortel ou immortel, ne peut guérir une âme si ce n'est la sienne. Il peut tout au plus la soulager.
Il fit une pause, et reprit, les mains légèrement tremblantes, la gorge sèche :
— Je suis Kim Taehyung, héritier du clan Kim, et membre de l'organisation Bangtan. Voici Kim Namjoon, le chef de notre organisation ainsi que son bras droit Jung Hoseok. Kim Seokjin, mon cousin et membre actif, continua-t-il, et un éclair de reconnaissance passa dans les yeux de Chêne. Ensuite, Lilas, une mortelle qui œuvre à nos côtés, M. Han, notre collaborateur, et Choi Ji-Han, son scribe. Qui êtes-vous ?
Il força son corps à ne pas se tourner vers Namjoon en quête de soutien, son esprit à ne pas chercher l'approbation dans son regard. Il ignorait tout des règles à respecter en société, mais s'était entraîné dur pour donner l'impression contraire. Je peux y arriver seul, se répéta-t-il.
— Park Hee-Joon, mais je me fais appeler Chêne, Votre Majesté.
— Chêne ? répéta Namjoon avec incrédulité.
— Il croit que c'est parce qu'il a la sagesse d'un chêne, intervînt une voix. En réalité, c'est juste parce que c'est une vieille souche.
— Yoongi ! s'exclama Taehyung en souriant.
Il fit un pas pour aller l'embrasser mais se retînt. Yoongi ne raffolait pas des démonstrations publiques d'affection et il ne tenait pas à l'embarrasser devant tous ces gens. Son ami lui retourna son sourire et salua les autres d'un signe de tête. Il est nerveux, devina Taehyung en apercevant ses ongles rongés. Nerveux et délesté de quelques kilos.
— Taehyung ne t'a pas dit de ne plus réapparaître devant moi amaigri ? lança soudainement Seokjin d'une voix forte.
— Tu sais que je ne suis pas du genre à écouter ce que tu me dis, Jin.
Hoseok fut le premier à rire, imprégnant l'air de sa sincérité, et ce fut comme si toute la tension de la pièce s'était relâchée d'un coup. Les corps se détendirent, les langues se délièrent. Les membres de la Confrérie affichèrent tour à tour des mines confuses, gênées ou amusées, exclus du petit groupe d'amis qui se retrouvait enfin, mais Taehyung était ravi. Il ne réalisa pleinement qu'à cet instant-là à quel point le différend entre ses amis lui avait pesé sur le cœur.
Il les observa de l'extérieur tout en faisant partie du moment : Yoongi fronçait le nez pendant que Seokjin lui donnait de grandes tapes amicales sur l'épaule, et il avait l'air de s'enfoncer un peu plus dans le sol à chacune d'elle. Ses yeux rencontrèrent ceux de Namjoon, dont l'hilarité s'apaisa, et ils échangèrent un signe de tête. Taehyung se dit alors que tout allait bien se passer. Hoseok riait le plus fort, lui d'ordinaire si sérieux aux côtés du chef de Bangtan, et ça lui allait drôlement bien. Ce fut Namjoon qui se reprit le premier et s'éclaircit la gorge, encourageant les autres à faire de même.
— Nous sommes ici pour discuter, dit-il en s'adressant à Chêne.
— Exact. Gloss, conduis tes amis à leur siège, s'il te plaît.
— Gloss ? se moqua Hoseok en donnant un coup de coude dans les côtes de Yoongi.
Ses fossettes saillaient toujours, deux baisers d'ange sur ses joues, même s'il ne riait plus.
— Parce que tu brilles ?
— Tais-toi.
— Ouch, attention, ne t'approche pas trop, je ne voudrais pas être aveuglé par ton éclat.
— Je te jure que si tu -
— Taisez-vous, leur ordonna doucement Namjoon, faussement agacé.
