Je ne m'attendais absolument pas à l'avoir au téléphone, au point où je ne pouvais plus émettre un seul mouvement. L'effet de sa voix dans mon oreille me paralysait, cela faisait bien trop longtemps que je ne l'avais plus entendu. Ma salive traversait difficilement ma gorge, me provoquant même de désagréables sensations dans celle-ci. Je m'apprêtais à raccrocher, cependant, Aslan m'en dissuada rapidement. Il devait s'attendre à ce que je tente de le faire.
- Écoute-moi bien Wyko avant de raccrocher. Tu ne pourras pas rester éternellement chez Joe, il y aura bien un moment où toi et moi on devra s'affronter. Je ne te laisserais pas me quitter, je ne te l'autorise pas. Alors, je serais patient jusque-là, mais sache que je reviendrais. Plus tôt que tu ne le penses.
- Pourquoi n'acceptes-tu pas que je puisse partir ? Cela t'éviterait d'être coincé avec quelqu'un comme moi, tu pourrais enfin être libre, alors pourquoi ? Je l'interrogeais complètement désespérée.
Il y eut un silence avant qu'il ne se décide enfin à me répondre.
- Être libre ? Mais je ne demande pas à l'être Wyko. Je t'aime toi et tu me manques chaque jour. Pourquoi j'accepterais de te voir partir ?
- Tu m'aimes ? Je hurlais soudainement. Alors pourquoi tu me frappes ? Est-ce qu'on frappe la personne que l'on aime ? Tu n'es vraiment pas croyable.
- Bien sûr que je t'aime, sinon je ne te courrais pas après et je ne ferais pas tout mon possible pour que tu reviennes. Je ne suis pas parfait, je le sais, mais cela ne retire en rien le fait que mes sentiments sont sincères.
Je devais raccrocher, je ne pouvais pas continuer. Ses mots me troublaient et je n'aimais pas ça. Il savait tellement bien parler. Je ne pris pas une minute de plus pour l'écouter et raccrochais. Puis j'en profitais pour éteindre mon téléphone également. Je devais changer de numéro parce qu'il continuerait sinon. J'en mettais ma main à couper.
Je me levais complètement déboussolée. Il m'arrivait tellement de choses avec Sasha que j'en oubliais Aslan. C'est comme s'il le sentait que je lui échappais et qu'il revenait afin de me rattraper. Une main dans les cheveux, je me grattais l'arrière de la tête avec nervosité. Il me fallait me rafraîchir, c'est pourquoi je courrais presque vers le lavabo de la cuisine. L'eau que je jetais sur mon visage me délivra aussitôt de cette emprise qui commençait à me dompter.
Le soleil se couchait presque et ma meilleure amie venait enfin de rentrer. Je lui expliquais de suite ce qui m'était arrivé ce matin avec Aslan. Pour ce qui était de Sasha, je préférais le garder pour moi. Celle-ci n'appréciait absolument pas le fait que mon ex-copain puisse continuer de me harceler. Et je la comprenais parfaitement.
- Argh ! Cet impala sans cervelle commence vraiment à me gonfler ! Elle grognait furieusement. Non ! Tu sais quoi ? Je retire ce que j'ai dit parce qu'un impala c'est mignon, et on sait tous qu'Aslan n'a rien de mignon.
Je ne pus m'empêcher de rire légèrement.
- Non, en fait, c'est un vieux saucisson oublié dans le réfrigérateur depuis des millénaires.
- Joe ! Je tentais de la reprendre sérieusement.
Celle-ci fit rouler ses yeux avec exagération. Quant à moi, je fis bouger ma tête de gauche à droite naturellement excédée par ses sottises, même si elle me faisait bien rigoler. Puis soudainement, comme si elle se rappelait de quelque chose, son humeur changeait. Elle se tourna vers moi, les yeux grands ouverts et fit une moue désolée.
- Que se passe-t-il ? Je l'interrogeais curieusement.
- J'ai oublié de te prévenir, mais ce soir je ne dormirais pas à la maison. Je dois aller faire du baby-sitting exceptionnellement chez une amie à ma mère.
Je n'aimais pas l'idée d'être seule et elle le remarqua. La journée cela ne me dérangeait pas, mais la nuit..
- Ne t'en fais pas, j'ai demandé à Aden de t'héberger ce soir. Tu iras chez lui et il n'a pas hésité une seule seconde ! Elle renchérissait aussitôt.
La nouvelle me fit presque trop plaisir. J'allais pouvoir passer du temps avec mon meilleur ami, que pouvais-je demander de mieux ? Sans perdre une minute de plus, Joe et moi nous dirigions vers sa chambre afin de préparer nos affaires. J'allais enfin sortir un peu. Je ne demandais que cela.
Même si la peur de le croiser me grignotait l'estomac, je devais tout de même recommencer à vivre. Je réfléchissais tout en préparant mon sac, et j'en venais à penser à reprendre les cours. Et pourquoi pas chercher un travail ? C'est vrai, je ne pouvais pas continuer à me cacher et surtout, vivre au dépens de mes amis.
Je devais non pas tourner la page, mais changer de livre. Non pas continuer un récit, mais commencer un nouveau. Je devais changer de route, afin de découvrir une nouvelle arrivée. Mais aussi changer cette eau impact que je buvais, pour une autre plus transparente, afin d'acquérir une meilleure santé.
Oui, c'est ça que je devais faire..
Aden m'ouvrit ses bras aussitôt qu'il me vit arriver dans son entrée. Son petit appartement était accueillant. Contre toute attente, il y avait plus de décoration que ce que j'imaginais. Ce côté industriel et gris dégageait quelque chose d'assez fort et viril. J'aimais l'idée de rester chez lui, car Aden avait toujours été quelqu'un de soigné contrairement à Ethan. Son chez lui sentait la propreté. Je ne pouvais m'empêcher de rire en m'imaginant la demeure d'Ethan qui, lui, ne savait même pas se servir d'une éponge correctement.
Joe salua mon ami et s'en alla précipitamment, celle-ci étant pressée. Aden me fit poser mes affaires dans sa chambre, qu'il me laissait ce soir, même si j'avais catégoriquement refusé. Cependant, il m'avait bien fait comprendre qu'il ne changerait pas d'avis et que le sujet était clos.
Une fois fini de tout préparer et de me changer en un pyjama confortable, je décidais de rejoindre Aden qui cuisinait. Il semblait perdu dans ses pensées et ne remarqua pas ma présence dans la pièce. Je décidais doucement de m'approcher, mon cœur palpitant d'excitation à l'idée de lui jouer une farce. Je me mordillais la lèvre, tant je me retenais de rire. Puis sans lui laisser le temps, je lui sautais dessus tout en l'effrayant.
Aden lâcha sa cuillère en bois et hurla sur le coup. Son expression du visage, aussi épouvanté qu'un enfant abandonné seule dans un noir percutant, me fit perdre tous mes moyens. Je riais tellement, que des larmes vinrent soudainement inonder mes joues. Quant à Aden, il inspira fortement et expira afin de diminuer son rythme cardiaque qui menaçait de le faire sombrer d'une minute à l'autre.
Je me trouvais couché au sol, maintenant mon ventre, quand celui-ci vint soudainement m'attraper pour me lever. Il attrapa ma tête entre son bras musclé et son pectoral, puis il me gratta celle-ci afin de se venger.
- J'ai failli mourir par ta faute ! Il me grognait dessus tout en riant. Dans ce cas, tu peux dire adieu à tes mac & cheese que je t'avais préparé. Vengeance !
- Non ! Pas mes mac & cheese ! Pardonnez-moi, Ô grand maître !
- Je n'ai pas entendu. Il répondit.
- Ô grand maître Aden Mcgauran ! Je hurlais presque.
Celui-ci me lâcha, sûrement assez satisfait dans son ego. Il me fit ensuite signe de la tête d'aller m'asseoir sur le canapé. J'aimais cette idée et surtout ce plat. Il le savait car nous avions pour habitude d'en manger autrefois, lorsque nous étions encore à l'orphelinat ensemble. Comme l'établissement nageait dans la pauvreté, nous avions rarement de bons repas. La plupart du temps, c'était des pâtes ou des boites.
Avec Aden, on adorait les pâtes aux fromages. C'était notre truc à nous. Cela faisait tellement longtemps que je n'en avais plus mangé. Aslan n'appréciant pas, je ne pouvais presque jamais en faire. Sauf lorsqu'il ne se trouvait pas à la maison, mais encore, ayant perdu l'appétit pendant un bon moment. Je n'en mangeais presque plus.
Mon ami vint s'installer à mes côtés tout en posant nos plats sous nos yeux. Il alluma l'écran de télévision et m'observa un sourire aux lèvres. Je ne pus que lui rendre ce sourire angélique qui me touchait étrangement. Tu me manquais toi aussi, Aden.
- Je suis vraiment heureux, Wyko.
- Moi aussi, je le suis.
Je pris ensuite une bouchée de mon dîner, qui aussitôt arrivée dans ma bouche, provoqua une sensation spectaculaire au niveau de mes papilles gustatives. L'odeur, le goût, la texture, tout me rendait folle. C'était comme déguster une vieille addiction, cela faisait longtemps, mais elle faisait toujours autant effet. Encore plus étant donné que le temps s'était allongé entre la dernière fois où j'en avais mangé et à présent.
