Chapitre 1 : Réveil

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Deux femmes se pressent au-dessus de moi, leurs visages à moitié caché par des masques chirurgicaux. Une lumière au plafond m'éblouit. Je n'arrive pas à respirer, j'essaie d'inspirer, la bouche ouverte, mais pas une seule bouffée d'oxygène n'entre dans mes poumons. Je veux hurler, pleurer, arracher le visage de ces femmes qui me sangle à une table. Soudain, les ténèbres.

Je me sens lourde, je ne peux pas bouger. Je suis consciente, mais j'ai l'impression de ne plus avoir de membres. On me traîne, par les bras.

Ouvre les yeux, ouvre les bon-sang ! Me hurlé-je à moi-même.

Un hurlement que seul mon esprit peut percevoir. Il fait noir, il fait chaud. L'air est lourd, j'essaie de capter les odeurs, mais je ne sens rien. A nouveau, les ténèbres.

Je hurle et lutte contre un homme vêtu de noir. Son visage est caché derrière un casque noir mat, la lumière rouge du plafond se reflète sur sa visière comme les flammes de l'enfer. Où suis-je ? Il fait noir, j'ai peur, je me débats comme une lionne. L'homme m'attrape par les chevilles et me fait glisser sur le dos entre ses jambes. Je suis fichue, je ne comprends pas ce qu'il se passe. Il lève son poing au-dessus de sa tête, et j'ai juste le temps de le voir abaisser sa main à toute vitesse vers mon visage, avant que les ténèbres m'emportent.

Je me lève d'un bond en position assise, en aspirant tout l'air qu'il m'est possible d'emmagasiner dans mes poumons. Des perles de sueurs glissent sur mon front pour couler dans mes yeux, qui même ouverts ne perçoivent rien. Je suis dans le noir le plus total, à même le sol. Je le sais, car je sens la pierre dure et chaude sous mon corps. J'halète, et n'arrive pas à calmer mes respirations bruyantes. Je sens mes cheveux longs, trempés de sueurs, se coller contre la peau de mon visage. Où suis-je ? Tout en essayant de me calmer, je dégage ma figure en calant mes cheveux mouillés derrière mes oreilles. J'essuie mon visage comme je peux avec mes mains moites, tremblante de peur. Je ne dois pas céder à la panique, je ferme les yeux et essaie de réguler les battements de mon cœur. D'abord, je dois déterminer où je suis, et si je suis seule. Je respire le plus silencieusement possible pour entendre le moindre bruit. Je perçois comme un grésillement, lointain, mais bel et bien là. J'étends mes bras tout autour de moi pour sentir ou toucher éventuellement quelque chose.

Rien.

Je dois bouger, essayer de me lever. Mes jambes me font un mal de chien, mes chevilles en particulier. Un souvenir me revient, cet homme qui me tirait au sol. Par peur, je me mets debout et plis les genoux, prête à me défendre. Je ne sens pourtant aucune présence autour de moi. Je recule lentement, les bras fouettant l'air, espérant toucher quelque chose. Finalement, ma main se cogne contre un mur. Je me plaque contre celui-ci, et de la paume de la main le caresse. Je ne sens rien de particulier, je vais essayer de le longer. J'avance, posant mes pieds nus un a un sur le sol prudemment, une main toujours contre la cloison. Finalement, au bout de quelques minutes, je touche un objet en plastique, posé contre le mur. Je devine un interrupteur, et ferme déjà mes yeux pour ne pas me brûler la rétine, avant d'appuyer sur le bouton. Comme un éclair, la lumière jaillie d'un coup, d'un blanc immaculé. Je pousse un léger grognement, même les yeux fermés, la lumière me fait mal.

Maintenant que je suis accommodée, j'observe l'endroit où je me trouve. C'est une toute petite pièce, carrée. Le sol est fait de béton, et les murs sont couverts de peinture blanche, tout comme le plafond. Face à moi, j'observe une petite table en inox, qui trône au centre de la salle. Il n'y a rien d'autre, c'est complètement vide. Je m'approche timidement, et découvre un appareil posé sur la table. Un mot me vient : tablette. L'objet doit faire une vingtaine de centimètres de long. Je la prends entre mes doigts encore tremblants, et comme par réflexe, je clique sur l'écran noir où se reflète la lumière du plafond. L'objet s'éclaire, et me montre la photo d'un ciel bleu parsemé de nuages. Au centre de la photo, une flèche dans un cercle clignote, comme pour me dire de déverrouiller l'objet. Je pose mon index sur la flèche, et la fait glisser vers le haut de l'écran. La tablette se déverrouille, et je découvre une vidéo mise en pause. L'image est celle d'une ombre sur fond bleu clair. Que dois-je faire ? Ceci n'a pas été posé là par hasard. J'appuie de l'index sur le petit triangle en bas à gauche de l'écran et la vidéo se lance.

