Ses bruits de pas, absorbés par le torrent qui s'abat sur moi, je les entends.
J'ai peur que ce soit la dernière chose que j'entends d'elle. Je l'appelle. Le brouillard est dense. Les arbres disparaissent derrière moi alors que je cours du plus vite que je peux. Je l'appelle à nouveau.
J'entends des pleurs, je vois des maisons brûlées, du bétail carbonisé. Une mère qui pleure sur le corps sans vie de son mari. Ses enfants pleurent de toutes leur forces, agrippés à la robe déchirée et pleine de boue de la femme. Le corps de son mari est méconnaissable. Visage brûlé, bras et jambes arrachées, cette famille doit fuir, sinon tout sera terminé. Je ne la vois toujours pas. Je ne peux qu'observer la peur et la tristesse des personnes qui courent dans la même direction que moi. Nous avons tous perdu beaucoup. Des bruits d'explosion se font ressentir. J'ai peur. Je ne veux pas mourir. Pitié, Emeraldia, sauve nous...
Puis soudainement, je la vois devant moi. En pleurs, le bras brûlé, mais elle va bien. Enfin, c'est ce qu'elle me dit. J'attrape sa main. Elle est froide, et elle tremble beaucoup. Avec l'adrénaline, elle ne ressent probablement pas encore la douleur, il faut en profiter pour s'éloigner le plus vite possible du danger. Nous courrons encore, toujours plus, chaque pas nous mène vers une sécurité plus certaine. La tension redescend lentement, mais hors de question de s'arrêter maintenant. Je veux être loin... Je veux de nouveau être en sécurité avec elle. Comme ça l'avait été avant tout ça. Ses yeux, même emplis d'une peur atroce, restent d'un bleu ciel magnifique. Son si beau visage n'a pas été touché, je suis rassuré.
Le chemin est glissant à cause de la pluie et de la boue. Je ne sens d'ailleurs plus mes pieds, glacés jusqu'aux os par le froid. La seule chose que je peux sentir c'est son corps, les dernières forces de celui-ci, afin de le réchauffer continuellement. Nous devons continuer. Dans quelques instants, nous aurons utilisés toute nos ressources, et nous tomberons de fatigue. Je veux pleurer toutes les larmes de mon corps, mais je ne veux pas l'inquiéter. Je veux lui dire je t'aime, mais je n'y arrive pas. Je n'ai plus aucune force. Je tombe à terre, dans la boue froide et humide.
Elle essaye de me relever. Elle fait tout pour me remettre sur pieds. Elle pleure, elle ne veut pas abandonner. Une autre explosion retentit, nous faisant valser contre un arbre. Les ondes de choc sont de plus en plus fortes à mesure que les explosions se font. Cela veut dire que ça se rapproche. J'essaie de me lever, elle me soutient, et nous avançons. Lentement. Lentement. Lentement. Et je retombe. Je veux l'embrasser, mais je n'arrive même plus à lever la tête.
Je la vois au-dessus de moi, les yeux scintillants. Elle me serre dans ses bras, puis elle fait ce que j'ai voulu faire.
Elle m'embrasse, de toute ses forces.
- " Je t'ai... "