De mauvaise grâce, Yoongi les mena vers la grande table au milieu de la pièce. C'était étrange de le voir comme ça, sous les ordres d'une autre organisation. Taehyung fut placé à l'extrémité, avec Seokjin à sa droite et Namjoon à sa gauche. Chêne prit place à la droite du siège vide — à l'exception de la colombe — et Yoongi s'installa deux chaises plus loin. Il adressa à Taehyung un sourire rassurant, qui l'apaisa aussitôt, jusqu'au moment où quatre magiciens vinrent se placer debout derrière lui. Namjoon s'apprêtait à protester lorsque Chêne prit la parole :
— C'est simplement une mesure de protection. Le roi doit être entouré de gardes.
— Je ne suis pas le roi, protesta Taehyung.
— Bien sûr que vous l'êtes, Votre Majesté ! répondit une femme, entre Chêne et Yoongi.
Son nom d'emprunt était brodé sur sa cape : Hibiscus. Elle avait les cheveux aussi roses que la fleur. Taehyung se souvînt de l'endroit rempli d'hibiscus dans lequel Jungkook l'avait entraîné pour passer l'une des plus belles soirées de sa vie.
— Je ne le suis pas encore, persista-t-il en reportant son attention sur la femme.
Elle n'osa pas le contredire, bien qu'elle en mourût d'envie, et Taehyung détesta cela. Ce n'était pas le genre de dynamique qu'il voulait créer avec les autres. Être pris au sérieux sans inspirer la crainte pour autant, était-ce possible ? Lui qui ne connaissait rien du monde extérieur et du protocole royal, devait-il se conformer à tous ces usages ?
— Excusez-moi, dit Seokjin lorsqu'ils furent tous confortablement attablés. Pourquoi y-a-t-il une colombe entourée de garde du corps au bout de la table ?
Comme si la colombe avait entendu ses dires, elle laissa échapper un roucoulement qui avait presque l'air d'un rire.
— La Colombe ici présente est la fondatrice de la Confrérie, leur apprit Chêne. J'en suis le co-fondateur. Évidement, ce n'est qu'un attirail. L'un de ses pouvoirs est la métamorphose animale, elle peut également influer sur la matière vivante ou morte. Elle n'a pas jugé utile de révéler son identité aujourd'hui. Sachez néanmoins que c'est à elle que vous devez votre présence ici.
Taehyung ne put s'empêcher d'être profondément déçu. Ainsi, il n'allait pas encore découvrir l'humain ou l'humaine qui se cachait sous les traits du bel oiseau. Sa curiosité à son égard redoubla ; elle semblait tout contrôler autour d'eux, tous lui lançaient des regards à intervalles réguliers comme pour obtenir ses faveurs.
Il se leva souplement et s'inclina devant elle, essayant de communiquer. Malgré la difficulté, la colombe reçut ses marques de respect, puisqu'elle baissa sa petite tête blanche comme si elle voulait s'incliner elle aussi.
— Ses plumes ont l'air d'être si douces, murmura-t-il pour lui-même.
— C'est injuste et irrespectueux, remarqua Seokjin à ses côtés. Nous venons ici en nombre réduit, et notre hôte se présente sous la forme d'un oiseau.
— Ce sont malheureusement les conditions à respecter pour avoir un entretien avec nous. Si vous le désirez, vous pouvez évidemment retourner d'où vous venez.
Le ton de Chêne était doux, mais ferme, et pendant un instant, Taehyung se demanda comment tous réagiraient s'ils décidaient effectivement de se lever et de partir. Pouvait-il se permettre de la faire ? Peut-être un jour. En attendant, la Confrérie savait aussi bien qu'eux qu'ils allaient rester sagement à leur place, et si cette idée n'enthousiasmait visiblement pas Seokjin, il l'avait bien compris lui aussi.
— Je trouve que la Colombe est très jolie, dit gentiment Taehyung en appuyant sur le bras de Seokjin pour l'apaiser.
— Ce n'est pas vraiment quelque-chose de convenable à dire, Votre Majesté, intervînt un homme, quelques chaises plus loin, ses lunettes si bas sur son nez qu'elles menaçaient de glisser.
— Pourquoi ? répondit-il, sincèrement surpris. Vous m'appelez Votre Majesté alors que je ne suis pas encore le roi, mais je ne peux pas dire quelque-chose que je pense ?
