BLESSURES
Odin, Père de toute chose et souverain d'Asgard, avait pourtant interdit à ses fils de se rendre sur Jotunheim pour confronter le Roi Laufey suite à l'intrusion de trois géants des glaces dans le Royaume. Ils avaient essayer de dérober une relique Jotun récupéré par Odin il y a des années de cela. Mais aveuglé par la gloire et la conquête, Thor, son fils ainé et héritier du Trône d'Asgard, avait délibérément désobéi à son père. Accompagné de son jeune frère, Loki, et de son cousin Jorgen, avec lesquels il a été élevé, ainsi que d'autres compagnons d'armes qui lui sont fidèles, le Prince n'a pas hésité une seule seconde à en découdre avec Laufey.
Arrivés sur Jotunheim, la planète de glace, les Princes Asgardiens ont traversé les plaines enneigées et les cavernes de roches gelés. Le silence était total et seuls le vent et le blizzard accompagnaient leur lente progression. Arrivés dans la demeure du Roi, ils ont cherché à le surprendre et à l'attaquer comme ce dernier l'aurait fait. Mais aucune trace des géants
- Où sont-ils ?, demanda Lady Sif.
- Ils se cachent. Comme tous les lâches, répliqua Thor aussi vite.
Mais Laufey ne se laissa pas impressionné par l'arrogance des fils d'Odin. Une voix puissante et ténébreuse retentit alors dans la caverne.
- Vous venez de loin pour mourir, Asgardiens.
- Je suis Thor, fils d'Odin.
- Nous savons qui tu es.
Le visage de Laufey et sa haute silhouette effrayante apparu devant les yeux des Asgardiens. Thor voulait à tout prix savoir comment ils avaient pénétré dans l'armurerie du palais de son père. Un duel de paroles commença entre le Dieu du Tonnerre et le souverain de Jotunheim. Loki, qui mieux que personne comprenait la gravité de la situation dans laquelle il se trouvait, intervint auprès de son frère.
- Réfléchies. Regarde. Nous sommes en sous nombre, il lui dit.
- Reste à ta place mon frère, rétorqua le blond.
Mais Loki ne se laissa pas intimider par la remarque acerbe de son aîné. De sa langue d'argent, il accepta la proposition du Roi de les laisser partir, la vie sauve. Thor hésita encore quelques instants, provoquant Laufey du regard. Mais sous l'insistance de son frère, il capitula et s'apprêta à prendre congé.
- Rentre vite petite Princesse..., pouffa Laufey.
- Aïe..., souffla Loki entre ses dents.
Thor fut piqué au vif par cette remarque et attaqua Laufey le premier. Un long combat commença entre les Asgardiens et les Jotuns. Thor, Jorgen et leurs compagnons se battaient avec acharnement et bravoure pour repousser la menace des géants des glaces. Loki quant à lui, jouait de sa malice légendaire et se dissimulait à la vue de ses ennemies. Il s'amusait comme il aimait tant le faire à user de sa magie et à faire apparaitre des illusions de lui même pour les surprendre et les repousser.
- Évitez leur toucher !, retentit une voix dans le chaos.
Mais trop tard. Loki fut surpris et la main d'un des sbires de Laufey s'enroula autour du bras du Dieu de la malice qui s'immobilisa à ce contact. Il ne ressentait aucune brulure causée par le froid extrême du géant. Au contraire... Son toucher fut agréable, familier, évident... Le Prince baissa ses yeux vers son avant-bras et resta choqué à la vue de sa peau qui se teintait de la couleur bleu polaire caractéristique des géants des glaces. Il remonta son visage vers celui qui se trouvait en face de lui et croisa le regard rouge sang de son ennemie. Ce dernier était tout aussi perplexe. Sans attendre d'avantage, Loki lui transperça le ventre avec son épée avant de le repousser à l'aide de sa magie. Il leva ensuite son bras en face de son visage et inspecta sa chair qui commençait déjà à reprendre une couleur normale.
Les Asgardiens étaient dépassés et ils décidèrent de battre en retraite poursuivis par l'armée de Laufey qui les dominait en nombre. Par miracle, l'intervention d'Odin les sauva d'une mort certaine. Mais le Père de toute chose était en colère au point de bannir sur Midgard, une planète qu'il considérait comme inférieur, son fils préféré et celui qu'il voulait voir un jour lui succéder.
