Le Cristal Pur ~ Tome 1 ~ TERMINÉ

Chapitre 38 : La cité blanche (partie 2)

Erine sent l'excitation d'une telle excursion chatouiller son estomac, même si l'appréhension de flotter dans les airs à dos d'oiseau se fait, elle aussi, ressentir. L'une des animaux abaisse sa tête, lui faisant comprendre qu'elle peut s'approcher. Elle lui caresse longuement le crâne. Deux d'entre eux portent une double selle.

— Combien cette aventure va-t-elle nous couter ? demanda Sehan toujours très pragmatique.

— Ce que vous voudrez bien nous donner, répond le dresseur. Nous n'organisons pas ces promenades dans un but lucratif. Tous les fonds récoltés vont à la protection et au soin des animaux. De plus, nous ne les forçons jamais à vous prendre sur leur dos. Vous l'avez probablement noté, ce sont des bêtes qui aiment la compagnie et la proximité, ils sont rarement réticents.

D'un signe de la main, il ordonne au trois volatiles de se coucher. L'un d'eux roule carrément sur son dos, gêné par la selle, mais leur faisant comprendre qu'il attend des caresses.

— Non, non, fait alors son soigneur, lui indiquant de se remettre dans le bon sens.

L'animal grogne mais obéit.

— Je vous laisse vous répartir sur leur dos, leur annonce l'homme, ce sont trois femelles, habituées de ce type de sorties, vous ne craignez rien avec elles. Faites connaissance quelques minutes, pendant ce temps je vais chercher le reste de l'équipement.

Erine contemple tour à tour chaque animal. Les trois dames devant eux sont si paisibles, attendant sagement qu'on vienne à leur rencontre. Miolaine s'installe sur l'une des deux selles de la plus grosse Colortit. Aussitôt que la jeune femme est assie, l'oiseau se releve et déploie ses larges ailes. Miolaine lâche un cri de surprise :

— Non ! Attends, attends ! prie-t-elle l'animal.

Aven, mort de rire, se hisse derrière elle et empoigne les serres qui permettront de guider le Colortit pendant son vol.

À son tour, Erine prend place. Son oiseau reste couché sur le sol. Elle en profite pour le caresser et l'apprivoiser. La bête est si douce qu'Erine allonge son corps jusqu'à poser sa joue sur le haut de son crâne. Elle enroule ses bras autour de son cou et lui caresse longuement le menton. Sourire aux lèvres, ayant comme l'impression d'être couchée sur du coton, Erine se délecte de la douceur qui émane de l'animal, jusqu'à ronronner en chœur avec lui. Elle sent Loan se positionner derrière elle, mais n'interrompt pas sa communion avec la Colortit.

Lorsque le dresseur revient, il les sangle à leurs selles de façon qu'ils ne puissent pas glisser durant le vol. Puis, d'un claquement de doigts, il indique à ses oiseaux de se relever. Erine sent ses pieds se détacher du sol. Elle n'a pas encore décollé, que la peur engourdir ses membres et emballe son cœur. Derrière elle, elle entend Loan glousser d'excitation et imagine le large sourire qui doit fendre son visage.

— Bien, avant le départ, laissez-moi vous donner quelques recommandations : premièrement, éviter de trop tirer sur les serres. Vos oiseaux connaissent leur parcours et vous montreront ce qu'ils jugent pertinents. Soyez doux avec eux et ne leur tirez pas les plumes.

Erine se sent visée par cet avertissement et elle relâche la pression que ses mains moites exercent sur le pelage de l'oiseau.

— Deuxièmement, vous allez survoler les champs de fruits, n'hésitez pas à vous y arrêter. Les cultivateurs seront ravis de partager un moment avec vous. Bon vol !

Et d'un signe du bras, il indique le départ aux oiseaux. D'un même mouvement, les trois Colortit déploient leurs ailes et s'élancent dans les airs. Erine agrippe les sangles de toutes ses forces et ferme les yeux. Elle sent rapidement les brises de vents lui caresser les joues et entend tous ses amis s'exclamer et crier de joie.

— Ouvres les yeux, Erine ! lui hurle Miolaine. C'est magnifique !

— Ouvres les yeux, Erine ! répète Loan dans son oreille.