« Bonjour à tous, commence une voix caverneuse que je devine provenir de l'ombre. Vous devez vous demander ce que vous faites ici et ce qu'il se passe. Ne vous inquiétez pas, je vais répondre à vos questions. Chaque année, nous choisissons cinquante jeunes pour devenir les sauveurs de notre monde. Vous n'étiez que des moins-que-rien, des orphelins, des prisonniers, nous vous offrons une seconde chance, une nouvelle vie. Vous êtes les élus ! Nous avons peu de temps alors commençons rapidement. Vous disposez tous d'un bracelet électronique à votre bras. »

J'observe le mien, et mets immédiatement « pause » sur la vidéo. Je ne l'avais même pas remarqué avant. Il est large d'environ cinq centimètres, et je dispose d'un petit écran sur lequel je peux lire : cent-huit minutes. Je ne vois aucun moyen de l'enlever, et me demande d'ailleurs comment on a pu me l'enfiler. Je décide de continuer la vidéo pour en apprendre plus.

« Vous ne devez pas les enlever, et je ne vous le conseille pas. Ils nous permettent de contrôler que tout va bien pour vous, et ils vous sont indispensables. Pour l'instant, ils doivent afficher un compte à rebours, je vais vous expliquer à quoi il sert. Vous êtes tous dans un grand bâtiment spécial. C'est ici que nous jugeons si vous êtes dignes ou non d'être les élus, nous évaluons vos aptitudes. Nous effectuons ces évaluations d'une manière un peu spéciale nous direz-vous, mais c'est le seul moyen de savoir si vous êtes digne ou non. Nous avons introduit dans le bâtiment avec vous des... comment dire... des obstacles. Ce sont des robots créés dans le but de tuer quiconque s'approche d'eux. Pour réussir l'évaluation, c'est simple, il vous suffit de sortir vivant du bâtiment dans un temps impartit, vous avez deux heures. Tous les coups sont permis, faites tout ce que vous voulez, tant que vous sortez vivant. Ah ! J'allais oublier, pour vous motiver, si vous n'êtes pas sortis à la fin du temps impartit, vos bracelets vous injecterons un poison mortel ! Ah ah ah ! Bonne chance mes chers enfants, le spectacle promet d'être fascinant ! Vous pouvez... ».

Complètement paniquée, je ne le laisse pas finir et jette la tablette au fond de la pièce, folle de rage. Mais c'est quoi ce bordel ? Qu'est-ce que je fous là ? Des robots tueurs ? Des bracelets empoisonnés ? Une évaluation ? Je m'accroupis au sol, les mains contre mes tempes. Ce n'est pas possible, c'est un rêve, qu'est-ce que je fais là ? Ma respiration s'accélère, mon cœur frappe si fort dans ma poitrine que j'ai l'impression qu'il va en sortir. Des larmes se forment à la commissure de mes yeux, je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas qui je suis, comment je suis arrivée là. Je n'ai absolument aucun souvenir de rien. Je renifle un coup, et une douleur infernale me foudroie l'arête du nez. Je pousse un cri de douleur et touche l'endroit où j'ai mal. J'ai l'impression qu'il est enflé, et je repense à cet homme, il m'avait frappé. J'ai été envoyée de force ici, pourquoi ? Pour sauver le monde, me faire évaluer ? Mais je n'ai rien demandé !

— JE VOUS EMMERDE ! Hurlé-je de toutes mes forces. Vous entendez ?! Allez-vous faire foutre !

Je n'ai que le silence pour réponse. Je ne sais pas quoi faire. J'ai deux possibilités, essayer de sortir et éventuellement mourir en chemin, ou attendre et mourir empoisonnée. Je pèse le pour et le contre, et un constat s'offre à moi. Dans l'une des possibilités, j'ai une chance, aussi infime soit-elle, de survivre. Si je le fais, ce n'est pas pour eux, mais c'est pour moi. Je me tourne et découvre une porte près de l'interrupteur. Je ne l'avais pas réellement remarqué avant, elle est aussi blanche que la pièce, et sa poignée en fer gris semble m'appeler. Je m'avance, tremblante, ne sachant pas ce que je vais découvrir là, derrière. Ma main se soulève au-dessus de la poignée, et doucement l'enserre de mes doigts. Elle est froide, j'ai peur, je ne peux plus bouger.

Aller ! Me crié-je pour moi-même.

Ma main refuse de s'abaisser, je n'y arrive pas. De ma main gauche, je serre mon poignet droit, je peux le faire, je peux survivre. Je prends une grande respiration, et j'ouvre enfin cette maudite porte.

LES SURVIVANTS T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant