XI. 1943 - Prisonnier de Guerre

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Comme une machine lui compressant le cerveau, Bucky se réveilla durement accompagné de ce mal de tête atroce. Un mal lui ayant presque fait oublier où il était et surtout ce qu'on lui faisait jusqu'à ce qu'il ne croise les yeux de cet appareil au dessus de sa tête. Fermement attaché, Barnes commençait à paniquer. Que lui avaient-ils injecté? Que lui avaient-ils fait pendant son état d'inconscience? En tout cas, il ne portait plus ses vêtements de soldat, à la place, une blouse de patient cachait son corps.

Un corps qu'ils avaient observé. Un corps qu'ils considéraient comme apte au traitement. Mais ça, il ne le savait pas encore.

Le retour d'Arnim Zola lui donna des frissons. Ses poils s'hérissèrent. Son coeur s'accéléra. Sa poitrine se gonfla d'air frénétiquement et l'explusa tout aussi violement. Pourquoi ce sourire? Qu'avaient-ils réussi à faire sur lui?

- Bien le bonjour Sergent Barnes. J'ai l'honneur de vous annoncer que vous êtes le tout premier à avoir supporté la première dose.

- Première... Première dose? Articula-t-il peinement. Première dose de quoi?

Zola attrapa une seringue ainsi qu'un flacon de 5 centilitres au liquide bleu.

- Première dose de ce qui annonce le tournant de l'histoire. (Il piqua dans le flacon, le liquide se retrouvant dans la seringue) Voyez-vous Barnes, j'ai tout de suite su que vous seriez l'élément manquant à nos petites... expériences. Vos prédécesseurs n'étaient pas aussi forts de vous, de corps et d'esprits, ils ne possédaient pas la moitié de vos ressources. (L'aiguille se planta dans l'avant-bras gauche de James) Grâce à nous, vous serez un homme amélioré.

- Amélioré...? Vous... Les posters... Ce type sur les murs, vous croyez vraiment pouvoir créer un surhomme?! Rit-il nerveusement.

- Créer? Non. Reproduire? Bien sûr. Et si l'on en croit vos histoires américaines, à chaque superhéros son supervillain. Quel heureux hasard que vous soyez un protecteur de cette terre qu'on appelle Amérique!

La douleur lui reprit. Progressive. Plus lente que la veille. Son organisme commençait à assimiler le liquide étranger... Ou alors peut-être que c'était ce liquide qui changeait son métabolisme tout entier.

Ils voulaient faire de lui le méchant de l'histoire. Et malgré ses efforts pour combattre sa douleur, rien n'y faisait. Il succombait au fur et à mesure des heures. Il perdait la notion du temps. Combien de jours s'étaient écoulés? Quelle heure était-il? Combien d'entre eux demeuraient vivants? Où se trouvait-il? желание Que lui restait-il encore? Combien de temps à vivre? Il entendait cette voix, comme un fond sonore. Un chuchotement oppressant dans une langue qu'il ne connaissait pas. Elle était agressive et brute à l'oreille. Si choquante qu'il en avait retenu un seul mot vide de sens. желание Lui seul revenait sans cesse parmi la liste. Il en était le premier... Et Barnes demeurait le seul à le retenir entre ses 16 prédécesseurs. 

Il avait perdu la notion du temps, mais il savait que plusieurs jours s'étaient écoulés, seul dans cette salle de torture. Il n'hurlait pas de douleur, ou du moins pas encore. Il restait allongé, bridé par les lanières à présent en cuir car son état était si lamentable qu'il ne pouvait bouger seul. желание Mais lorsqu'il entendit dans un écho lointain des bruits de pas et le frottement de vêtements, James comprit bien vite qu'aujourd'hui allait être un autre jour. Un nouveau le coupant de sa routine inédite. Les brides en cuirs lui furent retirer. Quelques jours plus tôt il aurait pu trouver la force de puiser dans ses ressources mais il n'en avait plus. 

Personne ne viendrait le sauver. Et Steve allait devoir se construire une vie sans lui.

