Chan était resté un peu plus longtemps que prévu au bureau. Il avait une grosse réunion à préparer d’ici quelques jours et préférait s’avancer au maximum sur son lieu de travail. Mais il savait qu’il allait inévitablement devoir apporter des dossiers chez lui s’il voulait avancer.
Cela faisait plusieurs minutes qu’il était à la recherche de différents graphiques que Mina lui avait imprimés la veille. Impossible de mettre la main dessus. Pourtant, il se souvenait les avoir rangés dans un dossier vert, avec quelques autres documents dont il avait également besoin.
— C’est pas possible… pesta-t-il en se dirigeant vers le bureau de sa secrétaire.
Cette dernière était partie depuis une bonne heure et demie, et Chan se sentait mal à l’aise de fouiller dans ses affaires. Il chercha donc des yeux le fameux dossier, au cas où il serait resté à portée de main, mais rien. Il se permit d’ouvrir un ou deux tiroirs, mais n’y trouva que du matériel de bureau et de la papeterie. Les autres meubles étaient fermés à clé.
Il soupira. Il n’avait plus qu’à appeler la jeune femme pour savoir où se trouvaient les documents - en espérant qu’elle ne soit pas occupée, autrement il savait déjà qu’il risquait de passer un sale quart d’heure. Il retourna dans son bureau et, dans son répertoire, il chercha le numéro de portable de sa secrétaire. Il s’avéra être différent de celui indiqué sur sa carte de visite.
Après avoir pris une profonde inspiration pour se donner du courage, Chan composa le numéro de Mina. Plusieurs sonneries retentirent avant que quelqu’un ne finisse par décrocher.
— Allô ?
Chan tiqua, l'intonation était différente de celle de sa secrétaire.
— Mina ? C’est Bang Chan à l’appareil.
— Oh monsieur Bang ? Mina est sous la douche, je suis sa maman, est-ce que je peux vous aider ?
Chan ne put s’empêcher de rougir. Il était donc en communication avec madame Myoui, la mère de sa secrétaire avec laquelle il entretenait une relation plutôt... particulière.
— Oh euh je… Enchanté madame Myoui. Je suis désolée de vous déranger, je cherche des documents et je ne sais pas où Mina les a rangés, j’en aurais besoin…
— Des documents ? Je vais lui demander.
— Ils étaient dans un dossier vert si ça peut l’aider à se souvenir.
— Mina ! Ton patron demande où tu as rangé un dossier vert !
Chan n’entendit pas la réponse de la jeune femme et se contenta de patienter, un peu gêné. Quelques minutes s’écoulèrent avant que madame Myoui ne reprenne la communication.
— Je suis vraiment désolée monsieur Bang, il semblerait que Mina ait emporté le dossier avec elle à la maison, elle en avait besoin pour y faire quelques vérifications, elle est vraiment tête en l’air, je m’excuse.
— Non, ne vous excusez pas, ce n’est rien. Est-ce que vous pensez que je pourrais venir les chercher ? J’en ai vraiment besoin, mais je ne voudrais pas vous déranger.
— Il n’y a pas de problème, vous pouvez passer les prendre, je vais vous envoyer l’adresse sur ce numéro, nous vous attendons.
— Merci madame Myoui, à tout de suite.
Il raccrocha et le message ne se fit pas attendre. Chan embarqua ses affaires et se mit en route. Il trouva facilement où se garer devant la petite résidence. Il n’avait jusque-là aucune idée du fait que sa secrétaire vivait encore chez ses parents. Ces derniers ne devaient d’ailleurs avoir aucune idée du fait que leur fille avait une autre activité que le secrétariat. Il se rendit au premier étage et sonna. La porte s'ouvrit après quelques secondes seulement. Chan déglutit en découvrant Mina, sans maquillage, les cheveux humides, un large t-shirt violet sur les épaules et un pantalon de jogging gris. Elle avait l’air beaucoup moins impressionnante que d’habitude et Chan lui trouva même un côté mignon.
— Voilà le dossier, lui dit-elle en plaquant le morceau de carton sur son torse, je ne pensais pas que vous en aviez besoin, je voulais le vérifier, c’est pour ça que je l’ai emporté. Bonne soirée.
Elle essaya de fermer la porte, mais sa mère l’ouvrit en grand à la place.