Cela faisait partie des règles qu'il ne comprenait pas. Avec ses amis, il n'avait jamais eu à se formaliser de ce qui était politiquement correct ou non, mais ils lui expliquaient toujours les choses calmement, et il les écoutait avec attention parce qu'il désirait apprendre. Seulement, les humains avaient bien trop de normes à respecter, il n'était pas certain d'avoir envie de s'y conformer.
— Excusez-moi, Votre Majesté, répondit aussitôt l'homme, les joues légèrement roses.
Ce n'était pas ce que Taehyung voulait entendre, il souhaitait des explications, il désirait comprendre. En regardant autour de lui, il dut se rendre à l'évidence : ce n'était pas ce qu'on attendait de lui. Alors, il sourit poliment et se tut. Juste pour cette fois, se jura-t-il, tout en sachant que ce n'était pas vrai.
Il y en avait eu d'autres et il y en aurait d'autres.
— Bien, déclara Chêne, ouvrant la discussion. Avant de discuter de notre avenir ensemble, j'aimerais introduire les membres ici présents.
Il se mit à introduire chaque membre attablé et Taehyung apprit que, à l'exception de Heeji, Yoongi et deux autres hommes, ils étaient les membres du Conseil de la Confrérie, en d'autres termes, les membres originels. Au nombre de neuf, ils disposaient de pouvoirs divers et variés, dont ils devaient avoir, se dit-il, une maîtrise parfaite, vu leur âge. L'un d'eux, par exemple, était capable de réduire ou agrandir à souhait la matière morte ; un autre transformait tout ce qu'il touchait de ses mains en liquide, ce qui l'obligeait à porter des gants spéciaux, forgés dans il ne savait trop quel volcan, en permanence. Taehyung lui adressa un regard compatissant et fut gratifié en retour par un visage pincé.
Les personnes présentes dans les gradins de l'amphithéâtre étaient les autres membres de la Confrérie, ceux qui n'étaient pas en mission et avaient pu se libérer pour l'occasion. D'après Chêne, ils étaient 388 présents, et l'organisation comptait, dans sa totalité, « environ dix mille membres actifs dans tout le royaume ». En comparaison, et après l'extinction de la branche restante de Byeolju, Bangtan possédait à son bord environ 450 personnes actives.
— Avez-vous des questions ? Nous y répondrons si nous jugeons que c'est utile.
— Quel est cet endroit ? demanda immédiatement Hoseok.
— La Cité des Anges, répondit Hibiscus, est un endroit qui s'est créé de lui-même, un lieu organique, en constante évolution. Il date de la chute des Kim, paix à leur âme, et a été fondé à l'origine par un magicien qui avait le pouvoir de créer des espaces à volonté. Il souhaitait échapper aux Traqueurs. Peu à peu, l'espace créé s'est agrandi et solidifié, il est devenu une sorte de refuge. La Confrérie a permis de renforcer sa fiabilité. Notre quartier général ne se trouve pas ici, bien sûr, mais nous nous y retrouvons de temps à autre.
— N'importe qui peut y entrer ?
Chêne braqua ses yeux humides sur Namjoon, qui venait de poser la question, avant de répondre à la place d'Hibiscus :
— De pures intentions et une profonde détresse suffisent à quiconque pour tomber dessus. Par contre, si l'on identifie le cœur de la magie, que l'on sait précisément où chercher, et quoi, alors on peut trouver, même avec de mauvais desseins. Mais n'ayez crainte, ajouta-t-il en voyant les membres de Bangtan froncer les sourcils, nous avons des mesures de sécurité prévues si cela arrive.
— Quel genre de mesures ? insista Taehyung, curieux.
— Nous possédons un système à la fois numérique et magique. Caméras, micros, champs de force, sortilèges, et d'autres choses encore, Votre Majesté.
— Qui dirige la Cité des Anges ? demanda cette fois Seokjin.
Taehyung, depuis le début, sentait la surprise des membres de la Confrérie ; eux qui respectaient une stricte hiérarchie, distribuant ingénieusement leur temps de parole, paraissaient désapprouver le fait que chacun parlait selon son bon vouloir.
