4.0 : Rencontre

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La pièce où on l'avait amené ressemblait à un salon. Le garde l'avait poussé, puis avait fermé les doubles portes et s'était immobilisé devant, les bras croisés.

Niall ne savait pas ce qu'il faisait là.

Il prit le temps d'examiner les poutres sombres qui courraient le long du plafond, la table en bois mal dégrossi et le meuble recouvert d'un fouillis en tout genre. Derrière lui, une petite banquette de velours bleu sombre, des tapis épais. C'est un coin très confortable et accueillant. Un seul bougie chétive éclairait l'endroit d'une lumière tremblotante.

Il fit le tour de la pièce des yeux, pour constater que ce n'était pas très grand, cela ressemblait plus à une antichambre, qu'à une salle où amener un prisonnier. Il aurait d'ailleurs parié que derrière la porte du fond se trouvait une chambre ou un bureau.

Il regarda ses mains attachées, ses vêtements sales et ses égratignures.
Il ne ressemblait plus à un roi.

— Qu'est-ce que je fais là ? demanda-t-il au garde qui resta silencieux.

Il allait insister quand la porte du fond s'ouvrit brusquement, pour laisser passer une femme à peine moins grande que lui, enveloppée dans une lourde robe de chambre de velours grenat. Le vêtement battit ses chevilles quand elle s'immobilisa devant lui.

Niall plissa les yeux et attendit.
Il observa à loisir son teint pâle, ses iris bleu dragée saisissants et sa chevelure presque platine tressée, où il aurait juré voir des reflets bleutés malgré le peu de luminosité de la pièce.

Il cacha son étonnement derrière un masque d'impassibilité.
Il ne s'attendait certes pas à avoir affaire à une femme. Malgré ses yeux cernés, il ne s'y méprit pas : il avait en face de lui la personne qui tenait sa vie entre les mains.

Elle n'avait même pas encore ouvert la bouche qu'elle dégageait déjà une autorité incontestable... même en robe de chambre.

— Qui êtes-vous ?

Niall haussa un sourcil devant son ton sans réplique.

— C'est plutôt à moi de vous poser cette question, opposa-t-il froidement. J'ai été kidnappé, ainsi que deux de mes amis, dont l'un est grièvement blessé. J'ai été battu, affamé...

Il savait qu'il en rajoutait un peu, mais c'était plus fort que lui, la colère qui restait tapie au fond ne demandait qu'à exploser.
Il se pencha vers elle d'un air menaçant.

— Vous n'aviez aucun droit de nous capturer !

Le garde avança d'un pas, mais la femme, qui n'avait pas bougé d'un pouce, leva la main pour l'arrêter, sans même le regarder.

— J'ai le droit de faire capturer tous les hommes qui pénètrent sur mes terres !

Niall jura et recula.

— Ces terres ne vous appartenaient pas ! asséna-t-il, outré.
— Elles ne vous appartiennent pas non plus, fit-elle remarquer avec calme. Vous n'êtes pas roi des terres de l'Est... car vous n'êtes plus roi du tout.

Niall resta coi, figé de surprise.
Il plissa les yeux et étudia la jeune femme qui se tenait devant lui. Il l'avait peut-être sous-estimée.
Elle se tourna alors vers le garde.

— Dehors.

L'homme fronça les sourcils.

Ayava...
— Dehors !

Le garde se crispa mais finit par incliner la tête et sortir de la pièce.
Niall devait lui reconnaître un certain talent pour se faire obéir.

Si cette femme était la personne la plus influente de cette île, il devait trouver un moyen pour avoir l'ascendant sur elle.

Du bruit, dans la pièce d'à-côté lui fit regarder par dessus l'épaule gainée de velours. Il entraperçut une femme replète qui allait et venait. En jetant un coup d'œil plus approfondi, il découvrit le bout d'un lit à baldaquin.

Il regarda à nouveau l'inconnue.
Elle le recevait dans un boudoir attenant à sa chambre ? En pleine nuit... comme si elle sortait de son lit. Il se trémoussa, mal à l'aise.

Il commençait à se demander ce qu'il faisait là, parce qu'il était clair que cette femme n'attendait pas de visite à cette heure-ci.

— Freyja, viens allumer des bougies.

Aussitôt, la petite femme arriva dans le boudoir pour installer des bougies aux quatre coins de la pièce.
Niall pivota brusquement.
Derrière lui, dans l'angle, une ombre avait retenu son attention.
Il avait fait trop sombre pour qu'il ait aperçu la silhouette qui se tenait immobile, parfaitement dissimulé dans l'obscurité.

La seule bougie qui était posée sur la table à son arrivée n'éclairait pas suffisamment pour qu'il ait pu avoir conscience de sa présence.
Il reconnut alors l'homme qui l'avait interpelé sur la plage, celui à la cicatrice.
La femme fit comme si elle ne l'avait pas vu, ou du moins, comme si la situation était normal.
Mais pour Niall, rien dans cette situation n'était normal.

Méfiant, il se tourna pour ne pas garder l'homme dans son dos. La vieille dame était partie, ils étaient à présent seuls tous les trois.
Que pouvaient-ils bien lui vouloir ?

— Il ne vous fera rien, annonça la femme en lui servant à boire.

Niall haussa un sourcil.

— C'est évident, marmonna-t-il sans quitter le guerrier des yeux.

Son attention fut détournée quand elle poussa la coupe vers lui. Il regarda la boisson sans faire un geste.

La femme soupira, attrapa la coupe et bu une gorgée avant de la reposer sur la table.
Il saliva rien qu'à l'idée de boire.

D'un geste prudent, ses doigts enserrèrent la coupe et la porta à sa bouche. Les arômes légèrement alcoolisées et très sucrées lui arrachèrent à grognement de contentement. Même l'acidité qui picota sa langue fut la bienvenue.

Il vida la coupe d'un trait sous l'œil amusé de la femme.
Niall reposa le gobelet, fixa son regard sur l'homme, puis revint vers la femme.

— Pourquoi suis-je ici ?

La femme soupira et jeta un coup d'œil ennuyé vers le type à la cicatrice.

— On va dire que c'est un concours de circonstance...

Niall haussa un sourcil.

— Un concours de circonstance... ?
Elle avait vraiment un humour qui laissait à désirer.
Il décida de prendre les rênes en main.

— Pourquoi m'avez-vous amener ici ?!

Il ne lui laissait pas le choix de répondre.

Le Roi en Exil, tome 2 : Niall [EN PAUSE]Where stories live. Discover now