La petite fille se réveilla dans une chambre blanche tout d'un coup. Elle avait des pansements sur les doigts, couvrant ses blessures. Elle essaya de les bouger, mais ça ne fonctionnait pas. Tout de même assez confuse par son réveil si soudain, elle prit le temps de se rendre compte de l'état de la chambre d'hôpital, avant de l'admirer pendant quelques minutes.
Ce n'était qu'une chambre ordinaire d'hôpital comme elle en avait vu dans des films ici et là : un bureau avec quelques outils, un lit et une télévision. Sans oublier la porte menant à la salle de bain.
Alors qu'elle voulait se lever, un infirmier entra dans la salle. Surpris, il n'était pas sûr de savoir comment aborder l'enfant, étant donné qu'il avait contact surtout avec des gens plus vieux dans son métier.
-Salut, ma chérie », dit-il.
Il se rendit compte qu'il devrait la quitter pour aller parler au médecin. Celui-ci chercha dans la pièce pour une distraction avant de réaliser qu'il avait son bloc-notes et un crayon dans sa poche.
-Tiens, prends ceci et dessine quelque chose. Je reviens bientôt », dit-il avant de partir. L'enfant prit les deux objets et commença à dessiner la chambre. Elle eut de la difficulté à dessiner à cause de certains de ses doigts qui étaient ensevelis de plâtre. Au bout de plusieurs minutes, l'infirmier ouvrit la porte pour laisser la femme médecin entrer. Habillée aussi professionnellement que n'importe quel autre médecin.
La professionnelle dit alors : « Bonjour, ma petite »
-Bonjour madame l'étrangère », répondit la petite.
-Tu peux me parler si tu veux. Je sais beaucoup de choses », répondit la médecin avec un sourire.
-Oh. Dans ce cas-là, où je sui--Non, je vais le dire comme une grande: où suis-je? », dit la fille en se reprenant.
-À l'hôpital, ma chérie »
-Oh, et où sont, comment y disaient ça, les grands, paire et maire? »
La médecin hésita, en voulant bien mâcher ses mots pour ne pas trop offusquer la fille, puis dit: « Ils sont partis dans un pays chaud »
C'est alors que le visage de l'enfant s'éclaira, mais des larmes commencèrent à couler sur ses joues.
-Je les ai vus partir au pays chaud. Je jouais au chalet et puis tout devenait feu », lança la petite fille, effrayée par l'événement.
-Ma chérie... », s'exprima la médecin. Elle s'était rendu compte de la nature de l'accident qui avait traumatisé la petite et du lien qu'elle avait accidentellement fait avec les paroles sorties de sa bouche.
-Et puis ils devenaient feu. Je voulais les voir mais mes mains faisaient mal à cause du feu. Poupa pi moumouoin criaient beaucoup pi— », dit la fille en pleurant.
La médecin donna alors un câlin à la petite fille, dont l'événement traumatique avait changé la vie. La médecin faisait tout pour garder son air stoïque professionnel.
***
Shine se réveilla en sursaut.
-Pourquoi est-ce que je me rappelle de cette fois-là? », se demanda-t-iel alors qu'iel versa une larme. La chambre qui l'entourait était celle de l'hôpital qui l'avait admis-e une semaine plus tôt. On pourrait la décrire comme une chambre d'hôpital moderne, avec télévision incluse et toute la technologie possible gisant dans le lit. Iel avait les jambes en plâtre. Shine, n'ayant rien de mieux à faire à 12h car l'individu détestait les écrans, se ferma les yeux. Même ses pouvoirs de guérison nécessitaient du repos, après tout. Comme d'habitude lors des périodes de repos, Shine aimait prendre le temps de s'imaginer des choses. Cette fois-ci, iel s'imaginait le labyrinthe que pouvait constituer un nid de fourmis et à quel point il serait facile de s'y perdre. Alors que Shine s'imaginait à quoi ressemblerait la structure du labyrinthe, quelqu'un ouvrit la porte. C'était le médecin « de famille » de Shine depuis toujours, Carole.
-Bonjour. Ça va mieux? », dit-elle.
-Quand même », répondit Shine fermement.
-Serais-tu prêt à passer une radiographie? », demanda Carole.
-Quand vous voudrez », répondit Shine.
-Content de te savoir aussi coopérativ--je veux dire, que tu coopères autant que d'habitude », ajouta Carole en emmenant la machine radiographique avec des infirmiers. La tendance de Carole à mégenrer Shine venait plus du fait que la médecin devait retenir plusieurs noms de centaines de patients, mais elle finissait toujours par se reprendre en tant que professionnelle.
La machine « scanna » alors les jambes de Shine. Carole fut avant tout surprise par le résultat, mais eut un soupir de soulagement quand elle se souvint que c'étaient les résultats de Shine.
