Chapitre 3

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Il ne répond pas, il se contente d'observer mon visage, centimètre par centimètre. Je ne comprends pas et je commence un peu à m'inquieter, ici, seule dans le cimetière face à lui, que je ne connais pas, il peut se passer n'importe quoi.

Je n'ai plus qu'une seule envie : rentrer chez moi, surtout que ma cheville me fais atrocement mal. Maintenant que l'adrénaline s'est envolée, la douleur se fais sentir. J'ai vraiment dû bien m'amocher pour que ça brûle comme ça. Je ne sais pas si je vais pouvoir rentrer chez moi sans tomber…

-Ecoute je ne pense pas que tu sois en état de marcher alors... Commence-t-il comme s'il suivait le fil de mes pensées.

Et là, soudain je me prends un violent coup dans l'arrière du crâne. Quelque chose de lourd. De très lourd même. La douleur arrive une seconde après et je tombe à genoux par terre.

-… je t'assome pour que tu ne te souvienes de rien, finit-il en se penchant légèrement sur moi.

J'ai mal, trop mal. Je veux que ça s'arrête. Je gémis de souffrance et mon corps s'affale lourdement, tête la première, sur le sol enneigé. J'ai la tête qui tourne je vais m'évanouir... Oui, je vais dormir. Ce sera mieux. Mon souffle diminue peu à peu, la douleur me vrille les tempes de plus en plus. Mes cheveux se sont collé à mes yeux humides de larmes et à mes lèvres en sueur. Je perds le fil de mes pensées, comme si elles disparaissaient. Puis plus rien.

~~~

Je suis extirpée de mon sommeil sans rêve par des bruits de vaisselle. Sans doute tata, qui prépare son petit déjeuner. Je baille a m'en décrocher la mâchoire en me relevant difficilement, mais je me fige dans mon geste quand une douleur sourde m'emplit la boîte crânienne. Je me prends la tête à deux mains, c'est bien pire qu'une migraine.

Je repousse les couvertures de mes genoux. C'est alors que je découvre que je suis habillée. Je ne dors jamais habillée. Mais que s'est-il passé hier soir ? Je regardais le ciel et je suis partie me balader je crois. Et après ?

Rien, du noir!

Je commence me lever et je reste ébahie quelques secondes avant de me rendre à l'évidence : c'est bien du sang sur ma couverture ! Je regarde, stupéfaite, ma main poisseuse de sang. Mon sang. Ou pas ? Je deviens peut-être somnanbule. Cette pensée suffit à me faire stresser.

Je me dirige le plus silencieusement possible jusqu'à la salle de bains. Il ne faut absolument pas que tonton ou tata me voit avec du sang sur moi. Il faudrait alors que je leur explique pourquoi, alors que je n'en ai aucune idée. Quand je croise mon reflet dans le miroir, après avoir fermé la porte à clefs, je ne me reconnais pas. Mon visage est taché de sang séché, de croûtes et de boue, mes cheveux en bataille ont connus de meilleurs jours surtout qu'ils sont poisseux et teintés de rouge. Je me déshabille lentement pour aller me laver à la douche. Je découvre que ma cheville est bleuâtre, un gros bleu s'y est formé. Je peux marcher donc j'ai simplement dû me la fouler.. Mais je me souviens. Je me suis pris les pieds dans quelque chose de dur… dans le cimetière. C'est drôle, je n'ai pas le souvenir d'y avoir été.

Je me glisse sous le jet d'eau brûlant en tâchant de bien enlever tout le sang. En sortant de la douche je me sens vraiment mieux. J'enfille un jean foncé et un pull blanc. Je vais ensuite mettre mes affaires sales de la veille sous mon lit. Effectivement, pour une cachette c'est assez kitsh mais je n'ai pas d'autre d'idée, ce matin.

Je part avaler un Dollipranne dans la cuisine pour faire passer mon mal de crâne lancinant. Au passage je prends un bol - le mauve, mon préféré - que je remplis au maximum de céréales puis je m'assois à la table du salon en tâtonnant mon cuir chevelu à la recherche de la blessure. Bon en tout cas pas besoin de recoudre : c'est moins profond et grand que je ne le pensais. En plus ça ne se voit pas sous mes longs cheveux. Ils m'arrivent au niveau des omoplates, légèrement ondulés. Tata dit que j'ai les mêmes que ma mère. On n'a pas de photos d'elle ni de papa.

Ma tatie s'approche de moi. Ses courts cheveux châtains sont impeccablement coiffés et ses yeux bleu ciel pétillent de malice. Elle est un peu comme ma deuxième maman, celle que je n'ai pas connue. C'était sa soeur.

Elle s'assoit face à moi et glisse un petit paquet jusqu'à mon bol. Je la fusille du regard. Elle sais que je n'aime pas fêter mon anniversaire. Mais chaque année j'ai un petit quelque chose. Je le prends, il est tout blanc. Le secouant un peu, j'entends du bruit.

-Un bijoux?

Elle me sourit malicieusement. J'ouvre et je trouve effectivement un bijoux. Mais pas n'importe lequel. C'est une magnifique bague argentée avec de magnifiques arabesques sur tout le pourtour de l'anneau. Il est sublime !

-Il appartenait à ta mère, Elena.

Ça c'est une surprise.

-Mais pourquoi je ne l'ai jamais vue, cette bague, alors? 

Elle pince brievement les lèvres puis répond :

-Elle ne voulait pas te l'offrir avant ton seixième anniversaire…

-Mais pourquoi ? 

Elle soupire.

-Je ne sais pas mon ange, je ne sais pas..

Je tourne la bague entre mes doigts, comme si elle pouvait me révéler tous les secrets du monde. Et quand je l'enfile autour de mon index, les souvenirs de la veille remontent à la surface en un gros bloc compact d'images. Moi, adossée à la porte, le gars qui s'accroupit devant moi avant de plonger ses prunelles dans les miennes, moi qui s'agenouille devant une tombe, puis qui court tel le lapin poursuivi par un chien de chasseur, et enfin l'homme-lampadaire-défectueux qui dit qu'il veut m'assommer. Mais comment a t-il fait, il était devant moi, pas derrière ! Et comment je suis rentrée chez moi, il m'aurait ramenée après m'avoir assommée ? Gentil mais non : ça ne tient pas debout cette histoire.  C'est impossible. J'ai dû rêver et je confonds la réalité à mes cauchemars. Pourtant quelque chose me dit que je n'invente rien, et j'ai envie de croire cette petite voix.

ExtrêmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant