Chapitre I

446 26 9
                                    

- Sur ta droite !

Earine rajusta sa position sans un mot, la concentration peinte sur son visage. Aggur se tenait face à elle, un demi-sourire sur le visage, attaquant sans pitié, à la demande d'Earine elle-même. Nessimelle était appuyée contre moi, nous étions assises sur l'immense rocher sur lequel nous nous étions arrêtés. Legolas et Tauriel contemplaient les alentours, jetant de temps à autre un regard à l'entraînement de ma sœur. Quant à Targen, il patrouillait autour de notre campement, dans un schéma étrange que nous n'osions pas contester. Je gardais un œil sur lui.

Le soleil se colorait de cette agréable couleur orangée caractéristique à l'été, quelques nuages chahutaient dans cette jolie peinture. Tableau paradisiaque que le paysage qui s'offrait à nous, et le vent doux qui soufflait sur les joues ne faisait que rajouter à la féerie de l'instant.

Le bruit des bâtons de bois s'entrechoquant me tira de ma rêverie, et je me retenai de m'éloigner pour penser tranquillement. Je devais être plus présente pour mes sœurs. Nessi, plongée dans l'observation du combat entre les deux amoureux, ne voyait plus que ça.

- À ta gauche ! S'écria-t-elle, me faisant sursauter.

- Nessi, nous nous étions mises d'accord, murmurai-je doucement. Ne déconcentre pas Earine durant son entraînement.

Ma cadette était comme naturellement douée en arts martiaux, ce que je savais déjà. En revanche, c'était toujours amusant d'observer la surprise de nos compagnons face à son talen inné.

Nous avions parcouru la moitié de notre chemin, et l'été tombait doucement sur la Terre du Milieu. Nous marchions vite, plus vite que des Hommes, mais nous étions ralentis par les limites de Nessimelle, encore jeune. Bien sûr, personne ne lui faisait remarquer, et personne ne protestait lorsqu'elle indiquait qu'elle était fatiguée. Bien sûr, je savais parfois déchiffrer lorsqu'elle exagérait.

Durant ce voyage, je m'étais rendu compte de l'étendue de mes lacunes. Pas seulement en combat, auquel je ne savais rien et dans lequel j'étais très mauvaise, mais également dans certaines des coutumes elfiques. Mes sœurs, avides de savoir sur notre famille, posaient question sur question, et il arrivait parfois que je n'en connaisse la réponse. Heureusement, Aggur, Tauriel et Legolas étaient là pour m'aider. De temps à autres, Targen ajoutait une ou deux choses à la surprise générale, que seules mes sœurs ne parvenaient pas à masquer. De plus, elles devaient également apprendre à abandonner une éducation humaine pour celle elfiques, ce qui donnait lieu à quelques quiproquos entre elles et nos compagnons.

J'observais avec attendrissement l'attachement et la complicité qui liaient Earine et Aggur, bien plus profonds que ce que je pensais. Parfois, même, il me semblait que les paroles leur étaient inutiles pour partager leurs idées et qu'un seul regard suffisait. Peu à peu, je parvins à déchiffrer quelques-uns de ces regards, trouvant ceux qui transmettaient leur affection ou ceux qui signifiaient une mise en garde -qu'Aggur utilisait plus souvent qu'Earine, d'ailleurs. Cependant, Earine se montrait toujours aussi froide et inaccueillante envers Tauriel, attitude que je ne comprenais pas. Quel différend les séparait ? Pourtant, si elles avaient été amies, je savais qu'elles auraient pu dominer le monde ensemble, et ce n'était pas une exagération.

Nessimelle, de son côté, était aimée de tous et de tout le monde. Elle restait très timide envers Legolas et Targen, mais se faisait des amis en chacun. J'avais longuement hésité à lui faire suivre un entraînement similaire à celui d'Earine, mais elle s'y était mise d'elle-même, avec toutefois quelques nuances. Comme je le savais déjà, elle courait vite, très vite, et avait même battu Aggur une fois à la course, à la grande surprise de toute notre troupe. Ma petite sœur était une sprinteuse, et se fatigua it néanmoins vite sur les longues distances. De même, Tauriel lui enseignait la science des plantes guérisseuses, ignorant les bougonnements d'Earine qu'Aggur étouffait d'un coup de coude. Et Nessi était réellement douée dans ce domaine.

Également, elles apprenaient toutes les deux le sindarin tout en marchant, écorchant atrocement ce language et faisant rire tout le monde. Les vallées résonnaient encore de phrases bancales et de verbes conjugués au hasard, sans parler de la bouillie de mots qu'elles étaient capables de sortir.

Quant à moi, j'étais partagée. Je m'occupais de mes sœurs, comme à mon habitude, mais j'en apprenais également plus sur la situation de mon royaume par l'intermédiaire de Legolas. Malheureusement, il en savait peu. Il lui arrivait souvent de me corriger lorsque j'agissais selon mes habitudes acquises chez les Hommes, et cela devint presque une plaisanterie entre nous. "Les Elfes donnent pas de noms à des objets", "les Elfes n'ont pas de visages aussi expressifs que vous et vos sœurs" et mon préféré : "les Elfes ne descendent pas une colline en roulant sur soi-même".

Je devais également apprendre ce que c'était que d'avoir des amis, et comment agir par rapport à eux. Cela, c'était Earine qui m'y aidait, voyant à quel point ce qui lui était inné restait un mystère pour moi.

Je continuais la guérison de l'esprit de Targen, tentant tout doucement d'apprivoiser mes dons. J'étais incapable d'expliquer ce que je faisais, mais cela m'était comme instinctif. Et, à ma grande surprise, je découvris que Targen me vouait une confiance aveugle. Et quand j'y réfléchissais, je lui en vouais également une. Nous devînmes plus proches, en vérité, c'était à moi qu'il parlait le plus. Je devinais vite qu'il ne savait pas vraiment comment s'y prendre avec les autres. De même, il était inquiet à l'idée d'attaquer quelqu'un durant mon sommeil, mais je lui avais promis que cela n'arriverait pas. Malgré tout, je savais qu'il était incapable de trouver le sommeil, sans savoir si c'était la crainte de perdre le contrôle ou ses souvenirs qui le tenaient éveillé. Je me sentais impuissante, et en même temps je n'avais jamais eu autant l'impression d'aider quelqu'un.

J'apprenais également à me battre. Plus ou moins. Une épée était trop lourde dans mes mains, bien que je sache effleurer le centre du cible au tir à l'arc, mes bras restaient tout de même pas assez forts, et mon équilibre laissait à désirer, ce qui était également un problème dans le maniement des dagues. En désespoir de cause, je m'entrainais à l'aide d'un bâton. Et Targen eut l'étrange idée de m'essayer au corps à corps. Et, selon mes compagnons, j'y étais meilleure, bien que je n'en ai pas l'impression -"Ça vaut toujours mieux que d'essayer de tuer le prince Legolas avec une flèche", se moqua Earine.

Il n'était pas rare que mes sœurs me demandent de chanter, seule ou bien avec elle, mais ce n'était que la timidité me retienne. Je n'aimais pas que quelqu'un d'autre que mes sœurs m'entende, alors je pinçais les lèvres pour me retenir des les rejoindre dans leurs chansons. Je les recitais sans cesse dans ma tête, amenant un sourire sur mes lèvres.

Lentement, doucement, nous marchions vers le Nord.

Trois paires d'yeux... bleues -Le royaume du NordWhere stories live. Discover now