-On voit que tu guéris aussi bien que d'habitude. Tes jambes sont correctes! », dit Carole.
-Plus besoin de plâtre? »
-Plus besoin de plâtre. Quelle chance tu as! »
-Quelle chance indeed! »
-Fais juste attention la prochaine fois...et à tes jambes pour tout de suite »
-Oui, maman », marmonna Shine ironiquement.
-Arrête de m'appeler maman. J'ai déjà assez d'enfants comme ça », dit Carole, heureuse d'avoir quelque chose qui la fasse sourire en cette journée maussade.
Un infirmier quand même vieux arriva alors pour couper le plâtre.
Suite à l'opération, il sortit de la pièce.
-Est-ce que je peux aller faire un téléphone? », demanda Shine.
-Oui », répondit Carole.
-À la prochaine, dans ce cas! »
-À la prochaine à toi aussi. »
Carole se leva alors et marcha tranquillement jusqu'au secrétariat pour appeler Sylvie. Carole, quant à elle, retourna dans son bureau pour continuer avec sa paperasse pour le restant de la journée.
***
Plusieurs gens circulaient dans le bâtiment, sans compter le nombre d'ambulances arrivant d'urgence dans leur entrée spécifique. Une voiture se gara donc devant la sortie 3 de l'hôpital. Shine monta à bord en ouvrant la porte arrière gauche.
***
On pourrait décrire la voiture de Sylvie comme un taco: une petite voiture électrique bleue qui avait presque atteint ses 200 000 kilomètres. Cependant, l'essentiel était qu'elle fonctionnait...ainsi qu'il y ait de la place pour la tonne de documents de Sylvie.
-Installe-toi à la gauche. Il y a des documents à droite », conseilla Sylvie.
-Merci d'être venue me chercher, Sylvie », dit Shine en s'assoyant sur le siège arrière gauche.
-De rien. Je ne pouvais pas te laisser marcher jusque chez nous », exprima Sylvie.
-T'as quand même du travail », fit Shine.
-Ne me le rappelle pas. C'est Léon et Sam qui préparent le souper, à la dernière minute »
-Iels vont réussir en trente minutes? »
-Je l'espère fortement », commenta Sylvie, dont la journée avait paru très longue.
Un petit silence s'installa alors que Sylvie préparait la voiture. Pas un silence de désespoir, mais plus un silence naturel pour laisser tout le monde respirer jusqu'au prochain brouhaha.
-Bien. Et toi, tu as eu une bonne journée? », demanda Shine.
-Correct, correct », répondit Sylvie, se souvenant exactement de sa journée désagréable qu'elle avait dû passer.
-Pas trop dur d'aider des gens en difficulté comme travailleuse sociale? », questionna Shine.
-Quand même, quand même », laissa aller Sylvie.
-As-tu besoin de câlin? »
-Une fois qu'on sera sortis de ce traffic »
-Ça me va »
La conversation remplie de silences respiratoires continua comme d'habitude alors que roulait la voiture électrique.
***
La voiture se stationna dans l'une des seules places du stationnement privé de la coopérative. Shine et Sylvie sortirent de la voiture et passèrent par l'entrée principale de la salle commune. C'est alors qu'en ouvrant la porte...
-Bienvenue à la maison! », crièrent Léon et Sam ensemble en présentant leurs plats. Léon avait les cheveux décoiffés et les lunettes croches tandis que Sam suait intensément, ce qui avait un peu décroché sa barrette en forme de fleur, mais pas assez pour que celle-ci tombe. Probablement que leur repas improvisé en trente minutes les avait fatigués.
Iels avaient préparé une salade de tofu géante et une salade de fruits.
-Wow, ça a l'air succulent", exprima Shine, ses yeux bruns éclairés par de la nourriture ne venant pas de l'hôpital.
Léon et Sam se tapèrent dans la main, contents que leur repas plaise à Shine.
-Ça a pris beaucoup d'efforts à préparer, donc ça devrait l'être », ajouta Sam.
-C'est quand même juste deux salades », répliqua Léon, incertain d'être si fier QUE ÇA de leur repas.
-Mais c'est NOTRE salade et c'est ce qui compte », finit alors Sam, tout de même satisfaite de leur repas improvisé en trente minutes.
Léon, n'ayant rien à répondre, se contenta d'ajouter « Bon appétit! »
Une fois que tout le monde fut à table, la conversation commença véritablement.
-Donc, tu es complètement guéri? », demanda Léon à Shine.
-Oh oui, absolument. Je fais quand même attention à mes jambes », répondit Shine.
-C'est déjà extraordinaire, ça. Pourrais-tu nous en parler plus? », interrogea Sam avec intérêt.
-Oui, mais manger est la chose la plus importante pour le moment », fit remarquer Sylvie, ayant une feuille de laitue dans les dents.