— Personne, répondit tout de même Chêne. Ici, chacun est libre de faire ce qu'il veut. Il y a des bagarres, parfois, des cohues et des tensions, mais nous n'intervenons jamais. Tous savent aussi que c'est un endroit précieux et personne n'a envie de risquer de le perdre. Nous avons posté des gardes à l'entrée pour la venue de Sa Majesté, mais normalement les portes sont ouvertes et libres d'accès.
— Cela ne vous empêche pas de contrôler tout le système de sécurité et d'être au courant des moindres entrées et sorties, fit remarquer Namjoon en balayant l'air d'une main.
Personne ne lui répondit.
Taehyung mourrait d'envie d'en apprendre plus sur cet endroit mais avait la sensation que ses questions n'étaient pas celles qui intéresseraient les autres. Par exemple, il aurait voulu savoir qui étaient ces gens dans la grande salle, dans leur tenue scintillante, et s'il y avait des spectacles, parfois, et des concours de peintures, ou encore des conteurs qui vous racontent des histoires autour d'un feu, des histoires d'un temps reculé, où les Jeon et les Kim n'étaient pas encore ennemis. Et puis, tout le monde mangeait-il bien ici ? Avait-on le moyen de soigner les habitants ? Beaucoup de silhouettes lui avaient paru bien maigrichonnes. Comment fonctionnait le système d'approvisionnement ? Qu'est-ce qui était réel dans cette illusion géante ?
— Qui êtes-vous ? demanda-t-il à la place.
Il y eut un silence qui dura quelques secondes, et la Colombe roucoula à nouveau. Taehyung sentait sa présence et son regard sur lui, même si elle était sous sa forme animale. Son aura lui était familière, comme s'il l'avait déjà rencontrée, mais sous la forme d'une colombe, il ne parvenait pas à lire en elle. Ce n'était plus ni tout à fait un animal, ni tout à fait un être humain. Les pistes étaient brouillées.
— Nous ne pouvons vous révéler tous les détails aujourd'hui, Votre Majesté, dit Chêne, mais il existait autrefois, et quand je dis cela je veux dire des siècles plus tôt, ce qu'on appelait l'Assemblée des Magiciens. Chaque province du pays était régie par un clan de magiciens, et chaque année, les représentants de chacune d'elles se retrouvaient pour discuter du royaume. Notre rôle était d'en assurer la sécurité, de maintenir un équilibre.
Il fit une courte pause, comme pour évaluer l'impact de ses mots sur eux. Jusque-là, il ne leur avait rien appris de nouveau, car quiconque avait un minimum d'intérêt pour l'histoire de Talguk connaissait l'ancien régime politique et organisationnel du royaume.
— Plus les années passèrent, reprit l'homme en les dévisageant tour à tour, sans trop longuement maintenir le contact visuel avec Taehyung, et plus les magiciens se sont trouvés être les victimes de persécutions. Elles venaient d'abord de pays voisins, et puis de petits groupes rebelles à l'intérieur même du royaume. Ils se sont mis à associer les magiciens à des créatures néfastes, démoniaques. Parmi eux, il y avait les Jeon, qui n'étaient déjà plus magiciens à cette période.
— Parce que les Jeon étaient un clan de magiciens à l'origine ? intervînt Namjoon, comme s'il venait d'être frappé en plein visage.
Taehyung écarquilla les yeux. Personne ne lui avait jamais parlé d'une telle éventualité.
— C'est exact. Il y a bien longtemps, confirma Chêne.
— Apprendre que l'eau ne mouille pas m'aurait moins surpris que ça, dit Hoseok avec un rire d'incrédulité. Nous avons accès à de vieilles sources du temps des Kim, même si en quantité très réduite malheureusement, et jamais il n'a été mention d'une telle chose.
Les membres du conseil échangèrent quelques regards, un sourire que Taehyung trouva empreint de condescendance au coin des lèvres. Chêne reprit la parole :
— Sauf votre respect, se procurer des documents authentiques est une tâche extrêmement compliquée, voire impossible pour une organisation aussi récente et inexpérimentée que la vôtre.
