2 Nora

2 0 0
                                    


<<C'est cinquante ans auparavant, le monde était un endroit terrifiant. A cette époque, la race humaine avait déjà subi une longue liste d'horreurs. Sur terre, les pôles avaient de nouveau disparu sous des chapes de glace meurtrières, et les hivers étaient devenus longs et rudes pour un nombres croissant de nations. Les humains avaient été contraints de se replier vers les zones tempérées le long de l'équateur, créant d'importantes vagues migratoires. Des pays avaient été totalement balayés de la surface du globe par les tempêtes cataclysmiques. Cuba, l'Indonésie, l'Angleterre, le Japon. Tous avaient disparu.

La planète entière souffrait, mais les Amériques, selon moi, enduraient plus que leur lot de catastrophes. Les réfugiés venus du Canada étaient porteurs d'une nouvelle souche du virus de la grippe qui terrassa une personne infectée sur quatre. La famine succéda à cette épidémie, puis la seconde guerre de Sécession et ses destructions nucléaires.
Personne ne remporta cette guerre. Les États-Unis cessèrent d'exister. Les survivants se préservèrent comme ils purent, se regroupant pour fonder de nouvelles tribus qui ne reposaient ni sur la race, ni sur la classe sociale, ni sur la nationalité.

Cependant, le pire restait à venir.

Ce fut l'éruption d'un super volcan dans le parc de Yellowstone qui acheva de vider le territoire des États-Unis de sa population. Dans une dernière tentative désespérée pour survivre, plusieurs tribus, parmi les plus puissantes, s'unirent et décidèrent de migrer vers le sud. Il s'agissait de mes ancêtres. Les fondateurs de ma tribu constituaient un groupe hétéroclite. On y trouvait des survivants des armées américaine et canadienne, des conservateurs religieux, dont les femmes portaient de longues jupes et dont les enfants étaient éduqués selon les préceptes de livres que la plupart des gens avaient depuis longtemps oubliés, des membres de la milice mexicaine, des survivalistes, ainsi que des hommes et des femmes intrépides qui se rangeaient toujours sous le drapeau de leur pays disparu. En fait, elle regroupait tous ceux qui avaient réussi à rester en vie.
Mes aïeuls pénétrèrent en Amérique centrale comme l'armée de Gengis Khan, encourageant les populations des terres conquises à les suivre, tandis qu'ils progressaient vers le sud. Ils donnèrent à tous un objectif commun: l'expansion.

Cela fonctionna pendant un certain temps. Au cours des guerres coloniales qui suivirent, mes aïeux se heurtèrent aux tribus d'Amérique latine, qui remontaient vers le nord depuis la Bolivie et le Brésil, et ils parvinrent à s'approprier une belle portion du territoire s'étendant du Mexique jusqu'aux côtes nord de l'Amérique du Sud. Au bout de quelques années, ils comprirent toutefois qu'ils ne pourraient pas aller plus loin. A l'époque où le traité de 2055 fut ratifié, toutes les armées impliquées étaient à bout de forces. La survie était devenue plus importante que la suprématie.
Nous obtînmes donc les terres qui, plus tard, devinrent les Territoires, et les tribus du Sud acceptèrent de se partager le reste. Mon peuple fut déchiré par des luttes tribales, ainsi que par de petites guerres intestines qui éclatèrent ensuite, et  l'évidence s'imposa: les tribus devaient s'associer.

Les Territoires trouvèrent la paix. Les miens s'installèrent et commencèrent à tout reconstruire, tâche dans laquelle ils excellèrent. Au fil des ans, ils ressuscitèrent des technologies que tout le monde croyait à jamais perdues, comme la production et l'utilisation de biocarburants et d'énergie solaire. Ils établirent des routes commerciales et lancèrent des expéditions vers le nord, dans l'espoir d'y trouver des ressources et des antiquités. Leur société n'en restait pas moins primitive et leur pays n'était toujours pas véritablement unifié. Celui-ci se résumait à un enchevêtrement de petites villes et de villages peuplés d'agriculteurs et d'artisans que l'armée gouvernait et protégeait. La première génération creusa les fondations de cette nouvelle civilisation , puis les dirigeants commencèrent à évoquer la nécessité de constituer un véritable gouvernement et de bâtir une vraie nation.

New VictoriaWhere stories live. Discover now