Prologue

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Ses yeux sombres rivés sur la route sinueuse et la joue mordue par ses canines aiguisées, Namjoon essayait de contenir sa colère grandissante. Ses longs doigts fins s'appliquaient à reproduire sur le volant le rythme agacé des pieds de Seokjin contre le sol de la voiture en mouvement. Les deux jeunes hommes ne semblaient pas décider à briser le silence dans lequel ils avaient plongé l'habitacle. Ils essayaient de digérer les désagréables paroles qui avaient été prononcées et qu'ils ne tarderaient pas à regretter. Ils finissaient toujours par regretter leurs mots.

« Pourquoi tu te sens toujours obligé d'agir comme un sombre fils de pute ? s'énerva le passager. »

Une grimace énervée déforma les traits harmonieux du conducteur. Il n'avait jamais apprécié les excès de colère de son amant. Namjoon se retenait de lui cracher quelques mots acerbes au visage. Lui répondre n'avait aucun réel intérêt. Il ne comptait pas accentuer sa rage et se contentait de garder un silence glacial. Il ne savait pas s'il en était réellement capable. S'insulter copieusement était devenu une mauvaise habitude. Ils passaient une grande partie de leur temps à se hurler des insanités. Et, même s'ils finissaient toujours par se réconcilier sur l'oreiller, cette situation devenait rapidement usante.

« Je n'agis pas comme un fils de pute, siffla-t-il.

-J'espère que tu veux rire, s'énerva l'autre garçon. T'as toujours des trucs à me reprocher. Et maintenant, t'agis comme un copain jaloux alors que ça fait facilement une semaine que tu me laisses en plan. »

Kim Namjoon jeta un regard haineux à son adorable copain avant de reporter immédiatement son regard sur la route. Il sentait son sang bouillir dans ses veines. Il ne devait pas s'énerver et répondre à son attaque. Cela risquait d'empirer la situation et il ne le souhaitait pas. Seokjin ne semblait cependant pas décider à enterrer la hache de guerre. Il continuait de lui adresser d'ignobles insultes. Les ignorer devenait de plus en plus complexes. Namjoon savait qu'il n'avait pas le sang-froid nécessaire pour garder son calme. Il arrivait à sa limite.

« Tu veux savoir quelque chose, Seokjin ? gronda-t-il alors que ses yeux quittaient la route et qu'il perdait toute notion de sang-froid. Vas en enfer ! »

Si les yeux sombres de son amant avaient eu la capacité de tuer, Namjoon ne serait certainement plus de ce monde. Seokjin attendait seulement qu'il détourne le regard, intimidé par leur noirceur, comme cela arrivait la plupart du temps. Il refusait de lui apporter cette satisfaction. Une vague ombre apparut aux abords de son angle mort et Seokjin observa la route. Ses yeux s'écarquillèrent immédiatement d'horreur. Namjoon eut uniquement le temps d'apercevoir la vague forme d'une barrière de sécurité avant que leur voiture ne la percute violemment.

*

Ce fut avec les paupières lourdes, la bouche pâteuse et les muscles endoloris que Kim Namjoon se réveilla. Un geignement plaintif quitta ses lèvres sèches alors qu'il ouvrait ses yeux sombres sur le plafond de la pièce. Le blanc pur de celui-ci brûla ses rétines et, grognant d'inconfort, il referma aussitôt ses paupières. Il mit plusieurs longues et interminables minutes à s'accommoder à ce plafond qui était trop clair pour être celui de sa chambre.

Les sourcils froncés dans une moue perplexe parfaitement ridicule, Namjoon tenta de se redresser. Ses mouvements se faisaient réellement lents et il ne se sentait pas capable de soulever son propre poids. Un vague soupir de résignation s'échappa de ses lèvres à demi-closes alors qu'il abandonnait toute idée de se remettre debout. Il entreprit alors d'observer minutieusement la pièce, toujours allongé sur ce lit peu confortable.

Namjoon comprit rapidement qu'il se trouvait dans une chambre d'hôpital : les bips incessants d'une machine à sa gauche, les rideaux fins qui le séparaient d'un autre patient et l'immonde tenue inconfortable qu'il portait étaient des indices satisfaisants. Il ne parvenait cependant pas à se souvenir des événements qui l'avaient conduit dans cette pièce aseptisée. Le jeune adulte se rappelait vaguement d'une grosse dispute et d'un bruit sourd et désagréable.

obliviateWhere stories live. Discover now