Les portes

ErbsenPueree द्वारा

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Il y a un autre monde, caché derrière des portes que nous pouvons à peine entrevoir. Une ombre dans le coin... अधिक

Chapitre 0 Attention à la marche
Chapitre 1 Un rêve ?
Chapitre 2 Visites nocturnes
Chapitre 3 Mange !
Chapitre 4 Humain ?
Chapitre 5 Porté disparu
Chapitre 6 Défense d'entrer
Chapitre 7 Propriété privée
Chapitre 8 Prêter main forte
Chapitre 9 Veuillez réessayer
Chapitre 10 Bienvenue
Chapitre 11 Veuillez mentionner vos noms et adresses
Chapitre 12 Retour à la case départ
Chapitre 13 Joyeux anniversaire
Chapitre 14 Situation familiale
Chapitre 15 Point de vue
Chapitre 16 Vent du Nord
Chapitre 17 Choix et conséquences
Chapitre 18 Hiérarchie
Chapitre 19 Promenons-nous dans les bois
Chapitre 20 Temps d'adaptation
Chapitre 21 De votre responsabilité
Chapitre 21b Et par irresponsabilité
Chapitre 23 Nouveau départ
Chapitre 24 Soif d'aventure
Chapitre 25 En lieu sûr
Chapitre 26 Juste un moment de plus
Chapitre 27 En termes de mortalité
Chapitre 27b Raison ou sentiments
Chapitre 28 Baisse de température
Chapitre 29 Arrivés à destination
Chapitre 30 À consommer avec modération
Chapitre 31 Frères et sœurs
Chapitre 32 De nouveaux plans
Chapitre 33 Longue vie au Roi
Chapitre 34 Noir sur blanc
Chapitre 35 Du sang sur la neige

Chapitre 22 Légendes dangereuses

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ErbsenPueree द्वारा

Des heures durant, ils soignèrent Geoffrey. Chaque nouvelle plaie qu'ils découvraient sur son corps horrifiait d'avantage Adam. Le jeune fée l s'en voulait. C'était en partie sa faute si son père était parti courir un tel danger.

Quand Adam avait laissé ses parents partir à la côte pour chercher les enlevés, il n'avait en rien imaginé qu'ils courraient de tels risques. S'il avait su, il aurait insisté pour échanger sa place contre celle de son père, kraken ou non. Cette journée semblait vouloir propulser Adam vers le gouffre de la réalité. Les morts, les blessés... tant de choses qu'il n'avait pas imaginées ainsi. Pourtant, il avait cru savoir dans quoi il s'était embarqué. N'avait-il pas lui-même tiré une main de sorcière arrachée à coups de dents d'un aquarium géant ?

Des images s'imposèrent peu à peu à l'esprit du jeune fée. Les visages sans vie des deux chiens et l'ogre hurlant de douleur se superposaient et se mêlaient à tant de scènes qu'ils n'avaient encore jamais vues et qui pourtant lui semblaient si réelles. Des visages inconnus défigurés par la douleur et la peur. Des familles courant à toutes jambes pour échapper aux ténèbres étranges qui les poursuivaient. Du sang ruisselant sur la neige. 

"Adam ?" Appela la voix de Rose, le tirant ainsi de ses visions. "Les bandages !"

Secouant la tête pour se reprendre, Adam tendit le rouleau de toile blanche à sa mère. 

Heureusement, Rose et particulièrement Campanule s'avérèrent très douées en matière de restriction des dégâts. Bientôt, Geoffrey reprit une couleur plus naturelle. Les effets de la magie des fées n'étaient pas aussi efficaces sur un humain que sur l'un de leurs congénères mais c'était mieux que rien. L'homme restait faible et semblait très malade, mais au moins ses plaies adoptèrent un aspect moins dévastateur et son teint ne ressemblait plus à celui d'un mort-vivant.

