Prologue

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Je les avais pris pour des monstres

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Je les avais pris pour des monstres.

Tous, autant qu'ils étaient, avaient été des bêtes dans mon esprit, des êtres pernicieux assoiffés de chair et prêt à tout pour en obtenir.

Les mains refermées sur mon cahier dans lequel s'alignaient des centaines de prénoms, des dates et des villes, je sentis des larmes brûlantes me monter aux yeux. Malgré tous mes efforts, mes doigts crispés refusaient de m'obéir et s'enfonçaient toujours un peu plus dans la couverture de cuir sombre.

J'avais aidé tant de ces femmes à s'enfuir, puis à disparaître, que j'avais enlevé jusqu'à la qualification même d'humain à ces hommes.

Des bouchers, des violeurs, des menteurs manipulateurs qui se jouent des esprits, voilà ce qu'ils étaient.

Cette tâche éreintante que je m'étais imposée m'avait brisée à chaque mort d'une de mes filles.

Parquées, exploitées, maltraitées, vendues au premier venu, elles avaient été arrachées de leur monde. Ou bien elles avaient grandi dans cette prison sans barreaux, dressées à obéir depuis le plus jeune âge, et ne réalisaient que trop tard leur condition.

Basculant en arrière, mon jean couinant contre le linoléum de mon petit appartement, j'appuyai mon crâne contre le mur.

Le plafond n'effaça ni mes pleurs, ni mes regrets. Il me rendit plus folle qu'autre chose. J'avais échoué, tout était fini.

Mon regard s'abaissa machinalement sur mon avant-bras. La cicatrice était encore vive, bien que rosée et non plus d'un rouge vif. Elle ne me faisait plus mal maintenant, ma peau avait facilement cicatrisé, mais ces noms gravés au fer rouge étaient parfaitement invisibles.

Wisz. Zaal.

Quatre lettres. Mes péchés de la luxure et de l'avarice, ma déchéance. Mes monstres.

Deux des pires de cette foutue secte ; la main armée qui terrifiait hommes et femmes et le solitaire qui dupait les chiffres. Ces noms, je les avais entendus de maintes fois dans les bouches de mes protégées. Synonyme de terreur, d'horreur même, il avait résonné encore et encore entre mes murs, nourrissant ma haine de jour en jour.

Et pourtant, j'avais trahi toutes ces femmes qui m'avaient demandé de l'aide.

À chaque fois, chaque putain de fois, je les avais écoutées, rassurées et soignées. Certaines d'entre elles avaient eu le besoin de temps pour se réhabituer à la vie dont elles avaient été privées. Je leur avais donné tout mon courage, et même plus encore. Jour après jour, je les avais accompagnées.

Ce matin encore j'avais reçu une lettre pleine de joie d'une de mes rescapées, partie vivre en Europe, bien loin de son cauchemar.

Une main plaquée sur la bouche, j'étouffai un sanglot bruyant.

J'avais tenté tout ce qui était possible pour entraver les rouages de la secte et libérer toutes celles qui le souhaitaient. J'étais même devenue excellente dans la création de faux papiers, de vies imaginaires ou encore de simulations de comptes bancaires.

Et pourtant, j'avais été prise à mon propre jeu. Wisz m'avait trouvée et moi aussi j'avais ployé sous la Luxure, allant jusqu'à l'amadouer avant de m'y perdre. Et quand j'avais faibli, l'Avarice m'avait attrapée.

Ils avaient réussi. Ils m'avaient brisée bien plus violemment que ces salopards auraient pu le faire.

J'avais trouvé mes péchés, et pire encore, ils s'étaient infiltrés jusque dans ma peau.

[1] The Aries and the FoxWhere stories live. Discover now