Ils encaissèrent le coup sans broncher, même si Taehyung sentit Namjoon se tendre à ses côtés.
— Les Jeon eux-mêmes ont été très doués pour dissimuler tout lien entre eux et la magie, renchérit Hibiscus. Nous parlons-là d'une époque encore antérieure à celle de vos parents, Votre Majesté, ajouta-t-elle pour lui.
— Les Jeon, encore peu nombreux, expliqua Chêne, contrôlaient la ville de Haesu. Vous savez sans doute qu'il arrive dans une famille de magiciens que naissent de simples mortels. L'un d'eux a grandi et a développé une haine viscérale envers la magie. Il s'est mis à rassembler des partisans, principalement des gens du clan qui étaient comme lui, et quelques années plus tard, ils ont assassiné la totalité de leur famille.
Taehyung ne put s'empêcher d'imaginer les circonstances qui auraient pu pousser ces individus à de telles extrémités. Son cœur se serra douloureusement et, mal à l'aise sur sa chaise, il se tortilla discrètement en essayant de dissiper la sensation, sans succès. Autour de lui, les autres arboraient une expression mêlant l'indignation et le dégoût.
— L'homme a ensuite fondé un nouveau clan, une nouvelle lignée, purgée de toute mauvaise graine. Ils assassinaient tous les enfants magiciens à la naissance, jusqu'à ce qu'un jour, le gène eut totalement disparu.
— Il n'a pas disparu ! le contredit Taehyung, les oreilles bourdonnantes et le cœur battant à tout rompre dans sa cage thoracique. Jeon Jungkook est un magicien.
Chêne se contenta d'approuver, la mine grave. Tout s'expliquait enfin. Une jeune femme au visage anguleux, qui portait le nom de Salamandre, intervînt d'un ton dédaigneux :
— Évidement, les descendants du clan Jeon eux-mêmes n'ont jamais su qu'ils étaient à l'origine une famille de magiciens. Ils les haïssaient tellement, ça les aurait horrifiés. Le secret ne se transmettait qu'au chef du clan et à son épouse, ainsi qu'à un cercle très restreint de personnes qui travaillaient pour eux.
— Vous voulez dire que le chef mentait à son clan ? demanda Seokjin en lissant son épi.
— C'est cela, lui répondit le vieil homme. Ils se sont construits une nouvelle histoire, une nouvelle origine guerrière. Le temps a fait son œuvre, et comme personne, avant, ne se mêlaient des histoires internes aux clans, qui avait une indépendance quasi-totale, cela n'a posé aucun problème.
— Pourquoi est-ce que Jeon Jungkook n'a pas été tué, lorsque le gène est réapparu ? interrogea à nouveau Taehyung.
— Cela fait partie des choses que nous ne pouvons révéler, Votre Majesté, dit Chêne.
— Pourquoi ? J'ai le droit de savoir ! s'écria-t-il, soudain pris d'une impulsion violente.
Jungkook avait lui aussi le droit de savoir. Comme extérieur à son propre corps, et avant qu'il ne puisse l'arrêter, il se vit pivoter brusquement vers Seokjin, puis Namjoon, en quête de soutien, comme pour leur demander d'intervenir. Ceux-ci gardaient la tête baissée et il ne parvînt pas à intercepter leur regard. Il s'adressa enfin à Yoongi, qui fixait le chef de Bangtan avec une drôle d'expression. La honte lui monta aux joues ; en une demi seconde, il venait de prouver son incompétence et de se comporter comme un enfant.
— Taehyung, écoutons ce qu'ils ont à nous dire, d'accord ? Ils ont peut-être une bonne raison de ne pas nous révéler ces détails pour l'instant.
C'était la voix de Namjoon, douce et persuasive. Il avait utilisé son pouvoir, sans doute inconsciemment, juste un peu, mais Taehyung sentit la pression s'exercer doucement sur son esprit et lui souffler de laisser tomber. Il déglutit difficilement, les mains tremblantes, la honte transformée en quelque chose de plus expansif, qui lui fit serrer les poings.