Les autres jeunes gens attendaient en silence dans la salle à manger. Ils ne savaient ni quoi dire, ni quoi faire. Louise et Daniel n'osaient pas raconter les circonstances de ce malheur aux autres tant qu'ils n'étaient pas certains de revoir Geoffrey vivant. Et les trois autres n'avaient pas le courage de leur poser des questions.

Collie priait pour que les pouvoirs protecteurs de la maison de Rose fassent leur effet et qu'aucun chien du gouvernement ne vînt frapper à leur porte. Il espérait avant toute chose que ceux-là ne possédaient pas d'autres familiers plus effrayants encore qu'un ogre de la forêt. 

Par chance, personne ne vint frapper à la porte des Marronniers ce soir-là. Peut-être, les chiens étaient-ils persuadés que les évadés avaient tous pris la fuite par les bois. Ou alors, ils préparaient éventuellement quelque chose de plus efficace qu'une patrouille de chiens. Collie l'ignorait mais pour l'instant, ils semblaient en sécurité. 

Après une longue nuit d'attente, la porte du salon s'ouvrit enfin et, épuisée, Rose en sortit la première pour aller se servir un verre d'eau. Sa fille l'imita mais Adam ne quitta pas la pièce.

"Il va... bien ?" Demanda Rémy.

"Mieux, je dirais." Répondit Rose.

Les deux femmes allèrent s'asseoir en silence. Tous purent voir qu'elles étaient au bout du rouleau. Campanule se massait sans cesse la nuque.

Rémy se tourna vers elle et posa sa main sur l'une de ces épaules tendues au possible.

"Et toi, ça va ?" S'enquit-il.

La jeune fée n'était pas d'humeur à exhiber son affection pour cet humain. Voir son père si grièvement blessé l'avait rappelée à ses craintes les plus effroyables.

Ne voulant pas être ingrate, elle tenta néanmoins un sourire.

"Oui, oui." Soupira-t-elle. "Ne t'en fais pas."

Finalement, Adam se glissa silencieusement hors du salon, lui aussi. Il fit attention à ne pas faire le moindre bruit en refermant la porte.

"Il dort." Dit-il en arrivant dans la salle.

Campanule laissa échapper un soupir d'apaisement.

"Tant mieux."

"Bon." Lança Adam, le visage ferme, en s'asseyant à son tour à la table. "C'est quoi ces histoires de golems ?"

Louise sembla aussitôt effrayé.

"Ton père t'en a parlé ?" S'étonna-t-elle.

"Parler est un grand mot." Répondit Adam. "Mais oui, il a essayé deux trois fois d'aborder le sujet." Il baissa la tête avant de la secouer. "Il n'était pas en état de faire des phrases cohérentes."

Léa fut prise de panique. Son regard faisait des allers-retours entre Louise, Daniel et Rose. Elle était véritablement terrifiée.

"Vous avez rencontré des golems ?" S'exclama-t-elle. "Mais ce n'est plus censé exister !"

"Eh ben..." Soupira Daniel en faisant de grands yeux. "Pour des plus censé exister, je trouve qu'ils avaient plutôt la forme."

Moins enclin à débattre sur l'existence ou non d'êtres qui avaient visiblement attaqués leurs amis, Rémy fronça les sourcils en réfléchissant.

"Des golems... ce sont des êtres fait d'argile, non ?" Se souvint-il. "Il me semble avoir lu quelque part qu'ils avaient été créés par les hommes pour protéger leur communauté ou quelque chose du genre."

"Une histoire qui a très mal fini." Conclut Rose. "Mais ici, il y a très longtemps, certains sorciers de l'île d'Ulula ont cru bon de pousser cette science un peu plus loin, mêlant divers composants à la terre glaise, rendant leurs créations plus fortes, mais aussi plus agressives. Cette nouvelle race de golems se retourna contre ses créateurs et ceux-ci furent décimés. Après cela, on dit qu'avant qu'ils ne trouvent un moyen de traverser l'océan sans se décomposer, celui qui fut le roi de ce pays pris la décision d'anéantir Ulula et ses golems, laissant toute l'île périr dans le feu avant de la rendre à la mer."

