Le taxi s'arrête dans l'incompréhension et je paye la course avant de sortir du véhicule. D'un pas rapide, ne voulant pas me retrouver totalement trempée, je me dirige vers un magasin. J'y achète quelques objets nécessaires avant de sortir, ouvrant à la volée le parapluie que je venais d'acheter. D'un pas lourd, faisant éclater les flaques se créant dans les creux des trottoirs, je m'élance en direction du parc toujours ouvert. Je passe les grilles de l'entrée et suit le petit chemin en gravier. Après quelques minutes de marche, je m'arrête non loin d'un banc. Ma respiration formant une fine buée, la pluie couvrant tout les sons, je regarde la scène face à moi d'un air lasse. Je respecte ses choix, mais je ne peux pas laisser faire. Le voir comme ça me rappelle un dur passé qui ne prouve qu'une chose, ce n'est pas comme ça qu'on change. Je m'approche du banc et tend le parapluie au dessus de lui, assis sur le banc, trempé et la tête basse pour le mettre à l'abri.
Lorsqu'il lève la tête je lui jette la serviette que j'avais acheté pour lui. Sans un mot, il me regarde, la serviette dans les mains. Ses yeux ne traduisaient que de l'incompréhension et une légère colère que je ne relève pas.
- Pourquoi ? Demande-t-il simplement en regardant la serviette.
- Je t'ai vu lorsque je rentrais chez moi. Fis-je en soupirant. Et je n'ai pas aimé te voir comme ça. Tu as beau me détester et être odieux avec moi, tu restes le frère de Zeleph et un adolescent comme les autres.
Puis dans un autre soupir mais cette fois-ci amusé je lui montre mes clés d'appartement qu'il regarde avant de froncer des sourcils.
- Viens avec moi. Dis-je simplement. Je ne te laisserais pas dehors ce soir, même si c'est la punition de ton frère.
- Pas la peine d'avoir pitié de moi. Répond le jeune avec agressivité. Laisses-moi tranquille, je peux me débrouiller seul.
- Je n'ai jamais dis le contraire. Mais le truc que tu ne comprends pas, c'est que je ne le fais pas pour toi, mais pour ton frère. Si tu veux régler ce soucis et dormir de nouveau chez toi, tu ferais mieux de venir. Parce qu'il me semble qu'actuellement, je suis le dernier lien qu'il y a entre Zeleph et toi.
Il baisse les yeux en se mordillant la lèvre avant de se lever, acceptant finalement ma proposition. J'ai le sentiment d'avoir encore gagné face à lui, ce qui m'amuse d'autant plus. Nous marchons donc jusqu'à mon immeuble dans un silence de mort et une fois à l'intérieur je ferme le parapluie.
- Où est l'ascenseur ? Demande le rose en regardant autour de lui, s'essuyant les cheveux.
- L'ascenseur ? Répété-je en ricanant. Il n'y en a pas dans ce bâtiment.
Il me regard étonné alors que je pointe les escaliers du doigt. Puis dans un soupir de fatigue il me suit dans les interminables marches. Quel bonheur, surtout lorsqu'on sait que j'habite au cinquième étage. Nos pas raisonnent entre les murs et je l'entends toussoter à mes côtés. Je ne dis rien et ouvre la porte menant à l'étage de mon appartement. Il me suit sans rien dire et je déverrouille la porte de mon appartement avant de m'y engouffrer, laissant le rose me suivre. Je la ferme derrière lui et jette mes clé sur la petite commode près de l'entrée dans un soupir lasse.
- Mets tes chaussures là. Fis-je en rangeant les miennes dans le coin de la petite pièce.
Il fait de même avant de se tourner pour observer mon appartement. Il était assez petit, du moins, plus que le sien. Après tout je vis seule et ne passe que très peu de temps ici, donc je n'ai pas besoin d'un palace. Je retire ma veste et range le parapluie avant de partir dans la petite salle de bain pour lui sortir une serviette et des vêtements propres. Je retourne auprès du plus jeune qui m'attendait toujours à l'entrée sans bouger. Je lui tends les affaires qu'il regarde étonné.
- Vas prendre une douche et changes toi, tu vas tomber réellement malade en restant comme ça. Fis-je en lui désignant les vêtements du menton.
