La Profondeur des Mers

Chapitre 60

Livre des Profonds :
Article 5-05, les créatures de Mers : "Toute spéculation juste ou fausse sur la position ou le caractère physique du Dakon ou du Trolual sera punie selon la décision du conseil du lieu du crime. La peine peut aller d'une torture physique jusqu'à cinq ans fermes dans le Kolasi Vatos."

- Des centaines d'années ? Itéra William après les dernières paroles de sa sirène.

Il tentait déjà d'évaluer les questions que soulevait cette nouvelle information.

- Es-tu certain que Nuala sera capable de la localiser, Lochlainn ? L'interpella William avec sérieux.

L'elfe s'immobilisa un instant. Son œillade aux traits froissés révélait un sentiment désobligé.

- Bien sûr. Nuala est l'elfe la plus puissante que je connaisse. Elle saura la retrouver sans peine, confirma-t-il.

- Bien, merci. Sait-on à quoi elle ressemble ? Poursuivit William, encouragé par leurs récents avancements.

Sophia, à ses côtés, se voûta imperceptiblement. Une frustration venimeuse s'intensifiait chez William. Pourquoi cette planche de salut ressemblait-elle plus aux yeux de sa sirène à une mission suicide que salvatrice ? À cette pensée, il plaça une main impérieuse au creux de ses reins et la fit venir à lui.

- Tu n'es pas obligée d'en parler si tu n'en as pas envie Sophia. Mais je t'en prie, explique-moi au moins ce qui se passe dans cette petite tête, la pria-t-il tandis que Lochlainn partait retrouver un groupe d'elfe un peu à l'écart.

Sophia sentit son ventre se contracter, une crainte indicible s'immisça dans son esprit. Le lien entre elle et le seigneur se montrait moins puissant qu'il ne l'avait été, mais il demeurait tout de même. Prêt à la refaire plonger à la première occasion. Si le Dakon apprenait ce qu'elle avait divulgué... Les poings serrés, la sirène ferma les yeux avant d'inspirer profondément. Cette peur était idiote, William et elle en avait déjà discuté, il ne la laisserait pas retourner là-bas et ce même si, pour ce faire, il devait la tuer.

- Hey ! L'interrompit la voix de son capitaine derrière le rideau de noirceur de ses paupières.

Les deux mains rêches du pirate sur ses joues rehaussèrent son visage délicat vers lui.

- Je suis juste ici, parle-moi. Pourquoi redoutes-tu tant d'évoquer cette chose ? S'enquit-il, à la recherche d'une réponse dans son regard.

Ses yeux bleus ne pourraient pourtant en capter aucune tant ses craintes la submergeaient.

Face à cette interrogation vibrante, une vague de souvenirs amers la bouleversa jusqu'à ce que son visage ne témoigne de sa lutte intérieure. Ce revirement fut si abrupt qu'il inquiéta William. Instinctivement, il s'écarta comme s'il pouvait être la cause de son mal-être évident. Pourquoi réagissait-elle ainsi ? Il se doutait que sa peine fût liée au Dakon, mais n'osait imaginer ce dont il retournait. Pendant ce temps, Sophia paraissait plonger profondément dans ses pensées.

- Sophia... Écoute-moi, je suis là. Tu entends ?

L'exclamation du capitaine eut bon d'attirer l'attention de sa sirène. Elle releva des yeux lointains vers lui et poussa un soupir à fendre l'âme. Sa lutte intérieure n'incluait pas un pirate tel que lui, constata-t-il à regret.

- Raconte-moi... La pria-t-il d'une voix pressante.

Après un cours moment de réflexion, Sophia croisa les bras sur sa poitrine et tenta de lui expliciter ses troubles. Son regard n'avait pas encore trouvé le chemin pour se soustraire à ce malaise.