"Mais cette île n'a jamais été inondée." Annonça Louise, toujours incrédule face à leur récente découverte.

"Pire encore." Ajouta Rose. "Dès lors que ses racines sont détruites et l'île détachée de son fondement, les golems s'en servent comme une sorte de gigantesque bateau."

"Quoi ?!" S'exclama Léa.

"Mais ils ne viendront pas ici." S'empressa d'ajouter Rose, voulant rassurer la jeune nymphe.

"Qu'est-ce qui les en empêcherait ?!" Demanda Léa, pas le moins du monde apaisée.

"Ils craignent notre rivage." Répondit Rose. "Ils n'ont aucune notion du temps et se souviennent toujours comme si c'était hier de ce qui leur est arrivé. Le feu et la destruction ont bien eu lieu sur leur île, et j'ignore comment ils y ont survécu. Plus encore, ils ont trouvé un moyen de se reproduire... Je crois qu'ils créent des compagnons à l'aide du sol d'Ulula." Elle vit la peur bleue qui marquait le visage de Léa. "Mais ils savent toujours qui a incendié leur terre et ils redoutent la force des guerriers qui vivent de ce côté de l'océan."

"Comment pourraient-ils avoir peur des guerriers ?" L'interrogea sèchement Léa. "Il n'y en a quasi plus dans ce pays. Et ce ne sont pas les hauts elfes ou les elfes du feu qui vont venir nous prêter main-forte. Comment pouvons-nous être certains que ces Golems ne vont pas mettre les pieds ici ?"

"Parce que nous les avons entendus en parler." L'arrêta Daniel.

"Un golem ne sait pas parler !" s'indigna la jeune nymphe.

"Tu serais bien surprise." Siffla Daniel.

Terrorisée, Léa se tourna à nouveau vers Rose.

"Mais..."

Rose semblait pensive. Elle ne pouvait ôter ses craintes à cette jeune fille et pour raison, cette peur bleue était peut-être bien fondée.

"Ces golems ont évolué." Expliqua enfin la fée. "Et le fait que leur langage ressemble autant au notre, bien que plus restreint, ne me plaît guère."

"Que veux-tu dire ?" Intervint Campanule. "Tu ne penses tout de même pas que quelqu'un leur ait appris."

"J'ai bien peur que si." Soupira Rose. "Si nous avons bien entendu..." 

Elle se retint.

"Mais qu'est-ce que vous avez entendu ?" S'impatienta Adam malgré lui.

"Difficile à dire." Marmonna Daniel. "Tu aurais dû les entendre... Ils gémissent plus qu'ils ne parlent. C'est... enfin, tu comprends un mot sur deux, parce que tu n'es jamais vraiment sûr que c'était vraiment un mot. Mais..."

"Mais ?" Fit Adam.

Daniel lança un regard interrogateur à Rose et celle-ci sut que c'était à elle d'expliquer ce qui leur était arrivé.

"Écoutez-moi bien." Elle but un coup d'eau, puis se concentra. "Tout d'abord, quand nous avons vu cette île passer pardessus nos têtes alors que nous dirigions les krakens plus loin vers l'Ouest, nous pensions qu'il s'agissait d'un des anciens grands navires. C'est pour cette raison que nous sommes remontés, croyant pouvoir demander des renseignements aux passagers. Mais le temps que Geoffrey et moi arrivions à la surface, Daniel et Louise étaient déjà sur l'île et Louise accourrait pour nous dire de ne pas faire de bruit."

"A peine les pieds sur la terre." Expliqua Louise, prise par le récit. "J'avais déjà vu un petit groupe de golems se diriger vers le centre de l'île et ils n'avaient pas franchement l'air accueillant."

"Quand j'ai vu ce que votre amie appelait des gros tas de boue vivants avec des jambes et des bras..." Continua Rose en jetant un regard désapprobateur à la jeune humaine. "J'ai regardé autour de moi et voyant la terre brûlée et les traces de pas gigantesques, j'ai de suite su que nous avions mis les pieds sur l'île disparue." Elle semblait elle-même incrédule. "Ulula était toujours vivante, pour ainsi dire. Et cela ne me disait rien qui vaille." Elle prit une profonde inspiration. "Nous avons donc suivi ces golems avec autant de discrétion qu'il nous était possible, laissant Louise en retrait pour garder un œil sur le rivage. Et nous nous sommes bientôt rendus compte qu'ils se rendaient à une sorte de réunion. C'est là que nous avons vu à quel point ils étaient nombreux."

"Et armés !" Ajouta Daniel, horrifié. "Jusqu'aux dents ! Et ce dans le sens le plus littéral du terme."

"Ils ont évolué." Expliqua Rose. Puis, elle se corrigea. "Ou plutôt, quelqu'un les a fait évoluer." Elle se remémora la scène. "Ils semblaient attendre quelque chose et s'entraîner. Et ils se sont mis à parler comme s'il s'agissait d'une conférence."

"Mais de quoi ont-ils parlé ?" Supplia Léa.

"C'était plutôt confus." Grimaça Daniel. "Ils avaient surtout l'air de grommeler par mécontentement. Comme s'ils étaient impatients." Puis il leva les yeux vers Rose. "Mais certaines paroles étaient relativement claires."

Le silence se fit. Daniel avait l'air inquiet et Rose affichait une mine plus que sérieuse. Tous purent remarquer qu'ils n'aimaient pas ce qu'ils avaient entendu et que Daniel était déjà au courant de la gravité de cette nouvelle situation.

Après un moment, ne pouvant plus supporter son propre silence, Rose se jeta enfin à l'eau.

"Ils parlaient de l'Esprit Sombre."

Tous furent envahis par un sentiment d'effroi. Plus que tous les autres, Collie put sentir un frisson glaçant lui remonter l'échine. Ce n'était pas la première fois que des hommes armés jusqu'aux dents parlaient de l'Esprit Sombre.

Lui-même s'était habitué à porter l'uniforme de la police du gouvernement. Ce même uniforme qui lui avait permis de s'introduire en prison quelques heures auparavant. Et ce même uniforme qui lui permettait jour après jour d'entendre les pires horreurs murmurées dans chaque recoin de la capitale.

Depuis trop longtemps déjà, les voix parlaient de la Sombre Cause. Depuis trop longtemps, les ténèbres s'apprêtaient à regagner le jour.

Des Golems qui avaient appris à parler pour s'entretenir au sujet de l'Esprit Sombre... ce n'était pour lui qu'un autre minuscule reflet sur le flanc d'un iceberg noir, silencieux et gigantesque.

"Ce n'est qu'une légende." Murmura Léa, comme pour s'en persuader elle-même.

Mais Rose n'avait pas l'intention de la laisser faire.

"Toute légende plonge ses racines dans les profondeurs de la réalité, Achilléa." Affirma-t-elle. "Tu es la fille d'une nymphe et d'un enchanteur. Tu devrais le savoir."

Elle avait beau entendre ces paroles et en saisir le bon sens, Léa refusait d'entendre raison.

"Mais..." Voulut une nouvelle fois protester la jeune nymphe.

Ce fut alors Daniel qui en eut assez de cette tête de mule.

"Léa !" S'exclama-t-il. "Tu ne crois pas qu'il est temps que tu te mettes à ouvrir les yeux ?! Tu auras beau refuser les choses et passer ton temps à dire ceci est une légende ou cela n'existe pas ou encore les choses sont ainsi, tu finiras quand même par devoir faire face à la réalité. Alors rends-nous à tous un grand service, et boucle-la un peu !"