- Ils... viennent d'où ?
- De la décharge. Je réponds avec sérieux, ce qui semble et déstabiliser. Je plaisante, ce sont ceux d'un ami qui aime un peu trop squatter chez moi.
Il hoche la tête et prend les vêtements avant de me regarder, l'air contrarié. Je ne relève pas et commence à partir dans le salon, mais je finis par me retourner. Il n'avait pas bougé d'un pouce, regardant les vêtements dans ses mains d'un air penseur.
- Hé ! je le ramène à la réalité.
Il lève la tête vers moi d'un air perdu et je reprends après avoir soupiré :
- Dépêches toi, nous somme dimanche, il se fait tard et t'as cours demain je te signale.
- Comment veux-tu que j'aille en cours sans affaires ? Et puis je ne sais même pas quel bus prendre pour m'y rendre, ça serait ridicule d'y aller.
- Pour l'instant vas te doucher, on verra ça après.
Il ne dit rien de plus et acquiesce avant de partir dans l'autre pièce. Il est étrangement bien docile depuis qu'il a mis les pieds chez moi. J'allume la télévision en m'asseyant sur le canapé et ouvre mon ordinateur pour chercher la ligne qu'il doit prendre pour atteindre son lycée. Je note les lignes et horaires sur un papier avant de le poser sur la place à mes côtés. Puis, voyant qu'il était encore dans la salle de bain, je me lance dans mes cours. J'ai tendance à peu dormir, entre mon petit boulot, le baby-sitting, les cours et les révisions j'ai très peu de temps pour moi, comptant le sommeil dans cette catégorie. Je ressors donc mes cours, mes feuilles et les dossiers pour les feuilleter et les remettre au propre, révisant au passage. Et plongée dans mes révisions, je n'ai pas remarqué que le rose était sortis de la salle de bain.
- Je les mets où ? Demande-t-il en tendant quelque chose.
Je pianote encore quelques secondes sur mon ordinateur avant de tourner la tête vers lui pour l'observer me tendre ses vêtements mouillés.
- Tu n'as qu'à les étendre sur l'étendoir à linge. Je te sortirais des affaires pour tes cours dans la soirée. Si tu as faim il y a de la nourriture dans le frigo, tu n'as qu'à la faire chauffer, et si tu n'as pas faim tu peux directement aller dormir.
Je le regarde s'avancer vers l'étendoir à linge et étendre maladroitement ses vêtements. Puis, une fois fait, il s'avance vers moi et me demande :
- Je... dors où ?
Je le regarde avant de reposer les yeux sur mon écran, lui montrant une porte d'un signe de tête.
- Tu n'as qu'à dormir dans la chambre.
- La chambre ? Demande-t-il. Mais, tu as une chambre d'ami ?
Je m'arrête dans mes mouvements et lève la tête pour regarder le rose qui m'observait d'un air idiot. Puis après avoir plusieurs fois cligné des yeux j'inspire un grand coup avant de demander, un sourire aux lèvres :
- Tu vois une troisième porte où ?! Je ne savais pas que mon appartement possédait une pièce en plus !
- Tu te moques de moi ?
- Totalement. Fis-je avant de rire. C'est ma chambre, dors dans le lit, je ne l'ai pas défait depuis que j'ai changé les draps.
- Mais tu dors où toi ?
Je lui fais un nouveau sourire avant d'hausser les épaules. C'est étrange qu'il s'inquiète pour moi, j'ai l'impression de voir une personne totalement différente depuis qu'il est entré dans mon appartement.
- Je ne dors pas cette nuit. Fis-je avant de me reconcentrer sur mes cours. Prend le papier à côté de moi, ce sont les lignes de bus pour arriver à ton lycée.
Il ne dit rien de plus, prend le petit papier et s'élance jusqu'à ma chambre avant d'y entrer, laissant la porte ouverte derrière lui. J'entends les bruits de tissus que l'on froisse, il vient de s'allonger. Dans un soupir j'attrape mes lunettes posées sur l'étagère au dessus de moi et les met avant de me reconcentrer sur mon travail. J'ai une thèse à préparer, et je dois bientôt passer un examen, je n'ai pas le temps de dormir.
