Le Guerrier

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Soudain, je sens plus que j'entends une agitation provenir des broussailles à notre droite. Des branches craquent. Accroupie, à jouer avec le bébé, je n'ai le temps que de tourner la tête vers le son que le buisson se fend en deux pour révéler un guerrier colossal de la taille d'un ours.

Par son apparence rustre et ses couleurs pourpres, le Rinock fait incontestablement parti de la tribu des Bazara.

Que fait-il si loin de son territoire ?

Je comprends que trop tard que c'est une attaque surprise alors qu'arme au poing, il pousse un cri guttural et que d'autres guerriers le rejoignent pour envahir la clairière.

Les jeunes Akilatal se mettent en position de combat et rugissent de colère. La reine Val'Bal soulève précipitamment son nouveau-né d'une main tandis que l'autre s'est refermée sur une large hache à forme cylindrique.

Elle ne semble pas quoi faire avant de m'apercevoir, plantée là sous son museau.

Une idée lui traverse l'esprit car elle me plaque Jio contre la poitrine.

— Cours, petit animal ! Va ! Protège-le !

Je lui réponds dans sa langue.

— Jusqu'à mon dernier souffle.

Val'Bal n'a pas le temps d'être étonnée, elle doit contre-attaquer de toutes ses forces alors que l'assaut est ordonné. Les armes s'entrechoquent avec une puissance qui fait trembler le sol sous mes pieds.

Tenant Jio contre moi, je me mets à courir en direction du camp.

Un cri de Val'Bal me fait retourner et je vois un guerrier Bazara réussir à la contourner pour se diriger vers moi à grandes enjambées. Son puissant rugissement de guerre me transperce. Mes petites jambes redoublent de force sous le coup de l'adrénaline. J'ai une vie entre mes mains à sauver et je suis le seul bouclier qui la sépare de la mort.

Je réalise que leur véritable objectif se trouve dans mes bras. Tuer le bébé chef pour anéantir le moral de la horde équivaut à porter malédiction sur la prochaine ère et casser la lignée de chefs.

Quelle stratégie de lâches !

Je m'arrête de courir dès que je sens de l'eau s'insinuer dans mes sandales. La rivière s'étend devant moi, ennemie et alliée à la fois. Comment vais-je faire ? Son courant d'eau est trop puissant pour que je prenne le risque de me faire emportée et de nous tuer tous les deux.

Que ferait Sāfran ?

Ce nom allume une lueur d'espoir dans mes yeux et je prends le jouet autour du cou de Jio, un petit cor, et le porte à ma bouche. Je souffle fortement dedans jusqu'à ratatiner mes poumons. L'instrument semble résonner au-delà de la cime des arbres.

La troupe de Sāfran compte parmi les plus proches. Ils entendront à coup sûr l'appel à l'aide.

En attendant qu'ils arrivent, je repère un matériel de pêche et dépose Jio dans ce qui me semble être un panier en paille tressée. Mes mains serrent les bords. C'est assez solide.

Encore un pas, et le Bazara se jette sur nous.

Vite, je pose le panier sur l'eau et le pousse violemment dans la direction de la rivière pour l'éloigner. Je manque de me faire écraser de justesse alors que le guerrier s'interrompt dans son élan.

Il ne fait plus attention à moi mais au bébé. Il saute dans l'eau avec une détermination à faire froid dans le dos.

Les pleurs de Jio m'assourdissent les tympans. Le sang bat dans mes veines tandis que j'étire une corde servant à pêcher tel un fouet et le déroule. D'un mouvement du poignet, la corde rate le guerrier d'un poil alors qu'il s'arrête pour l'éviter. Il a une crête épaisse qui rejoint la fourrure brune de son dos et des yeux verts de chat qui donnent un certain attrait à son visage. Mais ce sont des yeux de tueur qui se posent sur moi. Ses crocs se dévoilent dans un grognement menaçant et plein de colère.

échantillonsWhere stories live. Discover now