Je remerciais tellement de fois Aden dans mon esprit, que je n'avais plus idée du nombre exact. D'ailleurs, celui-ci était en vrac. La nourriture, cette chose me faisait vriller et j'adorais ça. Mes joues rougissaient dû à la chaleur que provoquait tout ça.
Aden se moqua de moi, ce qui me réveilla. J'en profitais pour l'accompagner, puis un silence soudain vint s'immiscer entre nous. On mangeait tous les deux, profitant de cet instant. Je percutais seulement maintenant, qu'effectivement, cela faisait des lustres que je n'avais pas eu de moment comme ceux-là avec lui. Mon meilleur ami. Je m'en voulais.
- Pardon Aden, de t'avoir laissé aussi longtemps.
- Non, ne le sois pas. Il s'arrêta de manger et se tourna vers moi. Si pour que tu sois heureuse je dois sortir de ta vie, alors je le ferais. Tu mérites vraiment d'être comblé, une personne comme toi ne dois pas souffrir.
Il me surprenait toujours. Il préférait souffrir, lui, plutôt que de faire souffrir les autres. Sans répondre, je me laissais tomber dans ses bras. C'était ma façon de le remercier de prendre soin de moi, même lorsque je pensais ne pas le mériter.
Je me détachais pour me remettre dans mon assiette, tandis que je perçus Aden rester à me contempler. Je pensais que nous allions nous arrêter-là, cependant, il en décida autrement. Un souffle discret s'évapora de sa bouche.
- Sasha semble s'intéresser à toi, c'est à la fois marrant et.. étrange.
Je faillis m'étouffer avec mes pâtes, c'est pourquoi il me fallut du temps pour lui répondre.
- Pourquoi dis-tu cela ?
- Il me parle souvent de toi et semble porter de l'intérêt à ta situation. Je pense que tu le déstabilises à quelque part. Je le connais depuis très longtemps et c'est nouveau de le voir faire ainsi, quand tu sais comment il se comportait avec les femmes avant. Il riait.
Sasha parlait de moi ? Avec Aden ? Je faisais de mon mieux pour ne pas sourire, mais il n'était pas dupe. Il remarqua aussitôt la satisfaction qui me gagnait. Je savais que je le perturbais parce qu'il me l'avait déjà fait remarquer plus tôt. Néanmoins, je voulais savoir ce qu'il disait d'autres. Je n'osais pas demander par peur de paraître trop intéressé, cependant, Aden se doutait déjà de mon attirance envers lui. C'est pourquoi j'hésitais encore.
Je pris mon mal en patience et décidais de ne rien dire. Quant à lui, il ne dit rien de plus et se contenta de reprendre là où il s'était arrêté. Le temps passait et il se faisait tard. Nous avions beaucoup rigolé lui et moi comme au bon vieux temps. Je ne lui avais pas parlé d'Aslan et il ne m'avait pas posé de questions.
Couchée, dans ce grand lit douillet, Aden allait fermer la porte. Toutefois, je l'arrêtais rapidement dans son geste en l'interpellant.
- Tu ne veux pas dormir avec moi ? Comme avant.
Il s'approcha de moi et m'offrit un baiser sur la tempe tout en riant.
- Ok, mais pour cette fois ça reste entre nous.
J'acquiesçais et instantanément, il alla chercher son coussin sur le canapé avant de revenir. Il se posa à mes côtés tandis que je me posais des questions. Pour quelle raison cela devait rester entre nous ? Aurait-il finalement trouvé l'amour ? Ou bien pour autre chose ? Je ne pouvais m'empêcher de sourire bêtement à l'idée que mon meilleur ami est trouvé quelqu'un. Ça me faisait très plaisir.
- C'est pas ce que tu penses, alors arrête de sourire comme une cinglée. Il me sortit de mes songes.
- Alors, pourquoi ? Je demandais bien trop curieuse.
Il me fit un sourire curieux, puis ferma les yeux. Un manque étrange se forma en moi lorsque je compris qu'il ne me répondrait pas. Je devais savoir, si ce n'était pas ça alors qu'est-ce que cela pouvait bien être ?
Je le secouais un peu, mais il fit semblant de ronfler et se tourna dos à moi. Je l'insultais dans des murmures, mais monsieur ne prit pas la peine d'y réagir. Je le sentais sursauter, signe qu'il se foutait de moi.
Vaincue, je décidais de me coucher et de poser ma tête contre son omoplate. Tant pis, j'allais devoir faire avec. Un souffle résonna dans la pièce, puis je fermais les yeux avec une lenteur agréable. Le sommeil s'emparait de moi.
Je ne savais pas ce que l'avenir me réservait,
Mais je savais une chose et c'est que désormais,
Aden ferait toujours partie de ma vie.
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En espérant que vous avez passé une très bonne lecture, je vous souhaite une bonne après-midi.
Léa