M o o n

†Chapitre 1.†

Chapitre 1

Lizzie poussa le petit plateau en métal sur l'eau glacée. Il commença alors une lente dérive, laissant derrière lui une imperceptible traînée. Elle resta là quelques secondes, le regardant s'éloigner, puis souffla sur les bouts de ses doigts engourdis dépassant de ses mitaines noires. Un petit nuage de vapeur se forma au bout de ses lèvres, puis disparu petit à petit.

Le froid la transperçait, et la nuit noire ne faisait qu'augmenter sa douleur et sa sensation de solitude. Elle fourra ses mains irritées en raison du froid dans ses poches, puis regarda autour d'elle. Rien ne bougeait, tout n'était que silence et immobilité.

Au bout de quelques secondes à fixer le plateau orné de souvenirs flotter sur l'eau, elle se décida à se mouvoir pour se réchauffer ne serait-ce que dix secondes. Elle voulait rester encore quelques instants, histoire de profiter des moments de liberté qui lui étaient accordés -ou plutôt qu'elle s'était accordés-. Les graviers roulaient sous ses Doc Martens pendant qu'elle effectuait des aller-retour au bord de la rive du lac, regardant autour d'elle, scrutant l'obscurité à la recherche de quelque chose qu'elle même ignorait.

La brise digne d'une nuit de fin novembre qui régnait venait lui caresser les joues et emmêler faiblement ses cheveux, tandis que le froid lui gelait les articulations petit à petit, malgré les pas qu'elle effectuait. Arrivée à la conclusion que le fait de bouger n'allait pas la réchauffer, elle décida de faire demi-tour, après s'être assurée que le plateau avait disparu.

Quelques secondes plus tard, elle s'engagea dans le chemin sombre et étroit. Les orties et les feuilles frôlaient son jeans, et elle dû faire extrêmement attention aux flaques d'eau et de boue dont le sentier était parsemé.

Le chemin débouchait sur une grande allée qui lui était perpendiculaire, et Lizzie tourna à droite.

Sortir la nuit dans les rues vides lui était à présent comme étrange, et une vague de souvenirs lui revint en mémoire alors qu'elle marchait sur le trottoir qui l'avait vue grandir, qui l'avait vue rentrer à maintes reprises tard dans la nuit, ou bien même à l'aube. Le calme nuptial, quant à lui, était pour elle un symbole qui signifiait que tout avait changé. Car elle n'était jamais seule, quand elle rentrait alors que la nuit était déjà très avancée, elle avait bien trop peur. Luna, par exemple, la raccompagnait souvent.

Mais cette nuit-là, elle était seule. Elle devait affronter sa peur seule. Personne ne serait là pour la réconforter quand elle rentrerait, car personne n'avait voulu l'aider cette nuit-là, même pas sa meilleure amie. Elle n'aurait que la froideur de son matelas et de sa couverture pour lui rappeler que tout allait bien.

Ses chaussures qui tapaient contre le goudron produisaient de petits bruits sur lesquelles elles se concentra pendant quelques secondes, mais son anxiété gravissait des échelons phénoménaux à une vitesse fulgurante dans sa poitrine, et la panique la gagna petit à petit. Dans chaque buisson, à sa droite, elle percevait des mouvements ; l'impression d'être suivie la rendait mal à l'aise et l'envahissait toute entière petit à petit.

Convaincue que quelqu'un se trouvait derrière elle, elle se retourna furtivement, mais, malgré la vue de la rue vide, son cerveau persistait à lui envoyer des messages d'alarme.

Elle le savait. Elle n'aurait pas dû sortir seule.

Au bout de quelques minutes de marche, d'anxiété et de peurs profondes, elle tourna à droite pour monter les trois marches qui menait à la porte d'entrée de la maison après avoir ouvert le petit portail en fer faiblement rouillé.

Elle ouvrit la porte, se rua à l'intérieur de sa maison, puis la referma délicatement pour ne pas réveiller ses parents.

Un long souffle de soulagement effleura ses lèvres alors qu'elle s'adossait à la porte d'entrée. Puis elle s'apprêta à s'engager dans les escaliers et accéder à l'étage.