Il s'était tellement énervé sur cette dernière phrase qu'il prit un moment de silence pour calmer sa respiration. Puis il soupira, content de son effet car Léa était manifestement restée sans voix. 

Le calme étant de retour dans la pièce, Adam se tourna vers sa mère.

"Légende ou non... Je ne suis pas sûr d'avoir tout suivi au sujet de ces esprits." Précisa le jeune fée. Il tenta de se souvenir. "Léa disait qu'ils n'étaient pas vraiment des créateurs... mais plutôt... qu'ils avaient guidé le monde... vers quelque chose de meilleur. Enfin, je ne sais plus trop."

"Ils nous ont apporté bonté et lumière." Dit Rose avant de demeurer pensive un instant. Puis, elle les regarda tous un à un. "Je pense qu'il est temps d'aller dormir."

"Quoi ?!" Vociféra Léa.

"Ce que je vais vous raconter est un récit long et difficile." S'expliqua Rose s'essuyant les paupières. "Cette nuit a déjà été bien trop longue. Nous sommes tous épuisés et le jour va bientôt se lever. Et je ne pense pas que ce soient les meilleures conditions pour essayer de vous expliquer les origines de notre monde."

Tous restèrent silencieux. Elle avait raison, et même Léa dut se l'avouer. Quand bien même ce n'aurait pas été le cas, Rose n'était pas le genre de personne que l'on faisait aisément changer d'avis. Il n'y avait personne présent dans la pièce qui se serait encore cru capable de tenir tête à Rose. Personne si ce n'était Collie.

"Permettez-moi." S'avança-t-il. "Je comprends bien que nous sommes tous épuisés et que l'état de Geoffrey est des plus tracassant mais..." Il jeta un regard furtif à Adam. "Je pense qu'il serait déconseillé à certains d'entre nous de rester plus longtemps à La Divine. Nous risquons de gros ennuis et..." Cette fois il œilla Rose avec respect avant de baisser les yeux. "Même si votre maison est bien protégée, j'ai peur que les chiens du gouvernement ne finissent par trouver un subterfuge pour nous régler notre compte."

Personne ne resta sans remarquer les mines coupables qu'affichèrent alors Adam et cet homme en uniforme de chien. Louise la première, réalisa qu'ils avaient raté quelques événements tandis qu'ils fuyaient les golems.

"Mais qu'est-ce que vous avez fichu ?" Les questionna la jeune femme.

Elle avait posé la question sans amertume. A vrai dire, on aurait presque pu y lire de la moquerie à la vue du regard qu'elle jeta à Adam. Ou peut-être même une certaine forme de jalousie.

Ce dernier soupira, sachant qu'il était à l'origine de cette menace potentielle qui venait s'ajouter à la liste de leurs problèmes.

"J'ai libéré un enfant... elfe... du cachot." Déclara-t-il.

"Pardon ?" S'écria Rose.

"Et un berserk !" Ajouta Léa en sifflant de mécontentement.

"Oui, et un berserk." Répéta aussitôt Collie, avec une touche de moquerie dans la voix. "N'oublions surtout pas l'effroyable berserk, hein Léa. Je suis sûr qu'il est le plus gros de nos problèmes."

"Oh toi." Grogna sa demi-sœur. "Ferme là ! Je suis sûre que tu n'as rien fait pour l'en empêcher."

"Je suis arrivé trop tard." Répondit l'enchanteur avec un clin d'œil. "Et je n'avais pas trop envie de demander gentiment à un berserk recouvert de tatouages de la tête aux pieds de bien vouloir retourner dans sa cellule parce qu'il y avait une erreur de casting."

Léa trembla comme une feuille. Il était un fait bien connu sur les berserks : le nombre de leurs tatouages représentait le nombre de leurs victimes tellement ils étaient fiers de leur nature meurtrière. La jeune nymphe savait que son frère avait volontairement fait remarquer la dangerosité de cet homme libéré, pour lui faire peur.

