Chapitre 1 : Mary

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Je m'appelle Mary et je viens tout juste d'avoir dix-huit ans.

Il y a onze ans, mes parents sont décédés dans un accident de voiture, j'avais à peine sept ans. Parfois, j'arrive à me souvenir du visage de mon père et du sourire de ma mère, puis soudain, je reçois comme un électrochoc dans mon cœur, me rappelant que je ne pourrais plus jamais les revoir. Cette douleur-là, c'est comme un poids à soulever. J'ai peur qu'un jour, je ne puisse plus me souvenir d'eux, qu'un jour, ils disparaissent de ma mémoire, telle des fantômes.

Je me souviens très vaguement du jour de leurs morts, c'était leur mariage, ils se sont mariés. Je me rappelle de mon père, il s'était fait tout beau pour l'occasion, avec son costard et sa cravate. Quant à mère, elle avait mis une jolie robe en dentelle fleuri, prête à dire oui à l'homme de sa vie. Ils aimaient la simplicité et la douceur, ils étaient la simplicité et la douceur.

Ils se sont promis de rester fidèle, dans le bonheur et dans les épreuves, dans la santé comme dans la maladie, et de s'aimer tous les jours de leur vie. A ce moment-là, personne ne savait, même pas eux, qu'ils ne connaîtront pas cet joie infini de vivre mariés. Je crois qu'ils étaient heureux, on m'a souvent répétée que leur mariage avait été le plus beau qu'il n'est jamais vu, qu'ils avaient fait de leur mariage quelque chose de magique, parce qu'ils étaient ce genre de personnes là, qui rendaient les choses simples de la vie des choses uniques. Mains dans la mains, ils sont montés dans cette voiture datant des années 80, ne sachant pas que leurs destins étaient déjà terminé.

Je me dis souvent que j'aurais dû être avec eux, mais ça n'a pas été le cas. Ils sont morts tous les deux, sans doute en même temps, tout ça à cause d'un putain d'accident de voiture, tout ça à cause d'une vieille voiture. C'étaient les deux personnes sur cette terre qui avait une raison de vivre et des milliers de ne pas mourir. Je n'ai pas eu le temps de les remercier, pour tout ce qu'ils m'avaient appris, pour l'amour qu'ils m'avaient donné. Comment peut-on faire cela à une famille entière ? Peut-on se remettre de la mort de ses deux parents ? Je ne crois pas, sans doute jamais d'ailleurs... La réelle question, c'est peut-on vivre sans ses parents ? Tous les jours, mes parents me manquent. Je pense à eux tout le temps, à la souffrance qu'ils ont dû ressentir, à la mort qu'ils ont vue et vécus et puis parfois, j'aimerais savoir si c'est vraiment vrai, qu'ils sont là-haut à me surveiller. Ma mère me répétait souvent que les personnes auxquelles on tenait le plus veiller sur nous, jours et nuits. Même si on ne pouvait pas les voir réellement, ils étaient là dans nos cœurs et que cela pouvait arriver qu'on les retrouve à travers des mimiques, des visages, des sourires... Moi ça ne met encore jamais arriver, alors c'est que ça doit être faux.

Après leurs morts, j'ai été amené de foyer en foyer puis les Enders sont arrivés et j'ai été mise dans leur famille. Ce sont des personnes avec beaucoup de cœur, grâce à eux, j'ai pu être élevé dans de bonnes conditions et je ne pourrais jamais les remercier pour tout ce qu'ils ont fait pour moi.

Aujourd'hui, je pars seule, sans personne. Je crois que ça va me faire bizarre, mais j'espère m'y habituer. J'ai décidé de partir à Paris, le capital de la France plus précisément, je vais étudier à la Sorbonne, je sais que c'est une grande école qui demande beaucoup de travail et de rigoureux, et j'espère en être capable. Je pense que je pars aussi loin parce que je veux me retrouver ou me chercher, voire de quoi je suis capable même si je ne suis pas sûr d'être capable de quelque chose. Demain, je serai à Paris et je pourrais voir ce que je vais faire de ma vie, me construire ou me reconstruire telle est la question.

*

Je commence à me préparer, Charlotte me regarde les larmes aux yeux. Je m'approche d'elle et la prends dans mes bras.
- J'espère que tu seras heureuse, me dit-elle.
- Oui, je l'espère aussi, dis-je bouleversée.
- Tu feras attention à toi, hein ?
- Oui, promis. Vous aussi ?
- Oui, dit-elle sur le point de se remettre à pleurer.
- Je crois que sans vous, je n'aurais pas réussi.
- Nous non plus, dit-elle une larme perlant sur sa joue. On t'aime, tu le sais ? Et si tu as besoin de quoi que ce soit, on sera toujours là.
- Je sais, merci. Moi aussi, je vous aime, plus que tout, dis-je émue.
Nous nous embrassons encore une dernière fois puis je prends mes valises et me dirige vers la porte d'entrée. Je regarde une dernière fois cette maison si familière qui je ne l'aurai cru allait me manquer autant. Soudain, Mathieu arrive et m'entoure de ses bras. Je l'embrasse sur le front et lui dit :
- Tu feras attention à toi?
- Oui promis, sœurette.
Mes larmes se mettent à couler, c'est la première fois qu'il m'appelle comme ça. Je le serre fort dans mes bras, ce petit garçon qui deviendra un jour un homme, j'ai une pointe au cœur en pensant que je ne le verrai pas grandir, mais je sais que je n'ai plus ma place ici. Je leur dis un dernier adieu, ne sachant pas si je les reverrai un jour, mais je sais une chose, c'est qu'ils m'ont sauvée.
Il fait nuit quand je pars de chez moi, c'est bon de sentir la fraîcheur de la nuit sur sa peau. Mon cerveau essaye de se remettre de toutes ses émotions. Je me dirige vers mon arrêt de bus, l'horloge indique 23 h. Soudain, mon bus arrive m'aveuglant les yeux avec ses fards. Je prends une longue respiration, pendant un bref instant, j'hésite à rester mais je finis par monter à l'intérieur, je prends une place puis mets mon casque et démarre la musique. J'aurais pu choisir la filière musicale, j'adore ça, mais j'ai décidé de faire la littérature, pour moi l'écriture et la lecture sont les choses les plus importantes. Quand je lis, je suis transportée dans un autre monde, c'est magique et quand j'écris, c'est un peu près pareil. Les mots viennent tout seules comme s'ils avaient été préparés à l'avance, comme s'ils avaient été créer pour que je les écrive, j'aime tellement la sensation que ça me procure, cette sensation d'être dans une bulle que personne ne peut toucher, qui restera toujours intacte. Je sens mon cœur se serrer à l'idée d'être à Paris, je crois que j'ai peur...

*

- Tuuut.

Un peu comme un rêveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant