CHAPITRE 23

2K 79 3
                                    

Je vacille ; à l'évidence, j'ai beaucoup trop bu. Cet été, deux litres de vodka seraient passés dans mon foie comme une lettre à la poste, ou presque, mais depuis que j'ai rencontré Kélya, c'est plus aussi simple de boire. En effet, j'ai arrêté de consommer de grandes quantités d'alcool depuis que je la connais. Pourquoi ? Simplement parce-qu'elle est différente. Elle est trop belle pour que j'aie besoin de boire, afin de la désirer. Elle pourrait réchauffer l'intérieur de mon boxer, en me fixant avec l'intensité de ses yeux bleus et son sourire parfumé à la vanille. Elle est radieuse sans maquillage, sans vêtements courts et moulants, elle est la seule fille que je connaisse qui est naturellement sexy. L'alcool ne me manquait pas, car je pouvais m'enivrer d'elle, de sa beauté, du son de sa voix, des mouvements de son corps, de son regard, de son rire, de ses mots. Elle est plus brûlante et plus délirante que de la vodka, ou n'importe quel autre alcool de l'univers d'ailleurs. Elle est devenue la meilleure et la pire ivresse que j'ai connue. Je ne me remet pas d'elle, et je ne sais pas si je m'en remettrais vraiment, un jour. Une chose effrayante me lie à elle, j'ignore ce que c'est, mais ça me fait mal, autant que ça me fait du bien. J'aimerais bien pouvoir dire que je n'ai pas besoin d'elle, mais je mentirais. J'ai besoin d'elle. 

Kélya a passé son bras sous mon épaule, pour que je puisse marcher de manière plus stable. Je ne sais pas pourquoi elle fait ça pour moi, cela me dépasse, après le mauvais coup que je lui ai joué, c'était déjà un miracle qu'elle me réponde au téléphone, surtout à une heure pareille. D'ailleurs, cela aussi, ça m'intrigue, que pouvait-elle bien faire à une heure pareille encore éveillée ? Au téléphone, sa voix ne me semblait pas spécialement endormie, c'est comme si elle ne dormait pas au moment où j'ai fais sonner son téléphone. Kélya fait attention à chaque intersection des rues que nous franchissons, elle vérifie qu'il n'y ait pas de potentiel danger à l'horizon, et nous continuons à marcher, tant bien que mal, malgré le froid et l'obscurité. 

Cela fait pas loin d'une douzaine de minutes que nous marchons, et Kélya n'a pas décroché un mot. Son silence me glace davantage que la faible température extérieure, j'ai besoin qu'elle me parle, avec sa voix douce et rassurante. 

- Tu ne parles pas, dis-je sèchement. 

- Pourquoi dire Gabriel ? répond-elle, lasse. 

- Pas de sarcasme, pas de reproche. Tu es de nouveau décidée à m'ignorer alors. 

Kélya s'arrête net. Après un instant de réflexion, elle rétorque : 

- Tu penses vraiment que je serais venue pour toi cette nuit, si j'étais décidée à t'ignorée, idiot. 

Sa voix reste douce, bien que l'on discerne un soupçon d'irritation dans chacun des mots qu'elle prononce. 

C'est à mon tour de demeurer silencieux. OK, je suis bourré, j'admet mais il n'y a pas que ça. Kélya ne voulait plus m'adresser la parole, et cette nuit, elle est venue me récupérer, à pieds, alors que je suis ivre, dans un quartier dangereux de la ville, sachant qu'elle ne connait pas vraiment Paris. Je viens de réaliser qu'elle avait pris des risques pour moi, mais pourquoi ? J'aimerais savoir ce qui la lie à moi de cette manière, mais je ne suis actuellement pas en état d'avoir cette conversation. 

Nous marchons encore une bonne paire de longues minutes silencieuses, avant de s'arrêter devant un grand bâtiment en pierre. C'est l'hôtel où séjournent Kélya et sa famille pour le week-end, je présume. Elle pénètre dans l'immeuble, en me tenant toujours fermement le bras. Nous prenons l'ascenseur, bien que la chambre se situe au premier étage, mon état nous y contraint si on ne veut pas passer le reste de la nuit à gravir ces maudits escaliers. 

Le couloir est long et étroit, nous passons à peine les deux côte à côte. Kélya s'arrête devant la porte de sa chambre, et sort une clé de son pantalon afin de déverrouiller la serrure. La porte s'ouvre. C'est une petite chambre, mais confortable. La décoration est assez classique, les murs sont de couleur crème, la commode, le bureau et les tables de chevets sont en chêne. Un grand lit en fer noir trône au centre de la pièce, une porte plutôt étroite se situe en face de la penderie, à l'entrée de la chambre ; il s'agit de la salle de bain j'imagine. 

- Va te laver, tu empestes l'alcool et la fumée, m'ordonne-t'elle. 

- Il est cinq heures du matin, j'irais plus tard, là je veux dormir, ronchonné-je. 

Je me dirige vers le lit, prêt à m'écrouler, lorsqu'elle me recule en posant sa main gauche sur mon torse. Je suis agréablement surpris par son geste, même si je sais qu'il était purement défensif, cela me fait du bien d'avoir sa main sur ma poitrine. Avec l'effet de surprise, mon rythme cardiaque s'accélère, et elle a dû s'en rendre compte, puisqu'elle rougit légèrement. 

Son visage est marqué par de petites cernes qui creusent un peu plus ses yeux, ses cheveux gris, ordinairement lisses et peignés sont relevés en une sorte de chignon rapide.  Elle est belle ; dieu qu'elle est belle. 

- Bon okay j'y vais, cédé-je à sa demande, exaspéré. 

Elle me sourit en guise de réponse. Je me retourne en direction de la salle de bain, mais Kélya m'interpelle : 

- Gabriel. 

- Oui ? 

- Douche toi à l'eau froide, c'est efficace contre les effets d'une cuite, au cas où tu ne savais pas. me conseille-t-elle en souriant. 

- Haha, vraiment très drôle. répondé-je d'une voix ironique, en levant les yeux au ciel.

Elle éclate d'un rire franc. 

Si seulement elle savait comme j'aime quand elle rit. 



Le courage d'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant