- Comme me persuader de prendre mes distances ?

Il m'enlaça sans un mot avant de déposer un baiser dans mes cheveux.

- Il n'y a pas de raison qu'il me le suggère, tempérai-je d'une voix douce en cherchant ses yeux. Et quand bien même, il n'y a aucune chance pour que je l'écoute.

Luc me lança un sourire en coin tandis que mon cœur se mettait à battre la chamade. J'aimerais ajouter que je tiens trop à lui, qu'il me rend trop heureuse pour accepter de mettre fin à cette idylle, mais cette perspective de me livrer totalement m'effrayait. Il n'y avait pourtant aucune raison, il connaissait très bien mes sentiments pour lui. Formuler tout ce qu'il représentait pour moi à voix haute rendrait tout cet attachement trop puissant et j'avais peur de lui donner trop d'emprise en lui avouant que je n'étais plus sûre de pouvoir vivre sans lui à présent.

Je pris une douche, me délassant de toutes mes angoisses de la veille, tout en évitant soigneusement d'y penser. Physiquement, ça avait été très intense et je ressentais encore quelques courbatures dans mes mollets et ma nuque. Je n'avais pas envie de renouveler l'expérience de la crise d'angoisse aussi, j'appréhendais les prochains moments où Luc et moi serions très proches. Je devais me maîtriser. Je devais trouver un moyen d'y arriver. Hors de question que Laurent ruine ma relation naissante avec Luc. Je poussai un juron tandis que je me séchais, réalisant que j'étais encore en train de penser à cet être abominable. Je me brossai les dents, tâchai de me coiffer correctement et quittai la salle de bain pour trouver Luc, pratiquement prêt à partir.

- Parée ?

Je hochai la tête, attrapai mes bottes et il m'aida élégamment à enfiler mon manteau, puis nous partîmes.

En chemin, il m'attrapa la main et joua avec mes doigts tout en conduisant. Je me remémorai le dernier trajet en voiture que nous avions fait ensemble avant celui-ci et me souvenai de ma brusquerie lorsqu'il m'avait touché la main. Quel chemin parcouru depuis ce soir-là !

La neige était encore tombée pendant la semaine, fait assez exceptionnel pour un début de novembre. La couche était si épaisse que, lorsque le chasse-neige était passé pour repousser le manteau neigeux sur le bord de la route, il avait créé des murs de plus d'un mètre de haut de chaque côté de la chaussée. Les rares piétions que nous croisions étaient désormais obligés de marcher sur la route, le trottoir ayant été intégralement enseveli.

Luc se gara sur un parking aux abords d'une immense et sombre forêt, nous dissimulant du soleil. Une poignée de voitures se trouvaient déjà là, je compris qu'il s'agissait vraisemblablement d'un endroit assez fréquenté. Luc m'offrit sa main, que je saisis avec hâte et il me guida à travers un petit sentier, tout juste visible à travers la végétation. Ici, les conifères étaient si hauts et si proches les uns des autres que la neige n'était pas parvenue jusqu'au sol, recouvert d'aiguilles et de pommes de pin.

J'ignorais totalement où nous allions et je réalisai avec stupeur que ça m'importait peu. Je m'abandonnais à lui de manière totalement improbable. Je reconnaissais cependant la dangerosité de cet abandon. Qu'adviendra-t-il de moi lorsqu'il se sera lassé ? Lorsqu'il voudra rependre sa vie avec une femme de son âge avec ses enfants à lui offrir ? Je secouai la tête et me focalisai sur la grande main chaude qui couvrait la mienne. Tout ce qui importait, c'était profiter de l'instant présent. Au même instant, j'aperçus les rayons du soleil passer à travers les branches de sapins et nous passâmes les derniers arbres.

Le spectacle était époustouflant. La dense forêt enneigée avait laissé place à une immense plaine toute recouverte de blanc au centre de laquelle un lac de montagne gelé partiellement couvert de neige régalait les quelques aventuriers ayant sortis leurs patins et qui faisaient des cercles au centre de l'étendue de glace. J'observai leur ballet un instant, émerveillée par l'habileté de certains qui se risquaient à faire des pirouettes plus élaborées. Parfois non sans échec, mais ils se relevaient et se lançaient à nouveau sans appréhension.

Ne pleure pas mon angeUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum