II - Perturbation

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Des yeux bleu clair, rougis par la fatigue m'apparaissent dans le miroir pendant que je tâche de peigner ces cheveux blonds teint de noir. Ils m'arrivent aux épaules, je devrais les raccourcir. J'ai du mal à me reconnaître ; la nuit a été affreusement longue. J'ignore quelle heure était-il lorsque mon cerveau a décidé de me réveiller. Ma chambre était plongée dans le noir le plus complet. Seule la fenêtre dans le toit laissait passer un rideau de lumière pâle. Lorsque je voulus récupérer mes lunettes, mon bras s'est violemment crispé. Je ne pèse pas des tonnes, pourtant, mon corps me paraissait lourd comme du plomb. Je n'étais pas attaché ; mon corps restait complètement immobile, étalé sur les draps moites. Perdu dans le noir, ma respiration commençait à s'affoler. On ne distingue pas grand-chose dans le noir, mais avec une myopie forte, on est aveugle. Et dans l'immédiat, je me sentais affreusement exposé. Pourtant, il me semble qu'une image nette m'est apparue. Qu'est-ce que c'était déjà ? Je n'ai qu'un souvenir vague de ce qu'il s'est passé, mais je peux encore ressentir la peur à ce moment précis. Ah, elle me revient ; c'était un monstre. Une abominable créature humanoïde s'était penchée sur mon visage. Assise sur mon ventre, elle m'écrasait de tout son poids empêchant quelconque mouvement. Horrifié, mon cœur a accéléré sa cadence de battements. Je l'entendais résonner dans mes oreilles. Il cognait tellement fort qu'il serait capable de briser ma cage thoracique, comprimée par la masse oppressante de l'obscurité. Ses yeux globuleux étaient entièrement blancs, ils semblaient sortir de leurs orbites. Ses dents aiguisées se tordaient sur sa peau sombre. Son souffle amer caressait mon visage perlé de sueurs. Ses membres réalisaient des rotations dans des angles grotesques. Un horrible vertige me prit par les tripes. J'avais l'impression que le lit tanguait. Et pourtant je n'étais toujours pas capable de bouger. Il me semblait entendre mon propre souffle à présent saccadé. Quelque chose se contractait dans ma gorge. Une bille acide grandissait proportionnellement à la peur qui me secouait. Ma tête me faisait mal. J'ai commencé à ciller, des étoiles m'apparurent. Des centaines d'étincelles et de mouches venaient troubler ma vision et déformer la moitié du visage du monstre. Je me sentis soudain débloquer. Mon corps devint alors aussi léger et fragile qu'avant et mes muscles se détendirent. Mes mains moites se décidèrent finalement à agripper son visage. Lorsque j'eus tiqué, le monstre disparu ; il ne s'agissait que d'une simple hallucination. J'ai tenté de calmer les tambourinements de mon cœur dans la salle de bain. Accroupis sous le pommeau, je me refroidissais lentement sur le carrelage fissuré de la douche. J'en ai la chair de poule rien qu'en y repensant J'ai n'ai pas réussi à me rendormir par la suite. C'était le rêve (peu importe ce que c'était) le plus horrible que j'ai eu ; le monstre avait l'air tellement réel.

Les couloirs sonnent huit heures. Posté devant un distributeur, un bruit de rouille annonce la préparation de mon café. Mes yeux me piquent. Je récupère la boisson pour m'éloigner du monde avant de me brûler la langue. Amèrement chaud. En allumant mon téléphone portable, un étrange article attire mon attention. Des Surnaturels retrouvés dans les souterrains de la capitale. Évidemment, aucune image n'est fournie. J'espère simplement que l'histoire ne va pas se répéter. L'humanité a du mal à se remettre des sacrifices qu'elle a effectués pour conserver un semblant de tranquillité. Entre la pollution massive, le dérèglement climatique enfin prit au sérieux, les crises et les conflits internationaux aussi inutiles que les mesures prises par les gouvernements pour asseoir leur autorité, nous devions agir vite mais intelligemment. La science et l'innovation étaient les derniers recours pour tenter d'échapper à la Terre qui devenait étouffante et hors de contrôle. Après quelques interminables années sur une Terre devenue hostile à la vie, l'humanité a tant bien que mal tenté de ralentir sa destruction. En parallèle, la conquête de l'espace fleurissait. Ce développement n'a pas pour autant compensé les dégâts : une Révolte a eu lieu récemment et a ravagée davantage notre quotidien « post-réchauffement climatique ». Elle a été organisée par ces êtres difformes générés par des laboratoires. On les surnomme les Surnaturels. Des erreurs d'expériences biologiques, procréées durant l'essor des recherches. Le fruit de longues recherches et de minutieuses expériences dans l'espoir de perfectionner le minable organisme humain et d'accélérer son évolution pendant l'annihilation de la Terre. Mais certains chercheurs ont trouvé un plaisir malsain dans leur processus de création et ont donc multiplié les cobayes. Certains échantillons ont été abandonnés à la fin de leur développement, jugés dangereux à mettre en œuvre, ou pas assez robuste pour survivre dans le nouvel environnement terrien – donc sans réel apport utile pour notre organisme. Parmi eux, quelques-uns ont réussi à s'échapper et se perdre dans le repeuplement de la planète. Cette réalité me fait frémir. Ils peuvent être n'importe où sous l'apparence de n'importe qui. Je m'empresse d'avaler mon café refroidi avant de me lever péniblement et placer la tasse dans un lave-vaisselle sophistiqué à côté du distributeur de café. Alors que je m'éloigne, je suis bousculé par un groupe d'étudiant qui marchait droit devant en occupant toute la longueur du couloir. Des rictus éclatent dans mon dos en même temps que des pas se rapprochent. Une tape amicale dans le dos me fait sursauter.

Planète Perdue - Tome 1: Les terres d'ArtémisHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin