May
Paris - appartement de Adèle
Cela fait une demi-heure que je suis plantée de mon ordinateur. L'écran affiche le dernier mail que j'ai reçu. Il s'agit d'un billet de train pour rejoindre Ken à Marseille. Il n'y a personne d'autre que lui pour forcer alors qu'on lui a dit non.
Ce matin je me suis levée et comme à mon habitude j'ai direct tchéquer mes notif. Un mail venant de sa part a attirer mon attention alors j'ai cliqué dessus. Croyant que mon esprit me jouait des tours, j'ai saisis mon ordinateur pour y voir de plus près. Et effectivement il s'agit bien d'un billet de train pour Marseille.
Je ne sais pas trop comment réagir. Je suis mitigée entre trouver ça mignon et agaçant. Pourtant ma conscience me dit toujours que c'est une mauvaise idée que je me rende là-bas. Mais mon cœur me pousse à faire ma valise. Et comme les sentiments sont plus forts que la raison, je leur obéis.
Je ne sais pas pour combien de temps je pars alors je prends beaucoup de vêtements et de chaussures. Je prends aussi du maquillage même si je n'aime pas énormément me maquiller en été, mais on ne sait jamais.
Au fur et à mesure que je remplis mon bagage, une excitation grimpe en moi. Je crois que je suis plus contente que je ne le pensais de le rejoindre ! Je suppose que je resterai une semaine ou deux avec lui et les gars. J'ai hâte de voyager en tour bus comme les rockstar !Une part de moi appréhende aussi mais la joie l'emporte sur cette émotion.
Je me reconnecte à l'instant présent lorsque je reçois un message dans mon groupe WhatsApp avec Louise et Lola. La canadienne vient de nous envoyer un message pour savoir si on pouvait se voir cet aprèm. Je réponds que je suis disponible et que je dois leur parler d'un truc.
@Louise about what ???
@Lola à propos de quoi ???
Je ris, elles m'ont envoyé le même message en même temps.
@May on se voit dans une heure ;)
Après une bonne douche, je décide de tester une nouvelle coiffure. J'ai vu ce tuto sur Instagram récemment alors j'ai voulu le reproduire. Il s'agit d'une queue de cheval plaquée qui fini en tresse. Je fais deux-trois baby hair et me reluque. Plutôt pas mal pour une première fois. J'aime beaucoup le rendu. Je mets du blush et un gloss coloré ainsi qu'un peu de mascara.
Une robe en maille me fait de l'œil dans mon dressing. Je l'avais shoppé en Espagne. En fait c'était plutôt Lola qui l'avait remarqué en premier mais elle était de couleur nude. Alors quand je l'ai vu en verte, j'ai jeté mon dévolu direct ! La fente est immense mais elle est vraiment trop belle. Pour casser le look un peu trop sexy, je décide de la mettre avec une paire de Air Force One blanches. A peine ai-je finis de lasser mes baskets que la porte sonne. Je découvre mes amies.
— t'es fresh ! me complimente la jolie congolaise.
— j'adore cette robe, ajoute la blondinette.
— merci les filles ! Alors on va où ?
Quelques heures plus tard...
— mais c'est trop mignon ! crie Louise. Je vous ship !
— et t'en as parlé à Mathieu ? demande la plus rationnelle de nous trois.
Mon sourire redescend. Je l'avais complètement oublié !
— tu pars quand déjà ? ajoute-t-elle.
— ce soir, à dix-huit heures.
— ah bah t'as encore 5h45 pour le prévenir, se moque-t-elle.
Je souffle. Je n'avais aucune envie de le revoir. Et ça les filles le savaient très bien car je leur avais expliqué comme il avait agit avec moi.
— t'as hâte de le revoir ? demande Louise.
Sans même dire son prénom, je savais de qui elle parlait.
— ouais, avouai-je.
— tu m'étonne, regarde sa robe, Lola joue avec ses sourcils. Faudra pas s'étonner si elle fini en lambeaux.
— comment ça ?
Les filles se lancent un regard et éclatent de rire. Je rougis violement quand je comprends enfin le sous-entendu. Toujours plus ces deux-là ! Je crois que parfois elles oublient que j'ai déjà un petit ami et que Ken ne restera que mon ami.
— parfois t'es un peu longue à la détente.
— qui te déposera à la gare ? demande Louise une fois calmée.
Bonne question. Adèle est en voyage avec Doums, Mohammed est sans doute occupé et je ne me vois pas demander à Mathieu. La seule personne qui accepterait est Moh mais pour en être sûre il faudrait que je lui demande.
— je vais demander à Sneaz, dis-je.
Je lance l'appel. Il décroche au bout de trois sonneries.
— salut Moh ça va ?
— ouais et toi grosse tête ?
— oui. Je voulais savoir, t'es libre vers dix-sept heures ?
— oula j'espère que tu me proposes pas un date là, t'es mignonne et tout mais-
— ferme la, riai-je. Il me faut quelqu'un pour me déposer à la gare.
— pourquoi ?
— je vais à Marseille ?
— t'as demandé la permission à qui ?
Je lève les yeux au ciel. Il aime trop jouer le grand frère protecteur !
— Ken m'a invité à le rejoindre.
- oh, je le sens sourire d'ici. Je pense pouvoir m'arranger d'ici dix-sept heures.
— merci !
— de rien la reuss, bon j'te laisse, dit-il avant de raccrocher.
Les heures qui suivent, les filles et moi nous promenons dans tout Paris. On prend quelques photos, on se raconte des potins et on fini par se payer un Bubble Tea. Bref, je passe une bonne journée en compagnie de mes amies. Si bonne que j'en oublie que je dois aller chez le polonais. Lorsque quinze heures arrivent, je les quitte pour aller en direction de chez lui.
Selon ses dernières story sur snap, il se trouve en bas de son appart en compagnie de ses potes. Après presque quarante minutes de trajet, j'arrive devant son immeuble. Je le trouve entouré de sa team, assis sur des chaises pliantes, une chicha au milieu. Quand je me pose devant eux, les discussions se stoppent.
C'est gênant ils sont tous là à me fixer alors que le blond ne m'a pas encore remarqué. Je les salue en les tchéquant chacun leur tour. Lorsque vient le tour de Mathieu, il relève la tête de son téléphone et me regarde avec étonnement. Il se relève et m'embrasse la joue.
— ça va ? me demande-t-il.
— ouais. Faut que je te parle, je rougis quand je croise le regard des gars. Seul à seul, je rajoute.
— viens, il pose son bras sur mes épaules. Tu voulais me dire quoi ?
Je commence par ce qui m'a énervé hier ou je lui parle directement de mon voyage ? Dans tous les cas ça risque de partir en cacahuètes. J'opte pour le premier sujet mais je cherche une manière douce de lui dire les choses.
— pourquoi tes potes ne connaissaient pas mon existence jusqu'à hier ?
Pour la manière douce on repassera...
— c'est pour ça qu'hier t'étais vénère ? Il s'arrête de marcher. J'allais leur en parler mais tu connais, j'avais trop de trucs en tête.
— et présenter ta copine n'en faisait pas partie...
Il souffle, j'hallucine. J'ai l'impression de le faire chier. C'est moi qui devrait souffler par rapport à son comportement puérile ! La tournure que prend la situation m'agace.
— t'es venu jusque ici pour me dire ça ?
— oui entre autre. Tu te demandais pas pourquoi j'étais renfrognée ?
— bah en même temps vous les meufs vous aimez trop vous énerver pour rien, il hausse les épaules.
— attends t'es sérieux dans tes propos là ? Moi je dis clairement que ça m'a vexée et toi t'oses me dire que je me suis énervée pour rien ?
J'allais partir mais il m'attrape par le main.
— désolé bébé, il croise nos doigts ensemble. C'est pas ce que je voulais dire. C'est juste que je ne pensais pas que c'était aussi grave. Aller viens.
Il me tire vers lui et je fini dans ses bras. Ma tête repose maintenant sur sa poitrine. J'essaye de mettre de l'eau dans mon vin et de me dire que ce n'est pas si grave, mais ça m'agace encore. Je décide quand même de changer de sujet. Même si je sais qu'il risque d'envenimer les choses, c'est ce pourquoi je suis là à la base.
— Math' faut que j'te dise un truc, il se recule mais remet son bras sur mes épaules. Je pars à Marseille ce soir.
— comment ça ? il fronce les sourcils. J'comprends ap pourquoi tu m'le dis.