Les mains du jeune homme empoignent les siennes afin de lui faire lâcher les sangles. Leur oiseau ralentit et se met en vol stationnaire. Malgré les soubresauts de son estomac, le contact avec la peau de Loan, ses mains agrippées dans les siennes quoi qu'il arrive, donne à Erine le courage d'ouvrir les yeux pour découvrir un paysage sublime. Des champs de fruits colorés à perte de vue. Elle reste sans voix. Plus loin devant eux, Sehan, seul sur sa Colortit, exécute des figures acrobatiques dans les airs. Il part en piqué au fond d'un canyon blanc et remonte jusqu'au ciel en à peine quelques secondes. Miolaine et Aven volent plus sagement non loin. Avant d'arriver aux champs de fruits, les oiseaux les baladent entre les creux des falaises où Erine découvre un certain nombre de nids. Elle s'attendrit devant les oisillons colorés qui piaillent. Frôlant l'un des cocon, Erine tend une main vers eux, leurs minuscules plumes paraissent si douces. Mais sa monture ne lui laisse pas le loisir de toucher les petits et s'éloigne du bord.

Au bout d'un certain temps, les trois volatiles se posent à l'entrée d'une plantation. Des agriculteurs viennent immédiatement à la rencontre des visiteurs auxquels ils remettent un panier entier de fruits juteux.

C'est les jambes toutes flageolantes qu'Erine descend de son oiseau pour fouler à nouveau la terre ferme. Elle enlace ses deux bras autour de celui de Loan qui l'entraîne sans plus attendre au milieu des hautes tiges aux milles couleurs. Les senteurs sucrées lui montent vite aux narines, à la tête même et elle s'en enivre jusqu'à ricaner et s'émerveiller pour un rien. Elle entend les pas de ses amis qui marchent sur leurs traces, mais tout ce qui lui importe désormais, c'est de trouver le fruit le plus gros, juteux et sucré à dévorer. Toujours collée à Loan, elle le regarde en décrocher un d'une branche sur le point de céder :

— Tiens, goute !

Il porte le fruit devant sa bouche et elle mord dedans sans retenue. Immédiatement, la douce pulpe explose dans sa bouche et le jus se répand autour de ses lèvres et coule le long de son menton. Erine jure en portant une main sous sa bouche. Loan, mort de rire, retire le fruit avant qu'elle ne s'étouffe.

— Est bon, mais est pas patique ... bredouille Erine la bouche pleine.

Elle se lèche les commissures pour apprécier davantage le goût fruité qui a imprégné ses lèvres. Du coin de l'œil, Erine aperçoit Loan lever la main et dans la seconde, son pouce essuie une trace au coin de sa bouche. La langue d'Erine s'arrête net dans sa course. Ce contact inédit, étrange provoque en elle un frisson et son cœur râte un battement. Les pupilles noires de Loan croisent les siennes et elle y lit qu'il est tout autant qu'elle surprit par son geste. Précipitamment et soudain l'air de rien, il porte son pouce à sa bouche et se lèches les doigts, tout sourire :

— T'as raison, c'est délicieux.

Et à son tour, il croque dans la boule colorée, tandis qu'Erine, toujours interdite, le dévisage, les joues en feu et le contact de cette caresse imprimée sur sa joue.

Après une balade dans les plantations, le soleil déclinant indique qu'il est temps de regagner le vaisseau. Erine s'arrache à regret à la douceur de sa Colortit après l'avoir ramené à la ferme. Sehan n'hésite pas à la tirer par la manche pour la détacher de l'animal pendant qu'Aven se voit contraint de faire de même avec Miolaine. Le redescente jusqu'au hangar se fait lentement tant Erine et ses amis sont davantage concentrés sur la vue et le soleil inondant l'horizon d'orange, que sur leurs pas. En entrant dans le vaisseau, Erine frissonne, la température intérieure est glaciale, très éloignée de celle à l'extérieur à laquelle elle a fini par s'habituer.

La jeune femme va s'installer dans un canapé de la cabine principale, décorée avec goût par Ivy Harmin. Aven prend les commandes de l'appareil et sa voix résonne dans tous les hauts parleurs quand il allume me moteur :

— Chers passagers, j'espère que vous avez passé une agréable journée lors de cette escale dans la Cité Blanche.

Erine ricane. Allongée sur la banquette, ce n'est pas le plafond grisâtre du vaisseau qu'elle voit, mais le ciel bleu de la planète.

— Mettez-vous à votre aise et appréciez votre voyage jusqu'à notre prochaine escale, Tehren. 

💦🔥🌪🌿

Que pensez-vous de cette petite escapade, cette pause, au milieu du voyage ? Et vous, vous auriez fait une balade à dos de Colortit ?