Celui qui règle les problèmes

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La jeune femme observa la cabine à la dérobée, fuyant ses pupilles. Patient, Elliot la laissa terminer son inspection sans broncher – la brusquer après sa lourde confidence était à éviter. Les conclusions qu'elle tirait de son lieu de vie l'intriguaient, mais il n'osa pas l'interroger.

De l'extérieur, son vieux bateau amarré ne payait pas de mine, et de l'intérieur... il n'était pas davantage plus reluisant. N'en étaient ses efforts de décoration afin de rassurer ses clientes, ses meubles étaient défraîchis, des grincements survenaient sans cesse et son mauvais éclairage lui donnait un aspect lugubre. Chaque détail transpirait la pauvreté et indiquait sa maigre qualité de vie.

Une grimace manqua déformer ses traits. Il devinait à la façon dont sa visiteuse était vêtue qu'elle évoluait dans un cercle aisé. Son époux, dont il escomptait qu'elle lui révélerait l'identité, était probablement fils de noble ou de marchand ; quelqu'un de fortuné par sa naissance. Il soupçonnait que son environnement immédiat la rebutait, qu'elle ne serait pas venue chez lui si elle se pensait apte à régler son problème en interne.

Elle posa ses yeux sur sa jupe au tissu violet, épousseta sa pèlerine du bout des doigts. Son attitude trahissait sa gêne et sa nervosité. Elliot aurait parié qu'elle se demandait si elle avait eu raison de se confier de la sorte, si quémander son assistance était une solution valable, voire prudente. L'idée d'être chez un charlatan en quête d'argent lui effleurait l'esprit.

Il se racla la gorge pour capter son attention, puis adopta sa voix la plus douce et posée :

— Si vous me fournissez les renseignements qu'il me faut, Mrs Forster, je vous promets que votre malheur sera bientôt de l'histoire ancienne. Vous hésitez, je le sens, mais...

— N'y voyez pas d'offense, bredouilla-t-elle, la situation est... délicate.

— Sachez que je ne vous forcerai pas. La décision vous revient. Si par ailleurs vous doutiez de mon efficacité ou de mes méthodes, je peux vous mettre en contact avec une ou deux ex-créancières qui acceptent que je divulgue leur nom à des personnes qui souffrent autant qu'elles ont souffert.

Mrs Forster opina avec lenteur.

— M'autorisez-vous à vous poser une question ?

— Je vous y encourage, affirma-t-il.

— Hormis la somme que je suis prête à vous verser, pour quelle raison m'aideriez-vous, Mr Cox ?



Le corps inerte était encombrant, lourd à traîner. Elliot expira bruyamment ; ses muscles lui hurlaient qu'il n'avait plus vingt ans et l'imploraient de se reposer.

Fourbu, il vérifia que les alentours étaient déserts, lâcha les aisselles de sa victime en veillant à ce que sa tête ne cogne pas le sol. Il attrapa ensuite sa montre d'une main engourdie et soupira de soulagement. Il avait de l'avance, une pause était possible.

S'arrêter n'était pas prudent. Néanmoins, il doutait de croiser âme qui vive dans ces rues décrépies où les bâtisses étaient à l'abandon. Non, les uniques témoins de son larcin seraient les rats.

Elliot s'étira avant de s'adosser contre une façade. Il surveilla l'inconscient du coin de l'œil – mieux valait s'assurer qu'il ne revienne pas à lui de sitôt – et souffla le temps de recouvrer une respiration normale.

Il frotta alors ses paumes entre elles, se remit en route, et pria pour que son second rendez-vous soit à l'heure.


Celui qui règle les problèmesWhere stories live. Discover now