"Adam !" Hurla-t-elle, revenant à l'auteur des faits, en désespoir de cause.

"Ça suffit !" Intervint Rose.

Le silence se fit à nouveau. La fée avait crié si fort cette fois que les assiettes en avaient tremblé dans leurs armoires. Aussi, laissa-t-elle régner ce calme un instant avant de reprendre la parole. Elle se tourna vers son fils.

"Qu'est-ce qui t'a pris ?" Demanda-t-elle.

Adam n'était pas d'humeur à se laisser gronder tel un enfant qui avait fait une bêtise. Il n'avait rien fait de mal. Au contraire.

"Il m'a pris que j'en ai assez de voir des gens se faire arrêter pour des raisons intolérables." S'échauffa-t-il. "Ils allaient tuer cet enfant seulement parce qu'il voulait retourner auprès des siens. Alors excuse-moi mais, berserk, elfe ou fée, je me fiche de savoir leur nature, si j'avais pu libérer tous les prisonniers, je l'aurais fait !"

Il avait prononcé ces derniers mots avec tant de conviction que même Rose fut incapable de lui répondre.

La grande fée était plus inquiète que jamais. Adam lui échappait peu à peu. Elle voulait le protéger. Mais il prenait des décisions dangereuses. Et tandis que son inquiétude grandissait, elle vit le regard décidé que lui lançait Campanule. Pourquoi ses enfants ne comprenaient-ils donc pas qu'ils étaient en danger ?

Elle reprit pourtant lentement son calme. Il n'était pas encore trop tard pour éloigner les risques.

"Ne t'en fais pas, Collie." Dit-elle en levant les yeux vers celui-ci. "Vous serez en sécurité ici pour un moment. Tu peux rester sous ce toit aussi longtemps que tu voudras. Je me chargerai des chiens s'ils comptent approcher cet endroit."

Adam ne comprenait pas ce que cette maison avec de si spécial. Quelle magie résidait en ces lieux pour que Rose soit si confiante à l'idée de faire face aux chiens ? Elle qui n'avait pas même osé lever le petit doigt quand ceux-là même étaient venus leur arracher Nils. Le gouvernement ne lui avait-il pas fait enlever un fils des bras sans qu'elle n'eût pu rien faire ? Qu'est-ce qui avait changé depuis ?

"Cela compte pour vous tous." Reprit la fée. "Un peu de sommeil nous fera le plus grand bien et ici vous pourrez le trouver, l'esprit tranquille."

La discussion était close. Cette fois, plus personne n'osa revenir sur quelque sujet que ce fût. Cette conversation serait remise au lendemain. Après un peu de sommeil et un bon déjeuner, ils seraient définitivement plus aptes à écouter et pourraient étudier ces choses avec plus d'objectivité.

"Je vais dormir dans le salon." Déclara Adam. Il échangea un regard avec Campanule. "Je préfère ne pas laisser notre père seul."

Il avait beaucoup de mal à appeler ses parents autrement que par leur prénom. Des mots comme maman ou papa ne lui étaient pas familiers. Et suivre l'exemple de Rémy, et les appeler Père ou Mère comme il le faisait avec les siens, lui semblait inutilement pompeux et ridicule. Mais en revanche, quand ils parlaient d'eux à la troisième personne, il aimait à présent insister sur leur lien de parenté. C'était comme si cela lui rappelait chaque jour qu'ils étaient à ses côtés.

Sa sœur acquiesça et bientôt tous se levèrent pour rejoindre leurs lits ou matelas respectifs. Adam de son côté, se faufila dans le salon. Il était heureux d'entendre son père ronfler. Pour lui, c'était la preuve qu'il était bel et bien en vie. Il ne pouvait imaginer l'horreur qui l'aurait envahi s'il avait perdu son père qu'il venait seulement de retrouver.