— Mina ! Propose donc à ton patron d’entrer ! Bonsoir, monsieur Bang.
La quinquagénaire s’inclina poliment et Chan fit de même.
— Je ne voudrais pas vous déranger.
— C’est vous qui vous êtes dérangé à cause de Mina, rétorqua madame Myoui. Nous allions bientôt dîner, joignez-vous à nous, ça sera notre façon de nous excuser.
Chan sentit ses oreilles chauffer. Dîner en compagnie de sa secrétaire et de ses parents, c’était la dernière chose à laquelle il s’était attendu.
— Maman c’est gênant… marmonna Mina un peu en retrait.
— Mais non, tu as fait déplacer ton patron, c’est la moindre des choses de lui proposer un dîner. Allez, entrez.
Elle attrapa gentiment le poignet du visiteur et le tira à l’intérieur, ne lui laissant pas vraiment le choix.
Chan fut plutôt étonné de découvrir l’appartement, il n’avait rien à voir avec celui dans lequel il avait usuellement rendez-vous avec sa secrétaire. La décoration faisait presque vieillotte, comme si les lieux appartenaient à un couple de personnes âgées. Monsieur Myoui, jusque-là installé dans un fauteuil face à la télévision, se leva pour saluer l’invité surprise.
— Bonsoir, monsieur Bang, ravi de faire votre connaissance, dit-il en affichant un sourire bienveillant. Je m’excuse que vous ayez dû vous déplacer à cause de Mina.
— Mais non, ce n’est rien, c’est moi qui aurais dû la prévenir que j’avais besoin de ces documents pour ce soir.
— Une bière ?
— Volontiers.
Madame Myoui interpella sa fille depuis la cuisine.
— Mina, débarrasse ton patron veux-tu ?
La jeune femme souffla, mais obtempéra néanmoins.
— Donnez-moi votre manteau, dit-elle en se plantant devant lui.
Chan retira sa veste et la lui tendit. La situation l’amusait et en même temps, il avait très peur des représailles de la jeune femme la prochaine fois qu’ils se retrouveraient seuls. Sur invitation du chef de famille, Chan prit place à table. La mère de Mina était encore dans la cuisine à terminer de préparer le dîner.
Mina s’installa à côté de son supérieur, l’air renfrogné.
— Chérie ne fait pas cette tête, tu devrais au contraire être contente que monsieur Bang reste dîner avec nous.
— Disons que je préfère laisser le travail au travail, marmonna-t-elle.
— C’est pour ça que vous avez embarqué mes documents ? la taquina Chan.
Elle se tourna vers lui, outrée, ce qui amusa énormément son paternel.
— J’espère qu’elle est moins tête en l’air d’ordinaire et qu’elle ne vous cause pas de problèmes au bureau.
Chan se redressa sur sa chaise, la première image qui lui était venue en tête était celle de sa secrétaire très “occupée” sous le bureau lors de sa dernière réunion en visio. Il se racla la gorge et sourit.
— Mina est très professionnelle dans son travail et elle m’aide beaucoup au quotidien, je suis vraiment content de pouvoir compter sur elle.
— Heureux d’entendre ça ! Elle ne parle que très rarement de son travail et ma femme et moi avions commencé à croire que c’était parce qu’elle n’était pas très efficace.
Madame Myoui apporta le repas et ils se mirent à manger en parlant de tout et de rien. Chan avait du mal à comprendre comment Mina pouvait être aussi froide et autoritaire avec des parents aussi gentils et bienveillants. Et lorsqu’il pensait à son travail d’escort, il se demandait encore plus comment elle en était arrivée là.
La conversation allait bon train et, en fin de repas, monsieur Myoui en vint à discuter de ses passe-temps et à questionner Chan sur les siens.
— C’est marrant que vous soyez fan de football ! Mina était une grande fan lorsqu’elle était adolescente. Quand nous vivions encore au Japon, j’arrivais souvent à obtenir de bonnes places pour des matchs avec mon travail, expliqua le chef de famille, elle a même une belle flopée de t-shirts dédicacés offerts par certains joueurs.
— Oh, mais oui ! renchérit son épouse. Tu devrais les lui montrer d’ailleurs !
Leur fille s’offusqua.
— Maman, il est hors de question que j’emmène mon patron dans ma chambre.
— Arrête tes manières Mina, ça n’est pas comme s’il y avait des choses à cacher dedans.
— Peut-être que ça ne l'intéresse pas du tout d’ailleurs ! dit-elle en se tournant vers Chan. Dites-leur que ça ne vous intéresse pas.
Son patron la dévisagea quelques secondes, non pas qu’il cherchait à l’ennuyer, mais il avait vraiment envie de voir sa collection.
— Eh bien, pour être honnête, si ça m’intéresse.
Sa secrétaire lui adressa une expression courroucée avant de soupirer.
— Très bien… Suivez-moi…
Elle se leva de table et Chan l’imita. Il la suivit dans le couloir et elle entra dans une pièce sur la droite.
— J’en ai quelques-uns accrochés là, dit-elle en indiquant le mur à côté de la porte, de mon joueur préféré. Les autres sont rangés dans cette armoire par manque de place.
Elle ouvrit une porte de placard et en sortit quelques maillots de foot qu’elle déposa sur son lit. Chan regarda autour de lui ; la pièce était simple, décorée de fleurs, dans des tons roses et beiges. Difficile de penser qu’elle appartenait à la même personne qui, d'ordinaire, l’attachait dans des draps en satin rouge.
Il se ressaisit et jeta un œil aux différents vêtements, réellement épaté par ces derniers.
— C’est vraiment une belle collection, je dois avoir un maillot signé que j’ai eu pour mes dix-neuf ans, autrement je me contente d'un porte-clés.
— Je n’ai malheureusement plus rien acheté depuis que nous sommes arrivés en Corée, je dois avouer être beaucoup moins calée sur les équipes d’ici…
— Vous n’allez jamais voir de matchs ?
— Non, seulement un de temps en temps quand nous retournons voir notre famille au Japon.
— Je pourrais vous y emmener, j’ai souvent des places offertes par des partenaires, mais j’ai rarement quelqu’un avec qui y aller.
Mina leva la tête vers son supérieur, les yeux écarquillés.
— Vous me proposez de vous accompagner à un match de foot ?
— Pourquoi pas ?
La blonde ne put s’empêcher de rire avant de ranger tout ce qu’elle avait sorti. Chan resta planté là, à la regarder faire, comme s’il attendait son feu vert pour partir. La jeune femme sembla s’en rendre compte.
— Ça me fait très bizarre de vous voir ici.
— Au moins vous ne m’avez pas fait du pied sous la table, gloussa son supérieur.
La situation le perturbait lui aussi, il découvrait Mina sous une autre facette et c’était plutôt satisfaisant. Pourtant, la secrétaire ne sembla pas apprécier la remarque. Elle s’approcha de son supérieur, le forçant à reculer jusqu’à ce qu’il heurte le mur. Chan papillonna des yeux lorsque Mina vint se coller à lui, glissant un genou entre ses jambes pour le monter jusqu’à son entrejambe qu’elle pressa. Son supérieur hissa, se mordant la lèvre inférieure pour retenir un petit gémissement. Elle était proche, si proche que leurs corps étaient presque totalement collés l’un à l’autre. Chan ne put s’empêcher de poser les mains sur les hanches de la jeune femme tandis que les siennes agrippaient ses pectoraux. À la grande surprise du jeune homme, sa vis-à-vis ne le repoussa pas. Il avait l’impression que, depuis qu’elle lui avait offert une fellation au bureau, Mina était plus à l’aise avec lui, plus tactile, et qu’elle lui laissait plus de liberté dans ses actions. Mais cela ne lui déplaisait pas, et de loin.
Ils se fixaient, les yeux dans les yeux, sans rien dire, comme s’ils cherchaient à savoir qui allait céder le premier. Chan ne pouvait s’empêcher de penser qu’il n’avait qu’un minuscule mouvement à faire pour que sa bouche vienne trouver celle de sa secrétaire. Celle-ci baissa les yeux, pressant un peu plus son genou contre le sexe de son supérieur.
— Vous avez conscience que ce genre de remarque devrait vous coûter une punition, n'est-ce pas ?
Chan ne put s’empêcher de sourire malicieusement, ses mains glissèrent jusqu’aux fesses de Mina et il se sentit pousser des ailes.
— Alors je vais profiter que vos parents ne soient pas là pour vous poser la question, dit-il à voix basse, quand est-ce que je peux revenir vous voir dans votre autre appartement ?