- Pour ce travail, vous êtes non seulement en groupe, mais je veux que vous construisiez une véritable cohésion au sein du duo. Pour cela, vous devez obligatoirement participer à une séance hebdomadaire d'une heure à la bibliothèque bien enten-

         Les protestations des étudiants s'élèvent vivement et il les fait cesser aussi vite d'une menace simple et claire : soit ils ferment leurs clapets soit le travail de groupe est multiplié par deux. La bande de joyeux lurons, frappés par la peur de devoir réellement fournir un quelconque travail se tait instantanément.

- Je disais donc que vu le profil de la classe, je suis dans l'obligation de noter la présence de chacun. De même, votre travail hebdomadaire, aussi court soit-il, doit être déposé sur une plateforme. Je veux pouvoir étudier la participation de chacun et sa pertinence. Vous êtes en dernière année, il n'est pas question que vous passiez un semestre à vous tourner les pouces joyeusement au fond de la classe.

         J'en viens à la conclusion que ma stratégie habituelle ne fonctionnera pas et que je devrais avoir de vrais contacts avec quelqu'un d'autre que Bella. Personne ne peut faire semblant de bosser et je n'ai étrangement aucune confiance en mon binôme.

           Des requêtes affluent de toutes parts et c'est un brouhaha assourdissant qui naît. Ma tête me fait de plus en plus mal et je sens la nausée m'envahir. Heureusement, le professeur calme les adolescents en fureur.

- Je comprends parfaitement vos inquiétudes. Oui, si de grosses tensions voir conflits apparaissent, il vous sera possible d'intégrer un autre groupe. Néanmoins, ne vous réjouissez pas trop vite. Intégrer un nouveau groupe ne vous octroi aucun passe-droit et la dose de travail sera adaptée au nombre de personnes dans votre groupe. Les modalités sont les mêmes pour chacun et les brimades, gamineries seront sévèrement punies.

          Plus le temps passe et plus mon cerveau intègre que je n'ai aucune échappatoire. Même si je venais à me lier d'amitié avec un quelconque camarade de classe, je ne pourrais de toute manière pas me mettre avec lui ou elle. Mr. Schroeder termine rapidement son discours, d'une voix déterminée, il doit être aussi épuisé que moi par toutes ces jérémiades puériles.

- Il reste un peu de temps avant la fin de mon cours, je veux que vous vous mettiez avec votre binôme. D'ici la sonnerie, vous devez avoir rempli une fiche répertoriant vos points communs et les choses avec lesquelles vous pensez avoir des difficultés au cours du semestre. Il n'est pas question d'aborder des sujets potentiellement personnels, mais de commencer à créer un esprit de groupe. Bonne chance.

          Les chaises raclent le sol dans un synchronisation impressionnante et la foule s'agite dans un tumulte grandissant, mais je ne bouge pas. Mes pieds semblent ancrés au sol et mon cœur bat la chamade. Ma nervosité s'accroît lorsque je comprends que le mouvement soudain à ma gauche n'est pas dû à la cureuse de nez, mais bien à mon binôme qui prend place pour « faire ma connaissance ».

- Salut.

           Sa voix rauque me provoque un frisson tout le long de la colonne vertébrale et mes mains se mettent subitement à trembler. Je les cache avec hâte sous mes cuisses pour m'éviter une humiliation et, mon courage faisant précipitamment son entrée, je relève la tête pour fixer mes prunelles dans celles de mon vis-à-vis. Ses yeux bruns me scrutent et je ne peux me retenir de faire de même. De fait, durant quelques minutes nous ne nous adressons pas un seul mot, mais étudions chaque détail du visage de chacun. Sa voix chaude résonne tranquillement pour se présenter.

- Aiden, tu peux m'appeler Baker si tu veux, m'informe-t-il d'une voix blasée.

          Comme son frère, il me tend sa main, comme un rite familial pour faire connaissance, j'imagine. Cependant, alors que la poigne de son frère était douce et chaleureuse, la sienne est concise et ferme. Il ne tient pas à s'attarder. Je crois que je l'ennuie. Pour cacher l'embarras que je ressens jusqu'au plus profond de mon être, je me présente à mon tour.

- Sum- Summer, je suis Summer et tu peux m'appeler... euh appelle moi Summer.

        Je me racle la gorge promptement dans l'espoir de faire revenir ma dignité. L'inconfort que j'essayais de cacher revient au galop lorsque je me rends compte que je ne côtoie pas assez de personnes pour qu'on m'ai collé un surnom. Bella m'appelle régulièrement poupée, mais j'ai quelques doutes quant au caractère approprié de ce surnom. Son frère m'a mystérieusement appelé Clumsy il y a quelques jours, mais un pressentiment m'indique qu'il est préférable que je garde cette information pour moi, tout du moins pour le moment. Par peur de me ridiculiser une seconde fois en moins de dix minutes, je ne prononce pas un mot de plus et ma bouche asséchée se clos indéfiniment.

- Okay, cool. Sans vouloir te vexer, j'ai pas le temps pour ça. J'm'en fiche, mais alors au plus haut point d'avoir mon semestre. Par gentillesse, je vais faire le minimum syndical, mais en attend pas plus de moi. On finit au plus vite le dossier et on s'adresse plus jamais la parole, d'accord ?

         Son ton expéditif me donne l'impression que je ne dois rien ajouter au risque de le faire exploser. Ayant en horreur les conflits ou autres tensions, je ne fais que secouer la tête comme signe d'approbation. Il semble déboussolé par mon calme et fronce légèrement les sourcils. Il reprend vite un visage de marbre et sort un stylo pour remplir la feuille qui nous a été distribuer il y a peu par Mr. Schroeder.

         Il glisse doucement la fiche entre nous deux, j'y vois annoté au crayon de bois nos deux noms, notre classe et note sujet. Le sujet me paraît intéressant, mais j'ai peur qu'il soit trop complexe pour qu'on puisse s'accorder à deux dessus.

- « les rapports de forces entre les puissances mondiales et le rôle des pays émergent dans la scène géopolitique mondiale depuis 1990 », on doit taffer rapidement dessus si on veut avoir fini avant la fin du semestre.

          Je lève les yeux au ciel suite à sa phrase, comme si je ne savais pas qu'un sujet aussi alambiqué allait nous prendre un siècle à rédiger. Ma malchance traçant sa route, je remarque qu'il a capté mon roulement d'yeux et ça ne lui a visiblement pas beaucoup plu puisqu'il serre sa mâchoire avec force.

           La sonnerie me libère de cet enfer de malaise et j'ai à peine le temps de fermer ma trousse qu'il se lève déjà du siège pour se précipiter vers la porte, laissant la feuille sur mon cahier rempli de gribouillis. Je remarque que quelques phrases ont été notées furtivement, pour prouver que nous avons au moins un peu travailler et en bas de la page, je peux discerner un numéro de téléphone griffonné au crayon gris. Des mots l'accompagne, semblant former une ébauche de phrase.

« 18h bibliothèque, soit à l'heure ».

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