L'Adorateur Articulé

Acte I - Malignité - L'Homme Hagard

Je me trouvais dans la station de métro centrale d'Osaka, à une heure de chez moi.

J'étais arrivée en face de mon point de rendez-vous. Il s'agissait d'une petite cafétéria cossue de style européenne, qui était plutôt bien remplie. Je scrutai une partie reculée de l'établissement et y vis un homme hagard, que je devinais le motif de mon trajet.

Je l'avais connu sur un forum Internet, et pus échanger quelques discussions avec lui. Ce fut le genre de type qui me prit pas mal de temps avant que je ne décide finalement de lui faire confiance.

Je m'approchai, puis m'assis face à lui.

Après un bonjour et quelques présentations brèves, nous plongions rapidement dans le vif du sujet. Décidément, il était aussi louche dans la vraie vie qu'en ligne : lorsqu'il me parlait, il n'osait que rarement me croiser du regard, préférant fixer son verre de thé glacé d'un regard vide. Complètement apeuré par la foule qui s'amassait dans nos alentours, il s'arrêtait parfois au milieu de ses phrases.

Un sujet de conversation intrigante. Il m'avait promis des informations sur cette infâme poupée « Maligna », que je convoitais tant depuis une année. Une poupée hantée, dont on évitait à tout prix d'en faire le buzz, de peur que davantage d'âmes sensibles viennent la chercher et connaisse son trauma à tout jamais.

- Je vous... Vous déconseille d'aller la chercher... commença-il par balbutier. Elle ne vous portera que malheur ! Si j'ai accepté de vous rencontrer aujourd'hui, c'était bien pour vous dire une seule chose... arrêtez toutes vos recherches ! Abandonnez, ne serait-ce que pour votre bien !

Je ne me laissais cependant pas impressionner. A ce stade, tout avertissement n'allait plus pouvoir m'influer. Je lui fis plutôt un étrange sourire, comme une médecin légiste devant une nouvelle évidence.

- Je ne suis pas venue aujourd'hui pour vous entendre me dire d'arrêter. Vous avez promis que vous me communiquiez son emplacement. Alors, parlez-moi...

L'homme eut une expression de dégoût. Crispé, il se rapprocha de la table et me chuchota.

- Moins fort !

- Bon, d'accord, d'accord.

- J'ai la carte sur moi comme convenu. Ne vous inquiétez pas.

- Oui, comme convenu. Mais, vous allez d'abord devoir me prouver qu'elle est légitime. Voyons... Dites-moi. J'ai entendue dire que la poupée montrait d'hideuses hallucinations à ses visiteurs. Est-ce que cela à été votre cas ?

Il ne put s'empêcher de faire un nouveau mouvement de recul, et de prendre plusieurs faux départs en se perdant dans des raclements de gorge. Il essayait de rassembler son courage ainsi que ses mots. Mais avec de la persévérance, il finit par y arriver.

- Ce me sera assez difficile, mais je vais essayer de vous raconter ce qui m'est arrivé cette nuit-là. Comme je l'ai dit dans nos précédentes discussions, je trouvai la poupée dans la demeure croupissante d'une sorte de sorcière, au fin fond d'un village abandonné. Cette dernière accepta de me la montrer, et je fus bientôt scotché sur place par sa beauté... Initialement, j'avais déjà envisagé la possibilité de la dérober ; mais une fois que je l'eusse vu, cela devint une obligation.

- Pas très malin. J'imagine que votre plan à échoué ?

- Oh que oui. Le temps d'y réfléchir, puis à attendre un laps d'inattention de la vieille, la nuit finit par tomber. Car à chaque fois que j'essayais de poser mes mains sur l'objet, la vieille dame se trouvait toujours à proximité, comme si... ils étaient liés.