Odin venait de perdre un fils et il fut sur le point d'en perdre un deuxième. Loki revint bouleversé de son escapade sur Jotunheim. Il cherchait des réponses à ce qui lui était arrivé. Un jour, n'y tenant plus, il descendit dans l'armurerie et se dirigea vers la relique Jotun qu'Odin avait dérobée à Laufey. Il resta de longues minutes figé devant ce coffre magique et hypnotisant. De ses longs doigts, il vint ensuite le saisir de chaque côté.
- Stop !
La voix d'Odin avait résonné derrière le dos du brun, mais trop tard. Ses mains s'étaient refermées sur le coffre et déjà sa peau s'était teintée de la même couleur bleue que sur Jotunheim. Loki se retourna lentement pour faire face à son père qui le dévisageait.
- Que suis-je ?, il demanda.
- Mon fils.
- Quoi d'autre ?
Odin répondit par énigme avant de lui avouer l'avoir trouver sur Jotunheim à l'issue de la bataille et ne pas avoir pu se résoudre à le laisser mourir sur cette planète. « Petit pour l'enfant d'un géant », « abandonné, soufflant, condamné à mourir », « fils de Laufey », « unir nos Royaumes », « paix éternelle à travers toi », « tu es mon fils, je voulais te protéger de la vérité ». Ces mots résonnaient avec fracas dans le corps et le coeur du jeune Prince qui se sentit immédiatement trahi, abandonné... Pendant toutes ces années, son propre père, sa mère qu'il chérissait tant et son frère pour qui son admiration était immense lui avaient menti...
Il n'était pas le fils d'Odin. Il n'était pas le fils de Laufey. Il n'était pas un Prince d'Asgard. Il n'était personne... S'il devait être le monstre qui effraie les enfants la nuit, alors il deviendrait ce monstre...
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- Liv ! Liv ma chérie !
- Oui mère, j'arrive...
Liv était accoudée à la fenêtre du balcon de ses appartements. Âgée de douze ans, la jeune fille était comme tous les soir perdue dans la contemplation du Royaume de son père qui s'endormait doucement en même temps que le soleil qui disparaissait à l'horizon. Sa mère venait de faire irruption dans sa chambre et la Princesse accourra vers elle.
- Ah Liv ! Te voila ! Tu devrais déjà être prête pour aller te coucher. Tu dois te lever très tôt demain et le voyage sera fatiguant. Il faut que tu te repose.
- Oui mère. Je vais me changer tout de suite. Je voulais simplement regarder le couché de soleil avant...
- Tu le regarde presque tous les soirs ! Tu n'en as pas assez à la longue...
- Non..., souffle la jeune fille. J'adore regarder le ciel qui se teinte de rose et de orange avant de devenir violet pendant que le soleil meurt dans le crépuscule.
- Tu es beaucoup trop poétique ma chérie... Mais à ton âge, il est temps de te concentrer sur ton apprentissage. Tu es notre ainée et tu seras un jour l'héritière du Royaume de ton père alors il faut que tu reste concentrée.
- Je suis concentrée mère..., dit la Princesse en enfilant sa chemise de nuit.
- Pas suffisamment., répondit sa mère avec un sourire non dissimulé. Et un bon apprentissage commence par une bonne nuit de sommeil. Alors au lit, jeune fille, elle ajouta avec une extrême douceur.
La petite Liv se glissa sous les draps de soie de son grand lit à baldaquin alors que sa mère s'agenouillait sur le rebord.
- Bonne nuit mon ange..., elle lui dit en déposant un baiser sur son front.
- Bonne nuit mère.
Liv se retrouva seule dans sa grande chambre et essaya de toutes ses forces de se détendre pour s'endormir. Mais elle n'y arrivait pas. Elle était beaucoup trop excitée par la journée qui l'attendait demain. Elle devait accompagner son père, le Roi, à un tournoi organisé par le Royaume voisin d'Alfheim. C'était le premier voyage officiel de la Princesse en tant que future souveraine et une manière pour le Royaume de Vanaheim de la présenter à ses amis des Neuf Royaumes.
Liv se releva et récupéra dans sa bibliothèque un ouvrage qu'elle était en train de lire. Une histoire qui venait d'un des neuf Royaumes où elle n'avait jamais eu l'occasion de mettre les pieds, Midgard. Ce roman s'intitulait « Le Fantôme de l'Opéra » et avait été traduit par le mestre du Palais. La Princesse était folle de cette histoire. Elle passait son temps à la lire et relire et se laissait à chaque fois transporter dans un autre monde. La jeune fille alluma une chandelle qu'elle posa sur la table de chevet juste à côté de son lit et retourna se mettre au chaud sous les draps. Elle reprit sa lecture et se perdit dans les mots merveilleux qui défilaient devant ses yeux au point de ne pas se rendre compte qu'elle était en train de sombrer dans les bras de Morphée.