On l'appelait Sa Majesté alors même qu'il expliquait qu'il n'était pas encore roi, mais, par contre, on refusait de tout lui dire. Qui ment à son roi avec tant de facilité ? Personne. Cela ne montrait qu'une seule chose : malgré leurs discours et leurs courbettes, il ne l'était ni à leurs yeux, ni aux siens.
Chêne profita de cet instant de trouble pour continuer son récit, non sans avoir d'abord jeté un oeil en direction de la Colombe, qui se tenait toujours à sa place en bout de table :
— Nous avons oublié de préciser que les Kim possédaient depuis toujours le territoire le plus important de Talguk. Petit à petit, les provinces ont cédé une part de leur indépendance pour les reconnaître protecteurs du royaume. Dans le même temps, les Jeon ont commencé à s'étendre eux aussi, à propager leur message de haine envers les magiciens en dehors des frontières de Haesu.
Taehyung était perdu. Il essayait d'ordonner les évènements dans sa tête mais peinait à restituer chaque information à la bonne place. Il savait que les autres pensaient comme lui, voyait Hoseok prendre des notes, Namjoon froncer les sourcils, Seokjin pincer les lèvres.
— Est-ce que tout va bien, Votre Majesté ? demanda Chêne, d'un ton inquiet mais l'expression impénétrable.
Il s'efforça de hocher la tête, lui faisant signe de poursuivre.
— Lorsque vos grands-parents sont montés sur le trône, le royaume n'était plus morcelé comme il l'était autrefois. Les Kim avaient établi leur hégémonie totale sur Talguk, qui était devenue une monarchie. Tous les clans, mortels ou magiciens, leur prêtèrent serment d'allégeance, même les Jeon, du moins en apparence.
— Mais quand mes parents ont commencé à régner, les conflits s'étaient déjà intensifiés, dit Taehyung.
— Effectivement, approuva Hibiscus en secouant sa chevelure fushia. Si les Kim fermaient d'abord les yeux sur la désobéissance des Jeon, il est devenu de plus en plus difficile d'ignorer leurs agissements. Au cours de l'une des Assemblés de magiciens, tous les représentants des clans ont commencé à se plaindre d'attaques subies. Il a été décidé d'ouvrir un ordre afin de défendre les persécutés. C'est la Colombe qui l'a fondé. Elle demanda la création d'une organisation entièrement indépendante de la couronne. C'est ainsi que la Confrérie est née.
— L'ordre fonctionnait uniquement grâce aux dons, continua Chêne, sans leur laisser le temps d'intégrer l'information. C'était une sorte d'ordre de défense et de protection des plus faibles. Nous nous sommes considérablement développés et enrichis. Les gens ont commencé à nous vouer une sorte de culte, particulièrement les mortels, car si au début, l'ordre avait été créé pour aider les magiciens persécutés, il s'est mis à ne plus faire la distinction et à servir quiconque en avait besoin.
— Les Kim n'ont-ils pas regretté de nous avoir donné votre indépendance ? demanda Hoseok, sa bouche formant presque un triangle tant il était sérieux.
— Les Kim étaient de bons souverains.
Une atmosphère pleine de nostalgie enveloppa la salle. Il était si étrange, pour Taehyung, de se dire que parmi ces hommes et ces femmes, beaucoup avaient réellement connu ses parents. Quelque part, une voix lui soufflait que c'était injuste. Parfois, il les écoutait en parler comme s'il s'agissait d'inconnus ; d'autres fois, une impression intense lui saisissait la poitrine et il sentait plus fortement que jamais le lien qui l'unissait à sa famille disparue. En tout cas, il était certain d'une chose, en laissant les esprits de ces magiciens et magiciennes d'un autre temps s'écouler dans le sien : Kim Su-ho et Kim Jae-Hwa avaient été aimés et respectés. Leur absence laissait en eux un vide qu'il allait devoir combler. On les recherchait en lui, sans cesse, il le remarquait dans chacun de leur regard.
— Votre emblème est une colombe, comme l'emblème de ma famille, fit-il remarquer en se plongeant dans les yeux immobiles de l'oiseau.