— je rejoins Ken pour sa tournée.
Il se décale complètement de moi comme si je venais de lui dire que j'ai la peste.
— c'est pour ça que t'es sapée comme ça ? lance-t-il froidement.
— pourquoi lorsque une femme s'habille bien c'est forcément pour un mec ?! Dis-je blasée.
— j'te crois ap. Me prend pas pour un con ça va m'vénère.
— je ne comprend pas pourquoi tu réagis comme ça, je rejoins aussi les gars.
C'est faux, je les avais complètement zappé, mais je dis ça pour le rassurer.
— ouais ouais, à d'autres, il se met à craquer ses phalanges. Tu peux pas partir.
— et pourquoi ?
— parce que ! Il s'énerve complètement. D'abord il vient te chercher à l'aéroport, ensuite il t'emmène manger puis il t'invite à sa tournée ! Il a oublié que t'avais un mec ou quoi ?! J'sais pas à quoi il joue mais il va vite s'détendre.
— là c'est toi qui va te détendre, dis-je sans réfléchir.
— t'as dis quoi là ?! Il vrille complètement et me regarde méchamment.
Je sursaute face à son excès de colère.
— Mathieu y a rien entre Ken et moi, on est amis. Tu te fais des films.
— soit t'es vraiment conne, soit tu le fais exprès c'est pas possible ! Il passe ses deux mains sur son crâne. Et t'sais quoi vas-y rejoins-le ! Fais c'que tu veux, j'en ai rien à foutre !
Il m'abandonne toute seule pour rejoindre ses amis. Je m'attendais à tout sauf à ça. Je savais qu'il n'allait pas très bien le prendre, mais de là à s'énerver aussi fort... Franchement, ça me fait de la peine. Je comprends qu'il ait des inquiétudes mais la manière dont il m'a parlé m'a laissé un gout amer dans la gorge. Avec tristesse et colère, je prends le chemin inverse pour rejoindre mon appartement.
[...]
Assise dans la voiture de Moh, je repense aux mots de Mathieu. Et si il avait raison ? C'est sans doute vrai ce qu'il m'a dit. Je suis trop conne pour ouvrir les yeux. Déjà que ma conscience me faisait culpabiliser, maintenant il y a les mots du blond qui tournent en boucle dans mon esprit.
— on est arrivé May.
Je sors de mes pensées et détache ma ceinture.
— Moh ? Il allait sortir mais fini par se rassoir. Tu penses que je fais une erreur en rejoignant Ken ? En toute objectivité même si c'est pas facile.
Il se racle la gorge.
— oui.
Je ne suis pas satisfaite de sa réponse, je pensais qu'il allait me répondre négativement.
— mais, reprend-il. quand je dis oui c'est dans le sens où je sais que tu as encore des sentiments pour lui et je ne pense pas que ça soit une bonne chose vis-à-vis de ton mec. Je suis sûr que tu le sais tout aussi bien que moi. Pourtant, t'es posée dans ma caisse, en face de la gare, prête à le rejoindre. Pourquoi ? Parce que tu sais que dans ton fort intérieur, t'as besoin d'aller le voir.
J'acquiesce d'un signe de tête sans répondre. Il a raison sur toute la ligne et c'est ça qui me fait peur. C'est flippant de savoir que je fais sans doute une énorme erreur à rejoindre Ken mais que je n'ai aucune envie de reculer.
Je finis par sortir de la voiture.
— prend mon sweat, il me jette un gros pull à capuche.
— pourquoi ? je demande.
— parce qu'il y a la clim dans le train et tu vas attraper froid, je lui lance un regard perplexe. Et aussi parce ta robe est trop moulante.
Je roule des yeux, je le savais. Il tire ma valise et m'accompagne au bon train.
— merci de m'avoir accompagné Momo l'asticot.
— arrêtes de m'appeler comme ça Mayonnaise. Il me prend dans ses bras alors que je ris. Envoies-moi un message quand t'arrives.
— oui.
— et surtout : ne te prends pas la tête. Amuse-toi sans te poser de questions, ça travaille trop ici, il tapote son doigt sur ma boîte crânienne.
Après un dernier câlin, je le quitte et monte dans le train. Stressée et pensive, je décide de mettre mon cerveau en off pour faire une sieste.