Chapitre 14 : Branle-bas de combat

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Haru, qui avait profité de la pause pour retrouver Aelis, put enfin reprendre son souffle. Pour une fois, tous les gardes, novices et écuyers étaient rassemblés; hormis les gardes de nuit pour les raisons habituelles. Ils étaient ainsi rassemblés dans la place centrale, transformée en arène. L'entraînement était total, chaotique et brutal. Le principe était simple: défendre sa peau. Chacun pour soi et pas de quartiers. 

Des armes en bois de tous genres étaient disposées au sol , et la menace venait de partout. Toute personne dans l'arène était un adversaire. Il fallait donc pouvoir se battre efficacement tout en restant conscient de son entourage, un adversaire pouvant arriver de n'importe où. Cet entraînement poussait au dépassement de soi et mettait tous les sens en éveil. Haru avait les nerfs à vif. Ici, il n'était plus question de réfléchir, mais de réagir. Il avait eu du mal à s'adapter à ce genre de mêlée où tout se déroulait sans qu'aucun plan ne soit établi. Les écuyers, dotés de réflexes de combat et bien plus forts que la moyenne avaient un net avantage. Les blessés ou vaincus étaient sortis de l'arène mais pouvaient y retourner à tout moment. Et pourtant, dans ce chaos privé de toute cohérence, Haru avait aperçu une novice qui semblait dans son élément. Pour la première fois, il l'avait regardée,encapuchonnée, l'air ébahi. C'était la première fois qu'il la voyait ainsi: si à l'aise, si détendue... Telle un albatros ayant enfin quitté le sol pour rejoindre les airs. C'est cela, elle était aérienne. 

Habituellement irritée, coincée dans un rythme quotidien trop régulier et trop lent, Aelis semblait s'épanouir au milieu de ce carnage. Les sens en éveil, virevoltant d'adversaire en adversaire, distribuant les coups sans être touchée. Elle faisait penser à un vieux conte qui datait d'avant l'unification du continent. Yriss, déesse des querelles et du chaos venait parfois danser sur les champs de bataille, terrassant les meilleurs guerriers des deux camps selon ses envies. 

Ainsi, lorsque le combat repris, Haru se plaça en retrait pour pouvoir observer Aelis évoluer. Elle ne parait jamais, esquivant les attaques au dernier moment pour asséner à leurs auteurs des contre-attaques tourbillonnantes. Haru fut alors percuté par un écuyer qui avait remarqué son air distrait.

Se relevant rapidement, Haru constata qu'il s'agissait bien de Roxolan. Il récupéra sa perche, la serrant des deux mains. La brute allait évidemment profiter de la cohue générale pour pouvoir le massacrer sans attirer l'attention. Haru avait beau avoir appris à encaisser et à supporter la douleur, il n'avait aucune envie de se laisser démolir par Roxolan, aussi tourna-t-il les talons pour mettre le plus de distance possible entre lui et l'écuyer.

Alors qu'il tentait de mettre le plus de distance possible entre lui et l'écuyer, Haru fut frappé d'un coup à la tête qui le fit tomber au sol. En levant la tête, il s'aperçut que c'était Aelis qui lui avait porté ce coup. Croisant son regard, elle réalisa qui elle venait de frapper et s'excusa rapidement en lui tendant la main.

"Ben dit moi Haru, je sais que tu n'est pas à l'aise dans de telles mêlées, mais où t'allais comme ça ?"

Comme unique réponse, Haru lança un regard réprobateur en direction de Roxolan qui se frayait un chemin à coup  de matraque dans leur direction.

Suivant son regard, Aelis comprit ce qui se passait et, au grand étonnement de Haru, elle s'élança vers le colosse. Éberlué, le jeune homme vit son amie atteindre l'écuyer et lui porter une rafale de coups qui eurent le mérite de l'arrêter. Outré par l'audace de l'attaque, Roxolan oublia sa cible l'espace d'un instant. Il se concentra sur celle qui, telle un moustique, s'escrimait, frappant de part et d'autre tout en prenant garde d'éviter les répliques de son adversaire. Le combat s'éternisait. Roxolan, bien que vif et puissant, peinait à prévoir les mouvements d'Aelis, et cherchait avant tout à lui porter des coups. Cette dernière avait donc le champ libre pour faire pleuvoir sur son opposant une pluie d'attaques précises et efficaces tout en parvenant à éviter les coups de l'écuyer, trop prévisibles.

Vint cependant un moment où Roxolan parvint au hasard à anticiper le manège de la jeune fille encapuchonnée. Il parvint à saisir son poignet et lui porta alors un coup dévastateur précédé d'un bruit sinistre de côtes brisées.

Son adversaire neutralisée, il se souvint alors de sa cible prioritaire et envoya Aelis valser dans sa direction. Haru, qui juste là était resté subjugué par la dextérité de son amie, poussa un cri de rage en la voyant blessée. Il la rattrapa avant qu'elle ne s'écrase au sol et opta pour la retraite. Aelis dans ses bras, il courut en direction de l'extrémité de l'arène au milieu de la mêlée générale aveugle de l'arène.

Arrivant à porté de voix du chevalier Thibault, il le héla, prévenant que son amie était gravement blessée et qu'un écuyer les poursuivait néanmoins. Thibault analysa rapidement la situation et s'interposa alors entre les deux gardes et l'écuyer en pleine charge. Il somma se dernier de s'arrêter sur le champ, mais dans la cohue et emporté par l'ivresse du combat, celui-ci n stoppa pas. Le choc fut brutal.

Thibault ne bougea pas d'un pouce tandis que l'écuyer s'écrasa au sol. Le chevalier avait réceptionné la charge de manière époustouflante et sa technique ainsi que sa force avaient clairement surpassé la fougue du jeune écuyer lors de l'impact.

"Tu devrais apprendre à te controller, Roxolan, ou tu ne seras jamais chevalier"

Lâcha-t-il d'un ton moralisateur avant de se retrourner vers les deux gardes.

"Emmène-la à l'infirmerie, je vais garder Roxolan à l'oeil."

Haru hocha la tête et se pressa en direction du dit bâtiment, portant Aelis, désormais inconsciente dans ses bras. Roxolan n'avait pas raté son coup. la cage thoracique  d'Aelis était enfoncée et Haru avait peur qu'une côte ait perforé ses poumon. Profitant de l'inconscience de son amie, Haru se permit de contempler son visage brûlé qu'il avait peu eu l'occasion de voir.

Tout en courant, il réalisa que la partie inférieure du visage était nettement moins marquée que la première fois qu'il l'avait vue.

"Merci, murmura-t-il les yeux embués par des larmes naissantes. Merci de m'avoir sauvé."

Cytad'ailesWhere stories live. Discover now