Chapitre 39

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Lorsque Julian lui avait avoué que les bagues n'étaient pas obligatoires, mais qu'elles diminuaient la douleur ressentie au moment de la transformation, Lyssandra lui en avait voulu pour son mensonge. Après tout, il lui avait fait prendre des risques pour rien. Elle préférait ne pas songer à ce qu'il serait advenu si Dame Miranda l'avait surprise à fouiller dans sa chambre... Sans doute lui aurait-elle fait connaître la couleur de ce grenier plus tôt. Désormais, la jeune fille comprenait pourquoi les pierres étaient si importantes.

Déjà qu'elle avait l'impression que tous ses os étaient broyés un par un, elle osait à peine imaginer ce qu'elle aurait ressenti si sa douleur n'avait pas été "atténuée".

Toutes les fois où elle s'était plainte d'avoir mal en quelque part lui semblaient dorénavant bien dérisoires. Son corps était si endolori qu'elle ne se rendait même pas compte des changements qui s'y opéraient. Ses jambes et ses bras qui se transformaient en pattes, sa peau qui se recouvrait d'un pelage gris, ses yeux qui abandonnaient leur teinte marron au profit d'un bleu clair... Elle se promit que si elle survivait à cette mutation, alors plus jamais, au grand jamais, elle ne se lamenterait pour la moindre souffrance.

Après les secondes les plus longues de son existence, toute douleur cessa subitement. Troublée, Lyssandra n'arrivait plus à fixer la moindre pensée. Elle ne s'étonnait même pas d'être debout sur quatre pattes, de voir le bout de son museau pointu, d'avoir des oreilles de forme triangulaire au sommet de sa tête... Elle ne s'étonnait tout simplement pas d'être un animal.

Sa forme de louve lui était aussi naturelle que si elle avait toujours fait partie d'elle, et qu'enfin, elle pouvait se dévoiler.

Ce qui l'embêtait, c'était qu'elle ne semblait pas maîtresse d'elle-même. Des sortes de pulsions guidaient ses actes, comme si une seconde entité — son entité animale — prenait le contrôle. Elle tournait en cercles à travers le grenier sans en avoir conscience, expirant nerveusement du museau pareil à si elle était en colère. La louve avait envie, non avait besoin de quitter cet endroit. Des images de la forêt s'imprimaient dans son esprit, exprimant sa nécessité de s'y rendre. Tous ses sens étaient décuplés, et le silence et l'étroitesse des lieux n'en devenaient que plus insupportables. Calme-toi, tenta de se raisonner Lyssandra. Calme-toi. Mais les pensées de la jeune fille s'évanouissaient derrière les instincts de l'animal, accentuant sa rage et son impatience.

Une odeur presque imperceptible parvint finalement au museau de la louve, qui huma l'air à la recherche de sa source. Lyssandra réalisa que son odorat, tout comme sa vision, était extrêmement précis, détectant immédiatement d'où s'échappait la fumée qui se répandait dans l'air. Elle resta étourdie quelques instants, mais le sommeil ne la gagna pas.

Bientôt, elle entendit un bruit, et ses oreilles se dressèrent, leurs pointes noires orientées vers l'avant. Malgré la pénombre, ses yeux désormais bleus distinguèrent chaque imperfection dans le bois de la trappe qui se soulevait. Ils discernèrent également chaque pierrerie incrustée dans la broche de Dame Miranda, lorsque celle-ci fit son apparition dans l'ouverture, un plateau dans les mains.

Croyant que sa drogue avait une nouvelle fois fonctionné sur la jeune fille, la vampire grimpa sereinement dans la pièce, sans prendre la peine de refermer la trappe derrière elle. Elle jeta un regard circulaire sur le grenier, mais malgré ses facultés surnaturelles, ne vit pas la louve grise tapie dans l'ombre. Elle ne se formalisa guère de l'absence du corps endormi de Lyssandra, supposant certainement qu'elle était derrière une caisse ou dans un recoin hors de sa portée. La femme déposa le plateau par terre dans un geste dédaigneux, avant de se figer.

Cendres de Lune [TERMINÉ]Where stories live. Discover now