𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐕

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"Tu n'es pas très bavarde ce soir, ma fille, remarqua mon père.

Regarde là, elle a l'air fatigué Benedetto ! Mais elle a bonne mine, ajouta Emilio."

     Mon père fit un vague geste de la main, balayant les paroles de son ami. Cependant, il portait toute son attention sur moi et semblait vouloir lire en moi comme dans un livre ouvert. Presque comme s'il désirait lire dans mes pensées.

"Emilio a raison, je suis un peu fatiguée. J'ai beaucoup marché.

Et qu'as-tu pensé de la ville ? demanda mon père.

Birmingham est ville très sombre. Cela change de ce que j'ai toujours visité.

Tu n'as pas fait de mauvaise rencontre ?

Bien sûr que non. Federico était avec moi, je ne risquais rien, assurai-je, Et puis, j'ai juste fait quelques achats, puis nous nous sommes promenés."

     Mon père hocha la tête d'un air entendu. Il semblait satisfait de ce que je lui rapportais de ma journée. Il valait mieux que je lui cache ma petite escapade au Garrison mais surtout ce que j'ai vu sur la route du retour. Je ne suis encore sûre de rien en ce qui concerne ce que j'ai déduit de cette altercation. C'est pour cela que je devais rendre une petite visite à John Shelby, cette nuit.

La nuit venait de tomber. J'avais fait en sorte de rester éveillée et c'est pour cela que je m'étais plongé dans la lecture de mon fabuleux ouvrage. Plus aucun bruit ne se faisait entendre. J'avais entendu la porte d'Emilio peu de temps après que je sois montée et celle de mon père environ deux heures plus tard. J'imaginais qu'il devait travailler sur la partie légale de ses affaires. Il ne pouvait pas porter toute son attention sur l'homme qu'il détenait au sous-sol.

Je me décidai alors à sortir de chambre, chandelier à la main. Je parcourais le long couloir, lorsque je me rendis compte que jamais je n'avais réellement "visité" le manoir depuis que j'étais arrivée. Discrètement, j'ouvrais les portes à côtés desquelles je passais. Mais étrangement, l'une d'elles restait fermée. Cela me parut très suspect. Dans quel but, l'une de ces portes devrait rester close ? Est-ce que quelque chose y était cachée ? J'imaginais mal mon père offrir tout d'un coup son hospitalité à son prisonnier. Alors j'écartais rapidement l'idée que John Shelby se trouvait derrière cette porte. J'avais posé le chandelier sur une table à proximité et m'étais mise à la recherche de cette clé. J'avais le sentiment qu'elle se trouvait non loin. Mais elle n'était ni au-dessus de la porte, ni sous le tapis et encore moins dans le tiroir de la table. Sauf que je n'avais pas vérifié derrière.

Doucement et sans faire le moindre bruit, je déplaçais la petite table dans le but de pouvoir glisser une main derrière. Chose faite, je tâtais le rebord dans l'espoir d'y trouver quelque chose, lorsque je sentis du bout des doigts un petit objet froid. Une fois attrapé, je constatais que c'était la fameuse clé. Très fière de moi, je tournais alors la clé dans la serrure pour déverrouiller la porte et espérer trouver quelque chose d'intéressant dans la pièce.

En entrant dans la pièce, le premier constat que je fis était qu'elle n'était aucunement occupée. Mais je distinguais des vêtements posés sur le lit. En me rapprochant, je fus stupéfaite de découvrir qu'il s'agissait d'un long manteau noir et d'une casquette. Cela ne faisait plus aucun doute. Les hommes que j'avais vu plus tôt dans la journée, faisaient partie du même gang que John Shelby. Sans réfléchir plus longtemps, je gardais la casquette avec moi et sortie de la pièce tout en refermant la porte derrière moi et prenant le soin de remettre la clé à sa place.

     Il ne fallut pas longtemps pour constituer une assiette avec de quoi nourrir convenablement le prisonnier. En descendant, je me demandais par quoi j'allais commencer. Allais-je lui annoncer que ses camarades le recherchaient ? Ou semblaient le rechercher ? Une disparition comme la sienne avait dû être vite remarquée. Alors cela sonnait comme une évidence.

Arrivée devant la cage, je remarquais qu'en effet, John Shelby n'avait pas bougé. Il se trouvait toujours au même endroit. Alors qu'il était allongé de l'autre côté, j'en profitais pour glisser l'assiette par la petite ouverture. Il ne devait dormir que d'un œil puisque le bruit de l'assiette le fit sursauter et il se redressa immédiatement. J'entendis un grognement qui venait de lui et je me reculais.

"Il n'y a pas un moment dans la journée où on me foutra la paix, grommela-t-il."

     Le chandelier éclairait plutôt bien la "pièce" puisque je le voyais se lever sans difficulté pour aller prendre l'assiette. Ce que je voyais aussi, c'était que son visage redevenait peu à peu normal. Mon père avait dû arrêter la torture physique pour passer à la torture psychologique. Tandis que John Shelby commença à déguster son plat, je m'installais sur ma robe de chambre que j'avais déposée à terre.

"Ne me remerciez surtout pas. J'ai eu un soudain élan de bonté, ironisai-je.

Hmmm."

     Merveilleux. Plus je passais de temps en compagnie de cet homme et plus il me répugnait. Cependant, je préférais peser mes mots. Je m'estimais heureuse qu'il soit enfermé, parce que je prendrais probablement mes jambes à mon cou s'il était en dehors de cette cage. En l'observant, je me rendis compte qu'il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour tout engloutir. Je détestais le fait que mon père l'affamait. Même si je ne portais pas énormément d'estime envers cet homme, si ce n'est aucune, puisque s'il était là, c'était pour une bonne raison, mais le nourrir restait la moindre des choses pour ne pas être un monstre à son tour.

"Que me vaut l'honneur de votre visite ? me demanda-t-il soudainement.

J'ai des questions à vous poser et j'espère que vous y répondrez.

Et qu'est-ce que j'y gagne ?"

     Je n'allais pas faire le coup du "c'est moi qui pose les questions". Il était préférable de ne pas tourner autour du pot.

"Une chose que j'ai vu de mes propres yeux, pas plus tard qu'en fin de journée, annonçai-je, Je suis sûre que vous aimeriez savoir quoi."

     Visiblement, j'avais éveillé sa curiosité, puisqu'il se levait de nouveau pour réduire la distance qui se trouvait entre nous malgré la présence des barreaux, qui l'empêchait d'aller plus loin. En dépit, du fait qu'il m'irritait, à mon tour, je me levais et me rapprochais un peu. Il ne devait rester que moins d'un mètre entre nous. Je savais qu'il n'essaierait pas de m'attraper. Il savait que je ne dirais rien s'il tentait quelque chose. Mon regard était plongé dans le sien. J'essayais de lire en lui, mais il ne dégageait absolument rien. Soudain, j'avais envie de briser sa carapace et de savoir qui il était vraiment.

"Discutons alors. Ça promet d'être intéressant."

Dans les yeux d'un Shelby || Tome I (en réécriture)Where stories live. Discover now