Le repas se finit alors dans un silence de dégustation.
-Bon, veux-tu m'expliquer ce qui s'est passé la dernière fois? », demanda Sam.
-Hein? », interpella Sylvie.
-Oh, il est CERTAINEMENT arrivé quelque chose la semaine passée », expliqua Léon à Sylvie.
-Tu es sûr que tu ne vas pas me juger? », dit Shine en faisant des yeux doux à Sam.
-Penses-tu vraiment que je vais te juger? », laissa aller Sam, un peu déçue.
-Tu marques un point », fit remarquer Shine en se préparant à expliquer la situation.
-Et toi, Sylvie? Si tu veux, tu peux part-- », suggéra Léon, incertain à savoir si Sylvie allait bien digérer ces explications-là.
-Jamais de la vie. Je suis curieuse », interrompit Sylvie.
-Ok, en résumé, Sam a été enlevée par des ombres, qui voulaient remplir son désir impulsif de se jeter en bas d'un pont », expliqua Shine.
Il y eut alors un petit malaise à table, puisque Shine venait tout juste d'expliquer le problème de Sam d'une manière un peu directe. Sam paniqua alors un peu intérieurement et Léon se retint de dire quoi que ce soit car c'était leur repas de bienvenue pour Shine. C'est alors que Sylvie brisa le silence.
-Damn! », s'exprima Sylvie.
-C'est un peu gênant de dire ça comme ça, mais oui, j'avais paniqué quand c'est arrivé », expliqua Sam afin de combler le silence de malaise qui les hantait tous.
-Oui, mais c'est quoi ces ombres-là? », demanda Sylvie.
-Des idées ou des âmes qui ont perdu tout leur sens. Je les aide à passer vers l'au-delà. Sinon, elles réalisent les désirs trop intenses des gens », répondit Shine.
-C'est tout? », questionna de nouveau Sylvie.
-C'est tout », laissa aller simplement Shine.
-Et toi, Léon? As-tu vu ça de tes yeux aussi? », interrogea Sylvie.
-Pas les ombres, mais Sam qui flotte dans les airs », affirma Léon.
Étant donné la présence de plusieurs témoignages, dont celui de Léon, étudiant toujours terre-à-terre qui ne prenait jamais de drogues hallucinogènes, Sylvie n'avait pas d'autre choix que celui d'accepter que ce soit quelque chose de réel. Pour digérer cela, cependant, il lui faudrait de l'alcool.
-C'est intense, pareil. Jamais j'aurais cru que ce genre de truc serait capable d'exister », ajouta Sylvie en calant son verre de gin d'un trait.
-Fais attention! C'est quand même du gin! », recommanda Léon.
-Oui, mais j'en ai besoin pour aujourd'hui», dit Sylvie en se versant un autre verre.
-Bon, ben ça a quand même du sens comme explication. Heureux de savoir que le mystérieux individu a des pouvoirs impressionnants », fit remarquer Sam, heureuse de pouvoir vivre une situation similaire à ses romans.
-As-tu aussi d'autres pouvoirs? Je t'ai vu sauter d'au moins deux mètres vers Sam, après tout », demanda Léon.
-Rendu là, je n'ai pas le choix d'expliquer que j'ai des pouvoirs de guérison, de super vitesse, de saut, etc. », énuméra Shine, toujours un peu gêné.
Sylvie se rappela alors à quel point les sauts de rebord de fenêtre en rebord de fenêtre de Shine étaient précis, ce qui rendait les explications de la personne tout à fait plausible à ses yeux.
-C'est super, ça! », s'exclama Sam.
-Vraiment? », questionna Shine.
-Ça remet en question ma spiritualité et quelques autres trucs, mais c'est correct comme ça », ajouta Sylvie en continuant de boire.
-Donc, vous acceptez que j'aie tous ces pouvoirs-là? », posa Shine comme question.
-Absolument », acquiesça Sam.
-Carrément », dit Léon, en s'emportant un peu.
-Ça fait un choc au début, mais ça me va », commenta Sylvie en continuant à boire son gin.
Shine se leva alors, en pleurant. L'individu était heureux que ses amis puissent comprendre ce qu'iel devait essentiellement vivre à tous les jours et ce qu'iel devait toujours cacher. Les autres se regardèrent dans les yeux. Sylvie donna un signal aux autres pour que tous aillent faire un câlin à Shine. Ça démontrait que tout le monde de la coopérative allait toujours lea soutenir.
« Vous autres... Je vous aime », beugla Shine, avant de se laisser ensevelir par le câlin collectif de tous.
« On t'aime aussi », dirent collectivement les autres en pleurant à leur tour.
C'est alors qu'un silence de réconfort prit place dans la coopérative pendant quelques minutes.