Je ne peux m'empêcher de sourire. Au moins, il me distraira un peu et me coupera de mon quotidien. Je ne peux pas que travailler, même si mon boulot de rédactrice en chef chez Cora's Magazine me plait énormément. J'entends déjà les critiques de ma mère sur ce sujet. Merde, ma mère. Je compulse mon agenda à grande vitesse et je vois l'inévitable. Elle a organisé un brunch demain. Je dois y aller ce soir. Je passe la tête dans l'open space, mais je le vois concentré sur son travail. Je ne veux pas le déranger pendant que son génie est à l'œuvre. Il a une capacité de travail assez impressionnante et c'est pour ça que je l'ai pris dans mes locaux alors qu'il est le seul homme pratiquement. Je finis par me lever et lui faire signe de venir. Je le préviens du fait que nous devions décaler cette sortie et en bon gentleman, il répond qu'il n'y a pas de soucis.

Je n'ai absolument pas envie d'y aller. La Saint Valentin est dans trois semaines et notre numéro spécial n'est pas terminé. Pourtant, je sais que si je ne m'y rends pas, ma vie deviendra un véritable enfer. Quand je rentre chez moi, je prends quelques habits que je jette dans mon sac de voyage et je file sur la route. Avec qui va-t-elle essayer de me caser cette fois ? Avoir une fille de 33 ans qui n'est pas mariée, qui n'a pas d'enfant et qui n'a pas de petit copain, ça a de quoi la rendre folle. Ma petite sœur m'appelle à ce moment là.

— Tu es en route ? Je crois que je vais péter un câble.

— J'ai refusé d'aller boire un verre avec mon collègue pour ça. Alors ? Il s'appelle comment ?

— Pedro.

Je roule vers un piège rondement mené.

— Je veux son pedigree.

— Je ne suis pas sûre qu'on dise ça pour un humain, s'esclaffe ma sœur. Il est avocat et c'est le fils de Carmen.

Ben voyons. Ma sœur continue en listant une à une ses tares. Elle le connait apparemment, il était en étude avec elle.

— Donc Maman essaye de me caser avec un homme qui est suffisant et qui avait la réputation à la fac d'avoir une petite bite. Merci Maman. Je retiens.

Ma sœur n'en peut plus de rire et finalement un sourire me gagne. Je suis à deux heures de route et toutes les deux, nous pouvons bavasser durant longtemps, nos discussions du week-end le montrent suffisamment. Je sais qu'elle est un peu amoureuse de Lukas Littman, lui qui a une tête de gendre idéal. Cependant mon instinct et l'échec de toutes mes relations me l'ont prouvé, les gendres idéaux peuvent être de sacrés pervers. Il n'y a pas grand monde sur la route et j'arrive rapidement dans la demeure familiale. Ma petite sœur se trouve dans le jardin devant, son téléphone à la main et tremble de froid.

— Rentre, idiote ! Tu vas mourir de froid !

Elle pousse un cri et me saute au cou. Nous avons six ans d'écart mais j'ai parfois l'impression qu'elle est ma jumelle tant nous nous ressemblons.

— Je viens juste de sortir.

Je passe la maison familiale et je vois que toutes mes tantes sont là. Bien sûr. C'était l'évènement de l'année le brunch de demain, le moment que tout le monde chaque année, attend : celui où je tomberai potentiellement amoureuse du prétendant qu'on me présente. Je les embrasse toutes et je file voir mon père dans son atelier dans le fond du jardin. Il adore son métier d'ébéniste et il est doué à ça.

— Le fils de Carmen ? Tu crois pas qu'elle aurait pu trouver mieux ? Elle est désespérée ou quoi ? lancé-je en guise de bonjour.

— Tu sais que ta mère adore se mêler de votre vie. C'est son plus grand passe-temps. Il n'est pas méchant ce garçon. Accepte un rendez-vous avec lui, elle sera contente et elle te lâchera jusqu'à l'année prochaine.

WinnieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant