Chapitre 1 : Le domaine et Félix

ابدأ من البداية
                                    

- C'est vrai qu'il est beau ce tableau, il change des autres Magritte hein ?

Le brouhaha incessant était brisé, l'aigle n'avait pas pu prendre son envol et restait niché dans sa froide prison. De son côté, le spectateur déçu avait à peine commencé son ascension et restait juché du haut des 40 centimètres de sa chaise.

- Hum.

Tant pis, le rapace n'essayait probablement que de s'envoler, et puis cet amas de minéraux et de roches ne le pouvait pas. Les karsts ne font que creuser c'est entendu, cette montagne n'ira pas bien loin.

Coupé dans l'élan de sa pensée le jeune homme en avait oublié la présence des autres. Il était posé, encore à sa place, et avait admiré le tableau qui s'offrait devant lui. 15h38 ! Cela faisait maintenant plus de trente minutes qu'il observait la peinture, l'air débile et concentré, immobile en dehors du monde qui se pressait afin de voir et de photographier les œuvres du musée. Un monde étranger à lui, indifférent à sa torpeur. Une sphère où quelques fois des visiteurs s'arrêtaient, croisaient les bras, fronçaient les sourcils et, après une légère pose, sortaient satisfaits, rêveurs ou bien souvent impassibles, puis s'en allaient vers l'étape suivante.

- On continue ? demanda Félix, encore tout heureux de se retrouver au musée après déjà trois heures trente de visite.

Les deux amis n'avaient en effet pas besoin de se partager leur ressenti, ils savaient deviner quand l'autre avait besoin de temps et quand partir, ils se comprenaient instinctivement et malgré leurs différences, ils étaient animés du même état d'âme, des mêmes passions : l'amour de l'art et la soif de connaissance. Ainsi, Félix savait son ami pris dans un spectacle léthargique duquel il était difficile de se réveiller. Les deux jeunes hommes n'avaient fait que ça depuis huit heures de ce matin. Bien qu'ayant toujours suffisamment bu la veille, toutes leurs journées étaient ainsi depuis qu'ils étaient arrivés en Belgique. Ils étaient en effet incroyablement lents en tant que spectateurs et, le soir venu se faisaient toujours congédier des musées par des vigiles et des employés d'une politesse pressante, ils étaient déçus de n'avoir pas pu tout observer, désireux de s'accaparer toutes les connaissances et plaisirs des sens qui s'offraient à eux.

Avant de partir du musée Magritte ils étaient passés par la boutique et avaient évidemment achetés un nombre conséquent de cartes postales.

En sortant du musée l'air frais de janvier leur aéra rapidement l'esprit, achevant leur retour à la réalité après ces quelques heures de transe. La sortie d'un musée est toujours une sensation brutale et à cet instant précis l'idée de fumer une cigarette pour se rattacher encore un peu au souvenir de la richesse artistique auquel ils avaient été confrontés fut unanime et incontestable. Ils trouvèrent un trottoir peu fréquenté et relativement propre pour s'assoir, rouler leurs cigarettes et réfléchir dans un silence à la fois satisfait et nostalgique. En effet, leur voyage touchait à sa fin, il ne leur restait plus qu'un petit jour.

En expirant doucement sa fumée, Nemo fit un bilan rapide de son voyage, tout en s'amusant par habitude à scruter le fumet de tabac qu'il produisait, de sa base jusqu'à ce qu'il disparaisse, à travers l'air sec de la ville.

Depuis leur arrivée à Bruxelles les deux jeunes gens n'avaient eut le temps de visiter que le Parlement et la Maison de l'Histoire européenne, puis le musée des instruments de musique et enfin le musée Magritte, la grande mosquée, quelques parcs et cafés et la ferme du parc Maximilien. Le temps leur manquait et cette ville ne se visitait pas seulement à travers ses musées, si bien qu'ils avaient décidé d'aller ensuite se promener, puis de sortir dans les bars, comme ils faisaient si bien chaque jour.

Les jeunes gens étaient partis de la France de l'Ouest et avaient effectués le trajet en bus, en passant par Paris, car les Flixbus étaient peu chers, mais tout transport de voyageur a ses inconvénients. Inconvénients quelques peu décuplés lorsque l'on choisissait d'effectuer un trajet au jour de l'an. Le froid ne les avait pourtant pas dérangés, et le chemin de l'aller avait au final été plutôt rapide pour eux, mais leur état de base ne leur permettait pas d'être totalement à l'aise. Ils avaient en effet une dizaine d'heures pour décuver et se reposer assez pour être en forme.

C'est un objectif correct lorsque l'on est confortablement installé, mais les jambes de Nemo étaient bien longues pour être ainsi emprisonnées dans un espace si restreint. Il riait doucement en son for intérieur à chaque fois qu'une pensée ainsi formulée lui venait à l'esprit. Il était de ceux qui pensent à eux même à la troisième personne lorsqu'ils n'acceptent pas qu'une idée puisse venir de leur esprit, un poète vieux jeu qui refusait d'admettre son fort penchant pour le romantisme. L'inconfort du bus allait de toute façon laisser place à une marche bien méritée.

L'arrivée en bus s'était d'abord effectuée par la gare du nord, de là ils avaient longé le boulevard du roi Albert II et s'étaient volontairement perdus dans les rues de Bruxelles, en passant par le théâtre national. Ils avaient ainsi découvert un café chaleureux et simple, avec des décorations en bois épurées qui aurait pu ressembler à un Ikea écolo si cela avait pu exister. Ravis par la marche mais rappelés à l'ordre par le froid ils avaient choisit de boire des chocolats chauds. Le lait était servi dans une cafetière à l'italienne avec sa tasse et un petit bol garni de petites crottes aux trois chocolats. C'était le premier voyage où Nemo avait prévus de tenir un journal de bord sérieux et il comptait bien s'y tenir. Il décida ainsi que ce café était le bon moment pour s'y atteler, sans trop tarder pour autant, et bientôt fut venu le temps de se remettre en route.

Ils avaient ensuite bifurqué à l'ouest, vers les quais et les avaient longés jusqu'à arriver à leur auberge de jeunesse : "Meininger Hostel", située au niveau des quais du Hainaut. Les rues aux alentours étaient de styles différents mais la culture architecturale des jeunes hommes laissant à désirer, ce fut plutôt vers les nombreux tags et graffitis que leur intérêt s'était porté, ou encore les choses simples et les ambiances que leur inspirait la ville.

Il repensa à leurs balades sur les berges et au reste. Soulignons qu'il n'y avait pas grand chose a dire sur ce rêveur. Nemo Fat n'était ni beau ni désagréable à voir, il ne savait pas non plus s'il s'habillait bien et suivait de loin tout ce qui avait attrait aux modes. Son visage n'avait rien de spécial, ses traits étaient simples et sans marque distinctive particulière, si ce n'était quelques taches de rousseurs et des dents légèrement avancées.

- Merde !

La cendre du jeune brun venait de faire un trou dans son long manteau gris clair qui lui arrivait aux chevilles. Il frissonna et pâlit un peu plus qu'il ne l'était déjà, le froid de Bruxelles en hiver l'atteignait facilement, lui qui n'avait que la peau sur les os pour le réchauffer. Les deux jeunes hommes décidèrent d'errer en direction de leur hôtel pour se préparer à la soirée. Une fois arrivé ils mangèrent dans la cuisine commune et invitèrent leurs camarades de chambre à se joindre à eux pour la suite. Repus, le groupe de six jeunes hommes, tous dans la vingtaine, prirent le métro pour le centre-ville. En chemin l'euphorie de la soirée commençait déjà à les gagner. Dans les rues de Bruxelles Nemo n'avait pas pu s'empêcher de remarquer que son ami flottait plus qu'il ne marchait, emprunt d'une certaine grâce féminine dont il n'avait pas conscience. 

Félix était un bel homme, il plaisait aux femmes dans une certaine mesure, mais n'était pas spécialement concentré sur ce genre de chose. Il préférait discuter avec son compère, débattre sur l'art et la religion, la danse et les tatouages. Félix était le rayon de soleil de Nemo, son meilleur visage. Il était l'encre d'une plume qui écrivait une partie de l'histoire de leur amitié, qui depuis cinq ans durait, sans avoir conscience de la fibre artistique qui l'habitait. L'amitié était un art que Nemo avait toujours eut du mal à tisser, mais lorsqu'une des toiles retenait son attention il la peignait bien volontiers de toute son âme. Ce fut sur ces douces pensées, que Nemo trouvait bien niaises malgré tout, que leur dernière soirée à Bruxelles débuta.



Merci d'avoir lu jusqu'ici, cette histoire compte 24 petits chapitres, certains sont déjà terminés, d'autres non. Je publie cette histoire avant tout pour me motiver à écrire.

Je suis avide de commentaires, n'hésitez pas à me faire part de vos critiques, ou même à me signaler des fautes d'orthographes.

Sur ce, je m'en vais acheter quelques bières.

La bise.

Le domaine d'Arnheimحيث تعيش القصص. اكتشف الآن