L'autre côté de la porte

By delavieencouleurs

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« En réalité, nous ne sommes jamais sûrs de ce que nous allons trouver de l'autre côté de la porte, n'est-ce... More

Prologue
1 | Flat line
2 | Tequila et champagne
3 | Premier vendredi du mois
4 | Parfait
5 | Un truc qui cloche
6 | Une merveilleuse nouvelle
7 | Malentendu bienvenu
8 | Surprise
9 | Parfum de glace
10 | Loué soit le dieu des quiproquos
11 | Talents d'actrice
12 | Connerie
13 | Voix alcoolisée
14 | Relation passée.
15 | Dans le genre.
16 | Rictus de façade.
17 | Toute la mauvaise foi.
18 | Dimanche matin.
19 | C'était inéluctable.
20 | Je suis folle
21 | Profondeurs de l'illusion.
23 | La ville rose.
24 | Sourire hypocrite.
25 | Dis-le.
26 | Parfaits ensemble.
27 | La prochaine danse.
28 | Kuala Lumpur
29 | Pourquoi
30 | Désabusée.
31 | Quatres murs désespérément ternes.
32 | Bête
33 | Un air de déja vu.
34 | Ne fais pas ça
35 | Foudroyante douleur.
36 | J'imaginais
37 | Comme un refuge.
38 | Fugitive.
39 | Une question de confiance
40 | Au point de départ.
41 | Sous surveillance.
42 | C'est fini.
Épilogue

22 | Paris et elle.

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By delavieencouleurs

Paris. Carly et moi parlions de ce voyage depuis l'université. J'ignore pour quelle raison nous n'avions jamais pris le temps de le faire. Ensemble, j'entends. Bien évidemment nous connaissions déjà la ville, car nos parents nous y ont emmené souvent. Enfin, nous en avons visité d'autres, pendant toutes ces années. Tokyo, Rome, Madrid, Amsterdam... Je vous épargne la liste complète, car nous aimons vadrouiller ensemble. Mais la capitale française... Elle faisait partie de nos plans depuis si longtemps que j'ai décrété – entre deux makis à l'avocat et autant de verres de saké – que nous devions y aller tant qu'elle était encore officiellement « célibataire ». Mon idée a été accueillie par des exclamations de joie de la part de mon amie, donc nous avons aussitôt réservé nos billets pour un enterrement de vie de jeune fille d'une durée d'une semaine sous le regard désabusé d'Evan, pendant que Joshua lui rappelait dans un haussement d'épaules qu'il ne pouvait rien contre moi. J'ai alors affiché une moue des plus arrogantes qui disait quoi, tu as un problème ?!
Trois semaines avant leur mariage, nous sommes donc parties après que j'ai passé une dernière nuit imprévue dans les bras de l'agent fédéral. Il m'a même proposé de veiller sur Wyatt, alors je lui ai laissé le double de mes clés sans hésiter, ravie de ne pas avoir à déranger ma mère. Mais il y a eu ce je ne sais quoi, lorsque nous nous sommes quittés devant mon immeuble pour que je me rende à l'aéroport. Ses doigts dans mes cheveux et la douceur d'un baiser qui n'avait plus rien de charnel. Quelque chose que j'aurais voulu nier plus longtemps mais qui s'est imposé au fil du temps. Que j'ai juste refusé de voir. De reconnaître. L'éclat dans ses yeux était nettement similaire au mien, même si ni l'un ni l'autre n'avouions rien. Puisque je m'y refuse tandis que lui, respecte. Je crois. L'évidence de nos sentiments qui m'obligent à me dire que je vais devoir tout arrêter. Que jouer plus longtemps est devenu impossible. Mais dire la vérité... Prendre ce risque... Ma raison n'est pas prête à le faire. Elle a bien trop peur des conséquences sur tous les plans. Donc je suis partie sans rien ajouter, consciente que j'allais profiter de cet éloignement pour rassembler le courage de mettre fin à cette relation qui en était trop devenue une.

***

Paris et elle, c'est un séjour qui a des allures de perfection. Même lorsque je penchais la tête d'un côté puis de l'autre, plantée depuis dix minutes devant une œuvre de Jackson Pollock — Number 26 A, black and White – alors que je l'ai déjà vu au moins cinq fois. Pendant que Carly s'impatientait, se moquait et me bousculait, je contemplais le chaos des éclaboussures de peinture faisant écho à mon état intérieur. J'ai finalement pris sa main pour l'arrêter.

— Je me sens ainsi, Lyly, ai-je dit.

Elle s'est contentée de soupirer avant de m'attirer vers un autre tableau que j'affectionne. Et face à l'immensité de IKB 3, monochrome bleu d'Yves Klein, je sais qu'elle me soufflait tu arriveras à cette émotion là. Je suis avec toi. Pour être plus claire, en présence de cette couleur, j'ai toujours ressenti l'apaisement. C'est inexplicable, je sais. Mais les sentiments ne se contrôlent pas, après tout. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous pouvons ressentir le calme après la tempête sans transition, tout comme l'inverse. Surtout. Le. Contraire. Mes doigts enlacés avec ceux de cette fabuleuse brune lorsque nous avons quitté Beaubourg, je me sentais sereine et confiante. J'allais y parvenir. M'en sortir. Indemne, surtout. Sauf que, comme je viens de l'expliquer, cela n'allait bien évidemment pas durer.

***

— Je vais prendre la salade Caesar, dit mon amie dans son français impeccable en fermant son menu.

— Pour moi ce sera les œufs brouillés aux truffes s'il vous plaît, ajouté-je avec un sourire à destination du serveur. Et une bouteille d'eau pétillante.