Seulement ?

Depuis combien de temps déjà était-il à La Divine ?

Le temps est relatif. Pensa-t-il d'un ton ironique alors qu'il alla s'installer avec une couette sur le grand fauteuil.

* * *

Lorsque Collie risqua quelques pas dans le jardin des Marronniers, il fut surpris de voir qu'il n'était pas seul dans ce magnifique tableau de verdure florissante.

Assis sur un banc, dos à lui, Rémy fumait tranquillement une cigarette en admirant le ciel étoilé. Il semblait pensif et contrarié à la fois. Un air qui le changeait beaucoup du bel homme souriant que Collie avait vu flirter avec Campanule.

"Tu en as une pour moi ?" Demanda l'enchanteur en s'installant à son tour sur le banc.

L'humain fut d'abord surpris. Il regarda le nouveau venu avec des grands yeux, réalisant qu'il ne l'avait pas entendu arriver. Jugeant qu'il n'était pas dangereux pour autant, il tira son paquet de cigarettes de sa poche et le lui tendit.

Collie le remercia d'un geste de la tête et prit le petit rouleau de tabac entre ses lèvres avant de l'allumer avec le briquet qui se trouvait également dans le paquet.

"Merci." Soupira-t-il en exhalant une colonne de fumée. "Je ne savais pas que tu étais du genre à fumer."

Rémy répondit avec son flegme habituel, se tournant à nouveau vers les étoiles qui brillaient de mille feux dans ce ciel sans nuages.

"Les personnes qui le savent sont plutôt rare."

"Si tu t'inquiètes pour Campanule." Ricana Collie. "Tu fais bien. Elle déteste ça."

Il regretta aussitôt ses paroles. Il ne savait pas pourquoi il avait dit cela. Il avait beau être bavard, ce n'était pas à son habitude de parler de la sorte sans réfléchir.

"Pardon." Dit-il. "Je ne voulais pas..."

"Ne t'en fais pas." L'interrompit aussitôt l'humain. "Je ne suis pas idiot. J'ai vu comment tu la regardes. J'ai bien compris que vous avez eu... une relation ?"

"C'est de l'histoire ancienne." Collie se tourna à son tour vers les astres. "Et elle ne m'a jamais regardé comme elle te regarde, toi... ça, tu peux en être sûr."

Collie ne rata rien du sourire qui se dessina discrètement sur le visage de son voisin. Mais à son grand étonnement il put également y lire une certaine tristesse.

Aussi se permit-il de persévérer dans ses explications.

"Campanule est quelqu'un de très têtu et elle n'accorde pas suffisamment d'importance à sa propre vie à mon goût." Déclara-t-il. Là, il vit les yeux de Rémy se poser sur lui. Il continua avec le sourire. "Alors je suis content qu'elle t'ait rencontré. Je pense que, vu la façon dont elle te regarde, tu pourrais bien changer cela."

Rémy n'aimait pas particulièrement cette conversation et pourtant, il ne put s'empêcher d'être intrigué.

"Qu'est-ce qui te fait dire ça ?" Demanda-t-il.

« Je connais Campanule depuis l'époque où elle n'était encore qu'un bébé." Répondit Collie.

Il avait une mélancolie dans la voix qui ne fut que trop facile à interpréter. Il aimait la même jeune fée que Rémy tout en sachant pertinemment qu'elle ne l'aimerait jamais en retour. 