Lamentable. Il se sentit lamentable. Une honte affligeante quand les médecins fous durent l'habiller car son corps semblait être sous sédatifs si puissants qu'il en avait perdu l'usage de sa langue natale. Il répétait en boucle le mot. Le premier. желание Il ne savait dire que ça. желание Un gémissement navrant ouvrant la voie de la réussite d'Hydra.

Enfin il réussit à tenir debout. Sa tenue de Sergent lui avait été remise afin d'observer ses réactions. Mais Bucky n'en avait plus aucune. Le titillement de sa plaque contre son torse durant sa marche chancelante n'éveillait en lui aucune riposte. Pas un souvenir. Il avait arrêté de se battre. Il se savait foutu. Arrivé dans une grande salle, un soldat de l'Hydre était planté au milieu de la pièce. Barnes prit relativement conscience de ce qui l'attendait tout en sachant qu'il lui manquait des pièces du puzzle afin de comprendre la suite à venir. 

- Battez-vous, lui ordonna Zola. 

Se battre? Il ne tenait même pas sur ses jambes! Et en face de lui, l'homme se mit en position, des appuies solides et les mains prêtes au contact. Tout le contraire de Barnes qui se battait contre la gravité afin de garder l'équilibre répartie dans ses jambes. Il fut poussé par un autre soldat l'incitant au milieu du ring. Le combattant ne lui laissa guère le temps, déchaînant un crochet du droit qu'il se prit en plein visage. Son nez coula. Sa tête tourna de plus belle. Son torse le fit souffrir lorsque le pied de son adversaire le heurta. Pendant plus de cinq longues, très longues minutes les coups s'enchaînèrent et il n'en esquiva aucun. Le bruit lourd de son corps butant le tapis froid et dur emplie la salle, cisaillant le silence de glace. Puis sa respiration vint rythmer la pièce d'un souffle fractionné et douloureux. Il glissait sur le sol comme un animal pitoyable.  

Il n'avait rien d'un monstre de guerre. Mais cette affiche sur le mur lui rappela que c'était leur objectif. Faire de lui cette horreur. Et qu'ils ne lâcheraient pas contrairement à lui qui l'avait déjà fait. Il ne pouvait quitter des yeux le héros caricaturé en arme vivante, ce héros que Steve aurait voulu devenir. Ce héros, Bucky l'incarnait à ses yeux. Et un héros n'abandonne jamais. Même dans la pire des situations. Il devait essayer. Une dernière fois. Saisir cette barre de fer sur cette vieille machine de musculation et frapper au visage son ennemi qui tomba raide au sol, prit par surprise.

Il fallut cinq hommes armés pour calmer la bête qu'Hydra venait tout juste de commencer à créer.

Et déjà, la réussite se lisait dans les yeux de Zola. Il savait qu'il venait d'accomplir quelque chose qui changerait l'histoire. Il savait que devant lui se débattait l'avenir d'un monde. La dose de sédatifs ne fut jamais aussi conséquente pour calmer un homme. Les brides de fer furent de retour et même avec tout ça, le Sergent Barnes continuait de murmurer dans un état de semi-conscience. Il tentait de se rappeler d'une chanson qu'il connaissait. Qu'il avait entendu dans ce bar, à Brooklyn... Il ne se rendait compte que maintenant de l'importance de cette chanson. Des vibrations du disque et de la musique qu'il aimait tant, un verre de scotch à la main. 

- We'll meet again... Don't know where... Don't know when... But I... (Une larme roula le long de sa joue) I know we'll meet again... some... Sunny day...

Un rire lui prit. Un petit rire, se souvenant de Steve ne supportant par l'alcool. Rêvant d'une vie qu'il n'aura probablement pas. D'une famille qu'il n'aura jamais.

- Keep smiling... through just as you always do... Till the blue skies drive the dark clouds far away.

Continuer de sourire. Comme il l'a toujours fait. Jusqu'à ce que le ciel bleu conduise les nuages sombres loin d'ici.

Song : Vera Lynn - We'll meet again

Past of a Soldier 彡 Bucky BarnesWhere stories live. Discover now