Le suicide

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Le suicide. Plus exactement, je parlerai des pensées suicidaires. Voilà un bien triste sujet, mais d'autres sont à venir. Je ne sais pas exactement pourquoi je commence par ce sujet, mais écoutez-moi.

Je vais donc parler de mes pensées et mes émotions, des choses très profondes que je ne dévoile jamais à personne, pour ne pas choquer, ne pas être mise dans un hôpital psychiatrique, ou ne pas me sentir encore plus seule de n'être comprise. N'allez-pas me dire que j'ai tort, on peut débattre dans les commentaires si vous le souhaiter, échanger des opinions, mais l'on ne peut pas dire à quelqu'un qu'il a tort quand il vous parle de ses sentiments.

Le suicide.

Voilà un mot que j'ai l'impression que la majorité des gens ne comprend pas. Il est bien souvent accompagné de dépression, de tristesse, ou d'haine contre soi-même. Quand des connaissances évoquent ce sujet, je vois bien qu'elles ne comprennent pas quelles raisons peuvent pousser à un tel acte, souvent, sur un coup de tête, pour les personnes y parvenant. Ils disent que c'est tragique, ou d'autres choses qui sont peu sensibles, et qu'ils ne diraient probablement pas s'ils savaient que moi j'y pensais, ou que j'y ai déjà pensé. Ils ne se doutent pas une seule seconde de ce qui se passe dans même. Parfois, une petite panique de faire un geste qui me trahirait, et tenter de cacher mes émotions, pour passer inaperçue.

Laissez-moi vous raconter ce qu'il se passe dans la tête d'une personne qui pense au suicide, ou ce qu'il se passe dans ma tête du moins.

Ce que je vais dire, je l'ai raconté à une amie il n'y a pas longtemps, et ça m'a fait beaucoup de bien, et je pensais l'écrire ici, pour le partager, anonymat tu me préserves. Et c'est bien la seule personne à qui j'ai pu en parler.

Le suicide, on n'y pense pas tout le temps, on n'y pense pas chaque jour chaque seconde, on peut ne pas y penser pendant des mois voire des années, mais il suffira d'un élément déclencheur, d'une quelconque nature : déception amoureuse, amicale ou professionnelle, et nous voilà dans une période sombre de laquelle on ne souhaite que sortir, avec de l'aide, sans aide, ou en mettant fin à ses jours.

Et durant cette période, il devient quasiment impossible de penser à autre chose, car il y a cette petite voix dans ta tête qui te dit « et si tu mourrais, est-ce que tout le monde ne serait pas plus heureux ? ». Quand je l'entends, je lui réponds « non, ce n'est pas vrai, j'ai fait des efforts, j'ai changé, j'aime qui je suis, je me suis fait de vrais amis, et si je mourrais, ils me regretteraient ». Alors pourquoi ai-je cette voix dans ma tête ? Si je pense qu'elle a tort et que je ne veux pas l'écouter ? J'aimerai bien le savoir, j'aimerai bien ne plus jamais avoir à l'entendre. Et en ce moment, je ne l'entends plus, mais je crains du moment où je l'entendrai à nouveau, et que je devrais lutter contre elle, en parlerai-je quelqu'un ? M'ôterai-je la vie ? Qui sait ?

Mais il y a quelques mois, j'entendais cette voix, chaque seconde de chaque minute de chaque heure, je l'entendais, et c'était insupportable, je passais mon temps à lui dire qu'elle avait tort, et j'étais quasiment constamment entourée de personnes, et je devais faire comme si je rien n'étais, j'étais presque tout le temps au bord des larmes et je les contenais pour paraître forte, et ne pas avoir à confier tous les sentiments irrationnels enfouis au fond de mon cœur. Et pourquoi avais-je commencé cette période ? Me demanderez-vous, j'étais seule, je me sentais si seule, et ce sentiment était amplifié par le fait que je n'arrivais à trouver personne à qui en parler, quel paradoxe.

Et comment suis-je sortie de cette période ? Après plusieurs semaines, j'ai dû finir par convaincre la petite voix qu'elle avait tort et elle est partie. Et je me souviens aussi de l'étrangeté de ne plus l'avoir, je ne me sentais pas soulagée, une fois que je ne l'entendais plus, je me demandais où elle était ? quand est-ce qu'elle allait revenir ? qu'est-ce qu'elle faisait ? pourquoi je ne l'entendais plus ? est-ce qu'elle allait revenir ? C'est comme si elle me manquait et que je voulais l'entendre à nouveau pour me dire que tout était normal, non, tout ne vais pas bien, mais entendre cette voix était devenu la normalité.