— La colombe représente tous les magiciens de Talguk, leur unité, lui expliqua le vieux magicien. Elle représente l'équilibre et la paix. C'est devenu l'emblème des Kim parce que ce sont eux qui ont été choisis pour maintenir cet équilibre. Leur colombe tient une branche de saule pleureur dans son bec, car -
— Car il y a avait un grand saule pleureur dans le jardin du palais à Manseong, termina Taehyung dans un murmure. Je me souviens.
— C'est exact, Votre Majesté.
Chêne parut déstabilisé. Néanmoins, il se reprit bien vite :
— Un arbre anormalement vieux. L'Usurpateur a bien essayé de le retirer, sans succès. L'emblème de la Confrérie est une colombe plus petite, qui tient un rameau d'olivier, et qui est entourée d'un cercle de feu. La Colombe a décidé de prendre ce nom et cette apparence car elle estime que la Confrérie est l'incarnation la plus juste de la paix et la neutralité. Elle ne dépend d'aucun pouvoir politique. Nous avons développé, à l'époque, tout un réseau sous-terrain qui nous permettait d'être au courant de tout, nous étions les yeux et les oreilles du royaume. Le roi se méfiait de nous, mais il nous tolérait parce que nous le respections. Nous avons commencé à prêter à de nombreux royaumes en constituant une sorte de banque pour eux, ce qui nous a permis d'étendre encore notre influence au-delà des mers.
— Avez-vous bien connu mes parents ? ne put-il s'empêcher de demander.
— Nous tous ici, les membres du Conseil, avons connu le roi et la reine - que le repos leur soit accordé. Ils ont toujours été justes et bons, même si nous avons eu un regrettable désaccord peu avant leur mort.
— Quel désaccord ? voulut savoir Namjoon.
Une tension nouvelle apparut dans l'air. Il y eut un long silence, durant lequel Hibiscus, Chêne et Salamandre se regardèrent comme pour décider lequel des trois allait reprendre la parole, tandis que les autres gardaient les yeux fixés sur un point invisible devant eux.
— Cela fait partie des choses que nous ne sommes pas autorisées à révéler, dit enfin Hibiscus, exactement comme lorsqu'il avait posé une question sur Jungkook un peu plus tôt. Ses majestés, paix à leur âme, étaient venus demander son aide à la Confrérie, et nous avons refusé de la leur accorder.
— Pourquoi ? insista Namjoon.
— Nous pensions que ce n'était pas raisonnable.
— Le pensez-vous toujours, à présent ? demanda cette fois Taehyung.
Un nouveau silence, qui lui comprima la poitrine, puis :
— Nous admettons nous être peut-être trompés.
Chêne avait dit cela du ton de celui qui ne croit pas en ses mots. Mais Taehyung n'avait d'yeux que pour la Colombe. Il avait été submergé d'un seul coup par une vague de culpabilité, elle lui avait attrapé les entrailles. Bien vite, il avait réalisé que ce n'était pas lui, qui ressentait cela, mais l'oiseau sous les traits duquel se cachait un magicien ou une magicienne. Si la sensation était assez forte pour qu'elle lui parvienne, alors même que, depuis le début, les pensées de la Colombe demeuraient inaccessibles, il se demanda ce qui se serait produit si elle avait été sous sa forme humaine. Il eut l'impression de se désincarner, comme si son esprit faiblissait jusqu'à rompre tout lien avec son corps.
Mis à part Jungkook et Yoongi, il n'avait jamais ressenti une souffrance aussi intense venant d'autrui, mais c'était différent encore, cette fois : la souffrance de Jungkook était explosive, rouge et incandescente, possédant quelque chose de désespéré en elle, comme si elle cherchait à attirer l'attention ; celle de Yoongi au contraire se dissimulait, froide et implacable, se complaisant dans sa solitude, tandis que la douleur de la Colombe n'avait ni couleur, ni odeur. Il s'agissait d'une souffrance qui vous aspire de l'intérieur et vous laisse vide, mort.
— Taehyung, est-ce que ça va ?