*** Quelques heures plus tard ***
Le point finale de mes révisions aujourd'hui. Je regarde la touche avec une certaine joie et m'empresse de la presser. Dans un soupir de soulagement je me laisse tomber en arrière contre le dossier du canapé. J'enregistre à la va-vite mon travail et ferme l'ordinateur avant d'attraper mon téléphone pour voir l'heure. Six heures pile. Je baille avant de me lever pour apporter deux affaires au rose qui doit surement encore dormir. Je me prépare un encas rapide avant d'aller me préparer. Je me lave, m'habille et retourne dans la cuisine, prenant mon petit déjeuné dans le silence. Je suis fatiguée après cette journée et cette nuit blanche, mais je n'ai pas le temps de me lamenter sur mon sort. Je réponds à quelques messages tout en mangeant et à peine terminé je m'empresse de débarrasser. C'est à ce moment que le rose apparaît dans mon champ de vision, l'air épuisé.
- Bonjour. Fis-je en nettoyant la vaisselle.
- Tu as vraiment fait une nuit blanche... Dit-il d'une voix rauque me signifiant qu'il venait de se lever.
- Ouais, et je dois aller travailler avant mon premier cours, donc dépêches-toi de prendre tes affaires.
- Tu vas travailler après une nuit blanche ?
- Si je veux avoir un toit sur la tête je n'ai pas le choix. Je réponds en m'élançant vers l'entrée pour enfiler mes chaussures.
Il me suit, prend ses affaires et me regarde faire d'un air perplexe.
- Tes parents ne t'aident pas pour le loyer ?
Je m'arrête à cette question, stoppant tout mouvement alors que je faisais mes lacets. Je me mordille l'intérieur de la joue avant de soupirer, reprenant finalement mes mouvements.
- On a pas tous cette chance il faut croire. Dépêche toi, il faut y aller.
Comprenant qu'il n'en saura pas plus, Natsu ne perd pas de temps et se chausse avant de se lever et de me suivre à l'extérieur. Je ferme derrière nous et nous descendons les marches dans le silence. Un silence qu'il brise finalement par une énième question.
- Comment comptes-tu en parler à Zeleph ? Me demande-t-il sans me regarder.
- J'ai ma petite idée, mais pour ça il faut que tu fasses profil bas. Alors faisons un marché. Fis-je en m'arrêtant dans l'escaliers.
Il s'arrête quelques marches plus bas, nous mettant à la même hauteur.
- Quel genre de marché ? Réplique le rose, curieux.
- Je fais mon maximum pour arranger ta situation avec ton frère si, en échange, tu restes calmes et tu ne fais aucune vague.
Je lui tends mon poing comme un contrat et il le regarde d'un air détaché. Mais sans que je ne m'y attende, il le cogne, signant ce pacte. Je n'aurais pas imaginé que ça allait être aussi simple.
- Je ne fais pas ça pour toi. Dit-il froidement en reprenant sa descente, moi à ses talons. Je te déteste toujours autant, ne pense pas que je suis gentil, je suis juste respectueux face à ton geste.
C'est bien ce que je pensais, rien n'est simple avec ce gamin. Je ne peux m'empêcher de sourire face à cette réaction. Je préfère cette honnêteté qui semble hautaine que de l'hypocrisie. Une fois au pied du bâtiment je lui indique la direction pour l'arrêt de bus, puis nos chemins se séparent et chacun part de son côté. Maintenant, mon but premier est de convaincre Zeleph, et pour ça, j'ai ma petite idée. Je connais mon meilleur ami, et je sais que la meilleure façon de le faire plier est non pas de s'excuser ou d'user des mots, mais de lui montrer qu'il peut faire confiance. Donc tout ce qu'il faut faire, c'est lui montrer que Natsu n'est pas une cause perdue. Le seul soucis, c'est le rose. Sera-t-il capable de suivre les instructions et les règles, ou va-t-il juste n'en faire qu'à sa tête, comme d'habitude ?
La chose qui me contrarie les plus est que tout repose sur cet adolescent imprévisible et fatiguant qui est capable de faire les choses les plus bêtes si il est sollicité par ses mauvaises fréquentations. C'est sur cette idée frustrante que j'ouvre le café. Il est temps de se mettre au travail.