Chapitre 7 : Deux mots

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Le soleil étant étouffé par d'épais nuages sombres, l'arrivée de la nuit se remarqua à peine. La luminosité devint un peu plus faible et la lune se plaça haut dans le ciel nocturne. Celui-ci paraissait même moins menaçant que le ciel gris encore présent il y a quelques heures. Les nuages avaient disparu pour laisser place à des étoiles, seuls astres réconfortants dans cette immensité obscure, qui semblaient rappeler qu'il y a toujours de la lumière, même dans les ténèbres les plus profondes. Le quart de lune dans le ciel était comme une lampe qui faiblissait, éclairant autour d'elle avec le peu de forces qu'il lui restait, avant de s'éteindre. Mais ce peu de lumière était déjà rassurant, et guidait dans la nuit ceux qui voulaient s'y aventurer. Mais qui voudrait bien s'aventurer, seul, dans cette pénombre glaçante, où se tapissaient des créatures inconnues ne vivant que durant la nuit ?

Tout le monde était parti se coucher depuis un petit moment, l'agitation et le bruit s'étant complètement stoppés dans l'habitation. Seul le hululement d'une chouette au loin rompait le silence de plomb qui s'abattait sur les lieux. Law avait été très attentif aux moindres bruits dans la maison pour évaluer la disposition des pièces. Il en avait déduit – après avoir entendu Nami et Robin dire bonne nuit en montant les marches des escaliers – que leurs chambres devaient se trouver au premier étage, tandis que celle des garçons – dont la voix s'éloignait plus en descendant – devait se trouver au sous-sol. Évidemment ceci n'étaient que des suppositions, mais Law était plutôt sûr de lui. Le rez-de-chaussée ne devait abriter que les pièces communes, comme le salon, la salle-à-manger et la cuisine, en plus de l'infirmerie. Avant de se coucher, Chopper était passé le voir, lui apporter de quoi boire et des bandages, ayant compris que Law préférait refaire ses pansements tout seul. Il lui avait dit bonne nuit, tout en lui adressant un sourire timide avant de refermer la porte.

Toujours allongé dans son lit, il revoyait défiler dans sa tête les visages de chacun, les ayant tous déjà vu au moins une fois. Il entendait dans ses oreilles, leurs voix, leurs rires, leurs disputes et leurs éclats de joie qui étaient comme des mélodies qui lui oubliaient qui il était et d'où il venait. Mais il devait effacer ces souvenirs de sa mémoire. Mais comment ? A chaque fois qu'il fermait les yeux, et même à chaque fois qu'il sentait son cœur battre, une seule et même image, d'une seule et même personne, accaparait son esprit. Ses mèches noires qui retombaient sur son front, ses grands yeux remplis d'une énergie débordante, son large sourire chaleureux qui lui réchauffait le cœur. Tous ces détails s'étaient gravés sur ses paupières. Et il ne pouvait chasser ces souvenirs de son esprit, qui revenaient d'autant plus vite lorsque Law essayait de les chasser, comme un boomerang que l'on jette et qui revient toujours. Il se trouvait égoïste, de vouloir garder ses souvenirs en lui, car ces derniers lui procuraient de la félicité et du réconfort, sentiments dont il avait le plus besoin. Mais il s'était décidé. Durant cette nuit, il partirait. Il partira. Il ne savait pas encore où il irait. Il ne comptait pas se rendre, évidemment. Il continuerait à marcher, le plus loin qu'il le pourrait, sans jamais se retourner et regarder en arrière, sans jamais regretter, même s'il était rongé par les remords, noyé par ses larmes ou étouffé par ses sanglots.

Law prit dans sa main le petit pendentif qu'il portait toujours sur lui. Il le serra. Cela lui donnait de la force et du courage. Il pensait que rien au monde n'était perdu, tant qu'il y avait de l'espoir. C'était ce que lui répétait sa mère, pour tenter de le rassurer et de se rassurer elle-même. A l'époque, sa petite sœur était gravement malade. Mais sa mère ne perdait pas espoir, même si elle savait – étant un brillant médecin – qu'il n'y avait aucun remède à cette maladie. Elle ne voulait pas faiblir devant ses enfants. Alors elle gardait son tendre sourire maternel pour les rassurer, eux qui étaient encore trop jeunes et trop faibles pour affronter la brutalité et la cruauté du monde qui se dressait devant eux. Parfois Law se demandait s'il y avait bien toujours de l'espoir. Qu'est ce qui, au fond, lui donnait l'énergie pour vivre, jour après jour ? Il le savait parfaitement, mais n'était-ce pas illusoire, que ce souhait de liberté ? Non, elle semblait bien réelle, à en voir par ceux qui l'avaient accueillis. Ils semblaient heureux et parfaitement libres, vivant au jour le jour, ne sachant pas de quoi demain serait fait. Non. Il ne devait pas repenser à eux. Chaque réflexion qui se fabriquait dans sa tête revenait inlassablement à la même fin, comme un lien qui le bloquait, et lui interdisait de partir. Je ne peux pas attendre plus longtemps. Chaque seconde de plus passée ici, est comme un poids qui m'empêche de me lever et qui me retient. Je ne peux pas. Je ne dois pas.

To Be FreeWhere stories live. Discover now