Je me posais toute ces questions et je me sentais coupable de ne plus l'entendre. Je m'étais tellement habituée à entendre cette voix et à lui dire qu'elle avait tort, que je ne savais plus quoi faire maintenant qu'elle n'était plus là, j'avais l'impression que ça faisait partie de moi d'avoir cette voix, mais j'avais tort. Et je me sentais coupable de redevenir normal, comme si j'allais devenir banale parce que je n'avais plus de pensée suicidaire.

À quoi ressemblaient ces pensées ?

Il y a quelques années, j'avais déjà eu des pensées de ce genre, mais pas à ce point, je sais juste que quand je me disputais avec quelqu'un, un ami ou ma famille, je voulais me jeter depuis la fenêtre pour que tous mes problèmes soient réglés. Mais récemment, je m'imaginais plus me jeter sous un tram ou une voiture, dès que je traversais la rue (autant dire, plusieurs fois par jour) mais comme je l'ai déjà dit, parce cette petite voix qui dit « est-ce que tout le monde ne serait pas plus heureux si tu mourrais ? » elle ne dit pas comment le faire, mais elle donne l'idée, et l'envie parfois. Et cette voix, on ne l'entend pas qu'en traversant la rue, on l'entend en marchant, en cours, en mangeant, en prenant sa douche, en se lavant les dents, en discutant avec les autres. Vous ne pouvez jamais imaginer ce qu'il se passe dans la tête de quelqu'un avec qui vous discuter.

Je parlais avec beaucoup de gens en ayant ces idées dans la tête, et personne n'a jamais dû s'en douter. Vous ne pourrez jamais savoir si quelqu'un pense au suicide s'il ne décide pas de vous en parler.

Les gens qui en parlent, en disant "telle personne a tenté de se suicider..." n'imaginent jamais que vous y pensez quand ils vous le disent, ils pensent partager une information, mais après ils partagent un jugement face à l'acte de l'autre. Alors, on sait qu'on ne peut pas leur en parler, ils ne comprennent pas, ils ne savent pas ce qu'est d'avoir ces idées dans la tête dont on veut simplement se débarrasser, et tant mieux pour eux.

Est-ce une maladie ? Je ne sais pas, je n'aime pas me voire comme une malade, mais parfois j'ai vraiment l'impression que j'ai besoin d'aide, que je ne m'en sortirais pas toute seule.

Les gens qui plaisantent "envie de caner" ou "envie de me tailler les veines" n'y pensent pas, ou alors ils ont un mode de pensée très différent du mien et blaguent dessus pour ne pas être soupçonnés, mais si vous regardez les personnes gênées par ce genre de plaisanteries, vous le verrez, j'essaie de cacher ma gêne, je fais comme si de rien n'était mais si vous êtes capable de ressentir les états d'esprits des gens ou leurs émotions, vous percevrez que quelque chose n'est pas tout à fait normal.

Pourquoi est-ce que je ne le fais pas ?

Parce qu'au fond de moi, j'ai espoir. J'ai espoir en l'avenir, je crois que mon futur sera meilleur que ce que j'ai vécu pour l'instant, je suis jeune, je peux changer ma vie, contrôler mon destin. Et c'est cet espoir qui me fait tenir depuis des années. Je m'imagine me tailler les veines dernièrement puis immédiatement le regretter, appeler quelqu'un alors que je saigne, en mettre partout, je sais, mon esprit est trop pragmatique, il pense aux détails insignifiants ou aux manières de faire les choses plutôt qu'à leurs raisons, mais pour l'instant, cela a gardé les couteaux, lames de rasoir ou tout autre a l'objet tranchant loin de mes poignets.

J'ai peur de vieillir. Un jour, je vais mourir, alors pourquoi pas aujourd'hui ? A quoi servent nos vies dans l'univers ? Et puis, nous sommes 7 milliards sur Terre, quelle différence je fais ?

De ce point de vue, je suis complètement perdue, je me pose des questions sur la raison même de mon existence, alors si je meurs : quelle différence ?

Mes penséesWhere stories live. Discover now