Partie 11 - « L'Amour des maux. »

Start from the beginning
                                    

Il se recule, horrifié par ce que je venais de lui sortir. Il se retourne. Sa respiration détone dans l'air. Il m'offre son dos en témoin. Il passe sa main dans ses cheveux d'un geste nerveux. Il tremble. Je redeviens la cible de ses yeux vairons.

- Tu sais pourquoi je t'ai embrassé ? me demande-t-il calmement.

Le silence accentue la gravité de la suite de ses propos. Il compte m'achever. Je le sais.

- Le jour où t'avais appris que c'était Mam's le responsable de l'handicap de Riad, t'es venue me voir. - il s'approche de moi - Tu te rappelles ? - en me passant sa main doucement derrière ma nuque - Tu m'as embrassé. Je pensais que c'était juste parce que tu voulais oublier. Mais c'est pas vrai. C'était un délire que j'voulais croire et c'est ce que t'as voulu te faire croire... T'avais déjà des sentiments pour moi Rehana. Tu pouvais aller voir n'importe qui cette nuit-là mais t'es venue à moi. Je t'ai embrassé pour que tu te rappelles. C'est moi que tu veux. Si je dois le refaire encore et encore pour que tu comprennes que t'es entrain de merder avec ce mec, je le ferais. Si je dois le refaire pour que t'ouvr...

- T'as pas le droit Junayd ! T'as pas le droit !

Je le frappe. Cette fois-ci c'est une pluie de coup que je lui assène. Il a pas le droit de ressasser ce souvenir. Il a pas le droit de me porter des pensées qui ne sont pas les miennes. Il a aucun droit.

Mes sanglots s'accentuaient au fur et à mesure que mes coups s'abattaient sur son torse. Il ne réagit pas. Je le pousse loin de moi.

- Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi ! Retournes d'où tu viens et laisse-moi vivre parce que t'es entrain de me tuer... t'es entrain de tout me prendre... peinais-je à lui dire avant de prendre la porte.

En lui disant cela, j'ai eu la sensation que quelque chose se déchirait en moi. C'était comme une partie de moi que j'étais volontairement entrain de m'arracher. Mon estomac s'est serré. Ma respiration s'est bloqué. La souffrance m'est montée comme un haut le cœur. Elle a pris l'apparence de la mer dans mes yeux. Je me sentais m'engouffrer dans un puit sans fin. L'affliction venait de me tomber sur la tête.

C'est l'une des pires sensations que j'ai eu à ressentir dans ma vie.

***

Dans les tranchées qui mène à l'Amour, il y a parfois des dommages collatéraux. Des innocents qui trinquent aveuglément avec un verre d'ammoniaque. Au profit de l'apaisement de Rehana, il était prêt à laisser la faucheuse s'enorgueillir du bonheur d'un autre. Pour elle.

En revenant, il savait qu'il allait suer pour la récupérer et surtout user de méthode très peu éthique. Et aujourd'hui, sous le toit de sa mère, il a dépassé les limites du raisonnable. Il en prend conscience. En lui résumant ce qu'il a fait pendant tout ce temps. En lui donnant les raisons de son départ. En lui exprimant ses sentiments. En l'embrassant. Il aurait peut-être dû éviter ce dernier acte. Mais, c'était une manière pour lui de l'empêcher de dire une connerie qui risquerait de l'induire en erreur. Et surtout, prouver à celle qu'il aime, qu'il n'est pas fou.

Malheureusement.

Le plan a échoué.

Il aurait aimé courir après elle pour s'excuser. Ses membres sont ankylosés parce qu'il ne regrette pas. Comment peut-on s'excuser d'une chose qu'on ne regrette pas ? Il n'arrive pas à saisir ce concept. Il n'arrive pas aller au-delà de ses croyances malgré que cela puisse conforter la femme qui fait battre son cœur.

Peut-être qu'il regrette une seule chose. S'être rapproché de celui qu'il appelle le remède aux maux de Reha. Ce fameux dommage collatéral : Djibril.

Kilo-drames TOME II Where stories live. Discover now