Alors je compris. Je me souvenais.

« —Maman, où est-ce qu'on va ?

—Tu as confiance en maman, n'est-ce pas Layla ?

—Oui maman. »

Elle m'offrit un sourire presque rassuré, continuant de me traîner avec elle. Jusqu'à ce que la lumière d'un village attire mon regard enfantin. Le lieu, plongé dans la nuit, semblait pourtant encore vivant.

« —Madame Eden !

Un jeune homme nous approchait.

—Alors voici la petite Layla ? Elle crie, comme vous Madame Eden ?

—Oui, Yves. Elle crie. »

Ma maman aussi pouvait crier, détruire les vitres, guérir les blessures de mon père qui en avait parfois les tympans explosés.

Puis un garçon de mon âge arriva en courant, prenant ma mère dans ses petits bras.

« —Maman !

—Dorian, dit bonjour à ta petite sœur. »

***

Gautier se trouvait dans un bar tabac. Il attendait.

Le village était presque déserté, les caméras absentes, mais le bar toujours ouvert réunissait une bonne vingtaine de personnes. La télé allumée passait le foot que le père regardait aussi avec un verre à la main. Coupe du Monde, la France n'avait pas encore perdu. Il pariait que ça ne durerait pas très longtemps. Quoique, cette année accueillait des joueurs pas trop mauvais.

Il but.

Après sa fuite de l'USRP, ce lieu avait été le seul qu'il connaissait pour se cacher.

La chaise à côté de lui, sur le comptoir, fut tirée pour laisser quelqu'un s'installer. Un homme que Gautier connaissait bien.

—Bonjour Gautier. Ou devrais-je t'appeler « papa » ?

L'homme aux courts cheveux cendrés, une couleur naturelle, ne possédait pas les yeux de Gautier. Pas de bleu pour lui, mais un gris très clair, presque translucide. Avec sa peau dorée, la clarté de son regard ressortait bien. Dorian était son fils, mais la génétique ne les liait pas. D'ailleurs, il n'était pas le fils de sa femme non plus.

—Dorian, que fais-tu ici ?

Juste après son évasion, sans oublier Ingrid qui l'avait mentionné, Gautier ne comprenait pas. Cela faisait des années depuis la dernière fois qu'il l'avait vu.

—Eh bien disons que depuis que tu m'as envoyé vivre chez tante Margueritte au Québec alors que tu faisais effacer la mémoire de Layla, j'ai refais ma vie. Je devrais te remercier. Elle ne sait même pas que j'existe.

—Tu es au courant, n'est-ce pas ? demanda-t-il sans même se soucier de ce que racontait Dorian.

Le verre qu'il tenait se brisa dans sa main tandis qu'il fusillait son père du regard.

—Oh que oui, je suis au courant. Mais j'étais trop occupé à chercher pourquoi l'USRP l'y a envoyé pour la faire sortir. Et j'ai appris que tu y étais enfermé toi aussi. Faire jouer mes contacts pour trouver quelqu'un à l'intérieur capable de te faire sortir n'a pas été évident.

—Ingrid.

—Bravo, et si elle n'est pas en ce moment dans une prison pour Psychiques ou exécutée pour trahison c'est uniquement parce qu'elle a profité de l'arrivée d'Amanda, la télépathe qui a pénétré tes pensées.

Les Psychiques - Laisse-moi partirWhere stories live. Discover now