Il faisait très chaud, beaucoup trop chaud. La Princesse se tortillait dans ses draps essayant de se découvrir tant elle avait l'impression de suffoquer. Elle toussait fortement et sa gorge commençait à la bruler atrocement. Elle fut réveillée dans un sursaut désagréable et ouvrit les yeux d'un seule coup. Le spectacle devant ses yeux étaient terrifiant. De grandes flammes avaient déjà attaqué les rideaux de son lit à baldaquin et menaçaient de se répandre sur ses draps. Liv poussa un hurlement étouffé à cause de la fumée. La peur la tétanisait et elle ne savait que faire. Elle pouvait voir le feu s'approcher de son corps et la chaleur devenir insoutenable. La Princesse se mit à pleurer, résignée à la mort qui venait l'engloutir.
La porte de sa chambre vola en grand fracas et elle aperçut son père et des gardes faire irruption dans la pièce mais c'était trop tard. Les flammes s'enroulaient déjà autour de son corps frêle et lui brulaient la peau dans une douleur atroce et insupportable. Elle se mit à hurler dans une dernière respiration avant de perdre connaissance.
Liv se réveilla quelques mois plus tard dans l'infirmerie du palais. Elle ne se souvenait pas de ce qu'il s'était passé et elle ne comprenait pas ce qu'elle faisait ici. Elle se sentait faible. Ses muscles étaient ankylosés et elle n'arrivait pas à faire le moindre mouvement. Son corps était entièrement bandé. Des plantes médicinales brulaient tout autour de son lit. Sur Vanaheim, ces plantes devaient apporter protection et guérison. Liv n'aurait pu expliquer comment, mais elle sut alors que quelque chose de grave lui était arrivé.
Elle mit encore quelques jours à se réveiller complètement et à être capable de parler et de commencer à se déplacer. On lui avait raconté qu'elle avait été très gravement brulée mais que l'intervention de son père lui avait sauvé la vie.
La jeune fille réapprenait à vivre, à utiliser ses mains pour se nourrir et pour faire des taches basiques du quotidien. Elle subissait des soins constants, chaque jour, sans relâche et des guérisseurs devaient l'aider à se laver et à se vêtir. La Princesse était complètement déboussolée, perdue, privée de toute intimité et de toute liberté. Elle avait interdiction de se voir dans un miroir et elle ne savait donc pas dans quel état était son corps. Elle sentait que quelque chose avait changé mais elle n'avait aucune certitude.
Un jour n'en pouvant plus, la princesse réussit à échapper à la vigilance constante de sa mère. Elle regagna en secret ses appartements et pu se rendre compte de l'enfer qui y régnait. Les murs étaient noircis, ses affaires carbonisées. Elle retrouva au milieu de son lit les pages brulées du livre qu'elle affectionnait temps. Elle le prit entre ses doigts bandés et le livre de disloqua à son contact. Elle se mit à pleurer. En perdant son livre chéri, elle réalisa soudain qu'elle avait sans aucune doute perdu beaucoup plus.
Liv se précipita dans la salle de bain adjacente et se retrouva enfin face à un miroir, intact. La jeune fille partit dans une véritable crise d'hystérie et commença à déchirer avec fureur et rage tous les bandages qui entouraient son corps amaigri. Elle se tourna ensuite vers le miroir, les yeux clos, la peur au ventre, le désespoir au bord des lèvres. Ce qu'elle découvrit lui brisa le coeur en deux et fracassa son âme si jeune et déjà abimée. Son corps n'était plus que l'ombre de lui-même. Elle était si maigre qu'on aurait pu croire qu'elle ne se nourrissait plus. Ses cheveux avaient été rasés. Mais ce qui la détruit d'avantage, ce fut les marques rouges et boursouflées qui marquaient ses bras, ses jambes, son ventre et son dos. Le feu avait laissé sur sa peau et dans sa chair des tatouages indélébiles, des cicatrices douloureuses qui la défiguraient pour toujours.
Elle n'était plus vraiment humaine. Elle n'était plus vraiment une Princesse. Elle ne serait certainement pas l'héritière du Royaume de son père. Elle n'était personne... Elle était devenue le monstre que personne n'osait regarder...