"Je l'ai vue grandir." Continua-t-il. "Je l'ai vue se battre contre les pires horreurs de l'école gouvernementale. Je l'ai défendue face à nombre d'entre eux. Je l'ai vue devenir plus forte que tous." Il baissa la tête. "Je l'ai vue partir pour l'école des enchanteurs, avec la ferme intention de devenir plus forte encore. Mais tout cela, elle le faisait dans le but d'aider son frère." Il prit une longue inspiration. "Je l'ai retrouvée plus tard, quand j'ai, moi aussi, pu me rendre à l'école de magie." Il rit à ce souvenir. "A vrai dire, j'admets ouvertement avoir triché pour avoir mon diplôme d'enchanteur. Je ne le mérite probablement pas même à moitié. Mais je m'en fichais pas mal à l'époque. J'avais repris la trace de Campanule... plus belle et plus décidée que jamais." Il sourit d'un bonheur révolu. "Encore une fois je l'ai vue grandir. Je me suis imposé dans sa vie comme un chien perdu en manque d'affection. Je me suis promis de la protéger et d'égayer ses jours comme ses nuits. Et j'ai lamentable échoué. Jamais... vraiment jamais, je ne l'ai vue sourire joyeusement comme elle sourit en ta compagnie."

Quand alors Rémy lui tendit un mouchoir de poche, Collie réalisa subitement qu'une larme lui avait échappé. Il s'empressa aussitôt de l'essuyer avant de se détourner de honte.

Par compréhension, Rémy tourna lui aussi son regard vers d'autres lieux avant de répondre.

"Tu sais... En général les rivaux en amour sont supposés échanger des coups... Pas des mouchoirs." Railla l'humain.

Collie renifla bruyamment en rigolant avant de reprendre sa dignité.

"Je ne suis pas ton rival." Sourit ce dernier. "Je suis ton soutien. Car, je pense que tu dois l'avoir remarqué, devenir le compagnon de Campanule ce n'est pas facile tous les jours."

"Hahaha !" Rémy éclata d'un rire faux. "Non, c'est sûr."

Même si son sourire trahissait à quel point il voulait rire avec lui, Collie restait serein.

"Je t'en prie... rends-la heureuse." Dit-il. "Et surtout, veille sur elle."

Entendant cela, Rémy retrouva rapidement son flegme. Il sourit à son tour avec sérénité. Il avait depuis longtemps compris que Collie n'était pas comme lui. Qu'il était moins égoïste et exigeant que lui. Tout ce que cet homme mi-chien mi-enchanteur voulait, c'était le bonheur de celle qu'il aimait. Rémy lui-même se savait incapable d'un tel sacrifice.

"Tu peux compter sur moi." Répondit-il, malgré tout. 

Les deux hommes restèrent un moment ainsi, fumant leur tabac bercé par la certitude d'une compréhension mutuelle.

Soudain, un choc secoua leur corps. Daniel s'était laissé choir telle une baleine sur le banc. Il prit ensuite la cigarette d'entre les lèvres de Rémy et l'éteignit en l'écrasant contre les lattes en bois.

"Vous êtes au courant que c'est malsain, au moins ?" Soupira-t-il.

Il fut étonné de ne pas recevoir de riposte. Aussi leva-t-il les yeux pour découvrir deux visages aussi désabusés l'un que l'autre.

"J'interromps la naissance d'une grande amitié virile ?" Demanda-t-il, perplexe.

"Peut-être bien, figure-toi." Répondit Rémy en ressortant son paquet.

Daniel eut vite fait d'attraper cette petite boîte en papier et de la jeter loin au fond des rosiers. Il savait que Rémy serait trop fainéant pour aller la chercher.

"Tu pollues le jardin de Rose." Grommela celui-ci.

"Elle ne m'en tiendra pas rigueur." Répondit Daniel avec le sourire.

Une fois certain que Rémy n'allait pas lever ses fesses de ce banc, son ami tendit la main à Collie.

"Daniel Luthier." Se présenta-t-il. "Je suis un bon ennemi d'Adam."

"Bon ennemi ?" Répéta l'enchanteur en uniforme, un peu perplexe.

Les deux humains pouffèrent de rire alors qu'au loin les premières lueurs de l'aurore se frayaient un chemin à travers les gratte-ciels.

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