Charlie Clear était allongée sur son lit, un ordinateur portable sur le ventre.
Elle discutait avec son amie Tara, quand madame Clear l'appela :
— Cha' ! Viens déjeuner, c'est prêt !
La jeune fille soupira. Du haut de ses quinze ans, elle préférait ne rien faire à aller manger avec sa mère et son frère.
— Attends, je suis occupée, répondit-elle.
Puis elle reprit sa conversation en pianottant sur son clavier.
— S'il te plaît, cria sa mère.
Charlie referma brusquement son ordinateur, se leva et marcha lentement jusqu'au salon, sans masquer pour le moins du monde son mécontentement.
Quand elle fit irruption dans la pièce, elle vit tout de suite que quelque chose n'allait pas ; madame Clear avait les yeux rouges et gonflés, comme si elle avait pleuré, et Leo, le petit frère de Charlie, avait l'air soucieux et inquiet.
— Qu'est ce qui se passe ? demanda l'adolescente en s'asseyant sur sa chaise.
— Comme je viens de le dire à Leo, je dois... Vous... Annoncer une chose, murmura sa mère.
« Ce ne sera pas une partie de plaisir... », pensa avec amertume Charlie en observant le visage blafard de madame Clear.
— Votre père... est... il n'est... Plus là, les enfants...
Le monde s'arrêta alors de tourner. Il n'y avait plus rien, plus que cette phrase, plus que ces mots, qui tournaient inlassablement dans la tête de la jeune fille.
« Votre père n'est plus là. »
« Plus là... »
Une larme coula, puis une autre.
Pourquoi ?
Rien n'avait plus aucun sens, rien du tout. C'était impossible. Non, ce n'était pas la vérité, ça ne pouvait pas l'être, ça ne devait pas l'être.
Charlie aurait voulu hurler toutes ces pensées, les crier, arracher ces paroles terribles, prononcées par sa propre mère.
Mais, au lieu de cela, elle dit juste :
— Quand ?
Elle vit que sa mère pleurait, et une colère noire et insondable s'empara de son corps, tandis qu'elle n'arrivait plus à bouger.
— Avant-hier... Il revenait de son voyage d'affaire en avance et... Une voiture... A percuté la sienne... Mes chéris, je...
Ne pas pleurer. Ne pas pleurer, ne pas pleurer...
Charlie se leva et se jeta hors de l'appartement.
Une fois dans le hall de son immeuble, elle entendit des pas dans l'escalier, des pleurs et son nom.
Madame Clear et Leo qui descendaient la chercher, évidemment...
Charlie sortit de son immeuble et courut la faible distance qui la séparait de Central Park.
Puis elle s'effondra en pleurant, sous les yeux effarés de quelques New Yorkais impuissants.
« Ils ne savent pas. Ils ne peuvent pas ressentir ce que je ressens. Pas ça, pas cette douleur. Je les hais, je les hais pour cela... »
Elle voulut sortir toute ce mal-être de son corps, mais impossible. Cela ne s'en irait jamais, et elle le savait, au fond d'elle elle en était bien plus que consciente...
Ce fut seulement une heure plus tard qu'elle s'en retourna chez elle.
Leo était assis sur le canapé du salon et sanglotait doucement en feuilletant un vieil album photo.
— Maman est dans sa chambre, indiqua-t-il sans même prendre la peine de lever les yeux.
Charlie murmura un remerciement et se rendit dans la chambre de ses parents.
« Dorénavant, ce ne sera plus que sa chambre à elle... » pensa-t-elle avec tristesse.
L'adolescente entra sans toquer. Madame Clear était assise sur le grand lit double, et pleurait, recroquevillée sur elle même comme un petit enfant.
— Maman... murmura Charlie en sentant ses yeux la piquer.
Elle s'approcha et se mit à caresser le dos de sa mère pour l'apaiser.
— Je... Je suis désolée... Ma chérie...
— Maman... Ce n'est pas de ta faute, sanglota Charlie. C'était un accident... N'est ce pas ?
— Oui... Mais...
— Il faut prévenir ses parents, son frère et aussi...
— Non, ma grande, l'interrompit madame Clear en se redressant. Ils sont... Ils sont déjà au courant, d'accord ?
Elle se força à sourire et poursuivit :
— Ton père aurait voulu que vous soyez heureux. Vous devez être heureux, Leo et toi, tu comprends ?
— Je ne peux pas, dit Charlie. Je ne peux pas... Pas sans lui...
Un peu plus tard, madame Clear annonça à ses enfants que l'enterrement de tiendrait la semaine suivante, en compagnie de toute la famille et des amis proches du défunt Harnold Clear.
Charlie était angoissée à l'idée de devoir écrire un discours, comme on lui avait demandé, mais le pire était qu'elle se rendait à l'enterrement de son père.
De son père.
Jamais il ne lui serait venu à l'idée, par le passé, qu'il eût pu mourir un jour, cela lui aurait semblé tellement absurde !
*
* *
Le lendemain, tôt dans la matinée, Leo vint toquer à la porte de la chambre de sa sœur.
— Je suis venu t'apporter quelque chose, expliqua-t-il en entrant.
— Qu'est ce que c'est ? demanda Charlie, perplexe.
Le petit garçon lui tendit un gros classeur noir, rempli de pochettes plastiques.
— Je l'ai fait cette nuit. J'ai réuni toutes les photos de famille que l'on avait avec... Enfin, sur lesquelles figurait Papa. J'en ai pris quelques unes dans la boîte à souvenirs de Maman, avoua-t-il, penaud.
Émerveillée, Charlie feuilleta l'album. Elle y vit une photo en particulier qui attira son attention : elle et son père, mangeant des gaufres.
Ce souvenir resterait sûrement encré dans sa mémoire toute sa vie.
— Oh ! Merci, Leo, tu es le meilleur ! s'exclama soudain la jeune fille.
— Pourquoi ?
— Je viens d'avoir une idée pour mon discours... Grâce à toi !
Le petit garçon hocha la tête.
— Tu as déjà écrit le tien ? s'intéressa Charlie.
— Oui, en partie. J'aimerais bien la terminer aujourd'hui...
Puis, tout doucement, Leo sanglota :
— C'est injuste...
— Oui, répondit sa sœur en sentant son cœur se déchirer, oui, c'est injuste...
Quand il quitta sa chambre, Charlie attrapa une feuille de papier et son stylo plume, puis se mit à écrire tout ce qui lui passait par la tête pour son discours.
Une demi-heure plus tard, son texte était complet. Pas très long, et un brin brouillon, mais elle comptait bien y mettre tout son cœur à l'heure de sa récitation.
Elle se surprit, en se relisant, à se demander ce qu'avait écrit son frère...
À l'heure du petit déjeuner, madame Clear avait des cernes violacés sous les yeux, mais un air plutôt réjoui, du moins bien plus qu'hier.
— Les enfants, j'ai une bonne nouvelle, annonça-t-elle tandis que Leo versait du lait dans son bol de céréales et que Charlie beurrait sa tartine. Cette nuit, je n'ai pas vraiment dormi... En fait, je parlais avec votre oncle Peter.
Charlie leva la tête, étonnée.
Peter était le frère de monsieur Clear, qu'ils ne voyaient que très rarement, pour les grandes occasions.
Il vivait en Floride et avait deux enfants, Will et Mary, des jumeaux âgés d'un an de plus que Charlie.
Elle ne les aimait pas beaucoup.
— Il m'a fait une proposition en or. Nous allons prendre un nouveau départ... En Floride !
— Pardon ? s'exclama joyeusement Leo. Réellement ?
— Oui, on ne peut plus réellement mon grand ! On ira vivre avec lui, Will et Mary.
— Tante Alberta ne sera donc pas là ? demanda tristement Charlie.
Alberta était la mère de Will et Mary, mais elle et Peter avaient divorcés, il y a un an de cela.
— Non, mais nous pourrons aller la voir. Tampa est une ville fantastique, ça va être incroyable !
« Si ça va être incroyable, pourquoi je n'arrive pas à me réjouir ? » pensa avec amertume l'adolescente.
— Et... Nous allons donc déménager ? demanda-t-elle lentement, en mâchant ses mots.
— Deux semaines après l'enterrement d'Harnold, précisa madame Clear en buvant une gorgée de jus d'orange.
*
* *
Le temps passa vite, bien trop vite aux yeux de Charlie.
Il ne restait plus que deux jours avant la cérémonie.
Dans deux jours, elle allait devoir dire au revoir pour toujours à son père.
La jeune fille était allongée sur son lit et fixait le plafond en essayant de ne pas pleurer.
C'était devenu une habitude, pour elle, de se forcer à ne pas laisser sa tristesse sortir de son cœur.
— Cha' ! cria soudain sa mère.
Une drôle d'impression de déjà vu traversa l'adolescente quand elle se leva.
— Oui ? dit-elle en passant la tête dans le couloir, par sa porte entrebâillée.
— Une amie est venu te voir.
Cela faisait depuis le jour de ce qu'elle avait surnommée "l'annonce" que Charlie n'était pas retournée au lycée.
Tara l'attendait dans l'entrée. Elle sourit et vint la prendre dans ses bras.
— Je suis tellement désolée ma belle... Ça doit être vraiment horrible. Sache que je suis là pour toi, ainsi que tous les autres. Si tu as besoin, on...
— Merci, l'interrompit son amie, gênée.
Elle n'aimait pas parler d'Harold, avec personne.
— Je t'ai envoyé les leçons et le travail à faire par message. Mais je crois que tu ne les a pas vus... expliqua Tara, dépitée.
— Oh. Désolée, je n'ai pas vraiment fait attention à mon téléphone, ces derniers temps. Et puis, de toute façon...
Charlie révéla à Tara qu'elle allait déménager.
Celle-ci était horrifiée.
— Non ! Tu t'en vas ? Mais...
— Écoute, ce n'est pas moi qui ai pris cette décision, la coupa la jeune fille, soudain en colère, sans vraiment savoir pourquoi. Pourquoi es-tu venue ?
— Mais... Pour te voir, bafouilla Tara, perdue.
— Je n'ai pas envie. Je veux rester seule. Merci du déplacement, et au revoir, dit froidement Charlie.
Tara quitta l'appartement sans un mot.
C'était la dernière fois que les deux amies se voyaient.
•••
Hey tout le monde !
Comment-allez vous ?
J'espère que ce premier chapitre vous a plu !
Actuellement, je suis en cours d'écriture du quatrième déjà, alors je suis très heureuse de vous présenter mon roman ^^
Que pensez-vous du personnage de Charlie ?
Comment auriez-vous réagi, à sa place ?
Avec cette annonce, et avec Tara ?
À la semaine prochaine !
Kiss,
Luciole