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Le silence engourdit nos âmes. Les violons se sont tus ; seul le clapotis du cidre dans ta coupe que tu fais tourner entre tes mains agiles persiste. Le vernissage est réussi ; mais il est préférable d'admirer tes courbes graciles plutôt que les tableaux. Les invités sont partis depuis longtemps, et il n'a pas été compliqué de soudoyer l'homme au costard qui avec un sourire entendu, nous a oublié au milieu des œuvres. J'aimerais que cette merveille là-bas, un dégradé de couleurs automnales, soit encore fraîche, pour que j'enduise ta peau nue de sa peinture. Pour que pendant ces instants sacrés nous soyons de titanesques arbres aux feuilles dorées, murmurant à nos oreilles respectives les secrets du vent.

Mais patientons, encore un peu. Rien ne presse, même si nous savons pertinemment que nous n'avons pas l'éternité. Je te regarde ; tu as tressé tes cheveux. Ils sont teints, et les racines commencent doucement à réapparaître, mais qu'importe. Je veux seulement faire glisser l'élastique qui les retient pour que ce parfum si entêtant d'amande douce et de menthe me revienne à l'esprit pour une nouvelle décennie.

Tu me tournes le dos, c'est à peine si tu te souviens que je me tiens encore là, derrière toi. Tu contemples le mur, mais aucune oeuvre ne le décore. Il est vierge, d'un blanc pur, et je comprends ta fascination. Quelle rareté ! Tu sursautes : le tonnerre a grondé. Tu prends conscience de ma présence, et avec ce sourire angélique qui te caractérise tant, tu prends mes mains pour les enserrer des tiennes.

Ah, ce sourire ! Il trompe de nombreux hommes, ce sourire. Ces fossettes creusées qui l'accompagnent sont faites de promesses mortelles. Une promesse d'amour contenue dans les commissures étirées de tes lèvres, et dans la flamme qu'abritent tes yeux. Evidemment ce n'est que mensonge. Tu n'aimes ni ces hommes, ni moi.

Mais ne pensons pas à cela. Viens, que je t'attire contre mon corps, pour qu'ensemble nous ne fassions qu'un. Une nuit, une courte nuit à caresser tes seins de porcelaine, et tes joues rougissantes preuves d'innocence.

Le silence engourdit nos âmes. Le clapotis s'est tu.

Les mauvais textesWhere stories live. Discover now