Chapitre 2

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J'ai sursauté si fort au son de cette voix que mon pied a glissé de la rambarde et j'ai du m'agripper le plus fort possible au parapet pour ne pas tomber à la renverse. J'ai tout à coup senti des mains dans mon dos qui m'ont aidé à me relever. J'ai fait un bond en arrière, terrifiée. J'ai alors fait face à un garçon de mon âge ou peut être un peu plus vieux avec un large sourire sur les lèvres. Il avait les yeux si clairs que je parvenais à les voir malgré la pénombre.

- Je t'avais dis de ne pas faire ça.

Il avait l'air parfaitement détendu, comme si rien ne venait de se passer, comme si ce n'était pas bizarre qu'un homme m'ait ''sauvé'' d'une chute en pleine nuit. Je ne savais même pas s'il s'était rendu compte que je me méfiais de lui comme la peste. On se regardait, lui avec un sourire narquois, moi avec un regard sceptique. Mais étrangement je n'ai pas voulu lui montrer de faiblesse et j'ai pris mon air le plus détaché.

- Je ne comptais pas sauter.

Il éclata de rire. Un rire cristallin qui n'avait pas l'air de pouvoir sortir de la bouche de quelqu'un de dangereux.

- Je sais bien ! Sinon tu serais déjà morte !

Ce mot me fit perdre ma fausse confiance en moi et je déglutis.

- Qu'est-ce que tu en sais ?

- Parce qu'on ne passe pas trois quarts d'heure à regarder le fond de l'eau quand on veut vraiment en finir.

- Quoi ? Tu m'espionnais ?!

Savoir que quelqu'un me regardait depuis tout ce temps me donna des frissons.

- Fallait bien que je regarde si tu allais sauter. Tu sais combien ça coûte la non-assistance à personne en danger ?!

Il était d'une désinvolture qui me surprenait et m'agaçait même légèrement.

- Je ne t'ai rien demandé, tu peux partir.

- Ah non, maintenant je suis impliqué, je ne peux plus me sauver !

Pourquoi était-il si.. gentil ?

- De toute façon je vais rentrer chez moi, il se fait tard et je n'aime pas rester dehors la nuit.

Malgré cette invitation à me laisser tranquille, il insista.

- Je suis obligé de te raccompagner chez toi, imagine qu'il t'arrive quelque chose entre temps et que demain dans le journal je vois ta photo avec marqué ''disparue'', je me sentirais coupable !

Où allait-il chercher tout ça ? Et toujours avec ce sourire sur le coin des lèvres. Je ne sais pas pourquoi mais ce garçon avait quelque chose qui émanait de lui et qui inspirait confiance. Et puis j'avais l'impression que quoi que je puisse dire ou faire, il ne partirait pas tant qu'il n'aurait pas fait son ''devoir''. J'ai croisé les bras et je l'ai observé. Il avait des cheveux noirs comme le geai et une bouche fine dont le côté gauche remontait légèrement à cause de son amusement. Je remarquai que, malgré le froid, il n'avait pas de manteau. Une simple veste en cuir sur une chemise bleu pétrole, une fine écharpe noire, un jean et des chaussures de ville. Je comparai ma tenue à la sienne et je me suis dis qu'il devait être fou. Malgré mon écharpe en grosse maille, mon pull XXL et mes bottes, j'avais toujours froid moi. Voyant son sourire grandissant à mesure que je le détaillais, je décidai de faire demi tour et de rentrer à la maison. Je l'entendis se mettre en route à son tour. Pendant une petite partie du trajet il était derrière moi me suivant seulement comme s'il avait peur de me déranger, puis je le sentis à côté de moi. Je n'osai pas le regarder.

- Tu sais, je ne vais pas te manger.

Je lui jetai un coup d'œil méfiant.

- Oh ne te vexe pas ! Tu dois être délicieuse ! Mais ce soir je n'ai pas très faim, le froid sans doute !

Cette fois-ci, je m'arrêtai totalement et l'examinai. Il se mit à rire très fort et finalement sa plaisanterie réussit à coller un sourire sur mes lèvres gercées. Je me remis en route, pour éviter de geler sur place. J'avais envie de dire quelque chose mais le problème c'est que je ne savais pas quoi. Je pris mon courage à deux mains.

- Qu'est-ce que tu faisais sur ce pont tout à l'heure ? Je l'interrogeai, regardant droit devant moi.

- Question que je pourrais te retourner.

- Mais je l'ai posé la première.

Je l'entendis sourire, vous savez ce petit souffle qui s'échappe de votre nez lorsque vous souriez. A croire qu'il ne faisait que ça. Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu quelqu'un rire à côté de moi, j'avais presque oublié la sensation de bien être que cela procurait.

- Il est vrai. Et bien disons que j'aime bien me promener lorsqu'il commence à faire nuit. J'aime être tranquille et me promener autour du lac, regarder les étoiles, tout ça quoi.

- Même en plein hiver ?! Je m'étonnai.

Encore un rire cristallin.

- Oui, même en hiver. Je ne crains pas vraiment le froid, c'est une chance.

- Je n'ai jamais rencontré quelqu'un pouvant se balader en simple veste par -10 degrés ! J'affirmai.

Je tournai la tête et croisai son regard d'un bleu presque blanc. J'avoue que ses yeux étaient assez perturbants, je n'en avais jamais vu d'aussi clairs et d'aussi beaux.

- Observatrice en plus, s'amusa-t-il. C'est vrai que comparé à toi je fais tâche dans le décor hivernal !

Il se tût un instant puis repris.

- Et toi, qu'est-ce que tu faisais sur ce pont à cette heure-ci ?

Évidemment, je n'aurais pas pu échapper à la question.

- Disons que j'aime bien me promener aussi.

Ma réponse sonnait faux et cela l'amusa encore beaucoup.

- Et disons que je me contenterais de cette réponse puisqu'on ne se connaît pas encore !

''Pas encore'' ? Il pensait que l'on se reverrait ? Je m'aperçus qu'on était à deux pas de ma maison, je m'arrêtais.

- On est arrivé.

Je ne savais trop quoi dire. Le remercier, lui dire bonne nuit ?

- Ce fut un plaisir de vous ramener entière à la maison très chère. Très jolie maison d'ailleurs.

- Merci..

Cette maison était un achat récent. Après le drame, j'avais décidé de tout revendre que ce soit maison, voitures, actions ou entreprise. J'avais voulu remettre ma vie à plat avec de nouveaux souvenirs à construire. Finit les femmes de ménage et les voituriers. Mais j'avoue que cette maison, aussi jolie soit-elle, était grande pour une seule personne. J'avais pensé à l'avenir, si jamais un jour j'avais une famille à abriter.

- J'espère qu'on se reverra à l'occasion, dit-il avec entrain. Pas dans les mêmes circonstances j'espère.

- Merci en tout cas, je murmurai légèrement gênée.

- Pas de quoi.

Il me tendit la main.

- Au fait, je m'appelle Damon.

J'hésitai un court instant puis la serrai.

- Elena.

Et si c'était ça, la réalité.Where stories live. Discover now