Le visage inquiet de Yoongi entra dans son champ de vision. Ce n'est qu'en voyant les mines abasourdies des magiciens autour de la table que Taehyung comprit que son ami s'était brusquement levé pour s'approcher de lui. Les gardes le repoussèrent sans ménagement, mais Seokjin, à sa droite, se tourna aussitôt dans sa direction, les sourcils froncés :
— Que se passe-t-il ?
Taehyung n'avait pas remarqué qu'il s'était mis à transpirer avant de se passer la main dans ses cheveux argentés et de la retirer humide. Pendant un instant, la salle parut s'effacer devant lui et il dut s'accrocher à la table pour tenter de reprendre ses esprits.
— Tout va bien, finit-il par répondre, fermant brièvement les paupières. C'est encore la malédiction qui fait des siennes. J'ai été surpris, voilà tout.
Déjà, son corps et son esprit s'habituaient à la présence de cette souffrance extérieure nouvelle, et son âme parvint enfin à se nourrir d'autre chose que ce vide qui l'avait soudain dépossédé. Il reporta son regard sur la Colombe : qu'avait-elle refusé à ses parents, pour être à ce point rongée par la culpabilité ? Ou bien était-ce encore autre chose ?
— Taehyung est fatigué, dit soudainement Yoongi en retournant s'asseoir, fusillant du regard les gardes qui s'étaient interposés. Finissons-en, il doit se reposer.
Chêne lui lança une oeillade noire, probablement agacé de se faire presser par l'un de ses subordonnés, plus jeune de surcroît, mais il ne dit rien et fit un signe de tête à Hibiscus, qui reprit :
— En quelques mots, la Colombe estime avoir une dette envers les Kim, et elle est déterminée à la payer. Jeon Kang-Dae a passé des années à nous poursuivre et a considérablement diminué nos forces, jusqu'à nous pousser à nous retrancher pour agir dans l'ombre. Tous pensaient que la Confrérie était dissoute et détruite, mais nous n'avons jamais abandonné.
— Abandonné quoi ? demanda Namjoon, la ride d'expression sur son front plus profonde que jamais.
— Abandonné l'idée de remettre Sa Majesté sur le trône et de détruire le clan Jeon. Nous partageons le même désir et le même objectif, et nous pouvons joindre nos forces afin d'y parvenir. Pendant des années, nous avons perdu la trace de l'héritier, mais nous l'avons retrouvée grâce à Gloss.
Le concerné s'éclaircit la gorge et baissa la tête.
— Ainsi, continua Hibiscus, qui parut ne pas remarquer la tension parmi les membres de Bangtan à l'évocation de la trahison de Yoongi, nous avons pu nous assurer de sa sécurité. Mais il est temps d'agir concrètement.
— Alors quoi ? intervint Hoseok. Nous n'avons qu'à dire oui, et vous acceptez de nous mettre dans la confidence, de travailler avec nous et de mettre à notre disposition tous les moyens dont vous disposez ?
— Nous avons deux conditions, répondit cette fois Chêne.
— Évidemment, ricana Namjoon. Quelles sont ces conditions ?
— Quoi qu'il se passe, il vous est strictement interdit de tuer Jeon Jungkook.
Taehyung sentit son coeur s'emballer à la mention du prince ; il chercha aussitôt à apercevoir la réaction des autres, mais le vieux magicien ne lui laissa pas le temps de réfléchir et poursuivit, accaparant à nouveau son attention :
— Enfin, lors du Bal d'automne organisé par l'Usurpateur dans cinq mois, l'identité de Sa Majesté ici présente sera dévoilée, et il sera officiellement déclaré prétendant au trône de Talguk.
Il fit une pause, et puis :
— Il s'agira d'une déclaration de guerre.
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Ce chapitre est riche en informations, j'espère que tout est assez clair. On en apprend plus sur la Confrérie mais aussi sur le clan Jeon et sur la raison qui fait que Jungkook est un magicien. N'hésitez pas si vous avez des questions.
A très bientôt pour la suite, merci pour votre lecture, vos votes et vos retours <3