Lorsque le jeune homme s'éloigne celui-ci se fane, et Carly m'enveloppe d'un regard affectueux.

— Tu sais que je pense que c'est pour le mieux, chuchote-t-elle en se penchant par dessus la table. Mais, chérie, est-ce que ça va aller ?

Je passe furtivement mon index sous mes yeux pour arrêter les quelques larmes qui ont tenté de rejoindre mes joues, puis prends une lente inspiration.

— C'est toi qui a raison depuis le début, lâché-je avec dépit. C'était dangereux, et ça l'est de plus en plus.

Sa paume vient me rejoindre par dessus la nappe blanche, et elle m'enlace tendrement.

— Je suis si désolée, Tay, regrette-t-elle.

Heureusement, même si elle est du genre à m'assener des « Je te l'avais bien dit ! » – et que je lui rends bien –, elle ne se permettra jamais de m'épingler de la sorte sur ce sujet.

— Tu n'y es pour rien, protesté-je en forçant un sourire. C'est ainsi.

Comprenant que je ne souhaite pas approfondir la conversation, elle s'enfonce dans son siège en plissant le nez, songeuse.

— Bon ! Qu'est-ce qu'on fait cet après-midi ?! s'exclame-t-elle en forçant l'enthousiasme que nous devrions ressentir toutes les deux à l'idée d'être ici, déjeunant en tête à tête au Keller – le restaurant de notre hôtel parisien – après une matinée au SPA.

— Le plein aux Galeries Lafayette, suggéré-je dans une fausse nonchalance disant thérapie par le shopping ?

Le plein aux Galeries Lafayette, acquiesce-t-elle dans un hochement de tête validant nettement l'idée.

Finalement notre commande arrive, et nous mangeons en passant en revue les derniers détails qu'ils nous restent à régler en ce qui concerne la cérémonie du mariage.

— Tiens, je me trouverais bien de nouvelles chaussures pour ton jour J finalement, pensé-je à voix haute à l'instant où son téléphone se met à sonner.

L'éclat de son visage lorsque son attention se reporte sur l'écran m'est aussi douloureux qu'enchanteur. Oui. À la façon dont ses traits se sont éclairés, je sais d'emblée que Joshua est au bout de la ligne. Il n'est que sept heures du matin à New-York, et je suis émue en réalisant que l'appeler est sûrement la première chose qu'il fait de sa journée. Définitivement, ces deux là sont adorables. Je me souviens parfaitement lorsqu'elle m'a annoncé leur relation, peu de temps après mon réveil. Elle était à la fois heureuse ainsi qu'honteuse. Heureuse car amoureuse, honteuse puisqu'elle avait développé ces sentiments alors que j'étais dans cet état entre mort et vie. Ni là, ni partie. Qu'il lui était difficile d'admettre que je n'occupais pas toutes ses pensées tandis que j'étais inerte et que mon avenir était incertain. Lorsque j'ai pleuré, elle s'est confondue en excuses, littéralement prête à mettre fin à cette romance née dans la pire des situations à ses yeux. Pendant qu'elle m'enlaçait, c'est ma joie, que j'ai murmuré contre ses joues mouillées :

— Je n'aurais jamais voulu que tu sois seule, Lyly.

Voilà la seule chose que j'ai pensé. C'est ce que mes yeux lui ont dit pendant qu'elle essuyait les siens. Alors pourquoi suis-je triste, quelque part, à l'instant où elle rayonne en décrochant ? Parce que je sais que si Evan faisait sonner mon portable, mon expression serait exactement la même. Et c'est effrayant. Parce que moi, je dois renoncer. J'ai commencé, d'ailleurs. En ignorant difficilement ses messages, ne répondant qu'à ceux me donnant des nouvelles de Wyatt, tout en restant distante. C'est le cœur brisé que je me prépare à lui dire que nous ne devons plus nous voir. Que ça ne marche pas. Que je ne veux plus. Même si c'est faux. Que c'est le contraire. Faisant distraitement courir mes doigts sur mon smartphone, je relis nos derniers échanges, et l'espacement de ses envois m'annonce qu'il a déjà deviné. Tant et si bien que son dernier texto d'il y a deux jours disait seulement « Tout est ok pour Wyatt, à bientôt. ». « Merci. Bonne journée. » ai-je répondu. C'est en réprimant un sanglot que je décide de regarder vers Carly afin de m'imprégner de son bonheur et de me laisser porter par lui. Mais l'expression qui m'accueille n'a plus rien d'heureuse, me faisant retenir instinctivement ma respiration. Mon pouls s'emballe tandis que je me redresse pour me concentrer.

Est-ce que Joshua va bien ?!

— D'accord, mon amour, lui dit-elle d'une voix teintée d'angoisse. Je t'appelle plus tard. Je t'aime.

C'était bien son fiancé qui lui parlait, alors je m'autorise une brève inspiration, craignant désormais pour un membre de sa famille. Mais après qu'elle ait raccroché, et pendant qu'elle semble chercher ses mots, je comprends.

Evan.

Avant que sa main ne vienne s'emparer de la mienne pour la serrer avec force, je crains déjà le pire. Et lorsqu'elle ouvre la bouche pour m'annoncer la nouvelle, c'est toute ma résolution de mise à distance qui s'est craquelée pour voler en un millier d'éclats avant que je ne fasse de même. Ce sera irréparable, je le sais. J'ai joué, et ai perdu. Je l'aime, peu importe ce que je vais perdre dans la bataille.

***

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